18

Le cerveau de Riley n’envoyait plus aucun ordre cohérent. Quelques instants plus tôt à peine, elle était assise auprès de Quinton, faisant de son mieux pour ne rien lui montrer de plus qu’une légère inquiétude. Et maintenant, penchée vers lui, elle l’embrassait doucement sur les lèvres.

A aucun moment elle ne s’était dit : « C’est ce que je veux. C’est ce que je vais faire. » C’était comme si elle avait été poussée par un besoin irrésistible.

Elle savait très bien qu’en restant dans la chambre de Quinton, elle acceptait tout ce qui pouvait se dérouler ensuite. Elle s’en moquait. Elle l’aimait.

Quinton avait toutes les qualités qu’elle avait toujours recherchées chez un homme. Il était fort, honnête, doux et affectueux. Elle était attirée vers lui d’une façon viscérale, qu’elle ne pouvait expliquer, et elle savait que l’instant qu’ils étaient en train de vivre était parfait. Elle allait faire en sorte que chacune des minutes de cette nuit compte. Peu importait ce qui se passerait le lendemain.

Quand elle effleura sa bouche de la sienne, il eut un petit bruit de gorge qui trahissait son désir. Il commença à l’embrasser, avec passion. Sa réaction la surprit un peu. Avec les médicaments qu’il avait pris, elle ne s’était pas attendue à ce qu’il lui réponde ainsi, avec tant de force.

Elle mit fin au baiser et posa son visage dans la courbe de son cou. Sa peau avait un goût de sel. Elle murmura :

— Tu es sûr que tu peux y arriver ? Ce cachet…

Il eut un petit rire et l’entoura de ses bras.

— J’en fais mon affaire. Je pense que je serai à la hauteur.

Il l’attira plus près de lui et se frotta contre elle. Son sexe durci, son corps tout entier irradiait de chaleur à travers son jean. Un petit frisson la parcourut.

— On dirait, en effet, dit-elle.

Refusant d’attendre un instant de plus, elle le poussa en arrière sur le lit, défit le bouton de son pantalon, puis la fermeture Eclair. Elle commença à tirer sur le jean et ordonna :

— Lève les hanches.

Il sourit au plafond, mais fit ce qu’elle lui demandait.

— As-tu une idée du nombre de fois où j’ai rêvé de ce moment ? demanda-t-il.

Il voulut se redresser, mais retomba en arrière.

— Sans doute pas plus que moi, répliqua-t-elle.

Sans ménagement, elle lui ôta son jean et le jeta sur la chaise. C’était la première fois qu’elle voyait ses jambes, qui étaient aussi longues et musclées qu’elle se les était imaginées. Elle essaya de ne pas penser combien il serait agréable de les sentir enserrer son corps.

Il fallait procéder dans l’ordre. Elle lui tapota la cuisse.

— Et maintenant, cow-boy, le boxer.

— Tout ce que madame désire, répondit-il de sa voix la plus agréable.

Pendant qu’il l’ôtait, elle en profita pour retirer son propre jean.

Ensuite, il resta allongé et elle put le contempler tout à loisir. Il ne semblait pas le moins du monde embarrassé d’être nu devant elle. Soudain, elle eut l’impression que son sang allait exploser dans ses veines. Elle fut saisie par l’envie folle de le capturer entre ses mains, d’explorer chaque pouce de sa peau. Elle n’avait jamais été particulièrement entreprenante, et ne savait trop d’où lui venait cette audace. Et, pour parler franchement, elle s’en moquait éperdument. Elle était bien trop abasourdie de voir combien toutes les parties de son cerveau désiraient la même chose.

Elle tendit la main vers lui, mais il saisit son poignet.

— Non, non, fit-il avec un sourire radieux. Toi d’abord.

Il l’attira vers lui, de sorte qu’elle fut obligée de s’agenouiller sur le lit. Il fit de même face à elle. Dans les yeux de Quinton apparut une émotion intense, qui effaça en partie la gravité et la fatigue qui marquaient ses traits. C’était du désir. Si puissant, si sexuel que la chaleur fusa en elle de nouveau.

Il passa un doigt le long de l’encolure de son chemisier.

— Très joli, dit-il. Assorti à tes yeux. Maintenant, enlevons-le.

