Trois
Leonid observa les Titans se positionner de part et d’autre de sa position et arroser les tranchées ennemies avec leurs méga-bolters Vulcan. Les hommes qui se trouvaient sous son commandement poussèrent des cris d’acclamation et de défiance, mais il n’était pas dupe : les Warhounds allaient leur donner le temps de se regrouper, guère plus.
« À toutes les unités, ici le lieutenant-colonel Leonid. Regroupez-vous et repliez-vous immédiatement vers le point de ralliement. Dépêchez-vous, nous n’avons pas beaucoup de temps ! », ordonna-t-il alors que le grondement des moteurs des renégats s’élevait déjà depuis le camp ennemi.
Le princeps Carlsen exploitait à fond la manœuvrabilité de son Titan Warhound afin d’esquiver les tirs tout en essayant de trouver une position d’attaque favorable. À tour de rôle, lui et le princeps Jancer du Jure Divinu se lançaient en avant pour arroser les tranchées de leurs méga-bolters Vulcan et de leurs turbo-lasers. Ils pulvérisaient tout ce qui osait leur résister avant de se replier rapidement sous le couvert de la fumée. Devant leur puissance de feu, les tranchées n’étaient d’aucune protection de sorte que chacune de leurs rafales venait à bout d’un grand nombre de soldats. Néanmoins, il savait pertinemment que les pertes qu’ils infligeaient à l’ennemi restaient négligeables.
Sans les armes plus lourdes du groupe de combat Sword, leurs efforts se résumaient à gagner du temps. Carlsen n’en avait pas cru ses oreilles lorsque le princeps Fierach avait donné l’ordre d’abandonner les Jourans pour se concentrer sur un tête à tête avec l’équivalent renégat d’un Titan de classe Emperor. Ensuite, il avait suivi avec horreur le déroulement de la bataille via le réseau de communications.
Lui et Jancer s’étaient retrouvés trop loin à l’est pour espérer apporter de l’aide à leurs camarades et ils s’étaient contentés de suivre la charge blindée des Jourans. Mais sans le soutien des Reavers, ils avaient dû attendre que les gardes impériaux effectuent une percée ou soient repoussés.
Il ignora les tirs de laser et de bolter qui ricochaient contre le champ énergétique généré par ses boucliers. En revanche, les chars lui donnaient du fil à retordre. À chaque fois qu’il s’était approché, il avait constaté qu’il s’en rassemblait toujours plus derrière les tranchées, et ce n’était plus qu’une question de temps avant que le général ennemi n’ordonne une contre-attaque.
Trois Land Raiders jaillirent de la fumée, suivis par une longue colonne de Rhinos et d’autres transports ressemblant à un croisement bizarre entre une Chimère et un camion. Les troupes qui y étaient embarquées lançaient des cris de guerre, prêtes à se jeter sur les gardes en train de se replier.
« Princeps Jancer, avec moi ! », lança Carlsen en braquant son méga-bolter Vulcan sur les véhicules plus légers qui suivaient les Land Raiders. Les projectiles percutèrent les flancs de trois d’entre eux, qui explosèrent immédiatement en envoyant des shrapnels lacérer un des Land Raiders. Le blindé fut projeté sur le côté contre une Chimère qu’il broya dans un fracas de tôles froissées.
Le Jure Divinu apparut à son tour, ajoutant sa puissance de feu à celle de son homologue. Deux des Land Raiders tentèrent de s’éloigner des Titans afin de se soustraire à leurs tirs, mais Carlsen fut le plus rapide. Il envoya le pied de son Warhound droit dans le flanc du premier, qui fut projeté dans les airs.
Le second eut le temps de se repositionner pour riposter avec ses canons laser jumelés et Carlsen eut la désagréable sensation d’être mis à nu lorsque ses boucliers furent abattus.
