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Seul l’écran de l’ordinateur éclairait faiblement la salle de séjour plongée dans la pénombre. Les yeux rivés au moniteur, Riley Palmer hésitait. Mais qu’est-ce qui la retenait de cliquer sur ce fichu bouton qui enverrait l’e-mail qu’elle venait d’écrire ?

— Fais-le, Riley, marmonna-t-elle à mi-voix. « Qui ne tente rien n’a rien. » Fais-le au moins pour Wendy, pour Roxanna ; fais-le pour toi-même. Fais-le pour toutes les associations qui luttent pour l’égalité des sexes. Mais vas-y, fais-le !

L’index en suspens à quelques millimètres au-dessus de la souris, elle essayait de rassembler assez de courage pour cliquer.

Il était près de 2 heures du matin. Le petit appartement de sa sœur, Jillian, semblait toujours aussi douillet mais, cette nuit, il n’avait plus rien de familier. Les deux filles étaient profondément endormies dans la chambre d’amis. Quant à Jillian, elle était allée se coucher après le dernier journal télévisé. L’appartement était tellement silencieux que Riley pouvait presque entendre le tic-tac de sa montre.

C’était le moment parfait pour réfléchir aux décisions qui pouvaient changer radicalement le cours de sa vie, pour passer ses pensées en revue, dans le calme et le silence. D’ailleurs, c’était précisément ce qu’elle faisait depuis deux heures. Alors, pourquoi donc ne pouvait-elle se résoudre à envoyer ce maudit e-mail ?

Sans doute en partie parce qu’elle ne s’y montrait pas complètement honnête. Bon, on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle mentait — non, elle ne faisait qu’enjoliver un peu la vérité, c’était tout. Et de toute façon, le marché du travail étant ce qu’il était ces temps-ci, qui n’en faisait pas autant quand il postulait pour un emploi ?

Décidément le désespoir pouvait être le plus puissant des moteurs. Il y avait presque un an qu’elle avait divorcé de Brad, mais elle dormait encore sur le canapé de l’appartement de sa sœur tandis que les jumelles occupaient la seconde chambre. Jillian avait fait preuve de beaucoup de générosité en acceptant de partager un espace aussi réduit avec elles, mais cette situation ne pouvait durer.

Il lui fallait un travail, de l’argent. Et, surtout, un foyer pour ses deux filles de huit ans. Wendy et Roxanna avaient déjà assez souffert de la séparation d’avec leur père. Maintenant, c’était de stabilité dont elles avaient besoin. Un sentiment de sécurité. Elles devaient avoir foi en leur mère et la savoir capable de s’occuper d’elles. Alors, si elle ne pouvait y parvenir qu’en enjolivant un peu son CV, en omettant un détail tellement stupide qu’il n’aurait même pas dû entrer en ligne de compte… eh bien, qu’il en soit ainsi.

Et d’ailleurs, Charlie Bigelow l’aurait-il délibérément aiguillée sur la mauvaise piste ? Il y avait presque quarante ans qu’il était l’ami de la famille. C’était Charlie qui les avait aidées, Jillian et elle, à organiser les funérailles de leurs parents après l’accident, et qui les avait conseillées lors de la succession. C’était Charlie qui l’avait menée à l’autel. Et chaque fois que Brad l’avait laissée s’occuper du ranch seule, n’était-ce pas vers Charlie qu’elle s’était tournée pour obtenir des conseils ?

Alors, s’il pensait que ce Quinton Avenaco ferait un bon patron, et qu’elle serait qualifiée pour devenir manager de son ranch, pourquoi en douterait-elle ? Charlie s’y connaissait en bétail, mais pas seulement. Il savait aussi parfaitement jauger les êtres humains.

Elle avait toujours été un peu impulsive et, il fallait bien l’avouer, par le passé il lui était arrivé de prendre des décisions insensées dont elle avait ensuite dû subir les conséquences. Mais ce risque-ci était un risque qu’elle devait courir. Elle ne pouvait supporter l’idée de passer une semaine de plus à chercher un travail, et à revenir bredouille. Cette pensée bien ancrée en tête, elle se décida enfin à cliquer sur le bouton « Envoyer », propulsant son courriel dans le cyberespace.

— Et voilà, Quinton Avenaco de Beaumont, au Texas. Tu as un e-mail, cow-boy.

Presque aussitôt, elle regretta son geste. Elle aurait dû relire son CV une dernière fois, elle aurait dû essayer de trouver un moyen d’aborder honnêtement le seul point qui, selon elle, pouvait lui valoir un « non » catégorique. Elle agrippa l’écran des deux mains et gémit :

— Oh non, mais comment je vais rattraper ça !

— Tu parles toute seule, maintenant ? fit soudain une voix.

Surprise, elle faillit pousser un cri et fit volte-face sur-le-champ. Sa sœur bâillait, debout derrière elle.

