12
Qui va là ?
Le romancier est fait d'un observateur et d'un expérimentateur.
Émile Zola
Les gens commencent insensiblement à quitter le buffet pour venir prendre place à leur table.
L'orchestre a entamé une petite musique d'ascenseur pour accompagner leur changement d'état, passant de cocktaliens à dinétosaures.
Moi je suis déjà installée, en compagnie d'un couple de quadras qui viennent juste de s'engueuler. Tout le monde a eu droit au spectacle de leurs vitupérations dents serrées, laissant fuser quelques éclats de voix qu'ils ont tenté, tant bien que mal, de contenir.
Assis côte à côte, contraints par le placement effectué en amont, chacun se tient à distance respectable de l'autre et de sa fourchette.
Ne les sentant pas enclins au bavardage, je m'adonne alors, les mains croisées sous mon menton, à mon activité favorite : observer les gens et les dénuder.
Oh, pas physiquement, non, j'ai déjà mon quota de visions flippantes le matin devant ma glace. Mais moralement, intellectuellement, émotionnellement.
Je regarde, je fixe, je scrute par-delà leur maquillage, leur coiffure, leur attitude et leur intonation. J'analyse, je tente de comprendre, je désamorce, je relativise. J'aime essayer de ramener l'autre à sa plus simple expression, de déceler ses failles, ses faiblesses, ses secrets cachés, j'aime gratter pour découvrir.
Ce qui m'intéresse le plus, ce sont les hommes, surtout les chauves, les ventripotents, les prétentieux, les autoritaires, les effacés, les trop beaux, les chétifs, ceux pour qui ça n'a pas toujours été facile. Je les imagine alors lorsqu'ils étaient petits garçons.
Des enfants colériques, paresseux, sales, câlins, ingénieux, cruels, peureux, rêveurs… Et je visualise ensuite le chemin parcouru pour transformer l'essence de ce qu'ils étaient en quelque chose de mieux. Ou de pire.
Bien sûr, tout se passe dans ma tête, et je n'ai aucune certitude si ce que je me figure a le moindre rapport avec la réalité. Mais j'aime à croire que oui. Un peu comme de résoudre mentalement des équations mathématiques dont je ne vérifierai jamais le résultat, mais dont je réutiliserai les calculs pour construire les personnages de mes prochains romans.
Au niveau des femmes, je constate que les plus de cinquante ans sont pratiquement toutes blondes.
C'est un fait scientifiquement reconnu, qui se vérifie ce soir parmi la foule.
Le poids qu'elles prennent avec leur ménopause, elles en allègent leur couleur.
Certaines sont rousses, ou auburn, mais c'est juste une question de mois avant qu'elles n'abreuvent leur chevelure d'eau oxygénée. Et plus elles prennent de l'âge, plus elles s'éclaircissent. D'ailleurs, elles se trahissent inconsciemment. Se référer à leur carnation capillaire est plus efficace pour estimer leur âge réel qu'une datation au carbone 14.
Personnellement je me suis juré, depuis petite, de toujours rester brune. La teinte noire de mes cheveux fait ma fierté, surtout depuis le coup des brunes qui ne comptent pas pour des prunes, tout ça. Pourtant, j'ai commencé récemment à les strier de petites mèches couleur châtaigne. Serait-ce le début de la fin ?
On me tapote l'épaule.
Je me retourne, personne.
Lorsque je reviens à ma position initiale, je découvre mon cousin Jerry, assis à côté de moi.
– Hey, salut homme à petites lunettes. T'es venu ?
– Non, tu vois bien, je suis toujours à Paris, patate.
– On dit Paname. Ta dyslexie te fait toujours souffrir, à ce que je vois.
– C'est toi qui me fais souffrir, ma chérie.
– C'est pour t'aider à être beau, car tu sais ce qu'on dit aux gens comme toi : « Il faut souffrir pour… »
– Inutile de t'inquiéter, je suis déjà au maximum de ma beaugossitude.
– C'est bien ce que je t'explique.
Il regarde autour de nous.
– Ton frangin n'est pas là ?
– Eeeeeh non. El Marido non plus, et las nioutas idemas.
– Il y a juste toi.
– Déçu ?
– Non, résigné.
Nous ricanons de concert. On s'aime bien, quand on se voit peu.