« Va au diable », lança-t-il en esquivant une nouvelle salve de rayons qui passa juste au-dessus de la tête de son titan. « Moderati Arkian, réparez-moi ces boucliers immédiatement ! »
Carlsen fit reculer son Titan tout en arrosant le véhicule ennemi, sans oublier de ne pas écraser sous ses pas les gardes impériaux qui se repliaient. Piloter dans de telles conditions drainait toute son attention et ses tempes ruisselaient de sueur.
Le Defensor Fidei vacilla lorsque Carlsen posa le pied sur la carcasse d’un Leman Russ, dont la tourelle fut complètement aplatie. Heureusement, le Jure Divinu put couvrir son homologue le temps qu’il retrouve son équilibre et en profita pour éliminer quelques adversaires de plus, qui progressaient désormais avec plus de prudence.
— Arkian ! fit Carlsen d’une voix impatiente. Où sont passés mes boucliers, par l’Empereur ?
— Ils sont en cours de réparation, princeps !
— Faites vite ! répondit Carlsen au moment même où les deux derniers Land Raiders émergeaient de la fumée et se précipitaient dans sa direction…
L’Imperator Bellum était à l’article de la mort. Le princeps Fierach était sûr que le moderati Yousen avait péri, et seul l’Empereur savait ce qu’il se passait sur les ponts des ingénieurs. Plus personne ne répondait à ses appels dans ces niveaux. Le Dies Irae s’attelait à le détruire petit à petit, mais Fierach était déterminé à ne pas périr seul et lui rendait coup pour coup. Les blindés qui accompagnaient les Titans ennemis avaient poursuivi leur chemin et laissé à leur dieu de la guerre l’honneur d’abattre l’Imperator Bellum.
À présent, Fierach espérait seulement que les Titans du groupe de combat Sword seraient en mesure d’escorter les Jourans à l’abri de la vindicte ennemie.
Un nouveau coup vint heurter son blindage, déclenchant de douloureux élancements dans son crâne. Tout ce qu’encaissait son Titan, il le ressentait dans sa chair.
Il riposta en envoyant son poing tronçonneur à présent émoussé sur le magasin de l’annihilateur plasma du Dies Irae. Des gouttes de plasma éclaboussèrent les alentours, accompagnées de jets de vapeur surchauffée qui pulvérisèrent les hommes assez malchanceux pour se trouver dans les parages.
Le Dies Irae recula et donna un violent coup de pied à son adversaire mal en point. Le coup atteignit l’articulation du genou, qui fut détruite dans un feu d’artifice d’étincelles. Des sirènes d’alerte résonnaient de toute part. Fierach se mordit la langue pour contenir la douleur qui était devenue presque insupportable. Sa bouche se remplit de sang. Il tenta vainement de se désengager, mais la jambe gauche de l’Imperator Bellum était coincée : il ne pouvait plus s’échapper.
Le Dies Irae en profita pour avancer et assener un terrible coup sur le torse de son adversaire à l’aide des canons montés sur son bras. Fierach perdit l’équilibre. De plus en plus de voyants d’alerte s’éclairaient à mesure que les systèmes lâchaient dans toute la machine. Il tenta de rétablir son équilibre, mais les senseurs externes étaient détruits et il dut se fier à ses propres sens plutôt qu’à ceux du Titan.
Étonnamment, il réussit à rééquilibrer l’Imperator Bellum et à faire face une fois de plus au Dies Irae. Il brandit le poing tronçonneur, car c’était la seule arme qu’il savait encore fiable.
La lame s’enfonça dans l’articulation centrale de la machine démon en provoquant une éruption d’étincelles. Fierach savait que le réacteur d’un Titan de classe Emperor se trouvait dans son abdomen, et s’il parvenait à en traverser l’épais blindage, cela laisserait une chance à d’autres de l’atteindre. Le Dies Irae recula et se dégagea d’un coup de son canon fournaise, qu’il pointa ensuite directement sur la jambe gauche de l’Imperator Bellum.
