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— … Et voici le compartiment moteur, dit Thrawn. Tu remarqueras que sa disposition est radicalement différente de celle des vaisseaux Chiss de cette taille.
Il s’écarta pour permettre à Thrass d’apercevoir la salle des moteurs du Bargain Hunter.
— En effet, admit celui-ci. Quelle en est la portée subluminique ?
— Je ne le sais pas vraiment…
Car’das se tourna vers Qennto en l’interrogeant du regard.
Ce dernier se tenait légèrement en retrait, aux côtés de Maris qui lui traduisait la conversation en cours.
— Rak ? appela Jorj en Basique.
— Pourquoi ? grogna le capitaine. A-t-il l’intention d’effectuer un test ou quelque chose de ce genre ?
— Allons, Rak…
Le jeune homme tentait de calmer son patron, de fort mauvaise humeur, qui n’appréciait pas de voir Thrawn offrir une visite privée de son appareil à son frère.
En outre, soit il avait oublié que le commandant comprenait à présent le Basique, soit il s’en moquait. Toujours était-il que celui-ci n’avait pas encore réagi aux commentaires acerbes et réguliers de Qennto, même si cette retenue allait sans doute bientôt trouver une limite. Si le Chiss finissait par s’en lasser et le réexpédiait en prison, même Maris ne serait pas en mesure de le calmer.
Il leva les yeux au ciel :
— Cet engin possède une autonomie de six cents heures. Six cent cinquante en économisant sur les accélérations.
— Merci.
Car’das traduisit ensuite cette réponse en Minnisiat.
— Impressionnant, reconnut l’Administrateur tout en poursuivant son observation du bloc propulseur. Leur carburant doit être plus efficace que le nôtre.
— C’est vrai, cependant leur hyperpropulsion se révèle plus fragile, intervint Thrawn. Nos filets ont neutralisé celle-ci ainsi que celle de leurs assaillants sans la moindre difficulté.
— Armement ?
— Simple mais suffisant. Ces équipements ne sont pas facilement observables, toutefois mes experts sont parvenus à les analyser ; leurs missiles et leurs armes sont moins sophistiqués que les nôtres et ils ne disposent pas de filet ou d’autre équipement d’immobilisation. D’un autre côté, garde bien à l’esprit qu’il ne s’agit là que d’un simple petit convoyeur privé.
— Exact, dit Thrass avant de se tourner vers Car’das. Je suppose que votre peuple dispose de vaisseaux de guerre ?
— La République ne possède pas d’armée, répondit Jorj en choisissant ses mots avec soin.
Si les Chiss semblaient adeptes d’une vigilance pacifique, il ne tenait pas non plus à les mettre sur la défensive.
— Bien entendu, concéda-t-il, la plupart de ses systèmes membres sont dotés de leurs propres forces de sauvegarde.
— Qui peuvent à l’occasion devenir des forces d’attaque ?
— Cela arrive parfois, en effet. Le Chancelier Suprême doit de temps en temps réclamer l’aide d’autres membres pour calmer un peuple agressif, ce qui met en général assez rapidement un terme à ces débordements. Une médiation orchestrée par des Jedi peut également étouffer ces problèmes avant qu’ils ne se développent.
— Des Jedi ?
— Une classe d’êtres inconnue des Chiss, expliqua Thrawn. Ferasi m’en a déjà parlé.
Surpris, Car’das se tourna vers Maris. Il ne s’était pas rendu compte que celle-ci avait eu l’occasion d’entretenir des conversations privées avec le commandant. Quand elle croisa les yeux de son équipier, elle détourna la tête d’un air presque coupable et cafouilla quelque peu sa traduction pour la première fois depuis le début de la visite.
Qennto, qui n’avait rien perdu de cette scène, fixa sa partenaire, puis Car’das, et enfin les deux Chiss.
Thrawn, quant à lui, poursuivait son explication à propos des Jedi à l’intention de son frère. S’il avait perçu le trouble des humains, il n’en laissa rien paraître.
— Apparemment, ils ont accès à une forme de champ d’énergie inconnue, qui améliore leurs perceptions, leur permet de sonder l’esprit de leurs ennemis ou bien encore leur sert d’arme.
— Seulement à titre défensif, intervint Maris. Les Jedi n’attaquent jamais les premiers.
— Tu parles des Jedi ? s’enquit Qennto. Car’das ? A-t-elle dit Jedi ?