— Bon sang. Tu m’as fichu une de ces trouilles !

Jillian la regarda, les sourcils froncés.

— Qu’est-ce que tu fais encore debout ?

— Comme d’habitude, soupira Riley. Je cherche du travail. Charlie Bigelow m’a appelée hier après-midi. Je suis la piste qu’il m’a donnée avant que l’offre paraisse dans les petites annonces.

— Génial, répondit sa sœur d’une voix ensommeillée.

— J’espère que ce sera un bon poste, et qu’il paiera bien — même si, pour le moment, je me contenterais d’un endroit où habiter.

— Tu en as déjà un, lui rappela Jillian.

— Je sais, mais tu fais partie de la famille. Tu es obligée de faire comme si tu appréciais vraiment de partager un appartement avec trois autres personnes, dont deux fillettes de huit ans extrêmement turbulentes…

Sa sœur poussa un grommellement.

— Pas un mot sur mes nièces ! Ce sont des anges. S’il y a quelqu’un que je ne fais que tolérer ici, c’est toi.

Riley lui sourit. Sans Jillian, jamais elle ne s’en serait sortie au cours de l’année qui venait de s’écouler. Sa vie avait été complètement chamboulée par l’infidélité de Brad, le séjour à l’hôpital de Wendy et la farouche bataille qui les avait opposés au tribunal pour la garde de leurs filles. A travers toutes ces épreuves, sa sœur avait été présente, tel un roc sur lequel elle avait toujours pu s’appuyer.

— Je connais mes filles, lui dit-elle. Elles sont en pleine crise de préadolescence. Wendy se met à brailler si on la regarde d’une façon qui lui déplaît. Et Rox… Elle n’a qu’une réponse à tout ce que je lui dis : « Pourquoi ? » Hier, j’ai même regardé sa tête pour m’assurer qu’elle ne portait pas le nombre 666 marqué au fer rouge sur le cuir chevelu.

— Elles sont seulement… perturbées, pour le moment, admit Jillian. Mais je pense que nous nous en sortons bien.

— Je dois faire mieux que m’en sortir, Jilly. Nous ne pouvons pas continuer à nous imposer chez toi de cette façon. Je sais que Doug veut que votre relation « franchisse un nouveau palier », comme on dit. Mais ce sera impossible aussi longtemps que nous serons là toutes les trois. Voilà pourquoi il me faut un travail, un salaire décent, et un endroit qui soit vraiment mon chez-moi.

Jillian marqua son accord par une grimace, avant de baisser les yeux sur l’écran de l’ordinateur.

— Tu as trouvé d’autres pistes intéressantes ? J’ai entendu dire que Wegman pense à ouvrir un troisième magasin. Ils auront peut-être besoin d’une aide-comptable.

Le regard de Riley se perdit dans le vague. Avant la naissance des filles, elle était comptable. Une bonne comptable, même.

— J’ai abandonné ce domaine, reprit-elle finalement. Tous les comptables du pays semblent chercher du travail au Texas, en ce moment.

Elle se plaqua un grand sourire sur le visage et déclama, pour le seul bénéfice de Jillian :

— J’ai décidé de me réinventer, comme on dit dans les magazines. Il paraît que pour trouver un travail à l’heure actuelle, il faut passer en revue les talents que l’on possède et trouver la branche qui leur correspond. Et c’est ce que j’ai fait.

Jillian la regarda de travers.

— Et quel talent possèdes-tu, en dehors de la comptabilité ?

— Ne prends pas cet air incrédule, fit Riley, un peu vexée. J’ai bien d’autres cordes à mon arc. Et figure-toi que je viens de faire le premier pas.

Elle tapota l’écran de l’ordinateur et ouvrit sa boîte d’envoi afin que Jillian puisse lire le message qu’elle venait d’envoyer.

— « Cher Monsieur Avenaco, lut celle-ci par-dessus son épaule. J’ai appris par un ami commun, Charlie Bigelow, que vous cherchiez un manager pour votre ranch. »

Elle se redressa et la fusilla du regard.

— Manager ? Mais tu n’as jamais fait ce genre de travail !

Riley fronça les sourcils en retour.

— D’après toi, qui faisait tourner Hollow Creek pendant que Brad faisait du pied à la fille de son patron ? Moi, rétorqua-t-elle. Je n’ai peut-être pas de références officielles, mais je peux faire ce travail, et plutôt bien, je pense.

— Vraiment ? fit sa sœur, encore plus sceptique. Tu es certaine d’être capable de diriger un ranch ?

Le sang monta aux joues de Riley. D’accord, elle devait bien reconnaître que son CV présentait quelques points faibles, sur lesquels elle ne s’était pas attardée. Mais elle ne considérait pas ces petits défauts comme de réels problèmes.

— Eh bien… je ne sais peut-être pas tout, mais je pense en savoir assez. Charlie a visité le ranch de ce type, à Beaumont. Il dit qu’Avenaco ne va avoir qu’une centaine de têtes. Uniquement des chevaux.

