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Chapitre Cinq
Aile de Corbeau avait perdu le décompte des avaries de son vaisseau. Les runes rouges qui clignotaient sur le panneau de contrôle étaient si nombreuses qu’il n’arrivait plus à les différencier. La situation était critique. Le Nauro n’avait jamais subi de tels dommages, et même s’il parvenait à éviter tous les missiles, toutes les torpilles et tous les lasers qui fusaient en tous sens, il n’allait probablement pas survivre aux dégâts qu’il avait déjà encaissés.
Néanmoins, le message en provenance du Valgard lui avait donné un nouveau dessein. Contrairement à la plupart de ses frères, Aile de Corbeau trouvait que les derniers carrés héroïques manquaient cruellement de pragmatisme. Le Loup en lui était sombre et solitaire, pétri d’un instinct de préservation poussé. C’était pour cette raison que les griffes sanglantes et que les chasseurs gris se défiaient de lui. De toute façon, ce mépris était mutuel. L’héritage de Russ était varié et donnait naissance à toutes sortes de tueurs, du guerrier affrontant fièrement ses ennemis, yeux dans les yeux, à l’assassin discret qui préférait les poignarder ennemis dans l’ombre.
Le destroyer qu’il s’était choisi pour cible était clairement visible sur l’écran principal. Lui aussi était en piteux état après avoir essuyé le tir direct d’un laser de défense orbital. Ces canons délivraient des rayons d’une puissance terrifiante, capable de désemparer un navire d’un seul coup au but. En plus du trou béant dans sa coque, le destroyer semblait souffrir d’une panne de ses moteurs, car il descendait lentement vers la planète en tournant sur lui-même. Une traînée de plasma couleur rouille s’écoulait depuis son flanc tribord. Aile de Corbeau pouvait voir des éclats de lumière à l’intérieur de sa coque dévastée tandis que l’équipage essayait frénétiquement de recharger en énergie les canons des bordées. Il était clair qu’il n’y parviendrait pas à temps. Aile de Corbeau vira légèrement de bord afin de placer un escadron de bombardiers ennemis dans l’angle de tir de ses canons de bordée tribord.
— Il me reste un tir ? lança-t-il à son kaerl.
— Affirmatif ! répondit du tac-au-tac ce dernier, assis devant son pupitre de canonnier. À en juger à sa voix, il avait repris un peu confiance en lui.
— Alors verrouille-le et détruis-le ! lui ordonna Aile de Corbeau. Il jeta un coup d’œil irrité au voyant qui lui annonçait que le générateur de bouclier bâbord était hors service. Son vaisseau était en train de lâcher et il ne pouvait rien y faire.
— Vingt secondes !
Au même instant, Aile de Corbeau vit qu’ils étaient condamnés. Un escadron de frégates Thousand Sons s’était écarté du combat désespéré que livraient le Skraemar et ses escorteurs afin de pourchasser les survivants de la flotte des Space Wolves. Elles étaient rapides, trop rapides. Au moins trois d’entre elles allaient se retrouver à portée avant qu’il parvienne à échapper à la bataille. Si les bombardiers étaient des proies pour le Nauro, les frégates étaient ses prédateurs…
— Mon Seigneur, il y a des…
— J’ai vu, merci ! Conservez la trajectoire d’attaque et augmentez la vitesse.
Cette fois, tous les kaerls tournèrent vers lui des regards éberlués, y compris ceux qui étaient occupés quelques secondes plus tôt à éteindre les feux électriques qui ravageaient leur console.
Aile de Corbeau leur lança un regard courroucé.
— Dépêchez-vous avant que je vous égorge ! gronda-t-il en dégainant son pistolet bolter.
L’équipage obéit instantanément. Le Nauro protesta lorsque les moteurs furent poussés dans leurs derniers retranchements. Sur les écrans, le vecteur d’attaque estimatif se mua en une trajectoire précalculée. Le destroyer se mit à grossir à une allure effrayante.
— Dix secondes…
— Plus vite ! ordonna Aile de Corbeau, les mains crispées sur les bras de son trône, sans quitter des yeux la silhouette du destroyer qui emplissait l’écran. Il était ravagé par les incendies. Des langues de feu léchaient l’armature dorée de ses ponts. Visiblement, son capitaine tentait de se mettre hors d’atteinte, mais privé de moteurs, autant essayer de manœuvrer un iceberg. La distance entre les deux vaisseaux diminuait de plus en plus.
— Cinq…
Les frégates étaient désormais à portée. Les auspex de sa console avertirent Aile de Corbeau que leurs lasers de proue étaient presque prêts à faire feu.
— Skítja ! Plus vite !
Il pouvait imaginer les communications affolées entre le destroyer et les frégates : le Nauro leur donnait l’impression d’être lancé dans une attaque kamikaze. Après tout, que pouvait-on attendre d’autre de la part de guerriers aussi barbares que ceux de Fenris ?
Aile de Corbeau put enfin lire l’inscription sur la proue baroque du destroyer. Il avait été baptisé Illusion de la Certitude.
