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— Quelle est votre profession ? demanda Thrawn en Cheunh.
— Je suis marchand, dit doucement Car’das en contraignant les sons étranges à se former sur sa langue et ses lèvres.
Le Chiss parut étonné :
— Vous êtes un bateau de pêche ? demanda-t-il en Basique.
Jorj se tourna vers Maris.
— C’est ce que tu as dit, s’amusa-t-elle.
Il se concentra de nouveau, les mains sur les genoux :
— Je suis marchand, dit-il en passant à la langue commerciale Minnisiat.
— Ah ! dit le commandant, vous êtes donc marchand ?
— Oui. J’ai vraiment dit que j’étais un bateau de pêche ?
— « Pohskapforian » « Pohskapforian », prononça Thrawn. Percevez-vous la différence ?
Jorj acquiesça. En effet, il avait noté que le p de la seconde syllabe était aspiré dans un cas, mais pas dans l’autre. Il était cependant incapable de reproduire ces sonorités correctement.
— Quand je pense que j’ai passé la soirée à travailler là-dessus ! marmonna-t-il.
— Je vous avais prévenu que le Cheunh serait selon toute vraisemblance au-delà de vos capacités physiques, lui rappela le Chiss, mais je dois reconnaître que vos progrès dans la compréhension de notre langue sont tout à fait remarquables en seulement cinq semaines. Je peux en dire autant à propos de votre maîtrise du Minnisiat. Je suis impressionné. C’est aussi valable pour vous, Maris.
— Merci, commandant, dit Car’das. J’apprécie d’autant que le fait de vous impressionner doit pourtant relever de l’exploit.
— À présent, c’est vous qui me flattez, répliqua Thrawn en souriant. Est-ce le mot correct ? Flatter ?
— Tout à fait, confirma Jorj.
Même si, avec Maris, ils avaient beaucoup appris, les progrès du Chiss en Basique les avaient surpassés, et de loin, ce qui était d’autant plus remarquable qu’il disposait de moins de temps qu’eux pour se consacrer à l’étude des langues.
— Je pense toutefois que le mot est mal choisi, continua le jeune homme. La flatterie implique une notion d’exagération ou de mensonge, alors que mon affirmation était on ne peut plus sincère.
Thrawn inclina légèrement la tête.
— Dans ce cas, j’accepte volontiers votre compliment, dit-il avant de se tourner vers Maris. Et maintenant, Ferasi, je suis prêt pour votre requête spéciale.
— Sa requête spéciale ? laissa échapper Car’das.
— Votre amie m’a demandé de lui faire la description de l’une des œuvres d’art que contient le vaisseau pirate Vagaari.
— Ah oui ?
— Oui, je voudrais me familiariser avec les termes abstraits et les adjectifs, dit-elle avec une expression glaciale.
— Bien sûr ! Pas de problème. Je me posais juste la question.
Elle soutint le regard de son équipier une fraction de seconde, puis se tourna vers le commandant :
— Puis-je vous demander quel objet vous allez me décrire ?
— Certainement pas, répondit ce dernier, un sourire aux lèvres. Il vous reviendra de le déduire.
Quelque peu déroutée, elle fit cependant bonne figure :
— Oh ! Très bien, je suis prête.
Thrawn se lança, les yeux dans le vague :
— Ses changements de couleur évoquent un arc-en-ciel qui se noierait dans une cascade…
Car’das écouta attentivement le flot mélodieux des paroles Cheunh, luttant pour les comprendre tout en observant Maris du coin de l’œil. Ce n’était pas facile pour elle non plus, elle prononçait parfois certains termes complexes mais, derrière tout cela, il discerna quelque chose d’autre dans son expression, comme obnubilée par le Chiss.
Ce n’était pas le genre de regard qu’une étudiante était censée porter sur son professeur et encore moins celui d’une prisonnière sur son ravisseur.
Une sensation désagréable l’étreignit aux tripes. Elle ne pouvait tomber amoureuse de Thrawn, si ? Elle n’allait tout de même pas se faire avoir par son intelligence, sa courtoisie et son côté sophistiqué ?
Elle n’était après tout pas simplement la copilote de Qennto et, même s’il n’avait jamais vu ce dernier en pleine crise de jalousie, Jorj n’y tenait pas tant que ça.
— … et donc un immense décalage et un conflit certain entre l’artiste et son peuple.
