Chapitre 20
Le pic de la Charogne
Sur le pont de commandement de l’Exécutrice, Tarkin attendait que Vador termine une holocommunication privée avec l’Empereur.
— Le vice-amiral Rancit est convaincu que les dissidents ont l’intention d’attaquer l’académie impériale de Carida dans une ultime opération-suicide, l’informa Vador lorsqu’il émergea de l’une des fosses de contrôle. Le vice-amiral a reçu l’autorisation de redéployer autant de vaisseaux qu’il lui semblera nécessaire et commandera lui-même tous les éléments de la force opérationnelle.
Tarkin émit un rire dédaigneux :
— Le baroud d’honneur des dissidents ?
— Oui, dissidents ou pas d’ailleurs. L’Empereur a prêté une oreille attentive à votre théorie selon laquelle ses anciens alliés seraient devenus des ennemis.
— Je suis soulagé de l’entendre, Seigneur Vador. Nous sommes donc tous les trois du même avis ?
Vador hocha solennellement la tête.
— En effet.
Tarkin esquissa un sourire d’autosatisfaction.
— Une navette attend pour vous conduire à la frégate.
Vador acquiesça d’un nouveau signe de la tête puis commença à s’éloigner, avant de s’arrêter et de se retourner vers Tarkin.
— Dites-moi, gouverneur, pourquoi avoir choisi d’appeler la corvette le Pic de la Charogne ?
Tarkin ne cacha pas son étonnement.
— Ce nom lui a été donné en référence à un site géographique d’Eriadu unique en son genre, Seigneur Vador.
Lorsqu’il se rendit compte que le Seigneur Noir attendait de lui une explication plus complète, il ajouta :
— Permettez-moi de vous accompagner jusqu’au hangar de votre navette.
Tandis qu’ils marchaient côte à côte, Tarkin commença à raconter à Vador ses visites annuelles au plateau de la Charogne lorsqu’il était adolescent, les épreuves qu’il avait subies là-bas, ainsi que l’entraînement suivi sous la houlette de ses aînés et de divers guides. Vador écoutait avec attention, l’interrompant de temps en temps pour lui demander des éclaircissements ou davantage de détails. Alors que Tarkin s’exécutait de bonne grâce, une partie de lui se fit la remarque que c’était un sentiment très étrange d’avoir une vraie discussion avec le Seigneur Noir. Au cours des derniers jours qu’ils avaient passés ensemble, leurs échanges s’étaient limités à quelques phrases et se déroulaient généralement à sens unique. Le masque de Vador n’y était pas pour rien car il compliquait le déroulement de la conversation. Mais en cet instant, les regards fréquents qu’il posait sur le gouverneur suggéraient une écoute attentive ; aussi Tarkin continua-t-il de parler, témoignant de ses expériences sur le plateau tandis qu’ils remontaient la grande coursive centrale de l’Exécutrice en direction de la navette.
— À seize ans, je connaissais le plateau presque aussi bien que les terres de la maison familiale à Eriadu City, raconta Tarkin. Il y avait une zone que nous évitions, néanmoins : une vaste étendue de savane interrompue par quelques îlots de forêt touffue. Mais ce n’était pas une zone interdite à proprement parler. En fait, en diverses occasions, j’ai compris que si mon oncle nous faisait faire de si longs détours, c’était pour me donner un aperçu du territoire. À chaque fois, il m’expliquait que nous n’étions pas les seuls prédateurs alpha du plateau. Et même s’il ne faisait aucun doute que nos blasters nous donnaient la possibilité d’éliminer tous nos concurrents, un acte de cette nature irait à l’encontre de la préservation de la pureté originelle du plateau. L’un des objectifs de la formation consistait à me faire comprendre comment me placer au sommet de la chaîne alimentaire par l’usage de la peur plutôt que de la force, et comment maintenir au mieux ma position. Le territoire que nous semblions toujours contourner allait servir à m’enseigner une nouvelle leçon, car y régnait notre principal rival sur le plateau : un groupe constitué d’une centaine de primates particulièrement dangereux.
Il marqua une pause pour jeter un regard à Vador.
— Avez-vous déjà entendu parler des veermoks ?
Vador hocha la tête.
— J’ai déjà eu à faire à cette espèce, gouverneur.
Tarkin attendit qu’il en dise plus, mais Vador resta silencieux.