Elle haussa les sourcils et ajouta :

— Ce doit être un cow-boy du dimanche, un nostalgique du Far West. Il sera donc tout prêt à suivre les conseils d’une tierce personne.

— Il peut aussi critiquer tout ce que tu feras et compter chacun des dollars que tu dépenseras, objecta Jillian. Il pourrait te rendre folle en te supervisant de trop près. Et… le fait que tu sois…

— Une femme ? finit-elle à la place de sa sœur.

Elle aurait préféré que Jillian n’aborde pas ce sujet. Il lui avait fallu deux heures pour se convaincre que son sexe ne représentait pas un obstacle rédhibitoire.

— Nous sommes au XXIe siècle, tout de même ! L’an dernier, trente étudiants suivaient les cours de gestion de ranch à l’université du Texas. Quatre d’entre eux étaient des femmes. J’ai vérifié. C’est sûrement bon signe, non ?

— Et est-ce qu’une seule de ces femmes a trouvé un poste ? Arrête de rêver ! Nous sommes au Texas, Riley. Tu sais qu’ici les hommes peuvent être assez… machos.

— Certains d’entre eux, admit celle-ci, avant d’ajouter très vite : Voilà pourquoi je n’ai pas dit à cet homme que je suis une femme.

Elle releva le menton, toute prête à argumenter. Sa sœur était ultraconventionnelle, et elle allait sans doute trouver quelque chose à redire. Bingo. Jillian fronça les sourcils.

— Tu lui as menti  ?

— Mais non, voyons !

Elle pointa aussitôt du doigt le bas du message.

— J’ai utilisé mon vrai nom, regarde. Ce n’est pas ma faute si papa voulait un fils et m’a donné un prénom qui convient à la fois à un garçon et à une fille.

— Avenaco va sans doute penser que tu es un homme !

— S’il se trompe, il sera seul responsable, dit-elle, déterminée à rester positive. S’il me pose carrément la question, je lui répondrai mais sinon…

— Est-ce que tu lui as dit que tu as deux filles ? la coupa sa sœur.

— Euh… non. Mais quelle importance, du moment que je peux faire le travail ?

Devant l’expression de Jillian, elle fit appel aux arguments qu’elle avait utilisés pour se convaincre elle-même quelques heures plus tôt seulement.

— Ecoute, ce n’est pas comme si j’avais l’intention de me déguiser en homme et de travestir ma voix pour le berner.

— Je suis soulagée de te l’entendre dire, fit sa sœur en levant les yeux au ciel.

— Et arrête de me regarder comme si j’avais commis un crime ! Je veux seulement établir une relation par e-mail avec lui, instaurer un dialogue, tu comprends ? Peut-être qu’il verra combien je suis compétente avant que nous parlions au téléphone ou que nous nous rencontrions.

— Charlie doit lui avoir dit que tu étais une femme, observa Jillian, avec une moue dubitative.

— Non, coupa Riley. En fait, la conversation n’est pas allée aussi loin. Avenaco a dit qu’il cherchait un manager, et Charlie lui a répondu qu’il connaissait deux recrues potentielles à qui il dirait de prendre contact. Rien de plus.

— Mais quand même…

— Le ranch de cet homme n’est pas le King Ranch, tu sais, Jillian. Qui a jamais entendu parler d’Echo Springs  ? Le travail ne doit pas être bien difficile, franchement.

— Et qui surveillera les filles pendant que tu seras dehors, à boucher des nids-de-poule et à rassembler des chevaux ?

— Les jumelles sont assez grandes maintenant pour s’attendre à devoir aider, argumenta Riley. Papa et maman avaient toute une flopée de corvées à nous faire faire quand nous avions leur âge, tu te souviens ? Il est temps qu’elles arrêtent de jouer à la poupée et qu’elles commencent à travailler un peu.

Comme elle s’y attendait, Jillian ouvrit de grands yeux. Leurs parents avaient été plutôt durs et, dans leurs souvenirs, la vie sur le ranch familial, dans l’Oklahoma, n’avait rien eu d’un conte de fées.

Pour détendre l’atmosphère, Riley éclata de rire et secoua doucement le bras de sa sœur.

— Je plaisante, dit-elle. Jamais je ne ferai d’elles des esclaves, comme nous l’étions nous-mêmes.

— Mais tout de même, reprit Jillian, toujours aussi perplexe, ce travail a l’air horriblement dur, Riley. Bien plus que de vérifier un livre de comptes.

Riley serra les dents et secoua la tête.

— Tu sais ce qui est vraiment dur ? Essayer de trouver une raison de rester mariée avec un homme qui préfère être avec sa maîtresse qu’à l’hôpital, auprès de son enfant malade.