Quelle ironie.
— Feu !
Le Nauro fut parcouru par une vibration prodigieuse lorsque son canon laser lourd cracha un rayon de lumière aveuglant sur le destroyer. Le tir traversa facilement les boucliers défaillants du navire et dévasta ses ponts internes. Une boule de feu orange se propagea depuis les entrailles ravagées du destroyer. Le navire se brisa en deux comme une noix gigantesque.
— On va le percuter ! hurla un des kaerls.
Emporté par son élan, le Nauro plongea au cœur de cette mer de flammes sans pouvoir l’éviter.
— Alerte impact ! cria un autre kaerl en frappant une rune avec véhémence pour rediriger les ultimes réserves d’énergie vers le bouclier avant.
— Gardez votre calme ! rugit Aile de Corbeau en se concentrant sur le pilotage du Nauro à travers les nuées de débris. Un énorme morceau de la coque du destroyer dérivait dans leur direction. Aile de Corbeau fit plonger son navire avant de le redresser dans une embardée sur tribord au moment où un enchevêtrement de poutrelles d’adamantium allait percuter son flanc bâbord. Des débris plus petits volaient en tous sens et heurtaient les boucliers affaiblis du Nauro dans des crépitements d’énergie, tels des griffes démoniaques sur un champ de Geller. Quelque chose de massif racla le ventre du vaisseau et le fit brusquement dévier vers un amas de pièces métalliques.
— Et voilà le travail ! s’exclama Aile de Corbeau en emmenant le Nauro dans un virage ascendant et serré à tribord en tirant impitoyablement sur le manche à balai. Des langues de plasma en feu s’accrochèrent brièvement à la carlingue lorsqu’il jaillit de l’orbe de destruction, puis le Nauro se retrouva hors de danger.
Il émergea de l’autre côté de la mer de flammes provoquée par la désintégration du destroyer. Cette manœuvre audacieuse lui avait fait gagner de précieuses secondes, car les frégates avaient sûrement pensé qu’il s’était jeté vers une mort certaine. Même lorsqu’elles auraient réalisé leur erreur, les traînées de plasma bouillonnant allaient gêner leurs calculateurs de tir pendant encore quelques instants.
D’ici là, le Nauro serait loin. Aile de Corbeau venait d’échapper au maelström de la bataille ; le vide spatial s’ouvrait devant lui.
— Plus vite ! harcela-t-il de nouveau son équipage. Il jaugea rapidement les dégâts que son passage à travers la myriade de débris avait provoqués. Il avait perdu l’essentiel de ses boucliers, et son enginarium dorsal souffrait d’une avarie majeure. « Plus vite, avant que je vous étripe ! »
L’esprit de la machine du Nauro protestait. Le navire tremblait et grinçait comme un vieil arbre sous la tempête. Tous ses systèmes – y compris les plus vitaux – menaçaient de s’éteindre d’un moment à l’autre. Aile de Corbeau ignora la colère de son vaisseau et le força à lui restituer jusqu’à la plus petite parcelle de puissance qu’il détenait encore.
— Quel est le statut du Sleikre et d’Ogmar ? s’enquit-il. Il s’attendait à tout instant à ce qu’un tir des lasers lourds des frégates vienne mettre un terme définitif à leur action d’éclat.
— Ils ont été détruits, mon Seigneur. La voix du kaerl était tendue, mais admirative. On devrait être morts nous aussi, faillit-il ajouter. Finalement, il se contenta de dire : « nous sommes seuls. »
Aile de Corbeau sourit. L’idée de s’en être sorti vivant alors que les autres n’avaient pas eu cette chance flattait la part sombre de son âme.
— Maintenez notre cap et notre vitesse actuels, ordonna-t-il. Les frégates ne faisaient pas mine de les poursuivre. De toute façon, elles étaient trop lentes pour les rattraper. Il jeta un œil à l’hololithe tactique. Ils s’éloignaient peu à peu de l’amas de lumières représentant la bataille spatiale. Contre toute attente, ils avaient réussi à traverser le blocus. « Amenez-moi à la zone de saut Warp et déterminez le vecteur de translation vers Gangava. »
Il se tourna vers l’affolement de runes qu’il avait ignoré au cours des dix dernières minutes. Elles avaient toutes viré au rouge. Techniquement, cela voulait dire que le vaisseau n’était plus qu’une épave à la dérive. Si l’espace réel ne l’achevait pas, le Warp s’en chargerait probablement. Plus de boucliers, plus d’armes, un air respirable raréfié et neuf ponts en proie aux flammes. Pas de quoi se réjouir.
— C’est ce qu’on va voir ! pensa Aile de Corbeau à voix haute, sans réprimer un sourire inquiétant.