— Eh bien, vous savez donc déjà à quel point une seule de ces créatures peut être féroce, alors en groupe, n’en parlons pas. Il n’existe guère d’animal capable de rivaliser avec elles sur le plan de l’intelligence comme de la force brute. Mais l’espèce que vous connaissez n’est probablement pas la même que celle que l’on trouve sur Eriadu. Le veermok d’Eriadu mesure un mètre de haut, mais sa peau est lisse et non couverte d’une fourrure laineuse ; c’est un animal plus social que solitaire, qui défend son territoire avec ardeur. Il est plus adapté aux conditions arides du plateau qu’aux étangs ou aux zones boisées et humides. À l’instar de l’espèce la plus répandue, il est doté de griffes aussi tranchantes qu’un rasoir, d’une gueule pourvue de crocs tout aussi acérés et de la force musculaire de dix humains réunis. Ses bras et son torse puissants semblent être faits pour l’escalade, mais le veermok d’Eriadu est rarement arboricole. À l’image de tous ses semblables, cependant, c’est un carnivore rapide et vorace. Au centre du territoire contrôlé par le groupe se dresse une colline haute de cent mètres qui a tout d’une véritable forteresse de pierre. Elle est couronnée d’une flèche à quatre faces mesurant près de vingt mètres, composée de verre volcanique noir et aplatie au sommet : une hampe érodée par le temps, très certainement constituée de magma brutalement refroidi, à l’instar des rochers qui la soutiennent.
Vador le regarda :
— Le pic de la Charogne ?
— Précisément. Sans que Jova ait eu besoin d’en dire plus, j’ai peu à peu compris que le pic serait le lieu de mon épreuve finale.
Vador interrompit sa respiration cadencée pour émettre un grognement d’approbation.
— Votre épreuve du feu.
Tarkin hocha la tête.
— J’étais au milieu de ma deuxième saison sur le plateau lorsque Jova m’a indiqué le pic pour la première fois, mais mon… épreuve du feu, comme vous dites, n’allait se dérouler que quatre ans plus tard. Lorsque ce jour arriva, il m’expliqua ce qu’il attendait de moi : je devrais simplement passer une journée entière sur le pic, tout seul. Je n’aurais ni nourriture, ni eau, et ne serais autorisé à emporter qu’une vibrolance comme celles que nous utilisions au cours de certaines de nos chasses.
— Une vibrolance ?
— Une arme à électrochocs plus longue et plus légère qu’une pique de force. Elle possède la même vibrolame à l’extrémité, mais est équilibrée de telle façon qu’elle peut aussi être lancée à la manière d’un javelot. La mienne ne devait être équipée que d’un nombre limité de charges, même si Jova n’avait pas spécifié combien. Dans tous les cas, si je pouvais accomplir cela – passer une seule journée sur le pic – mon épreuve finale serait derrière moi, et je ne serais plus contraint de revenir sur le plateau de la Charogne, à moins bien sûr que je n’en éprouve le désir.
— Vous avez dû penser que ce serait une tâche facile.
— Au début, en effet, reconnut Tarkin. Jusqu’à ce que Jova m’autorise à observer la colline et la flèche avec des macrojumelles.
— Cela vous a ouvert les yeux.