Elle avait parlé avec plus de colère qu’elle ne s’y attendait. Elle croyait pourtant en avoir fini avec cette période de sa vie. Pour retrouver son calme, elle inspira profondément avant de poursuivre :

— Je peux faire ce boulot, Jilly. Je sais que j’en suis capable.

Sa sœur se pencha vers elle pour la prendre dans ses bras.

— Je ne veux pas que toi et les filles partiez.

— Beaumont n’est qu’à cinq heures de route de Cooper, objecta-t-elle. Charlie pense qu’il y a un appartement assez grand sur la propriété. Tu pourrais venir nous voir.

— Mais…

Riley leva une main.

— Tu ne peux pas me faire changer d’avis. Et d’ailleurs, c’est fait, l’e-mail est parti. S’il te plaît, ne m’amène pas à le regretter. Quand Charlie m’a suggéré d’envoyer mon CV, j’ai trouvé que c’était une bonne idée. Et si Quinton Avenaco n’est pas intéressé, s’il est trop bête pour voir quelle bonne candidate je suis pour ce poste, tant pis. Quelqu’un d’autre finira bien par me remarquer. Je n’abandonnerai pas.

Jillian se pencha de nouveau et la serra dans ses bras, encore plus fort.

— J’espère que tu as raison. Je veux seulement que vous soyez heureuses, les filles et toi. Ce ne serait que justice, après tout ce que Brad vous a fait endurer.

C’était ce qu’elle souhaitait, elle aussi, vraiment, mais l’émotion qui lui nouait la gorge l’empêcha de parler. Elle avait perdu neuf ans à essayer de sauver son mariage. Neuf ans. Jamais elle n’aurait dû avoir à « se réinventer » à trente et un ans. Ce n’était pas normal, ce n’était pas juste — mais c’était la vie. Et si elle ne prenait pas quelques risques, comment se remettrait-elle jamais sur les rails ?

Soudain, l’ordinateur émit un bip. Elle avait reçu un message. Curieuses, Jillian et elle baissèrent toutes deux les yeux vers le portable.

— Qui me demande, encore ? se plaignit Riley en riant.

« Oh non, faites qu’il ne s’agisse pas de la notification automatique de rappel de prélèvement pour la voiture ! » Elle ne voulait surtout pas que Jillian voie qu’elle avait du retard dans les versements. Sa sœur était tellement généreuse qu’elle aurait essayé de lui rendre l’argent qu’elle venait à peine de lui donner pour participer aux courses du mois.

Elle ouvrit sa boîte e-mail et lut les quelques mots inscrits dans le champ « Sujet » avant de se rejeter en arrière, comme si un monstre surgi de l’écran essayait de se jeter sur elle.

— Oh ! mon Dieu, dit-elle doucement. Qu’est-ce qu’il fait debout à cette heure de la nuit ?

— Qui ? demanda Jillian.

Elle posa sur sa sœur un regard abasourdi.

— Quinton Avenaco. Il m’a déjà répondu.

*  *  *

Debout sous le porche, à l’arrière de sa maison d’Echo Springs, Quinton Avenaco contemplait ses terres. Il avait signé l’acte de propriété un mois plus tôt, et emménagé il y avait quinze jours à peine. Ce ranch était à lui, maintenant.

Tout ce qu’il voyait lui appartenait. Les cages de contention délabrées et l’éolienne rouillée qui grinçait dans la brise de ce début d’été. La grange affaissée, peinte d’un rouge éclatant. Les clôtures aussi irrégulières que les dents d’une citrouille d’Halloween.

Et cette maison victorienne de trois chambres, aux fondations vieilles d’un siècle et surmontée d’un grenier où une famille entière de ratons laveurs avait élu domicile.

Ça commençait bien…

Echo Springs n’avait pas fière allure, d’accord, mais il ne fallait pas se fier aux apparences. Un an plus tôt, jamais il n’aurait pensé devenir propriétaire. Il ne cherchait qu’à louer de bons pâturages, qu’il avait trouvés ici. Ensuite, l’idée d’acheter avait germé en lui. Malgré l’état déplorable de l’écurie et du fenil, et le manque d’entretien de l’équipement et du hangar à chevaux, il savait qu’il avait fait un excellent investissement.

Peut-être allait-il parvenir à se construire la vie qu’il désirait, cette fois-ci… Une semaine plus tôt encore, il en était pratiquement certain.

Captant un mouvement du coin de l’œil, il tourna la tête. Son meilleur ami, Ethan Rafferty, s’avançait vers lui. Dans une main, il portait une bouteille de Jack Daniel’s. Dans l’autre, deux verres.

— J’ai sonné, mais ta sonnette n’a pas l’air de marcher, lança celui-ci avec un large sourire.

— Encore une chose que je dois réparer, répondit Quinton en réprimant un soupir.

— Je parie que ta liste est longue, fit son ami.

— Et elle s’allonge de jour en jour, crois-moi.

