8

Obi-Wan soupira en éteignant son comlink qu’il remisa dans sa ceinture.

— Toujours rien ? s’enquit Anakin.

— Non.

Les étoiles commençaient à apparaître dans le ciel qui s’assombrissait à vue d’œil, tandis qu’autour d’eux, de nombreuses lumières s’allumaient dans les foyers.

— Nous aurions dû essayer de prendre plus tôt contact avec elle, grommela le garçon.

— C’est précisément ce que j’ai fait, lui rappela son maître, mais tu étais trop occupé à jouer avec Duefgrin pour t’en apercevoir.

— Excusez-moi, Maître, je travaillais, rectifia sèchement Anakin. Le Brolf que nous recherchons s’appelle Jhompfi et habite dans le cercle d’habitations connu sous le nom de Buisson Caché. Quant aux micro-propulseurs, ils sont censés lui servir pour trafiquer un engin à deux roues dont il se sert pour vendre en douce des bâtons de rissle aux Karfs.

Obi-Wan écarquilla les yeux :

— Quand as-tu appris tout cela ?

— Lorsque vous êtes parti explorer les environs en quête d’indices, dit Anakin, l’air à la fois fier de lui et vexé. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il m’a parlé. J’ai l’impression qu’il ne fait pas confiance aux adultes.

— Tu aurais dû m’avertir à la minute même, le tança Kenobi.

Il sortit son guide de sa poche pour localiser l’endroit en question.

— Ne t’est-il pas venu à l’esprit que Lorana pouvait avoir rencontré des ennuis ?

— Il m’a surtout semblé, rétorqua le garçon, que si nous partions trop vite, Duefgrin serait tenté de prévenir Jhompfi.

— Reste à ta place, Padawan, intima sèchement Obi-Wan.

Il lui semblait devoir lui rappeler cela de plus en plus souvent ces derniers jours.

— Excusez-moi, Maître, laissa tomber Anakin après un soupir bruyant.

Une carte apparut sur l’écran du guide et le chemin qui menait au Buisson Caché s’afficha.

— Le voilà.

Le Jedi inclina le guide pour que son Padawan puisse le voir.

— Ce n’est pas la direction qu’il a prise quand il a quitté Duefgrin.

— Je sais, mais nous ne disposons pas d’autre piste pour le moment. Allons-y.

 

Le quartier dans lequel se trouvait le Buisson Caché rappelait à Obi-Wan bien des endroits qu’il avait arpentés aux quatre coins de la République ; pauvre mais propre, où les gens travaillaient dur pour un maigre salaire, sans toutefois se départir de leur fierté ni de leur dignité.

Il savait que certains Jedi n’éprouvaient à leur endroit que mépris et condescendance. Pour sa part, il s’y sentait plus à l’aise qu’au milieu des privilégiés des hautes sphères de Coruscant, isolés entre leurs richesses et leur morale à géométrie variable. Amicaux et francs, la plupart des habitants de ce genre d’endroit n’avaient pas de projets politiques cachés, pas plus que de soif de pouvoir ou de rang à défendre.

Au moins, si quelqu’un en voulait ici à un ennemi, il se servait d’un couteau et non pas d’un sourire fourbe.

— Par où commence-t-on ? demanda Anakin.

Ils se tenaient alors devant une haie, non loin d’un imposant bâtiment.

— Vous pourriez déjà ne pas traîner dans mes pattes, grogna une voix derrière eux.

Obi-Wan se retourna vivement, sa main se glissant automatiquement dans sa tunique, prête à saisir son sabre laser, lorsqu’il découvrit un visage de l’autre côté des feuillages et fut aussitôt rassuré.

— Bonjour, Riske, lança-t-il en relâchant sa prise. Je ne pensais pas te trouver ici.

— Je pourrais en dire autant, grommela ce dernier d’un air revêche. Venez donc un moment dans mon bureau.

Et de désigner son côté de la haie.

Kenobi jeta un coup d’œil circulaire mais ne vit que quelques Brolfi encore dehors dans le crépuscule, aucun ne regardant dans leur direction. Après avoir fait un signe à Anakin, il bondit par-dessus la barrière naturelle et se réceptionna en souplesse de l’autre côté en position accroupie, suivi de près par l’adolescent.