Le Skraemar était un bâtiment ancien et puissant. Il avait connu les jours noirs de la Purge et plus d’une centaine de conflits depuis lors. Certains de ses combats étaient entrés dans la légende : il avait tenu tête pendant deux semaines à tout un escadron de l’Archi-ennemi dans la Ceinture d’Aemnon, jusqu’à ce que des renforts arrivent pour renverser la situation. Il avait vaincu l’Or-Iladril, un navire corsaire bien plus puissant que lui ; brisé l’embargo de Pielos V à la tête d’une flotte impériale pourtant largement inférieure en nombre. Son esprit de la machine était rusé et vénérable, et partageait un lien privilégié avec son prêtre de fer Beorth. En résumé, le Skraemar était rapide, bien armé et terriblement obstiné.
Lorsqu’il finit par mourir, isolé dans l’orbite de Fenris et encerclé par ses ennemis, ce ne fut qu’au terme d’une lente agonie. Ses réacteurs n’entrèrent pas en fusion, ses réserves de prométhium n’explosèrent pas. Il avait été frappé en mille endroits, harcelé par des millions de tirs de laser et blessé par les salves de torpilles et de plasma. Ses adversaires ne lui laissaient aucun répit. Les vagues de bombardiers s’abattaient les unes après les autres, et menaient une danse infernale autour des langues de feu crachées par le béhémoth battu à mort.
Pas une seconde le Skraemar ne cessa de tirer. Sa coque avait beau être brisée, laissant s’échapper dans l’espace des corps ensanglantés et des traînées de flammes, elle continuait de résister à l’artillerie navale. Ses moteurs déplaçaient sa silhouette pesante afin de conserver dans la ligne de mire des artilleurs les navires des Thousand Sons. Ses frégates avaient été pulvérisées depuis longtemps, et les dernières stations orbitales n’étaient plus que des débris crépitants et fumants. Le croiseur d’attaque était seul, masse grise indomptable au milieu d’une mer de vaisseaux couleur or et saphir.
Les batteries avant du Skraemar tonnèrent une dernière fois, envoyant une pluie de mort s’abattre sur le destroyer Sceptre de Khomek. La salve atomisa les boucliers puis les ponts du navire dans un éclat de lumière prodigieux.
Le Sceptre de Khomek n’était qu’une victime de plus. Il alla rejoindre l’Achaéonique, le Numerator et le Pilastre dans le tableau de chasse du Skraemar. Le croiseur d’attaque avait fait payer cher les Thousand Sons, mais sa fin était proche. S’avançant à travers un océan de débris comme un prédateur des abysses, la silhouette immense du Herumon émergea des ombres pour se mettre à portée de tir.
Extraordinairement, en dépit des fuites d’oxygène et des avaries de ses moteurs, le Skraemar réussit à virer de bord pour faire face à son adversaire. Les derniers kaerls de l’équipage encore en vie luttaient héroïquement afin d’éviter la surchauffe définitive des moteurs à plasma et l’explosion de leur bâtiment.
Njan Anjesson, celui qu’on nommait Dos d’Argent, était le seul être encore en vie sur le pont de commandement et pilotait toujours le croiseur. Il se prépara à libérer une ultime salve, juste pour l’honneur, déterminé à faire boire à ses ennemis jusqu’à la lie le calice de sa destruction.
Le Herumon ne changea pas de cap et continua sa route implacablement. Il ne prenait pas son adversaire à la légère et l’aligna avec autant de batteries qu’il le pouvait. Cette fois, l’issue était inévitable.
Lorsqu’il ouvrit le feu, l’espace sidéral fut inondé de lumière.
La pénombre finit par revenir. Le Skraemar venait de subir le coup de grâce et se mit à dériver lentement. Ses derniers boucliers crépitèrent et s’éteignirent. Des explosions en chaîne illuminèrent son flanc bâbord telles le final d’un feu d’artifice mortel. Le reste de la flotte des Thousand Sons se rua en avant pour la curée, conscient que le Skraemar était désormais impuissant à se défendre.
Sur le pont de commandement, Anjesson s’extirpa de son siège défoncé, et traîna son corps meurtri vers le pupitre de contrôle. Les écrans étaient tous éteints. Les systèmes vitaux aussi, condamnant les derniers survivants de l’équipage à mourir asphyxiés, ou gelés par le froid sidéral. Il regarda autour de lui à la recherche d’un ultime geste de défi avant de périr avec son navire.
Il n’en trouva aucun. L’esprit de la machine était muet. Anjesson regarda au-dessus de lui, à travers les hublots, et vit la silhouette du Herumon englober tout l’espace, masquant tout le reste. Il aperçut les rangées de baies de lancement de modules d’atterrissage, les soutes imposantes qui renfermaient les transports, les rampes de lancement des missiles espace-sol Immolator et des torpilles à fusion.
Il vit toutes les armes qui allaient mettre Fenris à feu et à sang et tomba à genoux.
Les explosions résonnaient, de plus en plus proches du pont de commandement. Elles mettaient son vaisseau en pièces et projetaient toujours plus de débris dans le néant. Anjesson se releva et se tourna fièrement vers la mort qui venait le prendre, la tête haute, empli de mépris envers l’ennemi responsable de la géhenne de son chapitre.
— Vos actes parlent pour vous ! Traîtres ! Bande d’impies et de lâches !