En montrant la bouteille du doigt, il demanda :

— Qu’est-ce que tu mijotes ?

Ethan haussa les épaules.

— Je ne fais que rendre visite à mon meilleur ami et ancien associé.

Pendant des années, il avait été l’associé d’Ethan à Horse Sense, à parts égales. Trois ans plus tôt, ils avaient transféré leur affaire de Colorado Springs pour s’installer ici, à Beaumont. Depuis, Horse Sense avait prospéré. Le ranch était même considéré comme le meilleur endroit où se rendre quand on avait un cheval à problèmes, ou que l’on cherchait à faire dresser une monture qui serait en contact avec le public.

Mais le mois dernier, il avait revendu sa moitié de l’entreprise à Ethan, pour une somme qui lui avait permis d’acheter Echo Springs. Et ensuite, ils avaient été tellement occupés tous deux qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de se revoir.

— Tu as une sale tête, vieux, dit tristement son ami. On dirait que tu n’as pas dormi depuis une semaine.

— Franchement, tu n’es pas loin de la vérité.

— Eh bien, je peux arranger ça, fit joyeusement Ethan.

Il brandit la bouteille de bourbon et ajouta :

— Il est temps que nous prenions un verre pour fêter tout ça, et que nous parlions entre hommes.

Ils s’installèrent dans les chaises de bois qu’il était passé chercher la veille, et qui semblaient déplacées sous ce porche à la balustrade pourrissante et à moitié cassée.

Ethan ouvrit la bouteille et les servit généreusement. Il lui tendit un verre avant de lever le sien en lançant :

— Félicitations, vieux. Te voilà devenu officiellement rancher du Texas.

Et il tourna la tête pour considérer la propriété pendant un moment, avec un sourire en coin. Quand enfin il ramena son regard sur lui, ce fut pour ajouter :

— Tu es vraiment cinglé !

Quinton ne put s’empêcher de rire. Ethan parvenait toujours à lui remonter le moral. Ils étaient amis depuis trop longtemps maintenant pour qu’il se vexe de ses taquineries.

— Tu es encore en colère parce que j’ai quitté Horse Sense ? demanda-t-il.

— Bon sang, oui. Tu me manques, vieux.

Ce n’était sans doute pas vrai. Ethan devait être bien trop pris par son affaire, son ranch et sa femme enceinte pour se soucier de son absence. Mais ces paroles étaient agréables à entendre.

— J’ai passé des moments merveilleux à Horse Sense, reconnut-il. Mais il était temps que je change de vie.

A vrai dire, ce ranch avait donné pendant de nombreuses années un sens et un but à son existence, et lui avait sans doute en quelque sorte sauvé la vie. La petite affaire incertaine des débuts était devenue, au fil des années, une entreprise prospère. Ethan et lui, ainsi que le père de son ami, Hugh, savaient comment inculquer courage et docilité au plus entêté, au plus nerveux des chevaux. Maintenant, des contrats les liaient à des associations de membres de la police montée du pays tout entier, qui s’adressaient à eux pour entraîner autant les policiers que leurs montures. Grâce à ces contrats, les comptes de Horse Sense étaient largement dans le vert. Quant aux stages de six jours pour monture et cavalier, ils étaient complets jusqu’à l’hiver prochain.

Ethan tourna la tête et le regarda, soudain l’air grave.

— Je suis sérieux, Quint. Tu t’y prends peut-être d’une façon déplorable avec les gens, mais même papa ne peut pas hypnotiser un cheval comme tu le fais.

— Je ne veux pas que ma vie se limite à faire quelques tours de passe-passe, répliqua-t-il. Et dernièrement, les transactions ont occupé le plus clair de ton temps… ce n’est pas pour moi. Je ne suis qu’un palefrenier dans l’âme, et tu le sais.

Il regarda au loin, vers les champs, et conclut :

— C’est l’une des raisons qui m’ont poussé à acheter cet endroit.

Ethan poussa un soupir résigné.

— D’accord. Je comprends. Mais maintenant, qu’est-ce que tu vas faire ? Tu as toujours l’intention d’élever des hollandais ?

— Autant que possible. Ils ont le tempérament parfait pour être utilisés par la police montée.

Depuis environ deux ans, il était de plus en plus dégoûté par la qualité des chevaux qui passaient par Horse Sense. Au début de chaque stage, les flics arrivaient avec des vans luxueux couverts d’autocollants des forces de l’ordre et remplis de chevaux tout aussi hors de prix. Certains des animaux étaient de premier ordre et serviraient leurs maîtres parfaitement. Mais d’autres étaient tout simplement impossibles à utiliser comme chevaux de police montée et devaient être éliminés du programme à la fin de la deuxième semaine. Il était frustré de voir combien parmi ces bêtes ne convenaient pas à cette fonction. Il avait fini par décider d’agir.

— Je ne sais pas où la plupart de ces villes achètent leurs montures, continua-t-il, mais ils se font arnaquer.