— Elle essaie de les lui décrire. Les Chiss ne connaissent rien de tel.
— Bien. Nous les devançons au moins dans un domaine. Alors, que leur raconte-t-elle ?
— Ils n’évoquent que les pouvoirs des Jedi.
Car’das se rendit compte à cet instant que les deux Chiss l’observaient. Si Thrawn n’arborait aucune expression, Thrass paraissait manifestement agacé de ne pas comprendre la langue dans laquelle s’exprimaient les humains.
— Nous en reparlerons plus tard, dit Jorj à son capitaine.
— Entendu…
Ils achevèrent la visite puis retournèrent à la base. Incapable de définir l’opinion de Thrass, Car’das fut soulagé quand on les autorisa à regagner leurs quartiers. Il s’était presque attendu à ce que l’Administrateur les envoie tous en cellule.
Ce sentiment se révéla cependant prématuré. Quand il dépassa la chambre de Maris et de Qennto pour se diriger vers la sienne, son chef le prit par le bras et le tira en arrière.
— Qu’est-ce que… ?
— La ferme ! dit Qennto.
D’un geste brusque, il l’entraîna dans son compartiment avant de refermer la porte.
Alors, il le poussa vers Maris et s’adossa contre un panneau, les bras croisés :
— Très bien. Je vous écoute.
— Comment ça ? s’étonna Car’das, le cœur battant.
— Cette histoire entre toi, Maris et Thrawn ! Particulièrement ses discussions en privé avec Maris.
Jorj en resta bouche bée, puis se maudit pour sa réaction. Si Qennto avait eu besoin d’un élan de culpabilité de sa part pour confirmer ses soupçons, il venait de le lui offrir.
— Qu’entends-tu par là ? demanda-t-il pour gagner un peu de temps.
— Ne te demandes-tu pas plutôt comment je suis au courant ? railla Qennto. Enfin, vous ne pensez tout de même pas que, parce que je n’assiste pas à vos cours de langues, je reste assis à contempler les murs ? Maris m’a indiqué comment accéder à la liste de vocabulaire sur l’ordinateur.
Car’das sentit son estomac se nouer :
— Ainsi tu comprends le Cheunh ?
— J’en comprends suffisamment, en tout cas. Je sais également lire sur le visage des femmes.
— Tu fais fausse route, déclara calmement Maris.
— Très bien. Explique-moi, alors.
La jeune femme prit une profonde inspiration avant de se lancer :
— J’admire le commandant Thrawn, énonça-t-elle, la voix tout de même vacillante.
Après tout, elle était bien placée pour ne rien ignorer du tempérament de Qennto.
— Il est intelligent et honorable mais également doté d’une sensibilité artistique comme je n’en ai plus rencontrée depuis l’école.
— Depuis que tu as quitté ces idiots superficiels sans cervelle avec qui tu traînais, tu veux dire ?
— C’est vrai, la plupart n’étaient pas très malins, reconnut-elle sans la moindre gêne. J’imagine que c’était dû à leur jeunesse.
— En quoi Thrawn est-il différent ?
— Thrawn en est une version mûrie. Son côté artiste est tempéré par sa maturité et sa sagesse. J’aime discuter de cela avec lui. Juste discuter, si c’est la question que tu te poses.
— Aucun problème… grogna Qennto.
Car’das sentait cependant bien que, même si la tension s’était apaisée, son capitaine demeurait sur ses gardes.
— Puisque ces réunions restent si innocentes que ça, pourquoi les avoir cachées ? reprit-il.
— Parce que je savais que tu réagirais exactement comme tu viens de le faire.
— Et, bien entendu, c’est toi qui as cru bon de rester discrète là-dessus ?
— En réalité, c’est Thrawn qui l’a suggéré, admit Maris.
— Je m’en doutais…
— Ce qui veut dire ?
— Il se sert de toi, assena sans ménagement Qennto. Je ne suis peut-être ni cultivé, ni artiste, mais j’ai roulé ma bosse. Je sais reconnaître ce genre de gars ; il n’est pas ce qu’il prétend être. Ils ne le sont jamais.
— Et si c’était l’exception qui confirme la règle ?
— Crois ce que tu veux… Je te préviens simplement qu’un jour ou l’autre, ce château de cartes que tu bâtis autour de lui s’écroulera. Je suis prêt à le parier.
