ÉPILOGUE
Le Mordekai’s Light, un vaisseau appartenant à l’Adeptus Mechanicus, dérivait lentement en orbite géostationnaire autour d’Hydra Cordatus. Sa coque, dont la surface noire et lisse n’offrait pas le moindre reflet, s’étendait sur plus d’un kilomètre et ne ressemblait en rien aux vaisseaux de la Marine Impériale.
Ce genre de navire était conçu pour être rapide et furtif.
Accoutrés de robes sombres, des adeptes du Dieu de la Machine s’affairaient sur le pont de commandement imprégné d’une entêtante odeur d’encens, manipulant avec déferrement les divers instruments destinés à guider le vaisseau.
À l’extrémité de la profonde nef se tenait derrière son autel de commandement le haut magos Kuzela Matrada. Il observait avec attention les ruines encore fumantes de la citadelle projetées sur l’écran qui lui faisait face. La puissante forteresse n’était plus. Ses bastions étaient effondrés, ses remparts réduits à l’état de gravats mais surtout, les précieuses glandes progénoïdes qu’elle protégeait avaient disparu.
L’étendue du désastre était incommensurable et ses répercussions seraient désormais l’affaire des plus hautes autorités de Terra et de Mars.
Une lumière se mit à clignoter sur le tableau de bord devant lui. Il pianota sur un clavier pour faire apparaître l’image crépitante d’un personnage encapuchonné. Le magos Sarfian cherchait à le joindre depuis la surface de la planète.
— Oui ? demanda Matrada.
— Vous aviez raison, haut magos. Le laboratoire est vide et les glandes progénoïdes ont disparu.
— Toutes ?
— Oui, toutes, confirma Sarfian.
— Avez-vous trouvé des survivants ?
— Non seigneur. Seulement des corps. Vu les décombres et le degré de destruction, il semble évident que les combats ont du être acharnés par ici.
— Avez-vous effacé tout signe de l’implication de notre ordre sacré ?
Sarfian acquiesça.
— La caverne a été purifiée par le feu et les bombes à fusion.
— Très bien, revenez sur le vaisseau, nous allons nettoyer la totalité du site depuis l’orbite.
— Bien, seigneur.
Matrada coupa le lien et ouvrit un canal vers son officier d’artillerie. Oui, tout ceci était un désastre, mais il devait s’assurer que personne n’en sache jamais rien.
— Chargez les coordonnées et préparez-vous à faire feu sur mon ordre.
Le soldat Hawke descendait la pente rocailleuse de la montagne. Il souffrait de malnutrition, de déshydratation et de brûlures au second degré. Il avait vu l’ennemi s’engouffrer dans la citadelle et massacrer les derniers membres de son régiment avec un affreux sentiment d’impuissance. Une fois la citadelle entre leurs mains, les Iron Warriors avaient quitté les lieux avec leur célérité habituelle.
De toute sa vie, jamais Hawke ne s’était senti aussi seul. Depuis le départ des forces ennemies, le silence lui portait sur les nerfs. Le grondement constant de l’artillerie s’était tu, de même que les cris lointains des combats. Et ce n’était que maintenant que tout était fini qu’il réalisait à quel point tout ceci avait été omniprésent ces derniers temps.
Dans la plaine en dessous, pas une âme ne bougeait, et il en avait plus qu’assez. Il était parvenu à mettre la main sur quelques rations de survie, des tablettes d’hydratation et heureusement, une poignée de pilules de décontamination, le tout issu des quartiers de l’équipage des torpilles.
Une fois la bataille terminée, il avait entrepris le long trajet vers la vallée, qui n’était plus désormais qu’un champ de mort recouvert de poussière et de sang séché. Il ne savait pas ce qu’il ferait lorsqu’il l’aurait atteinte, mais ça valait toujours mieux que de rester dans les montagnes.
Il en était à son troisième jour de voyage et se reposait à l’ombre d’un gros rocher lorsqu’il avait aperçu le vaisseau. Ce dernier avait volé à basse altitude le long de la vallée avant d’aller atterrir derrière les remparts dévastés de la citadelle.
Bien qu’il sût qu’il se trouvait beaucoup trop loin pour être entendu, il s’était mis à crier à pleins poumons en dévalant la pente à toute vitesse. Mais il était à plus d’une journée de la citadelle et il avait fini par s’effondrer, hors d’haleine et les poumons en feu.
À peine avait-il repris son souffle qu’il avait poursuivi son voyage, plus déterminé que jamais. Après cinq heures de progression en terrain accidenté, les moteurs de l’engin s’étaient à nouveau fait entendre. Il avait observé l’imposant vaisseau s’élever au-dessus de la citadelle et disparaître dans le ciel cramoisi.
« Oh ! Non, non ! Reviens, reviens ici sale bâtard ! », avait-il hurlé vainement jusqu’à ce qu’il tombe à genoux, complètement désespéré et en pleurs.
Il avait longtemps scruté le ciel, espérant que le vaisseau reviendrait, jusqu’à ce que la première attaque orbitale n’illumine le ciel et ne vienne frapper la citadelle de plein fouet.
Cette dernière avait été engloutie dans une monstrueuse explosion, puis une autre et encore une autre, tandis que d’autres tirs se succédaient.
Horrifié, Hawke avait contemplé le barrage se poursuivre trois heures durant, et lorsqu’il avait enfin cessé, plus rien n’indiquait qu’une puissante citadelle s’était tenue en ce lieu.
Hawke s’accorda une pause et s’allongea sur le sol inconfortable, accablé par le poids du souvenir des dernières semaines et surtout par la sensation qu’il était irrémédiablement coincé sur Hydra Cordatus. Il ferma les yeux et roula sur le côté tandis que la fatigue prenait le dessus.
Des mains froides le réveillèrent et l’obligèrent à se lever, lui arrachant un grognement de douleur et de protestation. Il ouvrit difficilement les yeux, encroûtés par la poussière, et distingua des silhouettes jaunes qui le bombardaient de questions. De chaque côté de lui, une forme massive le tenait par le bras, et une voix ne cessait de l’apostropher avec insistance.
— Quoi… ? murmura-t-il.
— Comment vous appelez-vous ? répéta la voix.
— Hawke, parvint-il à articuler. Soldat Hawke, matricule 25031971, qui diable êtes-vous ?
— Sergent Vermaas, du croiseur d’attaque des Imperial Fists Justitia Fides, répondit la voix.
L’annonce le réveilla un peu plus et il discerna plus clairement les deux géants en armure jaune qui le tenaient par les bras, et un troisième situé devant lui, le casque à la main. Malgré son état de fatigue extrême, il reconnut sans peine des Space Marines et soupira de soulagement en apercevant derrière eux leur Thunderhawk.
— Où se trouve le capitaine Eshara ? demanda Vermaas.
— Qui ?
— Le frère-capitaine Alaric Eshara, commandant de la troisième compagnie des Imperial Fists.
— Je n’ai jamais entendu parler de lui, répondit Hawke.
Vermaas fit un signe de tête à ses hommes et Hawke fut conduit sans ménagement vers le Thunderhawk.
— Où m’emmenez-vous ? eut-il tout juste la force de demander ?
— Nous vous raccompagnons à la maison, soldat, lui répondit-on.
Hawke esquissa un sourire et se laissa embarquer docilement.