Ethan hocha la tête. Ils avaient déjà abordé le sujet par le passé mais, apparemment, ils ne pouvaient rien y faire.

— Tu te souviens de Bob Simmons, qui était venu avec le groupe de Louisville ?

— Ouais.

Ethan remplit de nouveau son verre avant de poursuivre :

— Il m’a appelé la semaine dernière. Il veut faire participer deux pur-sang au programme. Des donations. Ils ne devaient pas être assez bons sur les champs de courses.

Peut-être en partie à cause du whisky, le sang de Quinton commença à bouillir.

— Des donations ?

De dégoût, il jura à voix basse avant d’ajouter :

— J’aurais exactement la même réaction si ces chevaux étaient de la trempe de Secrétariat et d’Ourasi. Ces bêtes-ci ne sont rien d’autre que des divas, aux pattes aussi grosses que des allumettes. Les gens comme Simmons mettent leurs policiers en danger uniquement pour économiser un peu d’argent, et comptent sur nous pour dresser les chevaux qui posent problème.

— Et c’est précisément pour cela que nous avons autant de travail, remarqua Ethan avec un petit rire. Si tu commences à leur fournir des hollandais, je n’aurai plus rien à faire.

— Je peux leur fournir de bons chevaux, mais ce n’est pas pour autant qu’ils conviendront pour le travail. Au mieux, je te faciliterai la tâche.

Ethan pinça les lèvres et réfléchit quelques instants avant de demander :

— Combien de têtes vas-tu élever ?

— Pas plus de cinquante, pour commencer. Je veux me concentrer sur la qualité, pas sur la quantité.

Son ami tendit le bras vers le nord, vers les prés les plus éloignés, au-delà des pins.

— Tu as toujours les six, là-bas ?

L’année passée, quand il avait finalement décidé de quitter Horse Sense, Quinton avait commencé à mettre en place son nouveau plan de carrière. Il avait acheté un hongre et cinq juments à une vente aux enchères, à Houston. Quand il s’était mis en quête d’un endroit où les installer, il avait trouvé Echo Springs.

— Ils sont là-bas, oui, répondit-il. Ils engraissent.

— Je ne comprends toujours pas pourquoi tu as tenu à venir ici. Tu aurais pu t’installer dans mon ranch pendant quelque temps. D’accord, nous faisons surtout du bétail, au Flying M, mais nous avons de la place pour quelques chevaux. Les pur-sang arabes de Cassie auraient sans doute adoré avoir de la compagnie.

— Je ne voulais pas que mes chevaux côtoient ces poneys de parade archi gâtés que ta femme tient tellement à élever, fit Quinton, retrouvant un peu de bonne humeur.

Ethan éclata de rire.

— Si elle t’entendait, elle t’arracherait les yeux.

Du bout de sa botte, Quinton pressa l’une des planches du porche, qui s’enfonça légèrement. L’inspecteur du comté avait été formel : les fondations de la maison étaient saines. Mais le porche, par contre, était fichu.

— Pourquoi n’as-tu pas demandé à Meredith de te montrer autre chose que cette ruine ? demanda Ethan, de nouveau sérieux. La situation économique étant ce qu’elle est, elle doit avoir assez de ranches en bon état à proposer.

Sans un mot, Quinton se leva et rentra dans la maison. Un dossier était posé sur la table de la cuisine. Il en tira une feuille et ressortit sous le porche.

— Tu sais combien la terre est pauvre en minéraux, dans cette région, dit-il en tendant la feuille à son ami. Jette donc un œil à ce rapport du département de l’Agriculture.

Quand Ethan eut fini de lire, il le regarda, abasourdi.

— Bon sang, Quint ! Le sol ici est peut-être encore meilleur que celui du Flying M !

Il hocha la tête.

— Il contient beaucoup de substances nutritives. Assez pour nourrir peut-être deux fois plus de têtes que j’ai l’intention d’en avoir. Le type qui possédait cet endroit n’a peut-être pas su comment empêcher son ranch de péricliter, mais il avait pris un bon départ. Il a apporté tellement d’améliorations aux pâturages qu’ils sont presque parfaits pour l’élevage. Ces prés sont parmi les meilleurs que j’aie jamais vus.

Ils gardèrent le silence pendant un long moment. Enfin, Ethan posa sur lui un regard scrutateur et demanda :

— Dans ce cas, qu’est-ce qui t’empêche de dormir ? Pourquoi est-ce que tu n’as pas l’air plus enthousiaste ? Une fois l’affaire lancée, elle tournera presque toute seule.

— Mais je suis enthousiaste, commença Quinton. Sauf que… j’ai rencontré un petit obstacle.

Il s’interrompit et secoua la tête avant d’ajouter :

— Je pense que je devrais tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler.

— Cassie dit que c’est ce que je devrais faire, moi aussi, répliqua Ethan en souriant.