A mesure qu’il défaisait les boutons, son impatience grandit, jusqu’à ce que son corps tout entier frémisse de désir. Il fit glisser le chemisier de ses épaules, avant de lui ôter son soutien-gorge.

Il la regarda pendant un moment qui lui sembla durer une éternité. Ses joues s’empourprèrent. Elle n’était pas habituée à s’exposer ainsi. Elle avait eu des enfants. Elle n’était plus une adolescente. Elle voulait tellement lui faire plaisir, mais ne put s’empêcher de masquer ses seins nus de l’avant-bras.

— Non, chuchota-t-il.

Il la prit par le poignet et repoussa doucement son bras vers l’arrière. La position fit remonter et pointer ses seins.

— Tu ne sais donc pas combien je te trouve belle ?

De sa main libre, il effleura sa gorge avant de glisser lentement jusqu’à l’un de ses tétons, qu’il caressa de son pouce et tirailla doucement jusqu’à ce qu’il réponde avec une facilité embarrassante. Traversée par des vagues de plaisir, elle laissa échapper un petit cri étouffé.

Il plaqua des baisers sur toutes les parties de son corps auxquelles il pouvait accéder. C’était des baisers fougueux, impatients, qui contrastaient avec ses gestes doux de l’instant d’avant. Et elle adorait ça.

Il se pencha sur ses seins pour en caresser les pointes du bout de sa langue, encore chaude et humide d’un baiser. Ses lèvres voyageaient lentement sur son corps, d’une façon si possessive que sa peau lui sembla s’embraser.

Quand elle gémit, il se recula.

— Je ne veux pas te faire mal, dit-il. Si c’est le cas, dis-le-moi. Dis-moi juste ce que tu veux.

— Je veux…

Elle déglutit avec force.

— Je veux plus.

Il eut un rire bas, avant de s’attacher à lui montrer ce que pouvait signifier « plus ».

Enfin, il glissa la main dans sa culotte. Il n’y avait plus aucun obstacle entre sa chair et les doigts de Quinton. Quand il s’enfonça plus profondément pour caresser le point sensible entre ses cuisses, elle gémit et s’arqua contre lui. Elle était perdue, incapable de résister au sort délicieux qu’il lui jetait.

— Doucement, lui chuchota-t-il à l’oreille. Tout va bien. Je te tiens, et je ne te lâcherai pas.

Elle allait répondre quand l’estomac de Quinton gronda bruyamment. Il poussa un juron et elle ne put s’empêcher de rire faiblement, tout en posant la tête sur son épaule.

— Oh ! mon Dieu, Quinton, haleta-t-elle. Si nous arrêtons maintenant pour que tu manges quelque chose, je vais devenir folle.

Avec un sourire dans la voix, il répliqua :

— J’attends depuis bien plus longtemps que mon estomac. Alors, fais comme moi : ne fais pas attention à lui.

Ensuite, il fit glisser sa culotte le long de ses jambes et la jeta de côté, avant de l’attirer sous lui dans une douce étreinte. Perdue dans une brume de désir, elle passa les bras autour de son corps. Ses muscles jouaient sous les paumes de Riley. Elle lui faisait peut-être mal, pensa-t-elle vaguement — ces ecchymoses étaient vraiment horribles à voir —, mais il ne semblait pas s’en soucier. Et, quand son souffle caressa sa gorge, quand ses lèvres se posèrent à la naissance de son cou, elle oublia tout de ses blessures.

Leur respiration se fit plus rapide à mesure qu’ils découvraient mutuellement leurs corps. Le temps sembla s’étirer pour s’adapter à eux. Par les mots, par les gestes, ils cherchaient à atteindre le plaisir parfait. Ils explorèrent chaque courbe moite, chaque repli soyeux, se rapprochant toujours un peu plus du seuil exquis.

Quand Quinton plaça les mains sur ses hanches pour l’empêcher de se tortiller sous lui, elle sut qu’elle ne pourrait en supporter plus. Elle avait besoin d’être plus près de lui encore, elle avait besoin de faire partie de lui, besoin qu’il fasse partie d’elle. Il glissa un doigt en elle, puis un autre, pour la caresser jusqu’à ce qu’elle soit prête, même si elle ne pouvait s’imaginer pouvoir l’être plus qu’elle ne l’était déjà. Tremblant d’impatience, vaincue par la magie que faisaient naître ses doigts, elle gémit de nouveau.

