X - ÉVIRADNUS IMMOBILE
Le héros est seul sous ces grands murs sévères.
Il s'approche un moment de la table où les verres
Et les hanaps, dorés et peints, petits et grands,
Sont étagés, divers pour les vins différents ;
Il a soif ; les flacons tentent sa lèvre avide ;
Mais la goutte qui reste au fond d'un verre vide
Trahirait que quelqu'un dans la salle est vivant ;
Il va droit aux chevaux. Il s'arrête devant
Celui qui le plus près de la table étincelle,
Il prend le cavalier et l'arrache à la selle ;
La panoplie en vain lui jette un pâle éclair,
Il saisit corps à corps le fantôme de fer,
Et l'emporte au plus noir de la salle ; et, pliée
Dans la cendre et la nuit, l'armure humiliée
Reste adossée au mur comme un héros vaincu ;
Éviradnus lui prend sa lance et son écu,
Monte en selle à sa place, et le voilà statue.
Pareil aux autres, froid, la visière abattue,
On n'entend pas un souffle à sa lèvre échapper,
Et le tombeau pourrait lui-même s'y tromper.
Tout est silencieux dans la salle terrible.