Il tendit le bras pour reremplir son verre et ajouta :

— Dis-moi ce qui ne va pas. Cela me fera du bien de savoir que je ne suis pas le seul à me planter.

Quinton avala une grande gorgée de whisky, qui embrasa son corps tout entier.

— J’ai promis à James Goddard que je serais prêt en octobre, se lança-t-il.

Ethan fronça les sourcils.

— Et qui est James Goddard ?

— Le chef des achats de l’Association nationale de la police montée. Chaque automne, lui et quelques autres acheteurs viennent à Houston pour négocier l’acquisition de nouveaux chevaux. Il y a plusieurs mois, je lui ai proposé de lui fournir d’excellentes bêtes. Il vient enfin d’accepter d’étudier mon offre.

— Alors ? C’est une bonne chose, non ?

— Il veut que j’aie au moins trois douzaines de chevaux à lui montrer, lâcha-t-il. Et même plus, si je peux y arriver.

— Ouille, commenta Ethan en grimaçant. Cela te fait beaucoup de bêtes à transférer et à évaluer d’ici l’automne.

— C’est pour cela que j’ai demandé à Charlie Bigelow d’ouvrir l’œil pour moi. Si le genre de chevaux que je recherche passe par les parcs à bestiaux de l’est du Texas, il le saura.

Charlie dirigeait une société de commissaires-priseurs spécialisés dans la vente de bétail, société qui comptait parmi les plus importantes du Texas. L’amitié qui le liait à eux remontait à plusieurs années déjà — même si Charlie, fasciné par tout ce qui touchait aux Amérindiens, était plus proche de lui : il pouvait en effet se targuer d’être en partie Arapaho.

— Je vais faire de mon mieux pour réussir, commenta Quinton. Mais si Goddard vient ici, le ranch doit paraître viable. La maison n’a pas besoin d’être un palace, mais les autres bâtiments doivent être en bon état. Il me faut aussi des enclos pour qu’il examine les chevaux. Je veux qu’il me prenne au sérieux, tu comprends ?

Ethan semblait un peu incrédule.

— Sois raisonnable, vieux. Tu ne crois quand même pas que tu vas rénover toute la propriété d’ici à cet automne !

— Je n’ai pas le choix, répliqua Quinton. Echo Springs doit tout avoir d’un ranch en activité d’ici là.

— Oui, mais il y a bien longtemps que tu n’as pas dirigé seul un vrai ranch, objecta son ami.

— Ça ne s’oublie pas, fais-moi confiance. Et la perspective de ramener cet endroit à la vie me plaît vraiment. C’est juste que j’aimerais avoir plus de temps pour le faire.

Ethan hocha lentement la tête.

— Jamais tu n’y arriveras seul.

— Eh bien… je viens d’engager une entreprise pour rénover la maison, et je parie que Cassie pourra me conseiller une bonne femme de ménage.

Ethan jeta un coup d’œil vers les dépendances et demanda :

— Et qui va se charger du reste ?

— On ne peut pas dire que tu me remontes le moral, soupira Quinton.

— Désolé, fit Ethan. Mais comment vas-tu retaper la propriété si tu es toujours sur les routes pour acheter des chevaux ? Je pourrais au moins te prêter deux de mes hommes, qu’en dis-tu ?

— J’apprécie ton offre, mais il faut que j’y arrive seul. Je peux m’occuper du ranch entre deux déplacements. J’ai engagé trois hommes, qui commencent dans quelques jours, et un manager du nom de Riley Palmer. Il vient des environs de Cooper. C’est Charlie qui lui a dit de me contacter.

Ethan inclina la tête.

— Palmer… Palmer… Où est-ce que j’ai entendu ce nom ? A quoi ressemble-t-il ?

— Comment veux-tu que je le sache ? Nous ne nous sommes pas encore rencontrés. Je me suis fié au jugement de Charlie, et au CV plutôt intéressant que Palmer m’a envoyé par e-mail. Je lui ai fait une offre sous conditions. Je lui ai proposé de venir ici pour que nous discutions. Si nous n’arrivons pas à conclure un marché qui nous convienne à tous les deux, il rentrera chez lui. Sinon, il commencera immédiatement.

— Tu ne perds pas de temps, hein ?

— Je n’en ai pas assez pour me permettre d’en perdre ! Plus tôt j’aurai quelqu’un ici, mieux ce sera.

— Et quand commence-t-il, alors ?

— Il dit qu’il peut être là demain ou après-demain.

Il grimaça et ajouta :

— Ce qui soulève un autre problème. Je pars ce soir. Charlie vient juste d’appeler pour me prévenir qu’il y avait une vente à Dallas, où de très bons chevaux seront mis aux enchères. J’ai envoyé un e-mail à Palmer, j’ai laissé un message sur son répondeur, mais il ne m’a pas recontacté. Quand il arrivera, il devra se débrouiller seul pendant un petit moment. J’espère seulement qu’il ne fera pas demi-tour après avoir jeté un œil sur le ranch, fit Quinton en fronçant les sourcils.