— Je reconnais que vous êtes persévérants, observa Riske en les rejoignant, tête baissée pour rester dissimulé. Que faites-vous ici ?

— Nous sommes à la recherche d’un Brolf nommé Jhompfï, répondit Obi-Wan. Il a chargé quelqu’un de dérober deux micro-propulseurs cet après-midi. Nous voulons savoir pourquoi.

— Tant que vous y êtes, demandez-lui aussi s’il sait quelque chose sur des explosifs disparus d’une mine dans laquelle l’un de ses amis proches travaille. Ou encore en ce qui concerne le système stabilisateur qu’un autre de ses amis a emprunté sur l’appareil privé de son patron, ou bien les cylindres en alliage résistant disparus d’un autre site. Vous voyez ce dont je veux parler ?

— On dirait que quelqu’un est en train de se fabriquer un missile.

— Ou peut-être même deux, et je ne crois pas qu’aucun d’entre nous soit en mesure d’interroger Jhompfi, étant donné qu’il semble que lui et ses amis aient tout simplement disparu.

— Génial ! railla Kenobi en surveillant l’autre côté de la haie.

— Oui, c’est exactement ce que je me disais à l’instant. Mais dites-moi ; en quoi cela vous concerne-t-il ?

— Notre amie – la Padawan que tu as rencontrée plus tôt dans la journée – l’avait pris en filature, puis elle a elle aussi disparu et reste depuis injoignable.

— Tant pis pour elle, dit Riske. Mignonne, mais pas très futée.

— Nous n’allons pas l’abandonner. As-tu une idée de l’endroit où Jhompfi peut s’être réfugié ?

— Si je le savais, je ne serai pas en train de tramer ici. J’ai des hommes qui surveillent les centres de la Guilde Minière, mais si notre type ne rentre pas chez lui, je doute qu’il soit assez stupide pour se rendre là-bas.

— Que faisons-nous alors ? intervint Anakin.

— Eh bien, en ce qui me concerne, je vais retourner à l’hôtel m’assurer que tous les systèmes de sécurité sont opérationnels. Je pense qu’ils tenteront quelque chose dès ce soir ; les faux jetons prennent toujours la fuite juste avant que la maison ne s’écroule.

— Peut-être attendront-ils demain afin de s’attaquer au centre administratif ? suggéra Obi-Wan.

— Peu probable. Jhompfi ne visera sans doute pas un endroit où son propre représentant est occupé à défendre ses intérêts. Non, cela se passera à l’hôtel ou, au pire, sur la route du centre demain matin.

Malheureusement, tout cela se tenait.

— Très bien, admit Obi-Wan. Tu t’occupes de l’hôtel, et de notre côté, nous poursuivons nos recherches concernant Lorana.

— Bonne chance, dit Riske. C’est idiot. J’étais à deux doigts de placer un émetteur sur elle, afin d’être certain qu’elle ne me gêne pas. Je regrette à présent de ne pas l’avoir fait.

— En effet, c’est dommage. Nous devrons donc nous débrouiller.

— Les Jedi sont réputés dans ce domaine. Tenez, prenez cette carte, mon numéro de comlink y figure, ainsi que les codes de cryptage pour y accéder. Appelez-moi si vous avez du nouveau.

— Entendu, promit Kenobi.

Après un bref salut, Riske se dirigea vers la haie, jeta un regard dans la rue, puis s’en alla d’un pas vif.

— Et maintenant ? demanda Anakin.

— Nous ferions mieux de tenir Maître C’Baoth au courant de la situation, dit Obi-Wan à contrecœur. Peut-être est-il suffisamment proche de Lorana pour ressentir grâce à la Force la direction du lieu où elle est retenue.

— Peut-être, dit le garçon, pas vraiment convaincu. Ne devrions-nous pas tous porter un émetteur ?

— Je connais au moins une personne à qui cela ferait le plus grand bien, marmonna Obi-Wan.

— Que dites-vous, Maître ?

— Non rien, oublie cela, répondit Kenobi.

Et ils reprirent le chemin du retour.

