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Chapitre Quatre

Le scout Haakon Gylfasson, qu’on surnommait aussi Aile de Corbeau, était assis dans le trône de commandement du Nauro et surveillait la scène d’un air renfrogné. Les plates-formes d’atterrissage étaient déjà loin derrière. À travers les hublots, le ciel sombre de Fenris commençait à se muer en une mer d’étoiles. La sphère blanche de la planète disparaissait peu à peu de ce tableau tandis que le vaisseau prenait de l’altitude, ses puissants moteurs l’arrachant sans peine à la pesanteur de Fenris. Il avait fallu plusieurs jours de préparatifs afin que le Nauro fût prêt pour une patrouille prolongée. Heureusement, l’attente était enfin terminée. Gylfasson se retrouvait enfin dans son environnement préféré.

Une douzaine de serviteurs connectés électroniquement aux systèmes du vaisseau s’affairaient à leurs postes dans la fosse que surplombait le pont de commandement. Sur celui-ci, six kaerls étaient attachés par des harnais de sûreté, le temps de quitter l’atmosphère et que les générateurs de gravité du navire prennent le relais.

— Faites votre rapport lorsque vous serez prêts, Maître, ordonna machinalement Aile de Corbeau. Il ressentait les vibrations du vaisseau alors que celui-ci était sur le point de se placer en orbite basse. Les dalles métalliques tressaillaient légèrement sous ses pieds. Le navire était comme un chien de chasse à courre : élancé, vif et aux abois.

— Vous ne le ménagez pas… répondit le maître du Nauro à travers la radio depuis la salle des machines. Il savait cependant – pour avoir travaillé avec Aile de Corbeau depuis fort longtemps – que celui-ci ne prêterait aucune attention à son avertissement.

De toute façon, Gylfasson adorait mettre ses hommes sur la sellette. Cela faisait partie des privilèges de piloter un intercepteur dont l’équipage était entièrement composé de mortels : il était seul maître à bord. Le Nauro était son jouet. D’ailleurs, ce vaisseau était si racé qu’il eût été un gâchis de s’encombrer de choses aussi triviales que des paramètres de sécurité.

— Mets-le à genoux, c’est la seule façon de le faire obéir ! répondit-il.

Il y eut un soupir agacé à l’autre bout du fil et la communication fut coupée. Aile de Corbeau sourit et fit sortir l’hololithe du bras de son trône. L’écran tactique s’alluma. Une sphère tournant doucement sur elle-même et représentant la région spatiale où naviguait le Nauro apparut.

— On va rendre visite à nos anges gardiens, histoire de les réveiller un peu… annonça-t-il à son tacticus tout en établissant mentalement une trajectoire qui le ferait passer à quelques kilomètres du premier laser de défense orbital.

— Je ne parviens pas à les joindre, répondit le tacticus en combinaison grise assis devant une console, juste derrière Aile de Corbeau.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je veux dire que je n’arrive pas à les joindre

Aile de Corbeau fit la moue et se connecta au canal radio dédié. Il n’entendit que des grésillements.

— Quel est l’état de notre matériel radio ?

— Excellent, répondit le tacticus en pianotant sur un panneau de contrôle ressemblant à un orgue. « Ça vient d’eux, pas de nous. »

Aile de Corbeau examina les données de l’hololithe. Le premier laser de défense venait d’apparaître sur l’auspex. La rune qui le représentait clignotait dans la sphère vert émeraude.

— Quel est le problème ?

Le tacticus leva la tête de sa console et haussa les épaules.

— Une panne de leur système. Ou alors, ils ont été piratés.

Aile de Corbeau eut un rire sec.

— Bien sûr ! Comme s’il était possible de…

Le loup qui sommeillait en lui s’éveilla soudainement. Il eut la chair de poule sous son armure.

— Continue d’essayer de les joindre, ordonna-t-il en augmentant le rayon de balayage de l’auspex. Les runes de l’écran tactique devinrent de simples points lumineux. D’autres lasers de défense orbitaux apparurent.

— Peut-on joindre le Skraemar ? s’enquit-il en connaissant déjà la réponse.

— Il ne répond pas lui non plus.

La sphère verte s’étendait tandis que l’auspex englobait une zone spatiale de plus en plus vaste. D’autres runes finirent par apparaître à la périphérie. Elles étaient nombreuses et ne portaient pas de symboles fenrissiens.

— Les boucliers ? demanda Aile de Corbeau en se crispant légèrement sur son siège.

— Ils sont opérationnels.

— Parfait. Activez les réserves de plasma auxiliaires.

Le tacticus se tourna vers lui et le regarda comme si Aile de Corbeau avait brusquement sombré dans la démence.

— Mais nous ne sommes pas encore sortis de la gravité de…

Aile de Corbeau le fixa sans sourciller.