— Jova m’a dit que je pouvais prendre autant de temps que nécessaire pour évaluer la situation et décider du plan d’action à adopter, et j’ai passé une bonne partie de ma sixième saison sur le plateau à ne faire que ça. La première chose consistait à apprendre à mieux connaître mon ennemi, ce qui m’a tenu occupé au cours des deux premières semaines. Caché dans la forêt ou dans les hautes herbes de la savane, j’observais la routine des veermoks, qui variait rarement d’un jour sur l’autre – ou peut-être serait-il plus exact de dire d’une nuit sur l’autre, car c’est à ce moment-là qu’ils émergeaient des grottes de leur colline pour prendre part à des chasses communautaires. Le festin qui s’en suivait occupait une bonne partie du reste de la nuit, parfois sur le site même de la mise à mort, parfois de retour dans les grottes où les femelles nourrissaient leurs petits à la peau grise. Au retour de la lumière et de la chaleur, les mâles grimpaient jusqu’au sommet de la colline pour s’étaler sur les rochers situés au pied du pic, que je n’ai jamais pu examiner en détail, même avec les macrojumelles, car la colline était le point culminant de la zone sur des kilomètres et dans toutes les directions. En milieu d’après-midi, les veermoks entamaient leur descente, se rassemblaient à un point d’eau pour s’y abreuver, puis recommençaient le cycle de leur routine. Le point d’eau devint ma zone d’observation favorite, et c’est là que je commençai à faire connaissance avec certains membres du groupe. L’élément dominant était un mâle à rayures sombres, de taille imposante et le corps couturé de cicatrices, à qui je donnai le nom de Maître. Au cours de mes semaines d’observation discrète, je l’ai vu être défié à intervalles réguliers. Parfois, il s’agissait de combats à mort, mais la plupart du temps, Maître laissait ses rivaux s’éloigner en claudiquant, honteux mais autorisés à rester dans le groupe. Comme il était impossible de le vaincre, la compétition faisait rage parmi ses subordonnés pour se rapprocher de lui. D’une certaine manière, ces combats servaient autant d’entraînement que de démonstration de supériorité. Maître enseignait aux mâles plus faibles que lui, conscient qu’il lui faudrait un jour abandonner sa position pour le bien du groupe. Les autres comprenaient cela et, en conséquence, suivaient son exemple en toutes choses. Je ne pense pas cette espèce capable de pensée abstraite, ni même vraiment douée de conscience, mais ils communiquent bel et bien les uns avec les autres grâce à un langage complexe constitué de gestes et de vocalisations. Un second mâle avait attiré mon attention : un veermok plus jeune et plus petit qui semblait toujours se trouver dans l’ombre de Maître, de sorte que c’est ainsi que je l’ai baptisé. Ombre suivait constamment Maître et l’observait à une distance respectueuse. Parfois, Maître ne supportait pas d’être scruté de la sorte et chassait l’importun ; d’autres fois, il tolérait la présence du jeune veermok et le laissait essayer d’apprendre de lui. Ce qui m’intéressait le plus, cependant, c’était qu’Ombre jouissait de sa propre cour : un sous-groupe composé de huit jeunes mâles qui l’accompagnaient partout où il allait. Maître les tolérait également tant qu’ils gardaient leurs distances, ce qu’ils ne manquaient jamais de faire, battant en retraite au moindre coup d’œil qu’il jetait dans leur direction. Ce fut au point d’eau qu’Ombre et sa clique commencèrent à s’intéresser à moi. Ils m’observaient les observer, et se mirent à m’étudier comme une curiosité apparue à l’orée de leur domaine soigneusement délimité. Rassasiés de leur précédente nuit de chasse et ne me considérant pas comme une menace, ils ne manifestèrent pas la volonté immédiate de me tuer. À cette époque de ma vie, je n’avais jamais entendu parler de la possibilité de domestiquer un veermok, mais je savais que certaines personnes utilisaient ces créatures comme animaux de garde, et j’envisageai alors d’établir une sorte de partenariat avec eux. Je me disais que je pourrais peut-être me servir d’eux comme d’alliés, en quelque sorte, que ce soit pendant ma journée au pic ou au moment de m’en échapper ; aussi, chaque jour, essayais-je de m’approcher un peu plus d’eux, pour les voir systématiquement me repousser jusqu’à la ligne invisible marquant la frontière de leur terrain de chasse. Lorsque j’estimai en avoir assez vu, je me suis attelé à lister les différents défis auxquels j’allais devoir faire face : atteindre le sommet de la colline, escalader le