Postface
Cet ouvrage est un roman dont les héros, Bernard
de Cazenac et Alix de Turenne, ont réellement existé. Le
chroniqueur catholique Pierre des Vaux de Cernay, dans son
Histoire des Albigeois, n’a pas de mots
assez durs pour stigmatiser le couple, accusant Bernard de couper
les mains et les pieds et de crever les yeux des hommes qu’il
capturait, tandis que son épouse, Alix, coupait les seins et les
pouces des femmes. L’époque était rude et, dans les deux camps, on
ne faisait pas de quartier. Le chroniqueur anonyme de la
Chanson de la croisade, favorable aux
cathares, donne de Bernard de Cazenac un portrait bien différent,
lorsqu’il vient porter secours au comte de Toulouse : il est le
preux chevalier, de parfaite droiture et d’enviable sagesse. Quant
à Alix, avant de s’adonner à la mutilation des prisonnières, elle
est chantée par les troubadours comme un modèle de beauté,
d’honnêteté et de culture.
C’est cette contradiction
que j’ai cherché à traduire dans ce roman, entre des êtres à la
fois épris d’art et de beau langage, chantant l’amour courtois, et
capables d’effroyables barbaries. Cette personnalité se retrouve
également chez Simon de Montfort, le chef des croisés, modèle idéal
du chevalier français et responsable des pires atrocités. Ni ange
ni bête, ces hommes et ces femmes du Moyen Âge vivent leurs
passions dans l’instant ; on pourrait presque dire, dans
l’instinct.
Les historiens ne parlent plus d’Alix de Turenne
après le passage de la croisade en Périgord. Quand à Bernard de
Cazenac, après sa participation à la défense de Toulouse en 1218,
où il joua un rôle de premier plan et assista à la mort de
Montfort, on perd sa trace vers 1230, dans l’entourage du Parfait
Bernard de Lamothe. Il était tentant d’imaginer la conversion du
guerrier cathare, dont la brutalité n’avait rien à envier à celle
des croisés, en religieux non violent. Quant au destin tragique de
Blanche, fille de Bernard et d’Alix, il est rapporté par une
légende périgourdine.
Le fond historique décrit dans cet ouvrage est
parfaitement conforme à la vérité, même si j’ai dû déplacer
certains épisodes pour les besoins du roman. J’ai conservé, pour
des raisons pratiques, les mots « cathare » et « Parfait » qui
appartenaient au vocabulaire des ennemis des « Bons Chrétiens ».
Pour la documentation, je me suis servi, bien sûr, de mon livre,
Le Pays cathare, publié chez
Ouest-France, mais aussi de La Chanson de la
croisade albigeoise, traduite par Henri Gougaud (le livre de
Poche) et de Cathares et Vaudois en Périgord,
Quercy et Agenais de Richard Bordes (L’Hydre). D’autres
titres font figure de référence :
La Vie quotidienne des cathares du
Languedoc de René Nelli (Hachette), Les
femmes cathares d’Anne Brenon (Tempus), et, du même auteur,
Le vrai visage du catharisme
(Loubatières), L’Épopée cathare de
Michel Roquebert (Privat), Le
Catharisme de Jean Duvernoy (Privat), Braises cathares de Michel Jas (Loubatières),
Cathares, la contre-enquête d’Anne
Brenon et Jean-Philippe de Tonnac (Albin Michel) et Catharisme et Chrétienté de José Dupré (La
Clavellerie).