— Je veux qu’on passe immédiatement en vitesse d’attaque. Prévenez le Valgard. Dites-leur de rameuter tout ce qu’ils peuvent. Et n’oubliez pas de faire votre prière…

Il se tourna vers l’écran tactique, les doigts crispés sur le bras du trône au point que le métal commença à se tordre. Il sentit l’esprit de la machine gémir de protestation.

— Va falloir t’y faire, mon vieux… marmonna-t-il, « surtout que ça va pas tarder à empirer. »

L’esprit de Greyloc s’était agité avant même l’apparition des runes d’alerte. Il était au cœur du Croc, occupé à aiguiser Frengir, sa vieille hache, le seul objet originaire de sa vie antérieure qu’il avait emmené. Les prêtres loups n’aimaient guère qu’un Space Wolf conserve de tels souvenirs, mais une lame était toujours sacrée aux yeux d’un Fenrissien. De toute façon, maintenant qu’il était jarl, les prêtres loups n’avaient plus leur mot à dire à propos de ses lubies.

Il aiguisait le fil avec une pierre humide, s’appliquant à conserver son tranchant. La tête était en fer, un métal mou en comparaison de ceux utilisés au combat par les space marines. La hache était devenue inutile en tant qu’arme. Pourtant, il l’avait entretenue avec amour au fil des ans, sans jamais laisser le métal rouiller ou s’émousser. De minuscules copeaux de métal s’étaient accumulés à ses pieds tandis qu’il travaillait minutieusement.

C’était à cet instant que les runes s’étaient allumées sur le mur de la forge, en même temps que les symboles sur le bras de son armure, identiques à ceux que Greyloc aurait aperçus sur l’affichage tactique de son casque s’il l’avait porté.

Il fit calmement une pause.

— Jarl ! l’appela une voix dans son oreillette. « Nous sommes attaqués. De nombreux échos radars convergent vers nous, et le réseau défensif subit un feu nourri. Plusieurs spires de communications ont été détruites et nous avons à déplorer des pertes. »

Sans hésiter, Greyloc s’empara de son casque et sortit dans le couloir à grandes enjambées.

— Que tous les chefs de meute se rendent à la salle du Guet, y compris Croc de Wyrm ! ordonna-t-il par radio. « Quelle est l’estimation des effectifs de l‘ennemi ? »

— Au moins quarante bâtiments, peut-être plus, répondit la voix de Skrieya, le garde loup qu’il avait posté dans la salle du Guet.

— Quarante ?! De quelle origine ?

Skrieya hésita.

— Je n’en ai aucune idée, Jarl.

— Préviens Sturmhjart ! lui dit Greyloc en se mettant à courir. « Par le marteau de Russ, j’espère qu’il aura une bonne excuse pour ne pas avoir les avoir vu arriver ! »

Le konungr Gregr Kjolsson de la plate-forme orbitale Reike Og courait le long du couloir en plastacier du module de commandement. Les sirènes qui hurlaient de tous côtés lui vrillaient les oreilles. Il y eut un grondement tonitruant. Il fut déséquilibré et heurta la paroi lorsque tout son environnement bascula de plusieurs degrés sur le côté.

— Au nom de Hel, d’où viennent-ils ? jura-t-il en se remettant d’aplomb. Les portes du module de commandement étaient bloquées en position ouverte. Il ne prêta pas attention au désordre lorsqu’il entra et fonça vers le fond de la pièce.

— Au rapport ! beugla-t-il en s’asseyant sur le siège qui surplombait les écrans de contrôle.

Le module de commandement du laser de défense orbital était un cercle de sept mètres de diamètre. Le plafond était troué de hublots qui d’ordinaire donnaient sur une voûte étoilée. Désormais, leur plexiglas laissait entrevoir l’enfer. Toute la structure de l’édifice – plusieurs milliers de tonnes de plastacier et d’adamantium – donnait dangereusement du gîte. À l’intérieur de la salle, des kaerls et des serviteurs s’affairaient sur des consoles où des runes d’alerte rougeoyaient furieusement. Plusieurs centaines de kilomètres sous la station orbitale, l’hémisphère nord de Fenris luisait imperturbablement.

— Le bouclier principal est sur le point de disjoncter, annonça sa huskaerl, Emme Vresson. Sa voix était calme et posée, ce qui était tout à son honneur compte tenu des étincelles qui jaillissaient régulièrement de son poste de contrôle. « Puissance nominale, dix pour cent. On peut tenir encore quelques minutes. »

Kjolsson hocha la tête. Son cœur battait la chamade.

— Statut des armes ?

— Critique, déclara un autre kaerl.