Soudain, Jerry bondit sur un type que j'ai déjà salué. Ils s'embrassent mutuellement en se donnant de grands coups chaleureux du plat de la main sur les épaules, et entament une petite discussion ressemblant vaguement à un truc du genre : « Dis-moi, vieille canaille, on m'a dit que tu avais changé de voiture ? » Et bla bla bla sur les jantes, la consommation d'essence, la tenue de route et autres prix habilement négociés.
Pendant ce temps, d'autres couples prennent place à ma table. Ils frôlent visiblement l'âge de la retraite pour la plupart.
– Bonsoir, me lance une dame articulant péniblement à cause d'un lifting trop tiré qui l'empêche de fermer la bouche.
– Bonsoir, dis-je courtoisement.
Super, trop de la balle cette table, je sens que la conversation de ce soir va se résumer à manger…
Sans bouger de mon siège, j'attrape par le bras une splendide jeune fille de dix-huit ans qui passait très vite derrière moi, habillée d'une robe aussi violette que la mienne. Mais la comparaison avec le vêtement s'arrête là. Outre le fait qu'elle la porte sur un corps de liane, le vêtement est plus décolleté sur sa poitrine menue, et plus court aussi, laissant entrevoir de splendides jambes de gazelle. La réplique exacte de mon corps il y a vingt ans.
– Mais c'est… Valentine ? Oh mon Dieu, mais ce que tu as grandiiii…
– Ouiii, répond poliment la fille de ma cousine, qui ne se sent pas particulièrement différente de d'habitude.
– Alors, comment vas-tu ?
– Bien, bien…
Son ton évoque l'envie pressante d'aller voir ailleurs si elle y est, un peu comme moi tout à l'heure en répondant à la dame aux joues tendues derrière les oreilles. Je la laisse donc repartir avec un petit signe de la main.
En même temps, honnêtement, avais-je tant de choses à dire que ça à une gamine à peine plus âgée que mon aînée ?
Il se trouve que oui. Je voulais justement lui demander dans quelle boutique elle avait acheté ces chaussures sublimes, et ces boucles d'oreilles originales, et aussi ce corps superbe que je n'arrive plus à trouver à ma taille.
Clotilde vient me rejoindre. Lorsqu'elle s'assoit à côté de moi, j'ai l'impression de récupérer un vieux pull élimé mais confortable, dans lequel je me sens enfin à l'aise.
– Je n'aurais qu'un seul mot à te dire, ça commence par « A » et ça finit par « lors », avec de multiples points d'interrogation derrière.
Elle hausse les épaules, avec un petit sourire.
– Bah… que veux-tu que je te dise ?
– Son prénom, pour commencer.
– Gédéon.
– Le pauvre. Bon, donc avec ce Gédéon, comment ça s'est passé ? Il est bien ?
– Ben… il m'a dit qu'il était médecin…
– Excellent.
– … légiste.
– Ho ?
– Non, mais ça ne me gêne pas, il a l'air gentil. Il est divorcé…
– Et ça, ça te gêne ?
– Pas du tout. Il a trois enfants…
– Ça par contre, tu peux pas, c'est ça ?
– Non, non, c'est son ex qui les élève. Il est végétarien…
– En même temps, vu son job… et ça t'ennuie ?
– Non, je m'en fiche. Il n'écoute que de la musique classique…
– Je le savais. C'est pour ça que tu fais cette tronche de petite déçue.
– Mais non enfin, arrête d'essayer de deviner ! Tu voulais que je te dise comment il est, je te dis comment il est.
– Mais pourquoi il ne te branche pas, alors ?
– Ça c'est une autre question, que tu ne m'as pas posée.
– Tu veux un recommandé ? Aboule l'info, folle.
– Tu connais El Postillador, l'homme qui te douche tout habillée ?
– Noooon…
– Si. Telle que tu me vois, je suis intégralement recouverte de son ADN.
– Yerk.
– Mais ça n'empêche qu'il est attentionné, hein. Il a même soudoyé un serveur pour qu'il nous apporte quelques petits-fours sucrés discrétos. « Des douceurs pour une douceur », qu'il a dit.
– Miam. Tu m'en as gardé un ou deux, charogne ? Ou bien je vais être obligée d'attendre, comme l'individu lambda que je ne suis pas, l'ouverture du buffet desserts ?
Elle secoue la tête, frémissant à l'évocation d'un souvenir pénible.