— Magnifique… dit Maris, les yeux brillants. Il s’agit du tableau aux bords courbés, n’est-ce pas ? Celui qui représente un paysage où l’obscurité semble surgir du coin inférieur ?
— Tout à fait, confirma Thrawn. L’aviez-vous également reconnu, Car’das ?
— Je… Non, avoua ce dernier. J’étais surtout concentré sur la compréhension des mots.
— On se focalise parfois tant sur les termes d’une phrase qu’on n’en saisit pas le sens, observa le Chiss. Cette remarque est d’ailleurs valable pour la vie, de façon plus générale. On ne doit jamais perdre de vue le paysage global.
Il considéra un instant les lumières fixées sur le mur, près de la porte, puis se leva :
— La leçon est terminée pour aujourd’hui. Je dois voir mon invité.
— Votre invité ? s’enquit Maris en écho.
Tandis que tous les trois se dirigeaient vers la porte, Thrawn expliqua :
— Un amiral de la Flotte de Défense Chiss est en route pour venir prendre possession du vaisseau Vagaari. Rien d’intéressant pour vous.
— Pourrions-nous assister à la cérémonie de bienvenue ? demanda Car’das. Nous devrions être capable de la comprendre, cette fois.
— Je pense que cela doit être possible, en effet. L’amiral Ar’Alani a certainement entendu parler de vous par l’Aristocra Chaf’orm’bintrano et désirera probablement vous rencontrer.
— Sont-ils de la même Famille ?
— Les officiers supérieurs de la Flotte de Défense n’appartiennent à aucune Famille. Leur nom, ainsi que les privilèges correspondants sont supprimés, ensuite ils sont intégrés dans la Hiérarchie de la Défense, afin de servir tous les Chiss de façon équitable.
— Ainsi le commandement militaire se gagne au mérite et non à la naissance ?
— Exactement. Les officiers sont sélectionnés une fois qu’ils ont fait leurs preuves, de la même façon que les Neuf Familles Régnantes choisissent qui adopter.
— C’est-à-dire ?
— Ce sont des Chiss issus d’autres lignées que celles des Familles. Ils apportent donc du sang neuf et de la diversité.
Chaque soldat qui sert dans la Flotte de Défense ou bien dans la Flotte d’Expansion est adopté par une Famille.
Et Thrawn de désigner ses galons pourpres.
— C’est pourquoi chaque soldat porte les couleurs de l’une des Neuf Familles, conclut-il.
— À laquelle appartenez-vous ? demanda Maris.
— À la Huitième. Ma position est toutefois quelque peu différente de celle de la plupart des autres militaires. Je suis en réalité considéré comme un Essai de Branche de cette famille. Alors que ce statut cesse automatiquement pour la majorité des soldats quand ils quittent le service, j’aurai la possibilité de conserver le mien, peut-être même de le transmettre à ma descendance.
— Cela semble bien compliqué, commenta Car’das.
— Je trouve cela très intelligent, dit pour sa part Maris. La République ferait bien de s’inspirer de ce système, au lieu de favoriser les mêmes lignées, souvent les plus riches.
— Mmm… murmura Jorj sans plus s’avancer.
Pour lui, l’heure n’était pas aux discussions sur la politique de la République.
— Si je comprends bien, ces Familles Régnantes sont au nombre de neuf ?
— C’est le cas à l’heure actuelle, répondit Thrawn, mais ce nombre varie en fonction des événements et des fluctuations politiques. Selon les époques, il y a eu de trois à douze Familles Régnantes.
Ils atteignirent la salle de bienvenue, déjà préparée pour les nouveaux arrivants. Les murs et le plafond ne présentaient plus le même aspect que le jour où l’Aristocra Chaf’orm’bintrano était arrivé. Un peu moins élaboré, selon Jorj. Peut-être un officier supérieur n’était-il pas aussi haut placé dans la hiérarchie qu’un membre obscur d’une des Familles Régnantes.
— Cette cérémonie sera considérablement plus courte et moins formelle que celle à laquelle vous avez eu l’occasion d’assister la fois précédente, révéla Thrawn en leur indiquant des places en retrait de la sienne. Vous devriez pouvoir tout comprendre sans souci.
Avec un sourire mystérieux, il ajouta :
— Il est possible que l’apparence de l’amiral vous surprenne quelque peu. J’ai hâte d’entendre vos commentaires à ce sujet.
