Au collège, je racontai tout à un camarade qui suivait les méandres de mes aventures en se raccrochant à mes paroles.
— Et ils ne m’ont pas cru, conclus-je. J’avais beau leur expliquer que Clara était ma maîtresse, ces imbéciles n’arrêtaient pas de rire.
— Tu as vraiment une petite amie qui a trente-cinq ans ? me demanda-t-il avec l’air le plus soupçonneux.
— Toi non plus, tu ne me crois pas ?
J’étais découragé, dégoûté par mon incapacité à projeter l’image que je me faisais de moi-même. J’avais une maîtresse, mais je n’avais pas une tête à avoir une femme. Mes gestes aussi me trahissaient par leur côté juvénile et spontané. Je ne parvenais pas à les figer dans une morgue qui, je le pensais, me vieillirait. Ma voix n’avait pas encore cette sonorité cassée qui donne du poids aux propos aigris des adultes revenus de tout. J’étais un jeune avec tout ce que cela comporte d’odieux quand on veut se vieillir.
Quand donc serais-je grand ?
Je le voulais tellement, du fond de ma rage de vivre. Merci Clara, jolie femme qui m’a donné l’espace d’une nuit l’illusion d’être un homme. Merci pour cette main tendue que je pris pour traverser le pont qui mène au pays des hommes et des femmes.
Qui donc étais-tu ? Ouvre-moi ta tête comme tu m’as ouvert tes bras. Mais qui donc étais-tu, toi ma première femme ? Toi et ton cul de reine avec tes seins pour les enfants.