— Tenu ! dit Maris, furieuse. Sois certain que je te rappellerai ce détail en temps voulu.
Faisant demi-tour, elle s’installa sur la chaise située en face de l’ordinateur.
Qennto la dévisagea un moment avant de se tourner vers Car’das :
— As-tu quelque chose à ajouter ? lança-t-il d’un ton de défi.
— Non, s’empressa de répondre le jeune homme. Rien du tout.
— Dans ce cas, dégage et souviens-toi de ce que je te dis : ne lui fais jamais confiance.
— Entendu.
Après s’être faufilé avec précaution entre Qennto et l’étroit passage, Jorj prit la direction de sa chambre.
À travers les innombrables hublots qui constellaient le pont du Darkvenge, vaisseau de la Fédération du Commerce, les lignes blanches laissèrent place aux étoiles fixes.
Depuis son siège de commandement en forme de trône, le Vice-Roi Kav annonça :
— Nous sommes arrivés.
Assis sur le canapé réservé aux invités, Doriana préféra ne pas trop s’avancer :
— Mouais… marmonna-t-il.
Les Neimoidiens possédaient d’excellents systèmes de navigation, cependant ces derniers dépendaient tout de même de ceux qui les manœuvraient, ce qui, dans le cas du Darkvenge, soulevait des questions. Sidious avait insisté pour que les équipages des vaisseaux qui composaient cette force d’attaque soient réduits au minimum, ne retenant que ceux capables de tenir leur langue, et donc dotés d’autant de droïdes que possible.
Doriana s’était plus d’une fois demandé si l’objectif du Seigneur Sith ne consistait pas à éliminer tous les survivants de cette mission afin de ne risquer aucune indiscrétion, un nombre limité de membres d’équipage facilitant cette option.
— Vos soucis n’ont pas lieu d’être, dit Kav avec morgue.
En quoi il se fourvoyait complètement dans son interprétation des pensées de Doriana.
— Nous vérifions notre localisation une seconde fois.
— Merci, fit l’humain en inclinant poliment la tête.
Cet équipage squelettique n’affecterait bien entendu en rien la formidable force de frappe de cette flotte, les armements étant largement automatisés ou gérés par des droïdes de combat.
Il considéra un moment les Neimoidiens et les droïdes affairés devant leurs écrans de contrôle, puis porta son attention sur le tableau de bord tactique. Disposée en une formation défensive typiquement neimoidienne, la flotte comprenait deux gigantesques vaisseaux de guerre de la Fédération du Commerce en son centre, protégés par six transports de troupes de l’Union Techno de classe Hardcell disposés en une coquille de forme pyramidale, tandis que sept croiseurs d’escorte de la Fédération patrouillaient encore un peu plus au large.
Une puissance de feu aussi impressionnante ne s’était probablement pas vue depuis le fiasco sur Naboo. Malgré les armements des six cuirassés lourds à peine sortis des usines, ils ne devraient rencontrer aucun problème.
En supposant que les navigateurs de Kav les aient projetés au bon endroit dans le bon système, bien entendu… S’ils manquaient le Vol vers l’infini ici, ils devraient se hâter de parcourir six cents années-lumière afin de le devancer lors de son second arrêt.
Kav cligna ses paupières nictitantes.
— Notre position est confirmée, déclara-t-il, satisfait. Si toutefois les coordonnées que vous nous avez fournies sont exactes…
— Elles le sont, affirma Doriana. Si le Vol vers l’infini respecte son tableau de marche, il se présentera dans onze jours, ce qui nous laisse le temps de pratiquer des exercices afin de nous assurer que vos soldats et vos équipements sont au point.
— Ils sont plus qu’au point. Les programmes dont sont équipés nos chasseurs de combat automatisés figurent parmi les meilleurs et nous disposons de près de trois mille de ceux-ci répartis sur les deux vaisseaux. Quels que soient la puissance des défenses du Vol vers l’infini et le talent de ses tireurs d’élite, nous le détruirons aisément.
C’est exactement ce que vous avez dit sur Naboo… songea Doriana, qui se retint au prix d’un effort d’ajouter ce commentaire.
— J’en suis certain, dit-il en lieu et place. Néanmoins nous peaufinerons nos exercices lors des prochains jours.