Il se tourna vers la porte et adressa un signe de tête à l’un des gardes. Avec une sonnerie mélodieuse, qui évoqua à Jorj une sorte de carillon aquatique, la porte s’ouvrit lentement pour laisser le passage à quatre soldats vêtus de noir, qui se postèrent immédiatement de chaque côté. Tout en se demandant ce que Thrawn avait bien pu vouloir dire en notant l’apparence de son invité, Car’das se redressa aussi militairement que possible à ses yeux, alors qu’une femme Chiss faisait son apparition.
Cependant, au lieu de porter comme ses hommes un uniforme sombre, elle était vêtue des pieds à la tête d’une combinaison d’un blanc éclatant, si bien que Car’das cligna des yeux sous l’effet de la surprise. Devait-elle cette particularité à son appartenance à la Flotte de Défense plutôt qu’à la Flotte d’Expansion ?
Elle avança jusqu’au milieu de la pièce, s’arrêta.
— Au nom de tous ceux qui servent les Chiss, dit Thrawn en effectuant un pas vers elle, je vous salue, Amiral Ar’Alani.
— Je vous remercie et vous renvoie vos salutations, commandant Mitth’raw’nuruodo, répondit-elle à son hôte.
Jorj ne manqua pas de remarquer qu’elle avait le regard fixé sur lui et Maris.
— Garantissez-vous ma sécurité, ainsi que celle de mon équipage ?
— Je la garantis au nom de ma vie et de celle de mes subordonnés, dit Thrawn en s’inclinant. Venez en paix et ayez confiance.
Après s’être inclinée à son tour, Ar’Alani changea subitement de ton :
— Qui sont donc ceux qui se tiennent derrière vous ?
La cérémonie était apparemment terminée.
— Ce sont des visiteurs d’un monde lointain, dit le commandant en se tournant vers les deux humains. Car’das et Ferasi, permettez-moi de vous présenter l’Amiral Ar’Alani.
— C’est pour nous un honneur, Amiral, fit Jorj en Cheunh.
Il s’efforça d’imiter la posture de salut qu’il avait vu Thrawn effectuer.
Ar’Alani fut surprise :
— L’Aristocra Chaf’orm’bintrano ne m’a pas précisé qu’ils parlaient le Cheunh, dit-elle d’un ton agacé.
— Il n’en savait rien, expliqua poliment le commandant. Il n’est resté que peu de temps parmi nous et n’a montré que peu d’intérêt pour mes invités.
— D’après le rapport, il y en a trois, reprit la femme.
— Le troisième est occupé ailleurs. Je peux le convoquer si vous le désirez.
Ar’Alani fronça les sourcils :
— Il est autorisé à se déplacer librement ici ? Sur une base de la Flotte d’Expansion Chiss ?
— Tous trois sont constamment sous surveillance, assura Thrawn.
— Vous les étudiez, je suppose ?
— Bien entendu.
À ces mots, Car’das réprima un rictus de déception. Même s’il s’était douté dès le départ que c’était là la raison principale de l’intérêt que leur portait le Chiss, il n’éprouvait aucun plaisir à se le voir ainsi confirmé.
— Qu’avez-vous donc appris ? insista Ar’Alani.
— Enormément de choses, mais ce n’est ni le lieu, ni le moment d’en discuter.
Après un rapide coup d’œil aux soldats de Thrawn, immobiles le long des murs de la salle de bienvenue, elle concéda :
— Je vous l’accorde.
— Je suppose que vous désirez visiter le vaisseau capturé avant de le remorquer ? enchaîna le commandant. Une navette est disponible immédiatement.
— Bien, dit-elle en prenant une sorte de comlink accroché à sa ceinture. Laissez-moi appeler mon passager et nous partons.
Les yeux de Thrawn se plissèrent légèrement et, pour la première fois, Jorj perçut de la surprise chez le Chiss.
— Vous n’aviez pas fait mention d’un passager.
— Sa présence n’est pas officiellement reconnue par la Flotte de Défense, reconnut l’amiral. Je ne l’ai amené avec moi qu’à titre de faveur pour la Huitième Famille Régnante.
Un jeune Chiss se présenta soudain derrière elle, vêtu d’une courte tunique et de longues bottes ornées de motifs gris et pourpres, le visage paré d’un léger sourire.
— Thrass ! murmura Thrawn, abasourdi.