Une myriade d’obus explosifs en jaillit à bout portant, directement dirigés sur l’articulation de la jambe déjà endommagée. Celle-ci céda, le blindage fondant sous l’intense chaleur accumulée et dégoulinant sur le tibia. Fierach hurla de douleur lorsque les capteurs de sa machine lui renvoyèrent les dégâts enregistrés, grillant au passage une partie de son cortex cérébral.
La puissante machine de guerre s’effondra de côté, mais par chance, son aine vint se ficher dans l’articulation sectionnée du genou, et le Titan resta ainsi bloqué.
Fierach lâcha un rire hystérique.
« Merci, mon vieil ami ! », lança-t-il. Puis, dans un dernier effort herculéen, il força son cerveau endommagé à ordonner au Titan un dernier acte de défi.
L’Imperator Bellum poussa sur sa jambe valide et vint percuter la tête du Dies Irae avec une force terrifiante.
L’impact broya le blindage des deux Titans et la dernière image qui s’imprima sur les rétines de Fierach avant que le réacteur de l’Imperator Bellum n’explose fut l’œil vert et malveillant de son ennemi, sur lequel son cockpit vint s’écraser.
L’attention de Forrix était concentrée sur le Warhound qui se trouvait droit devant eux, partiellement caché par la fumée, et dont les boucliers étaient probablement abaissés.
« Suivez-le ! Ne le lâchez pas ! », cria-t-il. Le Titan ne constituait à ses yeux pas seulement une machine de guerre ennemie, mais une créature issue des légendes olympiennes. Il ressentait un désir primal de le terrasser, ce qui lui donnait envie de rire. Il éprouvait des émotions qu’il pensait avoir à jamais oubliées, et il s’y raccrochait comme un homme privé d’oxygène cherchant à respirer. La haine était en lui, vivace, basique. Il avait envie de se battre comme jamais. Tous ses désirs étaient plus ardents qu’ils ne l’avaient jamais été au cours de sa longue vie.
Et toutes ces sensations ravivaient en lui le goût de vivre, qu’il ressentait viscéralement.
Forrix reporta un instant son attention sur le chaos de la bataille. Un autre Land Raider fonçait aux côtés du sien, ses canons laser jumelés cherchant une cible dans la fumée. L’infanterie ennemie se repliait vers la citadelle ; certains soldats étaient transportés par des véhicules, d’autres s’accrochaient désespérément à leur carlingue. Ici et là, des poches de résistance retenaient les poursuivants afin de permettre à leurs camarades de se replier.
Un tir toucha le Land Raider en résonnant et Forrix fut projeté sur le côté. Ils avaient été salement touchés : de la fumée et des flammes s’échappaient du compartiment de l’équipage. En se retournant, Forrix constata qu’un énorme trou béant se tenait en lieu et place du flanc du blindé. À travers, il put discerner la forme d’un autre Titan se découper sur le ciel rouge. Il se dirigeait dans leur direction. Son visage fut défiguré par une expression de haine furieuse alors qu’il était à nouveau submergé par le désir vital d’abattre un de ces monstres.
« On débarque ! », cria-t-il. L’instant d’après, la rampe frontale s’abaissait et quatre géants en armure Terminator quittaient le Land Raider pour emboîter le pas à leur chef.
Kroeger chargea à travers la fumée en beuglant un effroyable cri de guerre. Son premier coup d’épée tronçonneuse décapita un garde impérial. Il en frappa un second au ventre, perforant ses entrailles et sectionnant sa colonne vertébrale. Tout autour de lui, l’ennemi était terrifié, certains hurlaient, d’autres imploraient grâce. Kroeger leur ria au nez puis s’employa à tuer impitoyablement tout ce qui lui passait sous la main.
Avec l’aide de ses hommes, il se fraya un passage sanglant au travers des Dragons de Jouran. Il ne s’agissait plus d’une bataille, mais d’une boucherie dans laquelle il se trouvait comme un poisson dans l’eau. Une immense satisfaction l’avait envahi. Son champ de vision s’était réduit aux arcs décrits par son épée et ses oreilles n’entendaient plus que les cris de ses victimes.