Kav émit un curieux son de poitrine :
— À votre guise, fit-il en cachant mal son impatience. Cependant, les coûts supplémentaires de carburant et d’énergie seront à votre charge. Quand souhaitez-vous débuter ces manœuvres ?
Doriana avisa les étoiles.
— Immédiatement. Les chasseurs décolleront dans dix minutes.
C’Baoth pénétra dans une pièce très basse de plafond.
— Ceci, dit-il, est la salle de contrôle du Poste de Tir Numéro Un. Le peu de hauteur permet de gagner de la place pour les équipements de chargement des turbolasers, situés juste au-dessus.
— Heureusement qu’aucun Gungan ne se trouve à bord, remarqua Obi-Wan en baissant la tête.
Équipée d’un vaste panneau de contrôle en son centre, ainsi que de consoles auxiliaires encastrées dans les murs, cette pièce semblait conçue pour accueillir une quinzaine de personnes, les trois tireurs compris.
— S’il y en avait à bord, il leur aurait été interdit de s’approcher d’ici, observa C’Baoth. Il faut bien davantage d’intelligence et de sophistication que cela pour s’occuper d’armes.
— D’après mon expérience, ces deux caractéristiques ne vont pas forcément toujours ensemble, dit Kenobi. Quatre postes de tir équipent donc chaque cuirassé ?
— Tout à fait, répondit le vieux Jedi.
Il se dirigea vers la console de tir principale, où il désigna une chaise :
— Venez donc vous asseoir ici, jeune Skywalker, reprit-il.
Après un regard vers Obî-Wan, Anakin se glissa avec précaution sur le siège.
— Cela me semble bien compliqué, remarqua-t-il.
— Pas vraiment, répondit C’Baoth en désignant l’écran par-dessus l’épaule du garçon. Voici les contrôles de tir. Note bien que tu peux viser et activer simultanément les turbolasers avant et arrière, tout comme l’armement tribord. Ceci est le verrouillage des détecteurs et ceci le contrôle de tir secondaire. Ensuite, le statut des armes du bord, l’intercom, le déploiement tactique. Tout est plutôt simple, en fin de compte.
— Cet agencement reste peu pratique, observa Anakin. Je parie que je saurais imaginer une disposition plus efficace.
— J’en suis certain, dit C’Baoth en adressant un sourire amusé à Kenobi. Malheureusement, la Rendili Stardrive n’a pas songé à consulter un Jedi lors de la conception de cet engin. Tu te familiariseras cependant assez vite avec tout cela. Nous commencerons par une leçon générale, puis nous effectuerons une simulation. Tous deux sont accessibles par ici…
— Une minute, intervint Obi-Wan en se rapprochant. Que faites-vous ?
— J’apprends au Padawan Skywalker à se servir de l’armement du cuirassé, bien entendu.
— Le capitaine Pakmillu ne dispose-t-il pas d’équipiers expérimentés pour ce genre de travail ?
— L’expérience ne se révèle pas toujours l’aspect le plus important au combat. La coordination et la précision sont également essentielles et aucun tireur ordinaire ne nous approche dans ces domaines. Dis-moi, jeune homme, Maître Kenobi t’a-t-il déjà parlé de la fusion Jedi ?
— Je ne crois pas. Qu’est-ce que c’est ?
— Cela permet à un groupe de Jedi de connecter leurs esprits si intensément qu’ils agissent ensuite comme une seule personne.
— C’est aussi très dangereux, précisa Obi-Wan. Cela nécessite un Maître Jedi immensément puissant et profondément imprégné de la Force pour ne pas détruire les esprits impliqués.
— Un Maître Jedi tel que moi, dit C’Baoth. J’ai procédé à de telles fusions avec succès à quatre reprises.
Obi-Wan n’en crut pas ses oreilles :
— Quatre fois ?
— Trois n’étaient que des exercices, bien sûr, reconnut le Jedi. La quatrième a cependant eu lieu en conditions réelles, avec cinq autres Jedi. Comme vous pouvez le constater, nous nous en sommes sortis.
— Vous n’étiez donc que six, nota Obi-Wan, tandis que nous sommes dix-neuf à bord.