Il avança vers le nouveau venu qui entrait dans la pièce, et tous deux s’étreignirent.
— Sois le bienvenu ! dit-il en souriant. Quelle bonne surprise !
— Oui, une fois n’est pas coutume !
Le jeune homme souriait également, quelque peu tendu, toutefois, nota Jorj.
Quand Thrawn s’aperçut que le passager de l’Amiral regardait les humains, il se tourna et les présenta :
— Mes invités : Car’das et Ferasi, des marchands de K’rell’n, un monde de la République Galactique.
— La description qu’en a faite l’Aristocra Chaf’orm’bintrano est tout à fait incomplète, nota Thrass en les observant, en particulier en ce qui concerne leurs vêtements.
— Ils n’ont pas eu le temps de se procurer des habits de Csilla, expliqua Thrawn. Car’das et Ferasi, voici l’Administrateur Mitth’ras’safis, de la Huitième Famille Régnante.
Puis, en souriant largement :
— Mon frère…
— Votre frère ! s’exclama Maris.
— Ils parlent Cheunh, en plus ? s’étonna Mitth’ras’safis d’une voix moins enjouée.
— Après de nombreux cours. L’Amiral Ar’Alani et moi-même étions sur le point de visiter le vaisseau pirate capturé. Veux-tu nous accompagner ?
— C’est la raison principale de ma présence ici.
— La raison principale ?
— Il y en a d’autres…
— Je vois, dit le commandant. Nous en discuterons plus tard. Si vous voulez bien me suivre, Amiral ?
Le trajet autour de l’astéroïde se fit pour sa plus grande partie dans le silence. Thrawn mentionna de temps à autre un détail technique au sujet du vaisseau pirate mais ni l’amiral, ni Mitth’ras’safis ne parurent enclins à répondre autre chose qu’un grognement monosyllabique ou parfois une vague question. L’escorte de l’amiral, quant à elle, ne pipait mot, comme il sied aux parfaits soldats.
Jorj remarqua à plusieurs reprises un regard soupçonneux de la part de Mitth’ras’safis à son encontre ou vers Maris, comme s’il désapprouvait que deux non-Chiss participent à cette visite. Néanmoins, puisqu’il n’avait demandé aucune explication, Thrawn ne s’était pas étendu sur le sujet.
Les corps ennemis avaient été depuis longtemps retirés, mais certains détails demeuraient visibles pour Thrawn, qui les énonça au fur et à mesure de leur progression dans les coursives. Il évoqua ainsi la présence de pas moins de trois races différentes d’esclaves d’après les caractéristiques physiques qu’il devinait grâce aux divers équipements que leurs maîtres les avaient laissé utiliser.
Car’das, qui n’avait pas encore entendu cette analyse, écouta attentivement le monologue du commandant, alors qu’une fois de plus, l’amiral et Mitth’ras’safis ne disaient mot.
Enfin, tout du moins jusqu’à la salle des trésors.
— Ah, vous voilà enfin ! gronda la voix de Qennto depuis un coin de la pièce.
Il leur adressa un signe d’une main, tout en brandissant dans l’autre une sorte de bouclier décoré à l’ancienne.
— Que fait cet étranger ici ? s’étonna Ar’Alani.
— Il m’aide à effectuer l’inventaire de ces objets, expliqua Thrawn. Certaines des prises effectuées par les Vagaari proviennent du territoire de la République, il peut les reconnaître et en déterminer la valeur.
— Qu’a-t-il dit ? demanda Qennto à Maris.
Celle-ci lança un regard interrogatif au commandant.
— Exprimons-nous en Sy Bisti, je vous prie, suggéra ce dernier. Je ne souhaite pas exclure l’amiral et l’Administrateur de la conversation.
— Oui, commandant, acquiesça Maris.
Alors, elle se tourna vers son capitaine et lui traduisit le dernier commentaire du Chiss.
— Oh ! je ne fais qu’établir un catalogue, en effet, confirma Qennto en avisant les deux inconnus d’un air suspicieux. J’en profite aussi pour récupérer deux ou trois choses que je rapporterai chez moi.
— Et que comptez-vous rapporter ? s’étrangla Ar’Alani en Cheunh. Commandant ?
— En Sy Bisti, s’il vous plaît, amiral ! lui rappela Thrawn.