Un homme tomba à ses pieds, à la fois pleurant et hurlant. Sans éprouver la moindre pitié, il le décapita proprement. Puis il lâcha son épée et retira son casque d’un geste brusque, avant de saisir le torse du soldat et de le hisser au-dessus de sa tête afin que le sang en giclant puisse se répandre sur son visage. Il renversa la tête en arrière pour permettre au fluide vital de couler à flots dans sa gorge.
Le goût du sang chaud était délicieux, il avait la saveur de la terreur couplée à celle de la douleur.
Kroeger rugit de plaisir, puis il déchira le corps en deux avant de ramasser son arme. Chaque fibre de son corps en réclamait davantage. Toujours plus. Il n’y aurait jamais assez de sang pour le satisfaire.
Le voile rouge tomba une fois de plus devant ses yeux et il se jeta tête baissée dans la bagarre.
Honsou ne cessait de tirer tout en courant pour inciter ses hommes à aller de l’avant. Une rafale disciplinée de rayons laser l’obligea à se jeter à terre. Il roula sur lui-même et lâcha une volée de bolts en direction de la source des tirs. Des cris de douleur l’informèrent qu’il avait fait mouche. Ses guerriers progressaient par groupes, chacun couvrant l’avance d’un autre en lui fournissant un tir de soutien nourri.
De toutes parts, des hommes et des véhicules bougeaient sous le couvert de la fumée.
Honsou poussa un juron lorsqu’un des Land Raiders de Forrix passa à toute vitesse à deux pas de lui et qu’un de ses canons laser manqua de peu de lui arracher un bras. L’instant d’après, l’arme ouvrit le feu ; le double rayon vaporisa la fumée avant de disparaître au loin.
Une explosion de lumière au-dessus de sa tête avertit Honsou qu’un Titan se trouvait dans les parages et qu’il venait de perdre un de ses boucliers. Il sourit en se représentant les cris de panique de ceux qui se trouvaient à l’intérieur du monstre d’acier, tentant désespérément de rétablir le bouclier avant que les Iron Warriors ne scellent leur destin.
Les renégats qui étaient à leur service progressaient à leurs côtés. Le maître de forge avait une fois de plus humilié sa compagnie en jugeant qu’elle aurait besoin du soutien d’une pareille vermine. Cela faisait enrager Honsou de les voir combattre aux côtés de ses hommes, mais il ne s’abaisserait pas en allant se plaindre.
De rage, il fit parler son bolter, abattant délibérément quelques soldats en livrée rouge.
Puis il alla rejoindre une escouade d’Iron Warriors, aux prises avec un bon paquet de gardes impériaux coincés dans un gros cratère dont les bords étaient protégés par des barbelés. Un missile émergea du cratère et vint heurter un véhicule situé derrière lui, qui explosa bruyamment.
Quelques secondes plus tard, un autre missile jaillit, mais l’équipe d’arme lourde avait négligé de se déplacer préalablement et fut immédiatement punie par un tir de représailles dévastateur.
Tout en baissant la tête, Honsou partit rejoindre un groupe de soldats aux uniformes rouges qui se tenaient à l’abri derrière des pièges à char en béton. Ils tiraient sans vraiment viser à l’aide de leurs armes automatiques rudimentaires. Honsou agrippa le plus proche par le col et le leva jusqu’à son casque.
« Vous gaspillez les munitions, bande de crétins ! Finissez-les au corps à corps ! »
L’homme acquiesça frénétiquement, trop terrifié pour répondre. Honsou le relâcha sans ménagement, puis donna un coup de gantelet contre son torse avant de rejoindre son escouade.