— Super…

Kjolsson essayait d’évaluer la situation. Sept minutes plus tôt, les auspex à longue portée avaient détecté plusieurs signaux. Deux minutes plus tard, ceux-ci s’étaient avérés être des bâtiments de guerre. Soit les auspex déconnaient tous azimuts, soit cette flotte était apparue à l’extrême limite du champ de gravité de Fenris. Il n’y avait eu aucun signe précurseur, aucun remous dans le Warp, si bien qu’ils avaient eu à peine le temps d’activer les systèmes d’armes et de se préparer à riposter. Vu le résultat, cela avait été très insuffisant.

Toute une ligne de bataille s’était jetée à pleine vitesse en ouvrant le feu contre les plates-formes de défense aux alentours. Plusieurs lasers orbitaux avaient été pulvérisés presque instantanément par cette puissance de feu, lorsque leurs boucliers avaient été surchargés et avaient implosé sous le contrecoup du retour d’énergie.

La contre-attaque des défenseurs avait été sporadique, la rapidité de l’assaut ayant empêché toute coordination. Les chasseurs ennemis n’avaient pas tardé à être lâchés pour éliminer les derniers éléments encore opérationnels du réseau défensif. Tout avait été trop rapide, et l’adversaire était bien trop fort. Les plates-formes orbitales les plus éloignées étaient d’ores et déjà en flammes et sombraient vers l’atmosphère de Fenris. Les autres ne pouvaient rien faire à part essayer de ralentir autant que possible l’avancée de la flotte.

— Est-ce que l’Aett a été averti ? demanda Kjolsson en regardant anxieusement par les hublots.

— Ils sont parfaitement au courant, répondit Vresson.

— C’est déjà ça…

L’ombre d’un instant, Kjolsson pensa aux modules de sauvetage installés sous la station, face à Fenris. S’il avait grandi ailleurs que sur cette planète hostile, il aurait sans doute tenté de les atteindre.

— Dérivez toute l’énergie des boucliers vers la batterie principale, ordonna-t-il en balayant du regard les innombrables données des écrans tactiques.

— Monsieur ?

Il y eut une seconde explosion lorsqu’un projectile énorme percuta le ventre de la station. Les lumières s’éteignirent. Seul le chemin d’évacuation lumineux et les runes des écrans éclairèrent la scène. Dans la pénombre, l’équipage du module de commandement ressemblait aux ombres torturées de Helheim.

— Vous m’avez bien entendu. Je ne vais pas les laisser nous tuer sans un dernier geste de défi !

Les kaerls obéirent sans discuter. Kjolsson frémit malgré lui lorsque l’aura lumineuse des boucliers qui entourait la plate-forme disparut dans un éclair. La toile noire de l’espace apparut telle un suaire funeste dévoré par les flammes.

— Verrouillage sur Fyf-Tra, coordonnées 2.-2.-3. Faites feu dès que possible.

Les kaerls s’exécutèrent. Kjolsson vit du coin de l’œil une autre plate-forme de défense exploser dans une boule de plasma surchauffé. La rune qui la figurait sur les écrans de contrôle s’éteignit immédiatement. Il l’ignora et se concentra sur sa cible : une frégate au milieu de la flotte adverse. Elle était déjà sous le feu de riposte et virait de bord pour amener en position de tir son laser de proue. Sa coque blindée refléta la lueur de Fenris, révélant furtivement sa peinture couleur saphir.

— Tu es à moi ! s’exclama Kjolsson sans prêter attention à l’escadron de chasseurs qui approchait à bâbord en ouvrant le feu.

— Prêt à faire feu ! signala le second kaerl en compensant le gîte que prenait la plate-forme afin de conserver sa cible dans la ligne de mire.

— Détruisez-la !

Des rayons de lumière étincelants fusèrent de la plate-forme et frappèrent de plein fouet la frégate située à près d’une centaine de kilomètres de là. Le tir pénétra les boucliers vacillants du navire. Des explosions silencieuses parcoururent les ponts inférieurs tandis que les faisceaux découpaient les plaques de blindage comme du beurre. La frégate cessa de virer de bord et commença à sombrer vers Fenris en tournoyant lentement. Une réaction en chaîne se déclencha ; de plus en plus d’explosions éventrèrent sa structure.

Kjolsson observait l’agonie de sa cible avec satisfaction. D’autres chasseurs fondirent vers la plate-forme et la pilonnèrent avec leurs canons laser.

— Qu’est-ce qu’il nous reste ? demanda-t-il en faignant d’ignorer les impacts qui faisaient vibrer la station orbitale.

Dans la semi-obscurité, Vresson eut un sourire sans joie. Seul son visage était faiblement éclairé par la lueur rouge de son écran.

— Rien. C’est la fin.

Kjolsson rit sauvagement en toisant les échos radars qui convergeaient vers eux pour la curée. D’autres plates-formes continuaient de tirer, mais sitôt qu’elles détruisaient une cible, elles étaient à leur tour réduites au silence. Les hublots offraient une scène d’apocalypse, les carcasses noires et les débris incandescents décrivant un ballet infernal avant d’entamer leur plongée fatidique vers le sol de Fenris.