– Non mais là, je n'ai pas pu. J'ai fui. Et crois-moi, à ma place, tu aurais fui aussi. Rien que l'image de lui mordant dans une truffe, et m'exposant son sourire réjoui aux gencives incrustées de chocolat… Je me suis cassée avant qu'il ne me dise qu'il trouvait ça bon en me crachotant la poudre de cacao à la figure.
On ricane honteusement, en baissant la tête.
Jerry revient s'asseoir à notre table.
Je regarde mon cousin, avec sa chemise bariolée et son pantalon à pinces, et je me dis qu'après tout, pourquoi pas, au point où on en est.
– Clotilde, je te présente Jerry, le fils de mon oncle. Jerry, voici ma délicieuse amie Clotilde. Faites connaissance, je vais prendre un peu l'air.
L'orchestre s'est mis à jouer une musique entraînante pour accompagner l'arrivée des mariés sur la piste de danse. Beaucoup de gens se sont levés, tapent dans leurs mains ou agitent leur serviette. Moi j'ai juste besoin de m'agiter autre part.
Au moment où je quitte la table, j'entends Clotilde demander :
– Bonsoir, on ne s'est pas déjà vus quelque part ?
Petite débauchée, va. Tu perds pas de temps.
À peine ai-je franchi l'une des baies vitrées restées ouvertes, que l'air pur de cette soirée de printemps me monte à la tête.
Aussitôt je m'enivre de cette sensation exquise comparable à l'inspiration d'un voile tissé dans des molécules d'oxygène.
C'est le moment de la journée que je préfère, entre chien et loup, quand le soleil n'est pas encore couché et que le ciel se pare de flamboyantes couleurs chaudes qui irradient à travers les nuages.
Bras croisés contre ma poitrine, je me promène sur la terrasse le long d'épais bosquets récemment taillés, et la fraîcheur d'une brise aux arômes de chèvrefeuille me fait frissonner.
Je suis bien.
Visage offert à l'immensité du ciel, yeux fermés, j'avance lentement devant moi, oubliant presque la vaste piscine quelques mètres plus loin.
Je m'arrête juste à temps pour ne pas tomber dedans, retire mes escarpins, retrousse ma robe et m'assieds sur le bord. Puis je trempe mes jambes dans l'eau encore chaude de l'après-midi ensoleillé.
Que c'est agréable…
Pendant de longues minutes, j'entends la musique de l'orchestre résonner au loin, mais c'est le son du silence qui emplit mes tympans, le bruit des feuilles doucement balancées par un souffle de vent, le chant des oiseaux qui se répondent, l'écho de l'eau qui clapote sous les langoureux mouvements de mes mollets.
Depuis combien de temps ne me suis-je pas sentie aussi sereine et aussi apaisée ?
Oui, c'est un grisant sentiment d'immunité qui prédomine ce soir. Le sentiment que tout est possible, que moi, Anouchka Davidson, je n'ai de comptes à rendre à personne, que je n'ai aucune obligation. Telle l'exaltation d'un rendez-vous amoureux en tête à tête avec moi-même. C'est si bon de me dire que ça va durer encore quelques jours, sans chemises à repasser, sans chienne incontinente à sortir, sans devoirs à corriger, à me plonger avec délectation dans la lecture du boulot d'un autre, en sirotant des cocktails sans alcool, comme ça, la fête sera plus folle.
Me voilà seule, libre comme l'air.
Je pourrais me lever et courir à m'en faire péter la cellulite, chanter à tue-tête, même faux, surtout faux, je pourrais me sauver, et personne ne me retrouverait, je pourrais me nourrir de cueillette, m'habiller d'embruns et m'abriter sous le ciel, je me sens tellement libre que je plains la vie étriquée des oies sauvages.
Tout doucement, à force d'étendre mes jambes, je glisse lentement vers le bassin, au rebord duquel je me rattrape de toutes mes forces.
Un bain de minuit sans qu'il ne soit minuit, avec toute la famille à côté qui ne m'a plus vue dans mon plus simple appareil depuis… pff… jamais ? Non mais ça va pas bien, ma fille ?
Calmos, réfléchissons un instant.
Ou alors, en considérant que je garde ma robe…
« Nooon, Anouchka, tu es dingue, soit raisonnable. »
Voilà, je me parle encore à moi-même. Et je n'ai même pas une Chochana pour me servir d'alibi. Cette sale poilue de petite chienne qui pue.
En même temps, à quand remonte la dernière fois où je me suis laissée aller à un coup de folie, comme ça, sans cogiter ?