pic, et repartir – en supposant que j’aie survécu jusque-là. Ni Jova ni aucun des autres ne me proposèrent leur aide. Pour me rendre jusqu’à la colline, il suffirait que je me déplace pendant que les veermoks seraient dans leurs grottes. Je n’aurais qu’à émerger du bosquet le plus proche de la colline, traverser une étendue de savane et me frayer un chemin à travers les rochers jusqu’au sommet. Il n’y aurait pas d’ombre ni nulle part où me reposer, et certaines des crevasses séparant les rochers semblaient assez profondes pour m’engloutir tout entier. Si je ne parvenais pas sain et sauf au sommet avant que les veermoks sortent de leurs grottes, il y avait de fortes chances pour que je sois mis en charpie sur la colline. Le pic en lui-même posait des problèmes d’une autre nature. Les rebords de la colonne de verre volcanique semblaient assez aiguisés pour trancher le tissu, le cuir animal ou la peau humaine. Je conçus donc une sangle faite à partir d’une courroie en fils de duranium trouvée parmi les pièces de rechange du vieux speeder que nous utilisions de temps en temps ; et à partir de cette même courroie, je fabriquai d’épaisses semelles pour mes bottes et des rembourrages de protection pour mes mains. Je savais que, bien que musclées, les jambes des veermoks ne leur permettaient pas de bondir jusqu’au sommet du pic, mais un problème demeurait : comment rester une journée entière sur la cime plane ? D’autant que Jova avait laissé entendre que les veermoks pouvaient reporter leur nuit de chasse jusqu’à ce qu’ils se soient occupés de moi. La vibrolance était là pour faire face à cette éventualité, bien que l’arme ne contienne pas assez de charges pour tuer ou étourdir tous les mâles. Pire encore, la vibrolance n’éveillait en eux aucune crainte. Lors de confrontations que nous avions eues avec des veermoks solitaires, ils ne s’étaient montrés aucunement effrayés, pas même face aux blasters, et s’étaient souvent révélés assez agiles pour esquiver les rayons. Ajoutons à cela qu’il allait falloir que je redescende le long du pic et me fraye un chemin jusqu’au pied de la colline, puis que je traverse la savane dans l’obscurité. C’est à cette étape que certains de mes prédécesseurs avaient échoué. Jova disait que je verrais sans doute ce qui restait de leurs ossements, éparpillés çà et là, comme si le pic était une sorte de reliquaire de la famille Tarkin. Afin de me donner un avantage, j’ai passé des journées à manier la pelle – pendant que les mâles se prélassaient sur la colline et que les femelles s’occupaient des petits dans les grottes – pour creuser une série de pièges et de fosses le long de ce que j’avais choisi comme itinéraire pour m’échapper. Certains n’étaient rien de plus que de gros trous, d’autres avaient le fond hérissé de pieux acérés. Puis le jour est arrivé. J’ai traversé les herbes hautes, puis gravi vivement les rochers poreux à grain fin. Un seul faux pas et je pouvais me briser la cheville ou me retrouver définitivement coincé entre deux blocs. Des insectes venimeux m’attaquèrent depuis leurs nids cachés ; des colonnes de fourmis urticantes jaillirent de collines de leur fabrication ; des serpents secouèrent les anneaux de leur queue en guise d’avertissement. La chaleur m’assommait. La nature avait conspiré pour faire de la colline l’ultime bastion contre la technologie et la civilisation ; un lieu conçu pour mettre à l’épreuve la détermination de vaincre et l’instinct de survie d’un être doué de conscience. Mais je tins bon. Le pic se dressa devant moi tel un paratonnerre, planté dans une flaque solidifiée de verre noir. Je fis passer la sangle autour de la base et, posant les épaisses semelles de mes bottes contre les rebords, me hissai lentement, progressant de quelques centimètres à la fois. L’ascension fut beaucoup plus longue que je ne l’avais prévu et j’eus tout juste le temps d’atteindre la cime plate et légèrement inclinée lorsque arrivèrent les premiers veermoks. M’apercevant au sommet du pic, assis en tailleur, la vibrolance dépassant derrière mon épaule, ils commencèrent à bondir sur place et à tourner autour de moi en grognant dans une agitation croissante, l’air hésitant, attendant peut-être que Maître leur donne des instructions. Au milieu de l’affolement général, Ombre, lui, se contenta de s’accroupir pour m’observer, communiquant avec les membres de sa clique par des claquements de langue et des vocalisations. Finalement, Maître fit son apparition et, levant les yeux, me dévisagea avec fureur – ou peut-être