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Parce qu’il sait qu’il va pouvoir se reposer, le dernier jour, Waboos force l’allure. Il veut absolument arriver au camp avant la nuit.

Pour éviter une vallée profonde dont les pentes sont rudes, il est obligé de faire un détour qui l’amène à la rive ouest du lac.

Avec le nordet, quand il traverse sur la glace, il devrait commencer à sentir l’odeur du feu.

Il a passé le milieu du lac et il ne sent toujours rien. Il s’étonne. La grande joie qui l’habitait se mue en angoisse. Il n’est pas possible que le vent n’apporte pas jusqu’ici l’odeur du feu. Mais qui peut être là sans feu ?

Bien qu’il se sente extrêmement fatigué et que son souffle soit très court, il accélère encore le pas. Il tire toujours derrière lui la peau raidie du carcajou. Son sac est lourd de ses poissons et du gibier.

Arrivé au pied de la montée, il doit s’arrêter quelques instants. Un brasier est à l’intérieur de sa poitrine.

Dans un effort, il monte sur la rive et continue de grimper en biais vers le wigwam que les épinettes dérobent encore à sa vue.

Le nordet n’arrache presque plus rien à la couche de neige trop gelée. Il siffle aigu entre les arbres qui se démènent dans les dernières lueurs du jour.

Waboos monte et arrive bientôt où les arbres ont été coupés. Le wigwam est là, bien clos, mais aucune fumée n’en sort.

Comme l’homme s’approche, un tas de neige s’ouvre à quelques pas de l’entrée et Wibatch en sort. Le chien vient vers lui en frétillant et en gémissant.

— Wibatch… Wibatch… Tu as l’air maigre.

Il se baisse et caresse le dos de l’animal, où il sent pointer les os.

— Tout seul ?… Tout seul ?

Il n’ose rien dire d’autre. Posant son sac et lâchant la lanière nouée à la peau du carcajou, il se précipite vers la portière de cuir. Les lacets sont tellement gelés qu’il renonce à les dénouer. Prenant son couteau-croche, il les coupe. Il doit faire un effort pour décoller la peau tenue par la glace. Tout craque. De la neige gelée glisse à ses pieds.

Il ouvre.

Rien ne bouge. Sortant ses allumettes, il en gratte une et s’avance.

À droite du foyer refroidi, Nika est assise, bien raide, ses yeux gelés sont grands ouverts. En face d’elle, également assise mais dans une position un peu plus affaissée, Papigan semble somnoler, les yeux mi-clos. Au fond, les pieds près de la pierre du feu éteint, Mooz est allongé sous sa fourrure.

Waboos ne dit rien. Se retournant, il fait sortir Wibatch qui était entré derrière lui. Reprenant son sac, il l’ouvre et en tire ses poissons et son reste de gibier. Il donne le tout à Wibatch.

— Quand tu auras mangé, tu iras chasser. Et, si tu veux retourner au village, tu retourneras… Moi, je suis trop vieux… Trop fatigué.

Sa voix est très calme. Il rentre, il referme la portière de peau avec soin et va s’asseoir face à Mooz, entre les deux femmes.