— Quinton… s’il te plaît…

Il plongea le regard dans le sien et lui sourit avec une infinie tendresse. En cet instant, il lui semblait incroyablement beau. Bien près de perdre tout contrôle, elle écarta encore plus les jambes, tremblante, haletante. Tout son corps le suppliait de mettre fin à ce supplice délicieux.

Il s’empara de nouveau de sa bouche et, au même instant, sa chaleur, sa puissance glissa en elle, de plus en plus profondément. Elle s’arqua contre lui ; elle voulait fondre son corps avec le sien, absorber sa force. Quand ses mouvements accélérèrent, elle s’accorda à son rythme. Elle ne voulait plus attendre. Elle avait l’impression de revenir à la vie après avoir dormi pendant trop longtemps.

Elle succomba à une émotion sauvage, presque brutale. Plus de soupirs, plus de murmures. Leurs respirations étaient rauques, leurs cœurs battaient avec force. Elle s’arqua sous lui de nouveau et il modifia légèrement la position de ses hanches de façon à la pénétrer plus profondément encore.

— Quinton !

Son halètement était une prière autant qu’une promesse. Sa vision était brouillée, elle ne parvenait plus à reprendre son souffle. Elle ne pouvait plus attendre.

L’extase grandit en elle, l’emplissant d’une douleur délicieuse. Soudain, le plaisir l’emporta ; elle trembla et prononça son nom une fois encore. Lui aussi perdit tout contrôle. Il posa sur elle un regard intense, comme pour se raccrocher à quelque chose, avant d’exploser en elle, s’abandonnant.

Ensuite, il s’effondra sur elle. Elle attira sa tête sur son sein et, du bout des doigts, écarta doucement les cheveux plaqués sur son front moite de sueur. Ses paupières étaient closes, sa respiration hachée.

Enfin, il releva la tête et scruta son visage.

— Je pensais que je pourrais me retenir, murmura-t-il. Je suis désolé.

Elle sourit, goûtant le délicieux engourdissement dans lequel leurs ébats avaient plongé son corps et son esprit.

— Pas moi.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-il doucement.

— Comme si je revenais sur terre après avoir flotté pendant des heures.

Il remonta contre elle pour lui planter un léger baiser sur les lèvres.

— Je pense que nous devrions nous reposer, tu ne crois pas ?

Elle hocha la tête. Il s’allongea sur le côté, éteignit la lampe de chevet et l’attira contre lui, comme s’il ne voulait pas qu’ils soient séparés, même dans le sommeil. Elle se pelotonna contre son torse, goûtant la chaleur de son corps, rassurée par le bruit de son cœur, qui battait tout contre son oreille. La respiration de Quinton se fit plus douce, plus lente, alors qu’il glissait dans le sommeil.

Elle s’abandonna complètement à cet instant. Le lendemain arriverait bien assez tôt. Elle aimait Quinton, mais rien ne l’autorisait à penser que c’était réciproque. Les choses n’avaient pas changé pour autant. Ils menaient des vies très différentes, avaient chacun leurs soucis et leurs obligations, et l’amour n’aurait fait que compliquer leur situation.

Il allait être tellement difficile de le quitter.

Qu’avait-il dit tout à l’heure ? Que, dans le noir, on pouvait croire que tous les désirs pouvaient se réaliser. Il y avait une part de vérité dans ces paroles. Cette nuit, elle était avec lui, et elle lui appartenait.

*  *  *

Riley fut réveillée par une douleur dans le cou. Elle ouvrit vivement les yeux. Il ne lui fallut qu’un instant pour se rappeler où elle se trouvait, et elle sourit.

Elle était toujours blottie contre Quinton, la tête sur son épaule. Il avait posé une main sur son sein. Au cours de la nuit, leurs jambes s’étaient entremêlées. Cela ne la gênait pas — mais ses cheveux étaient coincés sous son bras. Voilà ce qui l’avait arrachée au rêve merveilleux qu’elle était en train de faire. Lentement, en prenant bien garde de ne pas le réveiller, elle libéra les quelques mèches retenues prisonnières.

