Le vendredi soir suivant, la sortie du collège grouillait d’enfants qui filaient retrouver leur liberté. La mort dans l’âme, je les regardais rentrer chez eux.
— Virgile, tu ne retournes pas chez toi ? me demanda un copain.
— Non…
Les mains dans les poches, sédentaire malgré moi, je ruminais contre mon père. La pension se vidait au même rythme que montait ma rage de rester cloué pour le week-end. Les sourires des mères venant chercher leur petit me donnaient une envie folle de Clara.
Je devais faire quelque chose.
Un vélo était posé contre le mur de l’école. L’occasion était trop belle. Sans prendre le temps d’hésiter, je sautai dessus et franchis à toute allure le portail de l’entrée. Enfin je relançais ma destinée, pédalant à m’en rompre les jambes. Que la vie est belle quand on la bouscule !
Papa avait voulu m’interdire d’aimer Clara. Mais peut-on empêcher une marée de monter ? Peut-être ne le savait-il pas. On se demande toujours si ses parents ont un jour été amoureux.
J’abandonnai devant la gare d’Evreux mon vélo emprunté pour cause de révolte et, raclant le fond de mes poches, j’achetai un billet pour Paris.
Le train m’emportait vers ma maîtresse. La nuit tomba au cours du trajet. J’arrivai tard dans la capitale, à l’heure où Paris devient une ville lumière.