— Vingt en comptant le Padawan Skywalker, corrigea C’Baoth une main sur l’épaule du garçon. Nous devrons bien entendu nous montrer prudents. Je discuterai de la procédure avec chacun de mes Jedi, puis nous nous livrerons à quelques séances d’entraînement avant de quitter l’espace de la République. Une fois accoutumés à cette technique, nous représenterons une force de frappe considérable. En ajoutant les Jedi unis comme un seul homme et les armements des six cuirassés, le Vol vers l’infini sera invulnérable.
Obi-Wan observa Anakin ; celui-ci acceptait cette idée avec un enthousiasme dénué de toute sorte d’appréhension.
— Je ne sais pas, Maître C’Baoth, dit Kenobi. Le contrôle des armes, des combats à grande échelle… ce n’est pas la façon d’agir des Jedi.
— Cela le deviendra. Les jours sont proches où chaque Jedi sera contraint de prendre les armes contre une grande menace pour la République. Je le pressens.
Obi-Wan ne put réprimer un frisson. Si le vieux Jedi paraissait si souvent fier et sûr de lui, parfois jusqu’à l’arrogance, quelque chose de sombre et d’incertain avait teinté ses paroles, comme s’il avait paru effrayé.
— En avez-vous parlé à Maître Yoda ?
— Maître Yoda ne s’occupe que de son Conseil et n’écoute personne d’autre, dit C’Baoth avec mépris. Pourquoi donc pensez-vous que j’aie tant œuvré pour l’accomplissement de ce voyage ? Pourquoi donc pensez-vous que j’aie tant insisté pour embarquer autant de Jedi que possible avec nous ?
Il s’interrompit un instant, perdu dans ses pensées, puis secoua la tête.
— Des jours sombres approchent, Maître Kenobi, reprit-il. Nous autres, membres de cette expédition, serons peut-être les seuls à même d’insuffler la vie dans les cendres de l’univers que nous avons connu.
— Peut-être… Le futur n’est cependant jamais acquis et chacun de nous détient le pouvoir de l’affecter à son échelle. Parfois sans même s’en rendre compte…
Il regardait son Padawan en prononçant ces derniers mots.
— Je suis d’accord. Le Vol vers l’infini est ma façon d’affecter l’avenir. À présent, jeune Skywalker…
Il fut interrompu par la sonnerie insistante de son comlink.
— Un moment, dit-il en le sortant. Maître Jedi C’Baoth.
La voix qui émanait de l’appareil restait trop faible pour qu’Obi-Wan comprenne ce dont il était question ; cependant le ton semblait indiquer une urgence de premier ordre. Il aperçut également l’exaspération grandissante sur le visage de C’Baoth.
— Qu’ils ne bougent pas, j’arrive ! ordonna ce dernier.
Après avoir remisé son comlink, il enclencha quelques touches sur la console.
— Voici le programme d’enseignement, dit-il à Anakin. Commence donc par repérer où se trouve chaque équipement et comment ils fonctionnent. Quant à vous, Maître Kenobi, restez ici, je ne serai pas long.
Il sortit précipitamment de la pièce, sa tunique ondulant derrière lui.
— Maître ? demanda Anakin.
— Oui, continue, ordonna Obi-Wan, la mâchoire serrée.
Puis il emboîta le pas à C’Baoth.
Celui-ci s’était déjà quelque peu éloigné dans le couloir, de son habituel démarche rapide et sans se soucier des malheureux qui s’éparpillaient sur son passage. Kenobi le suivit à distance raisonnable, tentant de ne heurter personne.
Ils parvinrent au bout de quelques minutes à un attroupement au beau milieu de la coursive.
— Poussez-vous ! lança C’Baoth.
La foule se fendit en deux et Obi-Wan découvrit une silhouette, à demi allongée contre le mur, qui se tordait de douleur en agrippant son épaule. Quelques mètres plus loin se tenait un autre homme, apparemment nerveux, non loin de l’un des speeders monoplace du Cuirassé-1.
— Que s’est-il passé ? demanda C’Baoth en s’agenouillant près du blessé.
— Il m’a renversé, expliqua la victime, le visage crispé par la douleur. Il m’a heurté à l’épaule.
— Il a surgi juste devant moi ! se justifia l’autre. Je n’ai pas pu l’éviter.
— Évidemment, vu ta vitesse…
— Assez ! intervint le Jedi en plaçant une main sur l’articulation touchée. Il ne s’agit que d’une simple luxation.
Il tendit ensuite le bras et fit appel à la Force.
