CHAPITRE XXII

Thorn s’éveilla en sursaut, poussa un cri.

— Onik !

Il regarda autour de lui, hébété, sans réaliser où il se trouvait, ce qu’il faisait là…

Le soleil entrait à flots par la porte basse de la cabane, par les interstices des murs de pierres sèches.

— Onik…

Ce n’était plus un cri, mais un gémissement, une plainte. Un appel…

Nul ne répondit. Onik n’était plus là. Et Thorn était revêtu de ses vêtements de guerrier. Rien dans l’aspect de la hutte ne donnait à penser que sa sœur était venue… et qu’ils s’étaient aimés.

Mais était-elle réellement venue ? L’avait-il vraiment possédée ? Tout cela n’avait-il pas été un simple rêve ?

Thorn se prit la tête entre les mains, le cœur déchiré par une douleur atroce. Onik n’était jamais venue jusqu’à lui. Il ne l’avait pas réellement caressée, tenue dans ses bras. Il avait rêvé tout cela… Rêvé

Pendant de longues minutes, Thorn resta prostré, remâchant sa déception, tentant de revivre par la pensée le songe enfin. Son bonheur d’une nuit faisait place à la tristesse, à la solitude, à l’amertume. Thorn se sentit faible, désemparé.

Il se débattait dans un univers où tout lui était hostile, où n’existait plus aucune vérité, aucun mensonge, où tout n’était que magie et illusion. Et lui, Thorn, Fils de la Forêt, que faisait-il ? Qu’était-il ? Un jouet…

 

Thorn n’avait pas un caractère à se laisser aller au découragement. Il essuya ses larmes d’un revers de main et se leva, le visage dur. Il ramassa ses armes, sa selle, et sortit.

Il faisait froid, mais le soleil resplendissait dans le ciel bleu, au-dessus des pics. Trek hennit joyeusement en voyant apparaître son cavalier. Il piaffa et mordilla la main que Thorn lui tendait.

Ce simple contact rasséréna le jeune homme. Non, le Fils de la Forêt n’était pas seul. Il avait sa fabuleuse monture. Son compagnon dans ce pays perdu.

— Nous avons un long chemin à parcourir, Trek. Ne perdons pas de temps !

Il sella et harnacha l’étalon, sauta sur son dos. Trek s’ébroua et, reprenant son trot incomparable, s’éloigna de la barre de rocher, de la hutte où Thorn avait vécu le plus beau rêve qui soit.

 

Trek galopa tout le matin et une partie de l’après-midi. Il semblait ne ressentir aucune fatigue et Thorn, étonné, s’aperçut qu’il en était de même pour lui, à croire que l’énergie du coursier rejaillissait dans sa chair. Et, chose encore plus étrange, la faim ne le tenaillait pas. A peine s’il se sentait vaguement l’estomac creux.

Enfin, alors que le soleil commençait à décliner au-dessus des crêtes, le cavalier et sa monture débouchèrent sur un plateau au centre duquel s’élevait un tertre et, au sommet de ce tertre, scintillant comme un joyau, un grand autel de pierre blanche.

 

Thorn eut à peine le temps de se réjouir d’être enfin arrivé là où on l’attendait, là où se trouvait, inconscient, le mystérieux objet du désir des trois fées. Il entendit du bruit derrière lui, un appel. D’une pression des genoux, il fit volter son cheval…

Il tressaillit en découvrant les créatures qui lui coupaient la retraite.

Elles étaient encore plus laides et repoussantes que quand il les avaient vues dans l’eau du lac. Velues, grimaçantes et difformes, elles étaient petites et contrefaites. Séparément, aucune n’aurait été capable de se mesurer avec un gaillard comme lui, mais elles étaient plus nombreuses que les loups d’une meute. Elles agitaient leurs armes, les entrechoquaient et les faisaient résonner sur leurs boucliers en un vacarme infernal.

Thorn sut que l’instant de sa première épreuve était arrivé.