Ensuite, elle inclina la tête pour le regarder. Dans son sommeil, il était vraiment beau, à la fois très jeune et magnifiquement viril. Si plein de vie. Il lui semblait tout naturel d’être ici, contre lui, de dormir avec lui, de se réveiller auprès de lui. Elle mourait d’envie de le caresser jusqu’à ce qu’il se réveille pour lui faire l’amour, encore. La seule perspective de sentir de nouveau sa puissance en elle fit battre son cœur plus vite, et tout son corps réagit à cette idée avec violence.

Que ferait-il si elle l’embrassait ? Si elle glissait le bras sous le drap pour le saisir doucement dans sa main ? A cette pensée, elle sourit dans l’obscurité.

Il marmonna quelque chose dans son sommeil. Riley passa doucement le pouce sur sa bouche.

— Reviens-moi, murmura-t-elle d’une voix chargée de désir. Viens m’aimer.

Pour seule réponse, il tourna la tête et enfouit plus profondément sa joue dans l’oreiller.

Elle tendit la main vers lui de nouveau, mais se ravisa. Au cours des dernières quarante-huit heures, il avait traversé beaucoup d’épreuves, de la mort de la jument à l’accident. Il avait semblé capable de faire vibrer son corps de mille façons merveilleuses, cette nuit, mais sa résistance devait avoir des limites. Il lui fallait du repos.

Derrière les rideaux, le monde était encore plongé dans l’obscurité. Son horloge interne lui dit qu’il devait être environ 5 heures du matin. Si on avait été un autre jour, elle se serait levée à 6 heures, aurait préparé le petit déjeuner et emmené les filles au centre aéré. Ensuite, dès 7 heures, elle serait allée porter le fourrage aux chevaux.

Mais ce jour n’était pas un jour comme les autres. On était dimanche, les jumelles étaient chez les Rafferty, et elle était allongée dans les bras de l’homme qu’elle avait fini par aimer de tout son cœur.

Cette pensée fut immédiatement suivie d’une autre : ce dimanche était aussi le dernier jour qu’elle devait passer à Echo Springs. Leur contrat était arrivé à son terme.

Pourquoi avait-elle si peur, tout à coup ? Elle avait pourtant toujours su que cette date arriverait, et qu’elle se retrouverait de nouveau sans emploi.

Sauf que là elle n’allait pas perdre que son travail. Elle allait aussi perdre Quinton, et c’était plus qu’elle ne pouvait supporter.

Sa bouche devint toute sèche et une vague nausée lui souleva le cœur.

Son côté impulsif lui suggéra aussitôt plusieurs possibilités. Elle pouvait courir le plus grand risque de sa vie : dire à Quinton qu’elle l’aimait, lui ouvrir son cœur, pour voir ce qu’il répondrait. Elle savait qu’il la désirait — cette nuit leur avait prouvé quelle alchimie les liait. Et si elle devait lui expliquer ce qui l’avait amenée à tomber amoureuse de lui, eh bien, elle lui parlerait de sa gentillesse, de sa force, de tous les détails qui faisaient de lui un homme véritablement unique…

« Tu crois vraiment pouvoir le convaincre de t’aimer en retour, Riley ? »

Quinton avait uni son corps au sien avec une passion presque désespérée, mais il n’avait pas parlé d’amour. Cette nuit avait été dédiée au plaisir. Elle en savait assez sur les hommes pour en être certaine. Mais qu’apporterait le jour qui allait commencer ? Et celui d’après ? Où pouvait mener cette relation si elle était la seule à avoir des sentiments ?

Elle fut saisie par une immense tristesse. Dans ses rêves, ils étaient faits l’un pour l’autre. Dans ses rêves, ils pouvaient construire une vie ensemble. Mais seulement dans ses rêves.

La mort de cette illusion fut accompagnée d’un chagrin tellement accablant qu’elle resta immobile pendant un long moment. Un frisson traversa son cœur, la glaçant tout entière. Il était temps de partir.

Elle se glissa doucement hors du lit. Il crispa les doigts dans son sommeil, comme pour la retenir, mais ne s’éveilla pas. Elle contempla une dernière fois son profil dans la lumière de l’aube avant de gagner silencieusement la porte, rassemblant ses habits en chemin.

Enfin, elle inspira profondément et se glissa hors de la chambre.