— Nous ne sommes pas en plein colloque interespèces, si ? rétorqua aigrement la femme Chiss sans tenir compte de la demande. Qu’avez-vous exactement promis à ces étrangers ?
— Ce sont des marchands négociateurs, rappela Thrawn d’un ton plus dur. Je leur ai offert quelques pièces en compensation des services rendus ces dernières semaines.
— Quels services ? insista l’amiral. Vous leur avez fourni logement et nourriture, vous leur avez appris le Cheunh, vous pensez qu’ils méritent en outre une compensation ?
— Nous enseignons également au commandant notre langue, intervint Maris.
— Ne vous adressez pas à un amiral Chiss si ce n’est pour lui répondre, dit sèchement Ar’Alani.
— Veuillez m’excuser, balbutia Maris, écarlate.
— Cette pièce est suffisamment remplie pour contenter nos visiteurs et l’Ascendance, coupa Thrawn. Si vous le prenez ainsi, je dois vous montrer certains détails de la salle des moteurs.
Là-dessus, le Chiss se dirigea vers une porte.
— Un instant, intervint l’amiral sans quitter des yeux Qennto.
Comme si ce dernier avait des velléités de provocation avec son bouclier à la main.
— Qui va décider des objets que vos humains seront autorisés à prendre ?
— Mon intention était de laisser le capitaine Qennto en juger. Voici à présent plusieurs semaines qu’il travaille sur cet inventaire et sait parfaitement ce qui se trouve dans cette salle. Je peux vous procurer une liste exhaustive de tout ce butin avant que vous ne partiez.
— Une liste de ce qui se trouve ici maintenant ? demanda Ar’Alani. Ou bien une liste de ce que cette pièce renfermait avant qu’il ne se serve ?
— Les deux listes sont disponibles, assura Thrawn. Mes relevés indiquent qu’elles correspondent parfaitement aux descriptions. Quoi qu’il en soit, vous disposerez de tout le temps nécessaire durant votre voyage pour vérifier tout cela.
— Oui, ou alors, je peux très bien examiner les trésors dès maintenant, dit l’amiral en se tournant vers deux de ses gardes. Vous, procurez-moi la liste. Si cela ne vous fait rien, commandant, je préfère réaliser mon propre inventaire.
— Comme il vous plaira, amiral, concéda Thrawn. Je ne peux malheureusement pas vous assister dans votre tâche. De nombreux problèmes administratifs réclament ma présence sur la base.
— Je peux me débrouiller sans votre aide.
D’après le ton de la voix de la femme Chiss, Jorj eut le sentiment qu’elle n’avait qu’une hâte ; se retrouver seule, sans Thrawn, pour épier ses faits et gestes.
— Assurez-vous de mettre à ma disposition une navette afin que je puisse regagner mon vaisseau quand j’en aurai fini, ajouta-t-elle. Je pense également qu’il serait sage que l’Administrateur Mitth’ras’safis reste avec moi. S’il est d’accord, bien entendu.
— Je n’ai pas d’objection, assura ce dernier.
Même s’il paraissait légèrement troublé.
— Très bien. Je suis impatient de converser à nouveau avec vous, quand cela vous conviendra, dit Thrawn avant de désigner à Car’das la porte de sortie.
Celui-ci attendit qu’ils aient parcouru une vingtaine de mètres dans la coursive avant d’oser prendre la parole :
— Vous n’avez pas vraiment de travail administratif à effectuer, n’est-ce pas ? demanda-t-il à voix basse. Vous ne vouliez que vous éloigner de l’amiral pour un moment.
— C’est une accusation un peu sévère, rétorqua calmement le Chiss. De quoi ternir la haute estime en laquelle Ferasi me tient.
Ferasi… ?
Car’das se retourna et s’aperçut que la jeune femme les avait suivis.
— Oh ! Tu es là… dit-il, un peu gêné.
— Je pense que tu te trompes, Jorj, assura Maris. Le commandant Thrawn n’a pas fui l’amiral, il s’est simplement arrangé pour que ce soit elle qui décide de rester seule.
— Comment en arrivez-vous à une telle conclusion ? interrrogea le Chiss.
— Eh bien, c’est la première fois que j’entends dire que Qennto a passé des semaines dans cette salle à s’occuper de l’inventaire du butin. Je pense qu’il se serait confié à moi s’il en avait été ainsi.
— Il n’a cependant pas réfuté mes paroles.