Enfin, une explosion recouvrit le pont de commandement, emmenant dans son sillage le vide de l’espace et l’oubli.
Les gardes loups se préparaient au combat. Rossek, Skrieya et les autres guerriers d’élite de la Douzième avaient rejoint leur poste à la tête de leurs meutes. Il ne restait que trois Loups dans la salle du Guet. Eux aussi n’allaient pas tarder à la quitter.
— Les défenses orbitales ont été détruites, annonça funestement Greyloc en se détournant de l’écran de contrôle sur lequel toutes les runes des Space Wolves s’étaient éteintes. « Vous avez quelque chose à dire ? »
Croc de Wyrm se gratta la nuque et grimaça, comme il le faisait toujours lorsqu’il réfléchissait intensément. Les auspex des écrans signalaient que l’ennemi avait déjà repris son avance.
— Ils vont poser leurs transports hors de portée de nos canons et nous attaquer par voie terrestre.
Sturmhjart tourna vers lui un visage circonspect.
— Ils ont la suprématie aérienne, pourquoi ne nous bombarderaient-ils pas ?
Croc de Wyrm sourit férocement.
— Tu ferais mieux de retourner à tes osselets, prêtre. Sache que les boucliers de l’Aett ont été conçus pour résister au siège d’une flotte au moins quatre fois plus vaste que celle-ci. Les sorciers ne disposent plus d’une telle puissance de feu depuis que nous avons détruit Prospero.
— Quoi qu’il en soit, intervint calmement Greyloc, « ils ne veulent pas se contenter de nous bombarder. Ils veulent s’emparer du Croc pour le profaner. »
— Mais je ne perçois rien, absolument rien… murmura Sturmhjart en portant un regard empli de doute vers Greyloc.
Le Prêtre Loup haussa les épaules.
— C’est normal, eux aussi ont des sorciers !
— Ce sont des traîtres qui ne connaissent rien aux rites ! protesta le Prêtre des Runes.
— Pourtant, ils ont réussi à t’aveugler, tout comme tes acolytes, rétorqua Croc de Wyrm. « Leurs sceaux d’illusion sont puissants. »
Aucun des trois Loups n’osa prononcer le nom du seul être capable d’un tel prodige.
— Nous avons nos propres défenses, reprit Sturmhjart d’une voix ferme. « L’Aett dispose de pierres d’annulation psychique ; des centaines symboles de préservation sont gravés dans la pierre et investis de l’esprit de ce monde. Même le plus puissant des sorciers ne peut les pénétrer. »
Greyloc hocha la tête.
— Je sais que tes frères les ont entretenus avec soin, et ils doivent continuer à le faire. Combien de prêtres des runes avons-nous ?
— Six, mais quatre d’entre eux sont des acolytes inexpérimentés. Seuls Lauf Brise-nuage et moi-même sommes en mesure d’affronter les sorciers des Thousand Sons s’ils venaient à pénétrer ici.
Une fois de plus, Greyloc maudit intérieurement Heaume de Fer.
Je t’avais prévenu. Les signes ne trompaient pas. Magnus s’est joué de toi. Je n’aurais pas dû céder face à ta folie.
— Il faudra alors qu’ils apprennent sur le tas. Assure-toi que les sceaux sont sanctifiés et que les konungrs de la Garde de l’Aett sont conscients de leur importance. Il faut les protéger à tout prix.
Sturmhjart s’inclina.
— À tes ordres, dit-il avant de prendre congé avec moins d’assurance que d’habitude.
— Il est conscient de son échec, dit Greyloc à Croc de Wyrm lorsque le Prêtre des Runes eût quitté la pièce.
— Il ne devrait pas, le corrigea Croc de Wyrm. « Tu connais aussi bien que moi les deux responsables de cette catastrophe, aussi bien dans notre camp que dans le leur. »
— Cela n’a plus d’importance. Est-ce qu’un de nos vaisseaux a réussi à passer le blocus ?
— Le dernier que nous avions, celui d’Aile de Corbeau, a été détruit en éperonnant l’ennemi. Nous sommes seuls.
Greyloc soupira puis examina attentivement son gantelet. Chacune de ses éraflures correspondait à la mort d’un ennemi, broyé sous sa poigne de fer. Greyloc l’observa intensément, comme s’il tentait d’en extirper quelque signification cachée.
— Les meutes devront les empêcher d’atterrir, finit-il par annoncer. « Je ne vais pas les laisser poser impunément le pied sur Fenris. Et lorsqu’enfin ils arriveront ici, j’aurai besoin de ta flamme pour gonfler le cœur de nos troupes. »
Croc de Wyrm acquiesça.
— Nous ne faiblirons pas, cependant, l’Altération…
— Je sais. Cependant, ne laisse pas tes recherches obscurcir ton jugement. L’Aett va avoir besoin de toi.
Croc de Wyrm parut vouloir ajouter quelque chose puis se ravisa. Il s’inclina avec révérence.
— Ne t’inquiète pas, Jarl. Lorsqu’ils arriveront ici, ils verront ce qu’il en coûte de s’en prendre à nous.