C'est vrai que je brille un peu trop par ma rigueur, mon sérieux et ma fiabilité. Un vrai petit somnifère sur pattes. Et ça ne date pas d'hier, même ado, jamais de mensonges à mes parents, jamais de dépassement d'horaire quand j'avais de promis de rentrer à une heure donnée, jamais de fumage de substances illicites, jamais de fumage de substances licites non plus, d'ailleurs. Depuis, en robe de chambre et grosses chaussettes de laine, j'ai zigouillé une bonne centaine d'individus sans que personne n'y trouve à redire. Même ça, on m'a laissée le faire à condition que je reste sagement dans mon coin, et que le repas du soir soit servi bien à l'heure.
Pourquoi serait-ce toujours aux mêmes d'avoir le droit de faire des bêtises, et à ceux de mon espèce d'être là pour les réparer ?
Ça va, maintenant, non ? Si on cumule tous les bons points que j'ai amoncelés en trente-six ans de carrière, j'ai assez de crédit pour m'acheter au moins… ça.
Avec une immense volupté, je me laisse glisser dans la piscine et commence à nager. Barboter serait le mot exact, car ma robe gorgée d'eau pèse un quintal autour de moi, tandis que je m'escrime à essayer d'avancer. Heureusement, je n'ai pas choisi l'endroit de ma descente au hasard, car là où je me trouve, j'ai pied.
Finalement, même quand je me lâche, il faut quand même que je me retienne un peu.
Tant pis, je continue de savourer mon bain d'avant minuit tout habillée.
Progressivement, je perçois des bruits de voix sur la terrasse, des gens sortent fumer une cigarette, mais personne n'a encore remarqué ce qui se passe. S'ils tournaient la tête, ils verraient qu'il se passe moi, en guest star du mariage de ma cousine Charlotte, en train de lui voler la vedette. Des rires fusent, mais je m'en éloigne et entame une petite natation synchronisée avec les mains pour me dérouiller les trapèzes.
Je suis si bieeen…
J'évite cependant de me mouiller les cheveux, que j'ai pris soin d'attacher lors de ma courte promenade, car ma nouvelle coiffure ne survivrait pas à une séance de frisottage intempestive.
Soudain, une main m'agrippe sous l'épaule et me tire vers le bord. Je me sens happée, soulevée malgré moi par deux bras puissants, et c'est en échouant sur le gravier tel un baleineau désorienté que je prends conscience que l'instant de béatitude est terminé.
Retour sur la terre ferme.
– Merci de votre aide, mais ce n'était pas nécessaire, j'étais très bien là où j'étais…, dis-je en réalisant mon état lamentable. Je tords des pans de ma robe pour les essorer.
– Pardonnez-moi, vous faisiez tous ces curieux mouvements avec vos mains, je pensais que vous aviez un problème.
Je lève enfin les yeux vers le sauveur accroupi près de moi, et je reste figée.
Ma tête, avec sa bouche ouverte d'où aucun son ne sort, doit être assez représentative de mon état d'esprit puisque le gars affiche un air entendu. Ce type de réaction ne doit pas l'étonner outre mesure, car c'est l'un des hommes les plus beaux qu'il m'ait été donné de rencontrer.
Des cheveux châtains, merveilleusement décoiffés au gel avec une longue mèche devant qui tombe sur son front, encadrent un visage aux traits marqués, divinement ciselés. Il doit avoir facilement la quarantaine. Peut-être quarante-cinq. Son nez est parfait, ses lèvres, pas très charnues mais suffisamment pour qu'on ait envie d'y mordre, arborent un demi-sourire si séduisant que je regrette un instant d'avoir gardé ma robe pour ce bain d'avant minuit. Ses yeux enfin… mais comment fait-il pour avoir un regard si magnétique ? Ses yeux, disais-je, ont la forme et la couleur bleu lagon de ceux d'un chat siamois, et ils me sondent avec une telle intensité que soutenir son regard, ne serait-ce que quelques secondes, me paraît indécent. C'est un regard candide, quasi enfantin, où se lit une souffrance cachée, presque insondable, une souffrance que seule une femme passionnée se sentirait capable d'atténuer, de guérir peut-être. Je le sais, j'en suis une.