— Ça valait le coup, dit-il sans détourner les yeux d’un nouvel escadron de chasseurs en approche. Il se raidit et se prépara aux impacts. C’étaient des Thunderhawk. Ils négociaient leur passage entre une phalange de gros bâtiments et se préparaient à faire feu.

Vresson se tourna vers Kjolsson, une lueur d’espoir dans les yeux.

— Les modules de sauvetage ! dit-elle.

— Tu ne les atteindras jamais à temps, Huskaerl.

Si la salle avait été mieux éclairée, Kjolsson aurait pu voir une étincelle de mépris s’allumer dans les yeux de Vresson.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ils peuvent nous servir de projectiles !

Kjolsson comprit ce qu’elle voulait dire et haussa les épaules.

— Tu peux essayer si tu veux. Mais je doute que tu arrives à les aligner…

Les Thunderhawk couleur saphir approchaient, leur armement principal pointé de façon menaçante. Kjolsson les regarda et se dit qu’il aurait aimé pouvoir se soûler avant sa dernière heure. Il ne craignait pas la mort, néanmoins l’idée de trépasser lui déplaisait.

Et je ne sais même pas qui sont nos ennemis.

Vresson luttait contre les commandes pour faire pivoter la plate-forme. Ses moteurs étaient en piteux état, si bien qu’elle se mouvait à l’allure d’une tortue rhumatisante. Kjolsson entendit dans les niveaux inférieurs les claquements secs qui signalaient l’ouverture des amarres des modules de sauvetage.

Il se leva pour toiser la mort qui venait le prendre.

— J’aurais voulu disparaître autrement, déclara-t-il, mais je dois reconnaître que vous m’avez donné satisfaction. Il n’y a que deux autres équipages avec lesquels j’aurais accepté de partager une telle mort, et l’un d’entre eux…

Ce furent les dernières paroles prononcées sur la plate-forme Reike Og avant que les Thunderhawk des Thousand Sons ouvrent le feu. Sans la protection des boucliers énergétiques, la destruction de la station fut presque instantanée. Les fragments de métal, de plastacier et d’os qui ne furent pas vaporisés en un nuage d’atomes furent réduits en cendres en quelques secondes.

C’est ainsi que la huskaerl Vresson ne sut jamais que sur les sept modules de sauvetage vides qu’elle avait libérés un millième de seconde avant l’explosion, quatre atterrirent sur Fenris, deux furent détruits par le souffle issu de la destruction d’une autre plate-forme et que, contre toute attente, l’un d’entre eux percuta un Thunderhawk de plein fouet. Celui-ci se ruait vers sa cible à vitesse d’attaque et ne put rien faire pour éviter la masse d’adamantium qui fonça vers lui de façon inattendue. Il fut atteint au niveau du cockpit, devint incontrôlable et plongea vers l’atmosphère de Fenris à une vitesse mortelle.

Tout comme les débris de la plate-forme qu’il venait de détruire, il s’enflamma tel une météorite et disparut dans une traînée de prométhium incandescent.

Greyloc se rua dans la salle du Guet quelques secondes après Rossek et Croc de Wyrm. Le prêtre des runes Sturmhjart était déjà là, tout comme six des gardes loups de Greyloc. Leofr, l’un d’entre eux, était assisté par une dizaine de thralls qui l’aidaient à revêtir son armure. Le gémissement des visseuses résonnait dans l’espace clos.

— Où en est-on ? s’enquit le Jarl en se postant au sein de la colonne de lumière, afin d’avoir une vue panoramique sur les écrans de contrôle.

Il réfléchissait à toute vitesse, envisageait toutes les possibilités, analysait la moindre bribe d’information. Il n’était pas effrayé, et suivait un processus logique et rigoureux qui le mènerait vers les bonnes décisions. Autour de lui, les gardes loups attendaient en silence.

— Nous avons engagé la flotte ennemie, Jarl, annonça Hamnr Skrieya en se détournant des écrans pour lui faire face. L’énorme Garde Loup à a chevelure blonde était un peu penaud, comme s’il se tenait pour responsable des événements.

— Le Skraemar a subi des dommages importants mais tient bon. Cependant, le réseau défensif est tombé à vingt pour cent de ses capacités.

— Qui sont nos ennemis ?

Une étincelle de haine s’alluma dans les yeux de Skrieya.

— Ce sont les Thousand Sons, Jarl. Nos ennemis jurés.

Greyloc resta interdit.

Les Thousand Sons ! Heaume de Fer, espèce de pauvre fou ! Tu t’es laissé piéger !