Greyloc eut l’air satisfait.
— J’y compte bien, prêtre.
Aphael ressentait une satisfaction immense à l’idée que l’espace au-dessus de Fenris avait été conquis. Il ne s’était pas senti aussi bien depuis… eh bien, il avait expérimenté d’innombrables sensations au cours des siècles, certaines plus récentes que d’autres, si bien que c’était difficile à dire.
Il était assis sur le trône de commandement du Herumon. Il avait retiré son heaume et l’avait posé sur ses genoux, et observait les derniers débris des navires des Space Wolves être attirés par l’orbite de Fenris et s’enflammer en pénétrant son atmosphère. Il avait perdu plus de vaisseaux qu’il s’y attendait, cependant aucun de ses transports de troupes n’avait été endommagé. Il pensa furtivement au contenu de leurs soutes, à ce qu’il allait pouvoir faire avec cette armée, et sentit de nouveau un immense sentiment de satisfaction l’envahir.
— Mon Seigneur, le blocus est établi, annonça une voix.
Un capitaine de la Garde des Spires s’était mis au garde-à-vous en haut des marches qui menaient au trône et au pupitre de contrôle. Aphael se tourna vers lui avec bienveillance. Il ne s’était pas senti aussi bien depuis des semaines.
— Savez-vous pourquoi vous portez le titre de Garde des Spires, Capitaine ?
— Mon Seigneur ?
— Répondez.
L’homme eut l’air embarrassé.
— Ce… c’est mon rang…
Aphael rit.
— Et vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ? Mon ami Temekh serait triste de vous entendre. Accepter aveuglément quelque chose ne nous ressemble pas. C’est même le sort que nous réservons d’ordinaire à nos ennemis.
L’homme eut l’air effrayé et déglutit péniblement à cause de la jugulaire de son grand heaume doré. Le regard d’Aphael se perdit dans le vague.
— Il existait autrefois un lieu avec de vraies spires. Elles étaient gardées par des milliers de soldats tels que vous. Des milliers et des milliers…
Il posa de nouveau les yeux sur le Capitaine. L’homme n’avait rien d’un guerrier de Prospero. Il était petit et mince, avec une peau blanche, presque laiteuse. Tous ses camarades lui ressemblaient. Ils étaient originaires de mondes aux altitudes élevées où régnait un froid glacial. Ils allaient combattre vêtus de lourdes armures carapaces, de masques et de respirateurs. Ils ne porteraient pas des cuirasses d’or et de pourpre. Fenris n’était pas un endroit où un soldat pouvait arborer un fier uniforme.
— Pardonnez-moi, cette époque me semble parfois si proche, dit Aphael.
Le Capitaine attendait patiemment. Les mortels d’aujourd’hui étaient des brebis serviles. Mille cultes, répartis sur plus d’une centaine de mondes impériaux, tous voués à former l’Ost Ultime. Les hérauts de la vengeance. On leur avait appris que les sorciers des Thousand Sons étaient des dieux, les prophètes d’une ère nouvelle, d’un millénaire de lumière qui chasserait les ombres de l’ignorance et de la foi aveugle.
C’est bel et bien ce que nous étions, autrefois.
— Préparez-vous à l’atterrissage, déclara Aphael en revenant à un sujet plus concret. « Placez les transports au-dessus du secteur Ph’i et attendez les ordres de Hett. Les flottilles de bombardement sont-elles en place ? »
— Oui, mon Seigneur.
— Parfait. Qu’elles débutent le pilonnage dès que possible. Et cet intercepteur qui est passé à travers les mailles du blocus ?
Le Capitaine hésita, visiblement gêné.
— Il a effectué un saut Warp avant que nous puissions le rattraper, mon Seigneur. Cependant, je suis persuadé qu’il sera détruit avant d’avoir atteint Gangava…
Aphael leva un sourcil interrogateur.
— L’Illusion de la Certitude emmenait une escouade d’Effacés menés par le seigneur Fuerza, continua le Capitaine.
— Et alors ?
— Les boucliers du vaisseau du Chien étaient coupés lorsqu’il a traversé l’épave en feu. On m’a informé que l’espace d’une microseconde, une téléportation semble avoir eu lieu.
— Vous en êtes certain ?
— Non, mon Seigneur. Les données des auspex sont incomplètes. Néanmoins, il est notoire que le seigneur Fuerza est un techno-adepte talentueux…
— C’est vrai. Essayez d’en apprendre plus à ce sujet, cela pourrait se révéler d’une importance vitale.
Le Capitaine s’inclina et descendit les marches. Le pont de commandement était aussi vaste que la nef d’une cathédrale, et accueillait des centaines de membres d’équipage consciencieusement affairés à leur tâche. Seul résonnait sur le sol dallé de marbre le trot discret de valets vêtus de robes blanches transmettant des tablettes de données aux gardes des spires. Des embrasures en bronze surlignaient l’encadrement des baies d’observation taillées dans du cristal transparent d’yyemina. Le ronronnement des moteurs du Herumon était assourdi, mais perceptible, et se joignait aux chuchotements feutrés du personnel naviguant.