— C’est qu’une partie de la conversation s’est déroulée en Cheunh, intervint Car’das. Il ne comprend pas cette langue.
— Bravo à tous les deux, c’est bien cela ! les félicita Thrawn.
— – Que se passe-t-il, alors ? insista Maris.
Ils obliquèrent dans un autre couloir où le commandant accéléra subitement l’allure.
— J’ai reçu un rapport selon lequel une autre attaque de Vagaari est en cours. Je vais me rendre sur place.
— Où a-t-elle lieu ? demanda Jorj. Je veux dire, la salle des trésors ne les retiendra pas éternellement.
— Approximativement à six heures standard d’ici. Je m’attends bien évidemment à une sévère réprimande de la part de l’Amiral à mon retour mais, au moins, je suppose qu’elle décalera son départ jusqu’à ce moment. Pour l’heure, tout ce dont j’ai besoin, c’est qu’elle reste occupée suffisamment longtemps pour nous permettre de partir.
L’estomac de Jorj se serra soudain :
— Vous ne vous rendez pas là-bas simplement pour observer les combats, j’imagine ?
— Le but initial de cette mission est d’évaluer la situation, expliqua Thrawn d’un ton égal, mais si je juge qu’il existe une chance non négligeable d’éliminer ce qui ressemble à une menace pour l’Ascendance Chiss…
Il ne termina pas sa phrase, néanmoins ses intentions étaient claires. Il allait attaquer.
En outre, à en juger par la façon dont il avait incité Car’das à le suivre quand il avait quitté la salle des trésors, il ne faisait aucun doute qu’il comptait embarquer son professeur de Basique à ses côtés.
Jorj prit une profonde inspiration. S’il avait déjà traversé plus de batailles spatiales que nécessaire, l’idée d’un face-à-face avec une armée Vagaari ne correspondait pas à son désir le plus immédiat. Peut-être lui restait-il une chance d’esquiver cela de façon subtile.
— Je suis certain que vous prendrez les bonnes décisions, dit-il diplomatiquement. Eh bien, bonne chance et…
— Puis-je me joindre à vous ? intervint Maris.
Le jeune navigateur la fixa avec stupeur, mais elle soutint son regard sans fléchir.
— Ce serait une bonne chose pour vous d’avoir un témoin, poursuivit-elle, particulièrement si celui-ci n’est lié d’aucune façon à l’une des Familles Régnantes.
— Je suis tout à fait d’accord, approuva Thrawn. C’est pourquoi Car’das vient avec moi.
Ce dernier tiqua intérieurement. C’en était fait de son esquive subtile.
— Commandant, je suis très touché par votre proposition, mais…
— Deux témoins conviendraient mieux, en réalité, coupa Maris.
— À vrai dire, Qennto constituerait un meilleur choix que l’un de nous deux, tenta de nouveau Jorj. Il est bien plus…
— En théorie, c’est vrai, concéda le commandant en regardant la jeune femme, mais peu importent les précautions prises, une bataille comporte certains risques.
— Il est bien plus attiré par ce genre de situation…
— J’en ai l’habitude, moi aussi, à force de voler aux côtés de Rak, insista Maris. Je veux tenter ma chance.
— Je pourrais aller le chercher dans la salle des trésors…
— Je ne suis pas certain de vouloir vous l’offrir, répondit Thrawn, toujours à l’adresse de Ferasi. Je ne voudrais pas devoir rapporter la nouvelle de votre mort à votre capitaine.
— Si nous nous tenons tous les deux sur le pont, vous n’aurez pas à le faire, remarqua la jeune femme. Si je meurs, vous me suivrez probablement dans l’au-delà et quelqu’un d’autre sera chargé de ce sale boulot.
Sur ces mots, elle désigna Jorj d’un pouce :
— De toute façon, on dirait que Car’das préfère rester en retrait. Il pourrait gérer le problème.
— Tu n’y penses pas ! dit celui-ci, soudain décidé.
Il avait déjà eu l’occasion d’apprécier les aptitudes au combat de Thrawn, tout comme il connaissait par cœur le tempérament de Qennto. Aucune hésitation : il savait quelle option était la plus sûre.
— Si Maris embarque, j’en suis également, affirma-t-il.
— Je suis honoré de la confiance que vous me témoignez, déclara enfin le commandant alors qu’ils atteignaient la navette. Venez donc tous les deux. Puisse la chance des combattants nous sourire.