— Tu veux que je passe demain pour l’aider à s’installer ?

— Je croyais que Cassie avait prévu de te kidnapper pour votre anniversaire de mariage ?

— Ah oui, c’est vrai, grimaça son ami. Nous devons aller à San Antonio, et elle m’a promis que je me souviendrais longtemps de cette journée… Hors de question que je manque ça. Tu as raison, vieux, j’ai bien peur que tu doives te débrouiller seul.

— Tout ira bien, ne t’inquiète pas pour ça, fit Quinton, comme pour se rassurer lui-même. Bien sûr, j’aurais préféré avoir le temps de voir si Palmer et moi nous nous entendons assez bien pour travailler ensemble, mais il va falloir qu’il se mette au boulot en vitesse. Je lui ai dit où il trouverait les clés, et je lui ai laissé mon numéro de portable, au cas où.

Ils parlèrent pendant quelques minutes encore. Quinton voulait exposer à son ami certaines des préoccupations qui l’avaient empêché de dormir ces derniers jours. Il avait une confiance totale en Ethan et accordait énormément d’importance à son opinion.

Quand ce dernier partit enfin, il le raccompagna jusqu’à son camion, qui était garé dans l’allée de devant. Ethan se tourna vers lui et le regarda droit dans les yeux.

— Tu sais que je suis avec toi à cent pour cent, vieux, dit-il. Je ferai tout ce que je pourrai pour t’aider.

— Merci. Je sais que je peux compter sur toi.

Il pencha un instant la tête avant de la relever pour regarder son ami en face.

— En réalité, j’ai hâte de m’installer de nouveau quelque part. Et ce ranch a bien besoin de quelqu’un qui le fasse renaître.

Ethan fronça les sourcils.

— Mais je croyais…

Quinton agita la main pour l’arrêter.

— Oui, oui. Je me souviens de ce que j’ai dit. Mais c’était il y a longtemps, et nous étions soûls tous les deux.

Des années plus tôt, Ethan et lui avaient été bloqués par la neige dans le Colorado, pendant quatre nuits glaciales. Une fois à court d’anecdotes, et après avoir bu assez de bière pour que leurs langues se délient, ils avaient fini par s’avouer quels étaient leurs plus grandes peurs, leurs rêves les plus fous, leurs regrets les plus amers. Jamais il n’avait dit à personne d’autre ce qu’il avait reconnu devant Ethan cette nuit-là. Sur le moment, il lui avait semblé diablement agréable de se confier. Mais depuis, chaque fois qu’il repensait à cette nuit, il regrettait d’avoir ouvert la bouche. Cette vieille honte était de celles qui doivent rester enterrées pour toujours.

— Regarde comment les choses ont évolué pour toi, fit-il remarquer pour changer de sujet. Il y a cinq ans, est-ce que tu aurais imaginé que tu te remettrais avec Cassie ? Que tu aurais un fils presque adulte et un bébé prêt à naître ?

— Est-ce que c’est vraiment ce que tu cherches ? demanda Ethan d’une voix douce. Une femme et des enfants ?

— Bon sang, non ! répondit Quinton dans un éclat de rire.

Pourquoi avait-il abordé ce sujet ?

— Je ne suis pas assez fou pour avoir à ce point les yeux plus grands que le ventre, acheva-t-il.

Comme son ami gardait le silence, il ajouta :

— Tout ce que je dis, c’est que j’ai l’impression d’avoir besoin d’un changement. Je crois que je suis prêt pour autre chose.

Il haussa les épaules, comme si le sujet n’avait pas grande importance, mais il savait qu’Ethan n’était pas dupe. Son ami savait par expérience combien il était douloureux de tenir les souvenirs à distance. Et lui-même avait passé une décennie à essayer d’oublier l’existence qu’il avait perdue avec la disparition de sa jeune épouse, Teresa, et de son fils, Tommy, un petit garçon plein de joie de vivre grâce à qui le jour le plus banal se transformait en fête.

Parfois, leurs visages apparaissaient dans son esprit avec une netteté parfaite. Mais, ces jours-ci, leurs traits étaient le plus souvent semblables à des traînées de brume au-dessus d’un étang : informes et hors de sa portée.

Comme s’il avait compris que le moment était venu d’abandonner le sujet, Ethan sortit les clés de son camion de la poche arrière de son jean, regarda une dernière fois autour de lui, et dit :

— Tu as un sacré travail qui t’attend, mais s’il y a quelqu’un qui peut y arriver, c’est bien toi.

— Merci, fit simplement Quinton.

Son ami lui donna une tape sur l’épaule et conclut :

— Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. Et vois le bon côté des choses : si tes projets tombent à l’eau, tu sais où t’adresser pour trouver un travail.