Le lieutenant-colonel Leonid était allongé sur le bord d’un cratère et faisait feu à volonté pour couvrir le premier peloton à rejoindre le point de ralliement suivant. Son visage noirci était tiré par la fatigue et la peur, mais il n’en était pas moins en vie et apte à combattre, ce qui n’était pas rien vu la situation. Le sergent Ellard se trouvait toujours à ses côtés, tirant sans interruption sur les ombres indistinctes qui couraient dans la fumée. Ils ressentaient tous la crainte d’être encerclés et taillés en pièce par un tir croisé meurtrier, et Leonid devait se faire violence pour ne pas céder à la panique.
Il devait montrer l’exemple, même si sa poitrine lui faisait souffrir le martyre.
« Premiers rangs, ouvrez le feu ! Rangs arrière, repliez-vous ! », cria-t-il. Immédiatement, Ellard se releva et commença à inciter les hommes concernés à rejoindre le prochain point de ralliement. Les soldats en rouge qui chargeaient aveuglément dans la fumée étaient abattus par dizaines, et pourtant, ils étaient sur le fil du rasoir. Il avait poussé ses hommes à la limite de leurs forces et ils s’étaient montrés plus courageux que jamais, mais ils arrivaient au bout de leurs réserves. Ils ne pourraient plus tenir bien longtemps.
Ils étaient engagés dans une course contre la montre : parviendraient-ils à la citadelle avant que leurs dernières réserves de courage ne se soient envolées ?
Le soldat Corde rampa jusqu’à lui, se collant au sol fréquemment pour se protéger des balles et des shrapnels qui fusaient. Accrochée sur son dos, sa radio crépitait et des petites volutes de vapeur s’échappaient des fentes de refroidissement de son lance-plasma, qu’il serrait fermement contre lui.
— Le sergent Ellard a atteint le point de ralliement, colonel !
— Parfait ! répondit Leonid en passant la bandoulière de son fusil laser à son épaule. Puis il se retourna pour crier. Rangs avant, on bouge !
Les Jourans n’eurent pas besoin de se le faire répéter deux fois. Ils escaladèrent la crête arrière du cratère, soutenus par le tir de couverture des soldats d’Ellard. Leonid attendit que le dernier de ses hommes ait battu en retraite avant de rejoindre avec Corde le reste de son peloton.
Un rugissement semblable à ceux des carnosaures de Jouran retentit dans son dos et il se retourna pour contempler une terrifiante cohorte de béhémots de métal foncer sur eux. Il s’agissait de variantes perverties de Leman Russ, dont les flancs étaient recouverts de symboles obscènes et dont les tourelles étaient équipées de systèmes incroyablement anciens. L’auto-canon de tourelle du char le plus proche, dont le fût était inhabituellement évasé, se mit à arroser la zone d’obus. Leonid eut juste le temps d’attraper Corde et de se jeter au sol.
Il prit le risque de jeter un œil en arrière et constata avec horreur que le char fonçait sur eux, avec l’intention manifeste de les broyer sous ses chenilles rouillées. Une nouvelle salve l’obligea à rester là où il se trouvait, ce qui permit au véhicule d’arriver sur eux. Il roula dans la seule direction possible : sous la coque ! Les entrailles de métal du monstre passèrent à deux doigts de son visage alors qu’il se collait désespérément au sol. Des échappements brûlants le firent suffoquer. Quelque chose d’humide lui coula dessus, et il sentit une chaleur mouillée lui recouvrir la face et les bras. Complètement terrorisé, il se boucha les oreilles et enfonça son visage dans la poussière.
« Que l’Empereur me protège… », murmura-t-il alors que le char lui roulait dessus. Un crochet de métal qui dépassait se ficha dans un pli de son uniforme et il fut traîné sur plusieurs mètres sans ménagement, ce qui lui arracha de nombreux grognements de douleur avant qu’il ne parvienne à se dégager.