Il chassa cette pensée et examina les hololithes tactiques. Pendant une seconde, même le vétéran d’une centaine de batailles spatiales qu’il était fut glacé d’effroi. La flotte d’invasion était immense. Autour des cinquante-quatre points lumineux indiquant la présence de bâtiments de guerre, grouillaient des centaines de petits vaisseaux. Les points rouges signalant les défenses impériales étaient noyés au milieu de cette mer d’ennemis. Alors qu’il les observait, Greyloc en vit trois s’éteindre subitement.

— Comment sont-ils arrivés aussi près ? demanda-t-il. Il sentait la colère monter en lui. « Pourquoi avons-nous été pris par surprise ? »

Il y eut un grondement sourd lorsque les batteries défensives du Croc ouvrirent le feu, libérant une salve de missiles sol-espace.

— Ils nous ont mystifiés ! expliqua Sturmhjart. Son visage était aussi décomposé que celui de Skrieya. « Je n’ai rien vu… les auspex n’ont rien vu ! »

— Maudit soit Heaume de Fer ! s’écria Greyloc. Il réprima l’envie de fracasser quelque chose contre ces écrans qui exposaient l’évidence de la défaite des Space Wolves. « Peut-on contacter la flotte ? »

— Non, dit Skrieya. « On ne peut contacter personne. Tous les astropathes sont morts, et nous subissons un blocus complet. »

— Il faut aller les aider ! le pressa Rossek en se détournant des écrans et en s’apprêtant à partir. « Il reste des Thunderhawk dans les hangars. »

— Hors de question, le coupa Greyloc.

Il prit une longue et profonde inspiration. Les données sur les écrans étaient sans appel. Même si elle n’avait débuté qu’une heure auparavant, la bataille spatiale était d’ores et déjà perdue.

— Préparez-vous à défendre l’Aett. On ne peut pas les empêcher d’atterrir.

— Jarl… commença Rossek.

— Ouvrez une communication avec le Skraemar ! ordonna Greyloc sans l’écouter.

Le lien fut établi en quelques secondes. On pouvait percevoir des explosions terrifiantes par-dessus le grésillement de la ligne. Visiblement, le croiseur d’attaque Skraemar essuyait un pilonnage en règle.

— Jarl ! s’exclama une voix de space marine sur la ligne. Elle était pâteuse, comme si son propriétaire venait de cracher du sang.

— Njan, le salua Greyloc en conservant un ton calme. « Combien de temps peux-tu encore tenir ? »

Njan rit férocement

— Par Russ, on devrait déjà être morts !

— Essaie de tenir autant que tu pourras. Chaque seconde que tu nous feras gagner sera précieuse.

Une détonation assourdissante faillit couper la ligne, et un rugissement de flammes s’éleva derrière le grésillement.

— C’est bien ce que je comptais faire : profiter du combat quand il vient à moi !

Greyloc sourit sans joie.

— Bonne chance. On se retrouvera l’hiver prochain, mon frère…

La ligne fut coupée avant que Njan puisse répondre. De nouveau, les seuls témoins du carnage qui se déroulait dans le ciel furent les simples points lumineux des écrans tactiques.

Greyloc tourna un visage défiant vers ses lieutenants.

— On débattra plus tard des causes de ce désastre. Pour l’heure, préparez-vous au combat. Rassemblez les griffes sanglantes et les chasseurs gris. Lorsque nos ennemis poseront le pied sur Fenris, nous leur sauterons à la gorge.

Un second grondement fit trembler le Croc lorsque les colossales batteries de défense redonnèrent de la voix. Greyloc laissa le loup envahir tout son être, et jeta un regard sauvage à ses compagnons.

— Cette planète est la nôtre, mes frères. Nous allons leur apprendre à la craindre !

Élancé à pleine vitesse, le Nauro négociait un passage au milieu des explosions et des carcasses des navires en perdition, tout en essayant d’échapper aux salves de laser qui le visaient. Son agilité était telle que le spectacle en était presque hypnotique ; une ode au talent de son équipage.

Le vaisseau était plongé dans une activité frénétique. Les marins luttaient contre les incendies qui ravageaient le pont inférieur, et plusieurs kaerls étaient au chevet du générateur de bouclier afin d’éviter qu’il rende l’âme. Les réacteurs à plasma menaçaient de surchauffer à tout instant, et les auspex installés sous le ventre de l’appareil avaient été détruits. Le Nauro risquait à chaque seconde de devenir une épave lancée à pleine vitesse à travers l’espace.

— Réparez-moi les lasers lourds ! rugit Aile de Corbeau en faisant virer son navire pour esquiver une salve de projectiles à plasma.

Les deux canons laser lourds étaient les seules véritables armes offensives du Nauro, toutefois ils avaient été mis hors services suite à une collision contre un débris énorme arraché à une proue. Le Nauro était en mauvaise posture, et son incapacité à riposter n’arrangeait pas les choses.