même avec haine – pour l’avoir mis ainsi à l’épreuve à une heure si matinale. Je me suis demandé si certains de mes ancêtres avaient survécu en tuant le veermok dominant, dans l’idée de dissuader les autres. Mais je ne pensais pas que ça pourrait marcher ; pas avec Ombre qui attendait patiemment de prendre la relève. Comme s’il pensait que le seul pouvoir de sa voix suffirait à me déloger de mon perchoir, Maître rugit plus fort que tous les autres réunis. Après tout, c’était à lui que revenait le devoir de se débarrasser de cet intrus. Mais avant qu’il puisse passer à l’action, Ombre émit une nouvelle série de claquements vocaux qui poussèrent ses acolytes à lancer, de tous côtés, une attaque contre le pic, leurs griffes meurtrières rayant le verre volcanique dans un crissement qui mit tous les nerfs de mon corps à vif. Comme s’ils cherchaient à détourner mon attention, certains firent des gestes de feinte tandis que d’autres sautaient aussi haut que leurs jambes le leur permettaient. Ils rugissaient et faisaient grincer leurs grosses dents triangulaires, mais je refusai de céder à la peur. De plus, quelque chose d’inhabituel était en train de se passer. Chaotiques, les attaques des sbires d’Ombre n’avaient rien à voir avec les manœuvres bien coordonnées que je les avais vus mettre en place pendant leurs chasses. Toute cette agitation fit entrer Maître dans une colère noire. Cherchant à rétablir l’ordre, il frappa les jeunes mâles qui se jetaient contre la base du pic ou qui essayaient d’agripper les parois de verre. Il fit couler le sang chez quelques-uns, mais se révéla incapable de les contrôler. Je jetai un regard vers Ombre, juste à temps pour l’entendre émettre un grognement sourd et mélodieux, et aussitôt les jeunes mâles se tournèrent vers Maître, crocs et griffes sortis, un objectif précis en tête. L’espace d’un instant, le vieux champion veermok sembla trop perplexe pour réagir, presque comme si cette attaque communautaire violait leur code de conduite, contrevenait à une règle spécifique à leur espèce. Rapidement, cependant, il comprit qu’il allait devoir se battre pour sauver sa peau, et donna tout ce qu’il avait pour se défendre, tuant trois des jeunes mâles avant que les autres finissent par avoir raison de lui. Et tout le temps que dura le combat, Ombre ne bougea pas un seul muscle.
— Un assassinat, déclara Vador. Et vous avez fourni la diversion dont ils avaient besoin.
Tarkin opina du chef.
— L’occasion qu’ils attendaient depuis longtemps.
— Et le prétendant… Ombre ?
Tarkin poussa un soupir.
— J’ai laissé aux veermoks quelques instants pour exalter leur nouveau chef puis, sans autre délai, l’ai tué d’un jet de lance. J’aurais pu tout aussi bien lâcher une bombe sur la colline. Si l’instant précédent, les jeunes veermoks se sentaient un peu perdus face à leur victoire contre Maître, ils se comportaient maintenant comme s’ils n’avaient plus personne vers qui se tourner. Sans un chef, un véritable héritier, ils étaient en proie à une sorte de deuil perplexe, de désespoir quasi existentiel. Ils se laissèrent tomber à plat ventre et levèrent les yeux vers moi dans une attente presque docile. Je ne leur faisais pas confiance, mais n’eus d’autres choix que de descendre du pic au coucher du soleil, et tandis que je me frayais un passage parmi eux pour retirer ma lance du corps inerte d’Ombre, pas un seul ne laissa échapper ne serait-ce qu’un grondement. Ils me suivirent même jusqu’au pied de la colline.
— Quelle a été la réaction de votre oncle ? demanda Vador.
— Jova a dit qu’il était content de me voir revenir en un seul morceau, d’autant qu’il avait parié avec les autres que mes os iraient rejoindre ceux de mes ancêtres.
Tarkin marqua une pause avant d’ajouter :
— Le lendemain matin, le groupe de veermoks a abandonné la colline et le pic. Ils ont quitté le plateau et on ne les a plus jamais revus.
— Ils n’ont pas su anticiper les risques qu’ils prenaient en s’attaquant à leur chef, commenta Vador.
— Exactement.
— Vous êtes donc le dernier Tarkin à avoir passé cette épreuve.
Le Moff hocha la tête.
— Cette épreuve spécifique, oui.
Lorsqu’ils furent arrivés au hangar de la navette, Tarkin accompagna Vador jusqu’au pied de la rampe.
— Bon voyage, Seigneur Vador. Veillez à transmettre mes hommages au prétendant.
— Soyez-en assuré, gouverneur.
Vador inclina sèchement la tête, puis, dans un tourbillon de sa cape noire, disparut au sommet de la rampe et Tarkin repartit en direction de la passerelle de commandement du Destroyer Stellaire.