Aphael observait distraitement la scène en réfléchissant à ce qu’il devait encore faire avant de rejoindre son armée sur Fenris. La courbe de la planète se découpait dans l’embrasure de la baie bâbord. Elle était aussi calme et sereine qu’au début de la bataille navale qui venait de voir la destruction de la flotte chargée de la protéger.
Les démangeaisons au niveau de son cou reprirent soudainement et il étira la tête vers l’arrière pour les faire partir. Un filet de sueur coula le long de son épine dorsale, sous sa robe de soie et son armure couleur saphir.
Il regarda rapidement autour de lui afin de vérifier que personne n’avait rien remarqué. L’équipage vaquait à ses occupations sans lui prêter attention.
Il passa doucement ses doigts sur son cou, au niveau du gorgerin de son armure.
Cela ne s’améliorait pas, bien au contraire. Il sentait quelque chose de doux jaillir de sa chair.
Des plumes. Par Magnus, des plumes !
Il serra les dents et retrouva sa composition. Il pouvait encore y résister. L’Effacement les protégeait, et lui-même était un pyromancien, un des élus les plus forts et les moins exposés aux mutations induites par le Grand Océan.
Temekh ne devait pas l’apprendre. Il ne devait pas s’en apercevoir. De toute façon, Aphael devrait bientôt porter son casque en permanence. Le combat lui permettrait de mettre un peu de distance entre lui et ses hommes.
— Je te hais, siffla-t-il à l’encontre de l’orbe blanc de l’autre côté de la baie. « C’est toi qui as fait de nous ce que nous sommes. »
Il saisit son casque et se leva, plongé dans sa propre fureur, ignorant l’équipage autour de lui. Ses yeux bleus devinrent vitreux. Son humeur était aussi changeante que le Warp.
— Tu cherches à te libérer de ta corruption, mais tu échoueras, souffla-t-il. « Nous t’en empêcherons. Tu resteras une bête infirme, un espoir brisé, tout comme nous. Et lorsque la Fin des Temps arrivera, tu seras faible et isolée face au Destructeur. »
Il baissa les yeux, se demandant l’ombre d’un instant contre qui sa colère brûlait réellement.
— Tout comme nous, conclut-il avec douleur.
Le hall du Croc du Thane reliait Jarlheim et les Maisonnées. Il se trouvait ainsi au centre de la montagne, juste sous les hangars du Valgard. C’était un des nombreux bastions de l’Aett, la seule voie d’accès entre deux zones majeures du Croc. Si un ennemi parvenait à pénétrer dans la forteresse au niveau des portes, il serait forcé de traverser le hall du Croc du Thane pour accéder aux niveaux supérieurs.
Dans cette forteresse extraordinaire qu’était l’Aett, le hall du Croc du Thane faisait figure de merveille. Ses parois s’élevaient sur plusieurs centaines de mètres de haut, et se perdaient dans une voûte plongée dans la pénombre. Toute la population des Maisonnées, forte de dizaines de milliers d’âmes, pouvait s’y rassembler entièrement si nécessaire, transformant de fait ce lieu glacé en une tanière baignée dans la chaleur d’innombrables corps humains. Les visiteurs entraient à l’ouest, montaient l’immense escalier d’Ogvai décoré de statues de pierre à l’effigie des héros d’antan, dont la sévérité était encore accentuée par la lueur des torches.
Le hall lui-même était orné de frises représentant Fenris gravées dans la roche. Elles faisaient plus de cinquante mètres de haut, et leur finesse était un hymne au talent des tailleurs de pierres qui leur avaient donné vie. Elles étaient autant de symboles des Grandes Compagnies de jadis, avec leurs têtes de loups, leurs lunes brisées, leurs pattes griffues, leurs haches et leurs crânes. Toutes ces allégories des puissances élémentaires de Fenris qu’étaient l’Esprit de la Tempête, le Porteur du Gel et le Cœur du Tonnerre, se découpaient dans la faible lumière. Elles paraissaient bouger au rythme des flammes et des ombres dansantes. Les runes qui les coiffaient étaient des glyphes sacrés chargés de canaliser l’esprit de ce monde hostile vers les demeures des vivants afin de les protéger du maleficarum.
Les thralls s’étaient rassemblés en silence, conscients de l’importance spirituelle de ce lieu. On n’entendait pas les fanfaronnades habituelles qui émaillaient les couloirs des Maisonnées, les obscénités, les rires rauques et vulgaires. Le Loup du Guet, le Jarl de la Douzième Grande Compagnie, avait appelé à lui tout le personnel civil. Un tel événement ne s’était pas produit depuis des générations, pas plus que dans les sagas connues des thralls, ou dans les légendes qu’ils se racontaient au coin du feu. Le silence de plomb qui régnait dans le hall du Croc du Thane en disait long sur leur anxiété.