— L’un d’eux est complètement foutu ! lui cria un membre d’équipage depuis le pont inférieur. Aile de Corbeau n’essaya pas de l’identifier, et resta concentré sur les lumières qui dansaient sur les écrans de l’hololithe. Piloter un vaisseau à travers un maelström de plasma et de rayons laser était un cauchemar, même pour un pilote doté de réactions surhumaines et bénéficiant d’un entraînement poussé.

— Répare l’autre ! hurla Aile de Corbeau en virant de bord juste à temps pour éviter la carcasse en flammes d’une frégate Space Wolf qui dérivait lentement. « Par les couilles de Morkai, juste un ! C’est tout ce que je te demande ! »

Il emmena le Nauro vers une zone plus dégagée et tenta d’évaluer rapidement la situation. La trajectoire qu’il avait empruntée depuis le Valgard l’avait mené droit au milieu de la bataille spatiale. Non contents d’avoir été pris par surprise, les Loups étaient en sous-nombre et se faisaient massacrer. La première ligne de stations orbitales était désormais un cimetière d’épaves à la dérive. La seconde – et dernière – ligne tenait bon pour l’instant, mais les pertes s’accumulaient à une vitesse alarmante. Chaque coup au but des défenseurs suscitait une riposte implacable. Les vaisseaux d’attaque rapide des Thousand Sons grignotaient de plus en plus d’espace afin d’opérer en toute impunité, et effectuaient une percée que les bâtiments de la flotte n’auraient plus qu’à exploiter.

L’arrivée du Skraemar et de son escorte avait brièvement interrompu le carnage, mais la flotte impériale était minuscule comparée à celle de son adversaire. Seule une poignée de frégates Space Wolves étaient encore opérationnelles, et lorsque le cordon défensif qu’elles formaient autour du Skraemar serait brisé, le croiseur d’attaque subirait toute la fureur de l’ennemi.

— Le canon lourd tribord est à moitié fonctionnel, Seigneur ! annonça une voix triomphante depuis le pont inférieur, sous le trône de commandement d’Aile de Corbeau.

— À moitié ? Comment ça, à moitié ? l’invectiva le scout tout en faisant une embardée face à un escadron de chasseurs ennemis, afin de leur présenter son flanc tribord, moins endommagé que l’autre. Un staccato familier lui indiqua que les batteries de défense sur ce flanc étaient encore opérationnelles, ce qui le rassura quelque peu.

— De quoi faire un tir, peut-être deux. Après, le canon sera définitivement cramé !

— C’est déjà ça de pris !

Il sut qu’ils allaient tous mourir, dans une seconde, une minute. Pas plus. La coordination des défenses s’était effondrée, et désormais, ils tentaient simplement d’emmener autant d’adversaires que possible dans la tombe avant de succomber. Malgré le côté suicidaire de leur résistance, aucun des vaisseaux de la Douzième n’avait fui.

On est tous des têtes de mule ! pensa Aile de Corbeau en jetant un regard distrait aux runes qui s’allumaient à l’écran. Des enfoirés de têtes de mules !

— Seigneur, j’ai une communication en provenance de Fenris ! le prévint le kaerl chargé des opérations radio. « Je pense que ça peut vous intéresser… »

Sans se déconcentrer, Aile de Corbeau lui fit un signe de tête rapide pour lui indiquer qu’il était prêt à recevoir le message, et cligna simplement des yeux pour ouvrir le canal radio dans son oreillette.

Nauro, Sleikre, Ogmar, égrenait une voix sans âme au milieu des parasites. C’était un enregistrement. Depuis combien de temps était-il émis ? Les communications astropathiques sont coupées. Je répète : les communications astropathiques sont coupées. Franchissez le blocus et rendez-vous vers le système de Gangava. Prévenez le Loup Suprême. Je répète : prévenez le Loup Suprême.

Aile de Corbeau jura dans sa barbe.

— Ils ne seront pas dupes… marmonna-t-il tout en cherchant des yeux une porte de sortie. Le Nauro était au beau milieu d’une nasse de vaisseaux, sans la moindre échappatoire clairement visible. Les silhouettes de bâtiments de guerre se découpaient derrière la première vague d’appareils d’attaque. Les mailles du filet étaient étroites…

Devant lui, à la périphérie de cette bataille dont la sphère d’engagement allait grossissant, se trouvait un destroyer ennemi qui venait d’essuyer le tir direct d’un laser de défense orbital. Bien… se dit Aile de Corbeau. Il y a quelques plates-formes encore opérationnelles.