Le char continua son chemin, le laissant sauf mais en état de choc. Il inspira profondément et rampa jusqu’à Corde, qui n’avait pas bougé. Lorsqu’il arriva jusqu’à lui, son estomac le trahit et il ne put s’empêcher de vomir : Corde n’avait pas eu autant de chance que lui, la partie inférieure de son corps avait été broyée au point qu’il n’en restait plus qu’une bouillie méconnaissable. C’était là l’œuvre du char.
Du sang s’écoulait encore de sa bouche et Leonid eut un nouveau haut le cœur en réalisant l’origine du liquide qui lui avait giclé dessus lorsqu’il s’était trouvé sous le blindé.
La radio avait subi le même sort, mais pas l’arme de Corde, dont il s’empara en desserrant les doigts du soldat avec précaution. Son sentiment de rage était décuplé par le fait que les assassins de Corde ne s’étaient probablement pas aperçu de leur forfait. Il se remit sur pied et tituba en direction du monstre de métal.
Leonid n’eut pas de mal à le repérer : il avançait lentement derrière ses hommes en les massacrant à l’aide de son canon principal et de ses armes de flanc. Leonid sprinta droit devant et ne s’arrêta que lorsqu’il fut à dix mètres du blindage arrière du véhicule. Puis il épaula le lance-plasma et appuya deux fois de suite sur la gâchette. Deux boules de plasma incandescent vinrent heurter l’arrière du véhicule où elles pénétrèrent sans difficulté. Leur cible suivante fut le stock de munitions et de carburant, qui s’enflamma instantanément. Le char explosa dans une gerbe de feu sidérante, les détonations internes faisant s’éjecter la tourelle. L’onde de choc atteint Leonid, qui fut projeté en arrière.
Un nuage de fumée noire s’élevait du char, mais Leonid n’eut pas le temps de savourer sa victoire : un autre arrivait déjà pour prendre le relais. Il leva son lance-plasma, mais jura de frustration en constatant qu’il était encore en cours de rechargement. De rage, il le jeta à terre et récupéra son fusil laser au moment même où le sergent Ellard émergeait de la fumée.
Ce dernier ne perdit pas de temps. Il aida son supérieur à se relever, puis ils s’éloignèrent le plus vite qu’ils purent.
Carlsen broya un nouveau véhicule sous l’énorme patte de son Titan, puis en esquiva un autre qui tentait de l’éperonner. Il grogna en s’efforçant de rétablir l’équilibre du Warhound et lâcha une courte rafale sur l’arrière du blindé. Il avait atteint les réserves de munitions de son arme principale. À ce rythme, ce n’était plus qu’une question de minutes avant qu’il ne soit à sec.
Alors tout serait perdu. Le moderati Arkian avait fait des miracles en co-axant l’Esprit de la Machine pour rétablir ses boucliers juste à temps. Ce maudit Land Raider avait réapparu l’instant suivant et ses canons laser jumelés avaient une fois de plus abattu leurs boucliers. Heureusement, le Jure Divinu positionné sur son flanc l’avait renvoyé dans le warp illico. Plusieurs guerriers s’en étaient échappés, mais avant qu’il n’ait le temps de s’en occuper, ils s’étaient évanouis dans la fumée et la confusion des combats.
S’ils pouvaient tenir encore un peu, ils seraient bientôt en vue de la citadelle et de ses canons. Alors, ils seraient sauvés.
Forrix fonça jusqu’au bord d’un cratère, sans se soucier du fil de fer barbelé emmêlé autour de sa jambe. Puis il vida le chargeur de ses bolters jumelés sur les soldats impériaux rassemblés au fond du trou béant. Non loin, il discerna Kroeger en train de massacrer un groupe de soldats rattrapés dans leur retraite.
Forrix fit une pause pour prendre le temps d’observer la scène : le jeune-sang était rentré dans une transe frénétique incontrôlée. Son armure énergétique, si resplendissante avant la bataille, était à présent recouverte de viscères et de sang, à tel point qu’on en discernait difficilement l’iconographie. Kroeger allait trop loin, incapable de résister à l’appel du Dieu du Sang.