Les colonnes d’hommes et de femmes aux uniformes gris passaient entre les deux immenses statues de granite à l’effigie de Freki et de Geri qui gardaient la porte ouest. Elles représentaient les deux loups prêts à bondir, et faisaient plus de dix mètres de haut. Le hall s’ouvrait derrière elles, plus vaste qu’une cathédrale. Il n’était éclairé que par quelques braseros rougeoyants de la taille d’un homme. La statue colossale de Leman Russ trônait à l’autre bout du hall. Aussi grande qu’un titan Warhound, elle scrutait tout le lieu de son visage sévère. Sa main droite serrait son épée Mjalnar, l’autre avait le poing serré. Les statues de la plupart des autres primarques les représentaient généralement dans des poses contemplatives, mais pas celle de Leman Russ. Les sculpteurs l’avaient retranscrit tel qu’il avait été dans la vie : un dieu vivant et tonitruant, un guerrier insatiable, toujours prêt à massacrer ses ennemis dans des accès de rage incontrôlable.
Morek Kareksson attendait au premier rang de la foule, à une cinquantaine de mètres seulement de la statue. Le poids du skjoldtar dans ses mains le rassurait. Sa troupe comptait un peu moins de cinq cents kaerls. Il les avait disposés le long des murs du hall afin qu’ils assurent le maintien de l’ordre, au cas où cela se fût avéré nécessaire.
Son cœur battait encore la chamade à cause de la précipitation du rassemblement. Il avait vu les Loups quitter le Croc tels des ombres. D’autres avaient embarqué à bord de Thunderhawk ou s’étaient chargés de déployer les blindés dans les artères principales de l’Aett. Leur rapidité et leur efficacité étaient époustouflantes.
Cela ne fit que décupler son sentiment d’impuissance. Pour couronner le tout, il avait été désespéré d’apprendre qu’il devait garder le Croc du Thane le temps que le rassemblement fût terminé. Cependant, il n’avait pas osé s’en plaindre.
Il n’y aura pas de bataille ici. Pas de chasse. Pourtant, je ne peux pas servir mes maîtres en restant dans l’Aett.
Il chassa cette pensée impure. Son esprit n’était pas inviolable. Les Guerriers du Ciel pouvaient lire dans son âme comme dans un livre ouvert, bien qu’il n’eût aucune idée de la façon dont ils s’y prenaient.
Il faut que je l’accepte. Combattre n’est pas l’unique façon de servir.
Malgré tout, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’en cas de guerre, il méritait de se trouver à la pointe des combats. Il attendait ce moment depuis des décennies.
Un gong énorme résonna devant lui. Le son se réverbéra dans l’immensité du hall. Un autre lui répondit à l’autre extrémité du lieu, faisant vibrer la pierre sous les pieds des hommes.
Les quelques murmures craintifs se turent
définitivement. Vaer Greyloc, le jarl de la Douzième,
resplendissant dans son armure, s’avança sur la plate-forme située
au pied de la statue de Russ. Un simple mortel aurait fait figure
de fourmi comparé à
l’effigie du Primarque, mais un tel charisme émanait du Seigneur
Loup que ce ne fut pas son cas. Juste après avoir tenu son conseil
de guerre, Greyloc avait revêtu son armure Terminator et s’était
armé d’une paire de griffes de loup. Ces serres d’adamantium
crépitaient d’énergie. Il ne portait pas de casque. Ses yeux
étincelaient dans la lueur vacillante des torches.
L’ombre de Morkai. Un fantôme des neiges.
— Guerriers de Fenris ! s’écria-t-il. Les vibrations de sa voix se mêlèrent à celles du gong qui s’estompaient. Que ses paroles fussent amplifiées par quelque moyen technique ou simplement prononcées par des cordes vocales surhumaines, le résultat fût le même : elles étaient clairement audibles même à l’autre bout du hall.
— Je vous appelle guerriers, car tous ceux qui naissent sur Fenris en sont. Homme ou femme, vieillard ou enfant, vous portez tous en vous l’esprit de Russ. Vous êtes des tueurs, nés sur un monde qui ne tolère que les plus sauvages. Le moment est venu de faire honneur à votre sang…
Ses yeux clairs balayèrent les rangs face à lui. Morek se dandina d’un pied sur l’autre, et jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule afin de vérifier que ses hommes étaient à leur poste. Ils étaient raides comme des piquets. Il était rare que les Guerriers du Ciel s’adressent à eux d’une telle façon, et ils considéraient cela – à juste titre – comme un grand honneur.
— L’Archi-ennemi est ici. Il va bientôt se poser sur notre monde, plus nombreux qu’il ne l’a jamais été depuis plus de mille ans. Il vient pour s’emparer de ce lieu, pour le brûler, pour souiller les terres de nos ancêtres. Depuis l’époque du Père de Tous lui-même, aucun adversaire capable de nous menacer n’était plus venu sur Fenris. Je ne vais pas vous mentir. C’est aujourd’hui le cas.
Les thralls ne réagirent pas et restèrent aussi immobiles que des statues. Morek s’était rendu sur d’autres planètes au cours de sa vie. Il avait vu les us et les coutumes des autres peuples. Certains auraient été paniqués par un tel discours, d’autres révoltés, ou encore désespérés.