— Verrouillez celui-là, ordonna-t-il en établissant mentalement un plan d’attaque. « Et préparez-vous au saut Warp. On ne va pas partir sans leur dire un petit au revoir… »

Les sirènes hurlaient à l’intérieur des murs du Croc. Elles résonnaient dans les couloirs de pierre brute et faisaient trembler les massacres accrochés aux murs comme s’ils revenaient soudain à la vie. Les cris des humains et les rugissements de leurs maîtres surhommes ponctuaient les profondeurs de la forteresse. La garde de l’Aett, des kaerls chargés de défendre le bastion de Russ, avait été mobilisée. Des centaines de bottes martelaient le sol tandis que les konungrs rassemblaient les garnisons des Maisonnées et les menaient aux armureries afin qu’elles s’équipent en munitions et en tenues de combat rapproché.

Les Maisonnées étaient le cœur vivant de l’Aett. Les milliers de soldats, d’artisans, de techniciens et d’ouvriers de la citadelle y passaient la majeure partie de leur existence. Ils ne quittaient que rarement le Croc. Lorsqu’ils le faisaient, c’était généralement pour embarquer à bord de transports, car à l’extérieur, l’oxygène était rare à cause de l’altitude. Leur peau était aussi blanche que la neige des sommets. Tous étaient des Fenrissiens, nés de parents dont les descendants vivaient encore sur les continents qui entouraient Asaheim, et qui fournissaient les recrues aux Guerriers du Ciel. Ces hommes et ces femmes avaient été emmenés dans les grands halls de l’Aett lorsqu’ils avaient été creusés au plus profond de la montagne. Leur lignée s’étirait ainsi sur plus de trente générations. Parmi ces humains, seuls les kaerls étaient armés en permanence, mais tous savaient manier une lame et tirer avec un skjoldtar, le lourd fusil à énergie cinétique employé par la garde de l’Aett. Ils étaient les enfants d’un monde hostile, et quel que fût leur âge, ils étaient en mesure de tuer à mains nues si la situation l’exigeait.

Au niveau suivant, au-delà de la silhouette immense sise dans le Croc du Thane, se trouvait Jarlheim, la demeure des Guerriers du Ciel. Aucun humain ordinaire ne vivait là, en dehors de ceux désignés nommément par leurs maîtres. C’était là que s’étendaient les quartiers des douze grandes compagnies. Les halls des Loups étaient souvent silencieux et vides, car leurs occupants étaient sans cesse en campagne sur des mondes éloignés placés sous leur protection. Cependant, il y avait toujours au moins une grande compagnie chargée d’entretenir les foyers, d’alimenter les flammes bénies et de célébrer les rituels de protection servant à tenir en respect l’influence du maleficarum. Jarlheim disposait de temples dédiés aux morts, où s’alignaient des totems collectés par les prêtres des runes aux quatre coins de la galaxie, et d’armureries regorgeant d’artefacts étranges. Les lieux sacrés s’ornaient de bannières décrépites acquises lors de glorieuses batailles, qui elles-mêmes veillaient sur des rangées poussiéreuses de crânes, d’armures et d’autres trophées.

Les corridors étroits des quartiers de la Douzième Compagnie s’illuminèrent de flammes brillantes tandis que les sirènes continuaient de hurler. Les maîtres de la montagne étaient appelés à la guerre, et leur demeure elle-même semblait s’éveiller et se préparer à affronter ses ennemis. La pierre frissonnait alors que les esprits des loups sortaient de leur torpeur. Les armures étaient revêtues, les cuirasses rivetées et les peaux de bêtes placées révérencieusement sur les plaques de blindage. Les runes étaient ointes de sang animal, et des charmes et autres colliers porte-bonheur étaient noués autour des gorgerins d’adamantium et des poignets enserrés par la céramite.

La cadence sourde et rythmée d’un grand tambour commença à résonner au centre de ce réseau de galeries et d’ascenseurs. D’autres se joignirent à elle, propageant des notes sauvages selon un désaccord inquiétant. Ces vibrations semblaient imbiber la pierre et l’investir d’une énergie haineuse qui allait crescendo.

Peu de spectacles dans toute la galaxie étaient aussi effrayants que celui d’une grande compagnie des Space Wolves se préparant à la traque. Les premiers à sortir furent les chasseurs gris, leurs armures assemblées avec rigueur et bénies par les prêtres des runes sous les ordres de Sturmhjart. Ils avançaient, auréolés d’une énergie sauvage et froide. Les lentilles rouges de leurs casques luisaient dans la pénombre. Derrière cette infanterie d’élite vinrent les longs crocs, les porteurs d’armes lourdes, encore plus grands et plus imposants que leurs camarades. Leurs mâchoires distendues par des crocs hypertrophiés leur donnaient l’air de bêtes sanguinaires. Dans leurs mains immenses, bolters lourds et canons laser semblaient aussi légers que des jouets d’enfants.