Le blessé laissa échapper un violent cri de douleur avant de se calmer peu à peu. C’Baoth se redressa et regarda droit dans les yeux deux personnes parmi la foule agglutinée :
— Vous deux, accompagnez-le au centre médical.
— Oui, Maître C’Baoth, répondit l’un.
Il s’accroupit près de l’homme allongé, l’aida à se relever.
— Quant à vous, dit le Jedi en se tournant vers le conducteur du speeder, vous conduisiez clairement de façon imprudente.
— Absolument pas ! se défendit celui-ci. Je n’y suis pour rien. Ces engins sont réglés de façon à ne se déplacer qu’à grande vitesse.
— Vraiment ? Dans ce cas, comment expliquez-vous qu’en douze jours de voyage avec près de deux cents speeders et swoops à bord des six cuirassés, cela soit le premier accident de ce genre ? Je m’en suis moi-même servi à quatre reprises sans le moindre souci.
— Vous êtes un Jedi, répliqua l’homme quelque peu revêche. Vous savez éviter ce genre de problème.
— C’est ainsi. Néanmoins, en raison de votre responsabilité dans cet accrochage, un jour de salaire vous sera retenu.
— Quoi ? s’étrangla le conducteur. C’est injuste et…
— Il vous est également interdit d’utiliser les speeders du bord pendant une semaine, continua C’Baoth.
— Pas si vite ! Vous ne pouvez pas me contraindre à cela, protesta l’homme, consterné.
— C’est pourtant ce que je viens de dire, répondit calmement le Jedi.
Il avisa les curieux attroupés, comme s’il défiait quiconque de s’opposer à lui, puis se tourna vers un Rodien vêtu d’une combinaison de maintenance avant de poursuivre :
— Vous : conduisez ce speeder à son aire de stationnement et que chacun d’entre vous retourne à sa tâche.
La foule obéit à contrecœur, tandis que C’Baoth s’assurait que le Rodien s’occupait bien de l’engin. Il fit ensuite demi-tour et aperçut Obi-Wan.
— Je vous avais demandé de demeurer auprès du Padawan Skywalker, dit-il.
— Je sais. Qu’était-ce donc que cela ? s’enquit Kenobi en désignant les gens qui reprenaient leurs activités.
— C’était la justice, décréta C’Baoth en passant comme une flèche devant Obi-Wan.
— Sans une audience ? Sans même une enquête ?
— Une enquête s’est bien déroulée, vous l’avez entendue.
— Une ou deux questions posées aux personnes concernées ne constituent pas une enquête. N’avez-vous pas songé à chercher des témoins ou bien à examiner le speeder ?
— Que faites-vous de la Force ? Nous autres Jedi ne sommes-nous pas dotés de cette perception extraordinaire précisément pour nous permettre de prendre des décisions plus rapidement que les autres ?
— C’est vrai en théorie, acquiesça Obi-Wan. Cela ne veut cependant pas dire que nous sommes censés ignorer les autres ressources à notre disposition.
— Qu’auriez-vous donc fait de ces ressources ? Constituer une commission et dépenser des heures en auditions et en enquêtes ? Pensez-vous que tout ce temps et ces efforts gaspillés nous auraient conduits à une issue différente ?
— Probablement pas, admit Kenobi. Vous avez cependant tout de même prononcé un jugement sans même consulter le capitaine ou la loi du bord.
— Bah… fit C’Baoth en agitant la main d’un geste agacé. Une légère amende accompagnée d’une suspension temporaire et raisonnable. Pensez-vous réellement qu’il soit justifié de gaspiller le temps du capitaine Pakmillu – sans parler du mien – pour une affaire aussi banale ?
— Le capitaine doit au moins en être informé.
— Il le sera, promit C’Baoth en considérant Obi-Wan d’un regard suspicieux. Votre attitude me surprend, Maître Kenobi. La médiation et la résolution de ce genre de conflit ne sont-elles pas exactement les missions remplies chaque jour par les Jedi au sein de la République ?
— Les Jedi interviennent quand l’une des parties réclame assistance. Dans ce cas, personne ne vous a rien demandé.
— Un Jedi ne serait pas digne de ce nom s’il s’arrêtait à ce genre de détail avant de proposer son aide. À présent, revenons à des problèmes plus importants ; votre Padawan a dû se familiariser avec le Poste de Tir. Allons voir avec quelle facilité il s’habitue à cette forme de combat.