Fenris était d’une autre trempe. Elle acceptait ses malheurs sans sourciller.
— Vous êtes les fils des neiges éternelles. Je ne vais pas vous dire de ne pas avoir peur, car je sais qu’un tel sentiment vous est inconnu. Vous allez défendre vos terres avec toute la force qui réside en vous. Et vous ne serez pas seuls. À l’heure où je vous parle, des Guerriers du Ciel ont quitté l’Aett et se préparent à attaquer les traîtres dès que ces derniers auront posé le pied sur cette planète. Lorsque le moment sera venu, les Guerriers du Ciel rejoindront les murs de l’Aett pour combattre à vos côtés, car la tempête finira par s’abattre ici, soyez-en sûrs. Mais nous l’affronterons ensemble.
Morek sentit son cœur accélérer. Voilà les mots qu’il voulait entendre !
Ils vont se battre à nos côtés ! Les Guerriers du Ciel vont venir parmi nous ! Jamais je n’aurais pu rêver d’un plus grand honneur !
— Nous allons vous donner des armes, continua Greyloc. « Elles sont sorties des armureries en ce moment même. Les kaerls vont vous apprendre à les manier. Utilisez-les pour tuer nos ennemis comme vous utilisiez vos haches. Chacun d’entre vous devra se battre. L’heure de l’épreuve finale est arrivée. »
Je l’attendais plus que tout. La gloire me tend les bras. Nous allons nous battre à leurs côtés !
— Nous n’avons plus beaucoup de temps, mais il faut le mettre à profit. Réveillez votre haine et votre rage. Les traîtres sont venus nous défier sur nos propres terres. Ils sont nombreux, toutefois ils ont sous-estimé la force de Fenris. Nous allons leur faire payer leur audace.
La voix de Greyloc se faisait de plus en plus tonitruante. Les crépitements qui parcouraient ses griffes de loup semblèrent s’intensifier sous le coup de sa colère.
— Ne me décevez pas ! tonna-t-il. Sa menace parcourut la foule telle une bourrasque de vent glacial. « Ne doutez pas de votre foi et de votre détermination. Nous allons renvoyer les envahisseurs dans le néant, quel qu’en soit le coût. Vous allez participer à ce combat. Vous allez le remporter avec nous ! »
Il brandit ses griffes.
— Vous allez le faire au nom du Père de Tous !
L’assemblée commençait à s’agiter. Les esprits s’échauffaient.
— Vous le ferez au nom de Russ !
Un grondement sourd parcourut les rangs des thralls.
— Vous le ferez pour Fenris !
Le grondement crût en intensité.
— Vous le ferez car vous êtes le sang et l’âme de ce monde ! rugit Greyloc. Ses griffes se nimbèrent soudain d’une énergie bleutée. Tout le côté sombre et froid de sa personne s’était évanoui pour laisser place à un guerrier en proie à une rage indicible.
Les thralls se frappaient la poitrine. Le bruit sourd et incessant monta en écho vers la voûte comme un roulement de tonnerre.
— Fenrys ! hurla Greyloc au milieu de cette fureur bouillonnante.
— Fenrys hjolda ! répondit la foule en chœur dans un rugissement assourdissant.
Des tambours se mirent à résonner dans le hall, poussant les thralls dans une colère enfiévrée.
— Hjolda ! cria Morek en se joignant à ses camarades. Le sang battait dans ses tempes. L’esprit de la chasse venait de s’éveiller dans le cœur du peuple de Fenris. C’était un sentiment exaltant et terrifiant. Aucune autre planète de l’humanité ne pouvait atteindre un tel degré de sauvagerie. L’instinct de la traque submergeait littéralement les âmes.
Morek gardait les yeux rivés sur le Guerrier du Ciel face à lui alors même qu’il hurlait son défi à l’encontre de leurs ennemis. Ce surhomme en armure Terminator incarnait tout ce qu’il vénérait.
Un dieu parmi les hommes.
— Fenrys ! Continuait de scander la foule. Des braseros naquirent des flammes qui montèrent vers la voûte en léchant les parois, telles des bêtes déchaînées.
— Fenrys hjolda ! répétait Morek en brandissant son arme.
Ils vont se battre à nos côtés !
Le hall s’emplit de cris furieux. La guerre allait s’abattre sur le Croc. Morek Kareksson leva la tête vers la statue du Roi Loup et sentit son cœur se gonfler de fierté.
C’est ce que nos ennemis ne peuvent pas comprendre, se dit-il en songeant aux fous qui désiraient souiller l’Aett par leur présence. Nous sommes prêts à mourir pour les Guerriers du Ciel, car ils incarnent ce à quoi nous aspirons. Et face à cela, ils ne peuvent rien. Absolument rien.
Il se mit à sourire sans cesser de crier malgré sa voix qui déraillait. C’était là aussi un signe de sa dévotion sans borne.
Pour le Père de Tous. Pour Russ. Pour Fenris.