Les derniers à sortir des armureries furent les griffes sanglantes, les plus jeunes recrues des Space Wolves. Hurlant des imprécations à l’encontre de l’ennemi, ces géants aux armures grises rehaussées d’une livrée jaune et rouge se bousculaient pour être les premiers au combat. Ils étaient les plus humains des Anges de la Mort, car les transformations induites dans leur corps par le Canis Helix n’étaient pas encore achevées. Cependant, leurs yeux brûlaient du désir féroce de tuer. Ils ne vivaient plus que pour le plaisir de la traque, pour la quête d’honneur et de prestige, pour le plaisir de verser le sang et de répandre la peur dans le cœur de leurs adversaires.

Au milieu de la meute de Sigrd Brakk se trouvaient Poing Tonnerre et Pelisse Rouge. Les blessures superficielles de leur duel s’étaient refermées depuis longtemps, tout comme celles qu’ils avaient subies ultérieurement au cours de leurs interminables heures d’entraînement. Leur meute comptait douze membres, y compris son garde loup. Elle progressait au son des tambours le long d’une galerie décrivant une courbe, les griffes sanglantes poussant sans ménagement les kaerls et les thralls trop lents pour s’écarter de leur chemin.

— Par Morkai ! cracha Brakk, la voix déformée par le vieux haut-parleur de son armure. « Me retrouver à mener une bande de bons à rien… » Il secoua la tête de dépit, si bien que le collier d’osselets accroché autour de son cou tinta contre son armure. « Essayez simplement de mourir vite et de ne pas me gêner… »

Poing Tonnerre sourit.

— Ne t’inquiète pas, on récupérera ta peau de loup sur ton cadavre ! se moqua-t-il avant de partir dans un rire tonitruant. Il fit jouer les phalanges de son gantelet énergétique. Comme le reste de sa meute, il était casqué : l’altitude du Croc était telle que l’atmosphère était à peine respirable, même pour un space marine. Par conséquent, Poing Tonnerre avait dû abandonner l’idée de combattre tête nue, comme il aimait à le faire pour prouver sa bravoure.

— Ouais, on pourra peut-être en faire une descente de lit ! renchérit Pelisse Rouge en vérifiant le chargeur de son pistolet bolter. Ses épaulières avaient été enduites de sang et le menton de son casque était décoré de longues canines de prédateurs.

— Où est-ce que ce vieillard nous emmène ? demanda Poing Tonnerre à la cantonade. Un cimier blanc en crin de cheval pendait de son casque, et les deux runes du destin, Ymir et Gann, étaient gravées sur son plastron.

— À la porte du Levant, répondit Brakk. « Le seul endroit sur cette planète qui soit plus épais que ton crâne. »

— Tu crois qu’il essaye de faire de l’humour ? demanda ostensiblement Poing Tonnerre à Pelisse Rouge.

— Je crois plutôt qu’il essaye de t’insulter.

Le bout du couloir donnait sur une vaste cheminée de service dont le fond disparaissait dans l’obscurité. Une avancée étroite surplombait le vide. Cette fosse était immense. Ses ténèbres étaient éclairées sporadiquement par quelques lumisphères rouges encastrées dans les parois. Le battement des tambours qui s’élevait d’en bas faisait monter en écho une note menaçante.

— Ce n’est pas la garde de l’Aett qui surveille les portes ? s’enquit Fyer Dent Cassée, un autre griffes sanglantes. Sa voix était râpeuse comme le grognement d’un loup ; son agressivité, palpable.

— Tu crois qu’on va attendre que ces bâtards frappent à la porte ? le railla Brakk en se tournant face à ses hommes, dos au précipice. « Par le cul de Russ ! Va t’acheter des couilles, et un cerveau, par la même occasion. »

Sans ajouter un mot, il se laissa tomber dans le puits. En quelques secondes, il avait déjà parcouru plusieurs centaines de mètres, et était passé des niveaux de Jarlheim à ceux des Maisonnées.

Poing Tonnerre regarda Dent Cassée.

— J’ai pas trouvé ta question si bête que ça…

Dent Cassé ne répondit pas et suivi son chef de meute dans le précipice. L’affichage tactique de Poing Tonnerre lui indiqua que son chef et son compagnon avaient presque atteint le niveau des portes.

— Ne traîne pas trop ! dit-il à Pelisse Rouge avant de se jeter dans le vide après le reste de la meute.

— Aucun danger ! répondit Pelisse Rouge en s’élançant et en écartant les bras pour contrôler sa descente.

Les griffes sanglantes foncèrent tels une avalanche vers la zone d’engagement qui leur avait été assignée. Au-dessus et en dessous d’eux, le battement des tambours appelait à lui les guerriers. Ces derniers prenaient position au bout du moindre couloir, dans tous les niveaux du Croc. Les tarentules aux bolters lourds automatisés étaient installées, les moteurs de Land Raider vrombissaient rageusement. Partout dans l’Aett, des meutes de combattants en armure grises se rendaient à leur poste.

Les Loups étaient attaqués dans leur antre et, comme des fantômes glissant sur la neige, ils se préparaient à répondre au défi qui leur était lancé.