Il porte ses vêtements avec la nonchalance d'un mannequin Calvin Klein, rien sur lui n'est apprêté, son style est un peu rock, avec son bandana autour du poignet, sa boucle d'oreille et son pendentif inca autour du cou. Sa chemise s'entrouvre sur un torse glabre que l'on devine musclé, et je finis par me demander, l'espace d'un instant, si ça ne vaudrait pas le coup de m'évanouir une minute, histoire de profiter d'une petite séance de bouche-à-bouche ni vu ni connu j't'embrouille.
– Nous ne nous sommes pas présentés. Je m'appelle Basil Perkins, dit-il en me tendant la main.
– …
– Et vous êtes ?
Je soupire.
– Mariée.
À ce moment précis déboule Jerry, suivi de Clotilde, alertés par le petit attroupement qui commence à se former autour de moi.
Jerry (inquiet). – Tu vas bien ? Qu'est-ce qui t'est arrivé, tu es tombée à l'eau ?
Moi (penaude). – Heu… oui-oui.
Clotilde (en s'agenouillant près de moi). – Mais regarde, ta robe est toute trempée, tu ne peux pas rester dans cet état, tu vas attraper une pneumonie.
Moi (qui commence à atterrir). – Heu… oui-oui.
Aussitôt, les secours s'organisent. Il faut que j'aille me sécher et changer de vêtements, alors Jerry propose de me prêter sa chemise, car il porte un tee-shirt en dessous et une veste par-dessus.
Jerry (en la déboutonnant). – Je ne peux bien évidemment pas te filer mon pantalon… mais sinon, je peux me passer de caleçon, si tu veux.
À cette évocation, je me sens prise d'un haut-le-cœur.
Moi. – Juste pour être sûre, on est bien en train de parler du calbute que tu portes depuis le début de la semaine, c'est ça ?
Jerry (hilare). – Celui-là même. Bien sûr, il est un peu serré, mais je suis sûr qu'en tirant d'un coup sec j'arriverai à le décoller de mes fesses.
Moi (qui m'éloigne rapidement, avec Clotilde à mes trousses). – Je vais te gerber dessus et tu l'auras bien mérité…
Passage aux toilettes, pour m'éponger grosso modo avec des serviettes en papier.
Le temps de troquer ma dégoulinante loque violette contre la chemise de mon cousin et le jupon noir qui était sous la robe de ma copine, et me voilà de retour dans le couloir qui mène à la salle, avec une seule envie, rentrer à l'hôtel.
– Je sais qu'il n'est pas très tard, mais que dirais-tu d'aller saluer les mariés, et de nous éclipser rapidos pour profiter du charme des Jacuzzi qui peuplent les terrasses des chambres qui nous attendent ? je demande à Clotilde.
– T'as encore envie de te baigner après ça ?
– Oui, mais sans robe, cette fois.
– Huuum…, fait Clotilde, en regardant ailleurs.
Machinalement je la suis, tandis qu'elle m'entraîne inéluctablement vers notre table.
– Au fait, avec Jerry, ça y est, vous avez fait connaissance ?
– Oui. Enfin, en réalité, je le connaissais déjà.
– Ah bon ? Mais c'est super, ça ! Et tu le connaissais d'où ?
– Nous avons eu un intéressant corps à corps, il y a au moins un an et demi de cela.
– Non, please , pas les détails, c'est mon cousin. Pour moi, cet homme est asexué. Comme une plante verte.
– Oh, il n'y avait rien d'érotique là-dedans, rassure-toi. C'est juste ma main qui est entrée en contact avec sa figure, et pas pour la caresser, crois-moi. Tu te souviens de la fois où je me suis fait couper les cheveux très courts, après un passage catastrophique chez un abruti de coiffeur qui avait raté ma couleur ?
– Ne me dis pas que…
– C'était lui, l'abruti. Et je viens d'apprendre en plus qu'il n'était même pas coiffeur.
– Je ne sais pas quoi te dire, je ne savais pas que…
Elle hausse les épaules, et rajuste le col de ma chemise, l'air pensif.
– Anouchka, je vais aller voir au bar s'ils peuvent te préparer une boisson chaude, me dit Clotilde en s'éloignant.
– C'est gentil, ma biche, mais tu n'as pas besoin de faire ça, je vais bien, viens, allons-y et…
– Non, je t'assure, ça va te requinquer, fais-moi confiance. Va t'asseoir à table, je reviens.
Je la regarde s'éloigner, en me disant que finalement, la soirée allait être longue.