PAR DELA LES MURS DU SOMMAIRE…

Personne n’en doute plus : la science-fiction contemporaine est devenue le genre littéraire le plus intelligent en cette seconde partie du XXe siècle. Si UNIVERS vient s’ajouter à une liste importante de revues de S.F., c’est pour publier ce que cette S.F. a de plus intelligent, de plus achevé, de plus délirant, de plus agressif. J’y inviterai – puisque me voilà promu Faiseur d’UNIVERS – les auteurs dont l’univers personnel rend le nôtre plus intelligible. Ces Ailleurs et ces Demains que la S.F. contemporaine feint de nous proposer, ce sont bien entendu des Ici et des Maintenant, souvent peu déguisés. UNIVERS sera donc l’écho de ce mouvement.

Harlan Ellison est le plus connu des auteurs de la nouvelle école américaine. Ses anthologies et ses nouvelles brillantes, audacieuses, en font le plus remarqué de sa génération. Pour ce texte il a obtenu le Hugo 1974 de la meilleure novelette à la Discon II (Convention mondiale de Washington). Comme toujours chez Ellison, c’est un texte complexe, où plusieurs éléments s’interpénètrent, mais où tout s’unifie vers la fin.

Fred Pohl, vieux briscard de la S.F. américaine, est connu pour ses textes progressistes, souvent empreints d’humour et de férocité. Vingt ans après, ce texte reste étonnamment moderne.

L’avant-garde n’existe pas : Barry Malzberg en est depuis huit ans, il est donc la « garde », comme Ellison et quelques autres. L’immense majorité de l’arrière-garde tient encore bien sur ses pattes malgré tout. Malzberg a eu la flemme d’écrire un roman entier, il en publie donc le plan tel quel, ce qui donne une nouvelle bien assez longue pour comprendre son propos.

Dominique Douay, comme l’indique son nom, est un des auteurs français qui écrivent le plus joliment. A la Convention française d’Angoulême, il a obtenu le prix de la meilleure nouvelle pour Thomas (Fiction n°249). Après ses courtes histoires, voici son premier texte important, inspiré par les événements du Chili.

Bob Shaw, lui, nest pas un de mes auteurs favoris. Néanmoins, il exploite dans ce court récit d’humour une veine nouvelle pour lui, très curieuse : certains trouveront que ce texte est abominablement réactionnaire (il l’est), d’autres qu’il est très gauchiste-au-second-degré (il l’est aussi) ; c’est un des miracles de la S.F.

Gordon Eklund est un poète, tous ses textes en témoignent. Dans cette variation sur Moby Dick, il allie le lyrisme de certains auteurs de New Worlds à un thème proche des récits les plus désespérés des années 1940-50 : un bon mélange.

Je ne présenterai pas A.E. Van Vogt, connu de tous. Voici simplement un de ses textes les plus récents.

Van Vogt et Michel Demuth ont un point en commun : tous deux ont cessé d’écrire pendant quelques années et ont été bien regrettés. Demuth a fini par s’arracher un peu à la rédaction de Galaxie pour se remettre à écrire et reprendre sa place parmi les meilleurs auteurs français.

Norman Spinrad est sans doute le plus spectaculaire de tous les auteurs actuels. Son originalité ne vient pourtant pas de là. En fait, Spinrad est très difficile à saisir. Si vous plongez trop profondément dans son texte, attention : on n’en revient pas toujours bien portant du côté mental – lire de la S.F. peut être très dangereux, c’est bien connu.

Pour vous reposer, voici la curiosité du trimestre, un « round-robin » d’auteurs quasi-mythiques, que vous présente Jacques Sadoul. Si le principe vous plaît, je publierai la suite avec plaisir.

Enfin, Jean-François Jamoul et Jean-Pierre Dionnet vous parlent de leurs sujets favoris, avec leurs talents respectifs ; j’aime bien les enthousiastes, surtout quand ils sont intelligents et quils ont bon goût. Et puis Sadoul vous parle des morts du trimestre, avant qu’ils ne disparaissent tout à fait dans l’espace-temps aristotélicien. C’est fou ce que Sadoul connaît de gens célèbres, il a dû commencer tout petit. Cet UNIVERS 01 se clôt par un tableau des parutions françaises récentes, c’est la note d’espoir après les nécrologies – il y a sûrement une intention cachée là-dessous.

Yves FREMION