Honsou fit son apparition sur le flanc droit, à la tête de ses hommes qu’il menait de l’avant en bon ordre, tirant puis se déplaçant, et ainsi de suite. Bien qu’il lui en coûtât, Forrix devait reconnaître qu’Honsou était un excellent commandant en dépit de son sang-mêlé.
La bataille avait évolué en une série d’engagements de petite taille depuis que l’offensive impériale avait été repoussée. Il n’y avait pas grand intérêt à continuer la poursuite, car les unités ennemies restantes avaient été si malmenées qu’il était improbable qu’elles soient en mesure de reprendre les armes rapidement.
Il ne restait donc plus qu’à s’occuper des Titans.
Comme par magie, la fumée s’estompa à l’instant même, révélant l’un d’entre eux, son blindage rouge et jaune brillant dans la lumière du soleil couchant.
« Tu me cherches… », murmura-t-il. « Tu me cherches… » Mais alors qu’il s’apprêtait à en découdre, le monstre de métal pivota et disparut dans la fumée aussi soudainement qu’il était apparu. Privé de sa proie, Forrix s’arrêta et soupira : « La prochaine fois, je t’aurai… »
Leonid titubait en direction du no man’s land qui faisait face à la citadelle, chacune de ses respirations lui brûlant la poitrine. Sans le soutien du sergent Ellard, il se serait sans aucun doute effondré. Il pouvait entendre les cris de l’ennemi à leurs trousses mêlés à ceux de ses soldats qui étaient abattus.
Soudain, il aperçut trois formes se tenant à la lisière de son champ de vision, et alors qu’Ellard continuait d’aller de l’avant, il se mit à rire, car ces formes n’étaient autres que celles de deux Reavers et d’un Warlord !
Mais alors qu’ils s’en rapprochaient, sa joie se mua en horreur grandissante : les Titans étaient affreusement endommagés, leurs carapaces criblées d’impacts et de brûlures. Que leur était-il donc arrivé ? Alors qu’il prenait la mesure de l’étendue des dommages, il réalisa une fois de plus quelle était la nature impie de leurs ennemis et quelle avait été leur folie de les sous-estimer. Combien de vies avaient été perdues aujourd’hui suite à cette erreur ?
Deux Warhounds émergèrent des nuages de fumée et de poussière, lâchant des rafales contrôlées sur les poursuivants. Tous deux étaient endommagés mais encore en état de combattre.
Leonid contempla les Reavers et le Warlord ouvrir le feu, déclenchant des explosions tonitruantes. Les Warhounds vinrent se mettre à l’abri de leurs cousins plus imposants, avant d’ajouter leur puissance de feu au tir de barrage.
Il poursuivit sa retraite et dépassa les Titans pour atteindre la zone couverte par l’artillerie de la citadelle, soulagé de s’en être sorti vivant. Des troupes fraîches se tenaient sur les postes de tir les plus avancés. On pouvait lire la peur dans leurs regards. Ellard déposa son supérieur à l’abri et retourna s’occuper de ses hommes. Appuyé contre le parapet, Leonid enfonça la tête dans ses larges mains, réalisant l’étendue de l’horreur de cette bataille.
À présent que les soldats qui battaient en retraite bénéficiaient de la protection des Titans et des canons de la citadelle, la majorité des ennemis abandonnait le massacre et retournait vers ses lignes en poussant des cris de victoire. Cependant, certains ne purent contenir leur soif de meurtre et tentèrent de poursuivre la poursuite. Ceux-là finirent tous fauchés à bout portant par les tirs combinés de la Legio Ignatum et de la citadelle.
Soudain, Leonid sentit une fatigue incommensurable l’envahir. Il posa une main au sol pour se retenir de tomber, mais le monde s’estompa et il glissa avant que le soldat qui se trouvait à côté de lui ne puisse le rattraper.