IX - BRUIT QUE FAIT LE PLANCHER

C'est là qu'Éviradnus entre ; Gasclin le suit.
Le mur d'enceinte étant presque partout détruit,
Cette porte, ancien seuil des marquis patriarches
Qu'au-dessus de la cour exhaussent quelques marches,
Domine l'horizon, et toute la forêt
Autour de son perron comme un gouffre apparaît.
L'épaisseur du vieux roc de Corbus est propice
A cacher plus d'un sourd et sanglant précipice ;
Tout le burg, et la salle elle-même, dit-on,
Sont bâtis sur des puits faits par le duc Platon ;
Le plancher sonne ; on sent au-dessous des abîmes.
-Page, dit ce chercheur d'aventures sublimes,
Viens. Tu vois mieux que moi, qui n'ai plus de bons yeux,
Car la lumière est femme et se refuse aux vieux ;
Bah ! voit toujours assez qui regarde en arrière.
On découvre d'ici la route et la clairière ;
Garçon, vois-tu là-bas venir quelqu'un ?-Gasclin
Se penche hors du seuil ; la lune est dans son plein,
D'une blanche lueur la clairière est baignée.
-Une femme à cheval. Elle est accompagnée.
-De qui ? Gasclin répond :-Seigneur, j'entends les voix
De deux hommes parlant et riant, et je vois
Trois ombres de chevaux qui passent sur la route.
-Bien, dit Éviradnus. Ce sont eux. Page, écoute.
Tu vas partir d'ici. Prends un autre chemin.
Va-t'en sans être vu. Tu reviendras demain Avec nos deux chevaux, frais, en bon équipage,
Au point du jour. C'est dit. Laisse-moi seul.-Le page,
Regardant son bon maître avec des yeux de fils,
Dit :-Si je demeurais ? Ils sont deux.-Je suffis.
Va.