 

Quand ils parvinrent enfin à le joindre sur son comlink, C’Baoth se montra tout d’abord agacé d’être dérangé, puis furieux quand il apprit les derniers événements :

— Ne parlons pas pour l’instant du fait que vous vous êtes mêlé de la situation sur Barlok sans mon ordre direct, le plus important est le danger que court ma Padawan par votre faute.

Obi-Wan imaginait ses yeux brillants de colère sous ses sourcils broussailleux.

— Je comprends votre colère, Maître C’Baoth…

— Ma colère ? coupa ce dernier. La colère n’a pas sa place chez un Jedi, Maître Kenobi !

— Mes excuses… Le mot est mal choisi.

Comment le vieil homme, dans une telle situation, ne trouvait-il rien d’autre que de réciter de vieilles maximes Jedi ?

— C’est mieux. Et toi, Padawan Skywalker ? As-tu quelque idée ?

Obi-Wan orienta l’appareil vers le garçon :

— Pas vraiment, Maître C’Baoth, avoua ce dernier. Pour tout vous dire, je me préoccupe surtout de Lorana. J’espère qu’elle est toujours en vie.

Le silence se fit quelques secondes, puis C’Baoth reprit :

— Non. Elle n’est pas morte. J’aurais senti sa perturbation dans la Force.

— Pouvez-vous la localiser, dans ce cas ? demanda Anakin, plein d’espoir.

— Ce n’est pas aussi simple. Je ne peux malheureusement pas détecter sa trace pour le moment. Maître Kenobi, vous dites avoir parlé au garçon qui a volé les propulseurs. Peut-être sait-il où Jhompfi a l’habitude de se cacher ?

— Je ne le pense pas, dit le Padawan. Il ne me paraît pas faire partie du complot.

— Il connaît Jhompfi, néanmoins, et peut avoir surpris un détail utile.

— Je doute qu’il soit enthousiaste à l’idée de discuter de cela avec nous, objecta Obi-Wan. Pas avec des étrangers.

— Vous ai-je demandé s’il était d’accord ?

Kenobi en sursauta presque :

— Me suggérez-vous de forcer son esprit ?

— Non. Bien sûr que non…

Kenobi comprit instantanément que ces derniers mots étaient destinés à son Padawan. Le vieux Jedi attendait cependant clairement de lui qu’il agisse ainsi.

— Nous sommes les protecteurs des faibles, pas les oppresseurs, continua C’Baoth. Cela dit, un crime a été perpétré contre un Jedi. Un tel forfait ne doit pas rester impuni, même si la Padawan Jinzler a choisi de ne pas se défendre.

— Que voulez-vous dire par là ? s’étonna Obi-Wan.

— Il n’y a aucun rapport d’utilisation de sabre laser dans la ville en cette fin de journée. Pas plus que d’échos d’un combat quelconque. Lorana Jinzler n’est certes qu’une Padawan, mais je lui ai appris à se défendre mieux que ça.

— Bien entendu. Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps, Maître.

— Débrouillez-vous pour que ma Padawan soit à mes côtés demain matin quand je rencontrerai le Juge Argente et le Maître de la Guilde Gilfrome.

— Compris, dit Obi-Wan avant de couper la transmission.

Il songea soudain que si le vieux Jedi avait raison à propos de Lorana, alors peut-être…

— Comment allons-nous la trouver ? demanda Anakin.

— Maître C’Baoth l’a dit lui-même : si Lorana s’était défendue, nous en aurions entendu parler. On peut donc conclure qu’elle n’en a rien fait.

— D’accord, mais que cela veut-il dire ?

— Eh bien, elle a probablement pensé qu’elle avait plus à gagner en se rendant qu’en se battant. Sans doute espérait-elle ainsi se faire conduire devant les cerveaux du complot. Cependant…

Le Jedi laissa ce mot en suspens en espérant qu’Anakin en déduirait la suite logique.

— Cependant ils auraient été fous de mener jusqu’à leur chef un Jedi, même une simple Padawan, dit le garçon après un instant de réflexion.

— Exactement. Et quelle est la plus sûre façon d’identifier Lorana comme un Jedi ?

— Découvrir son sabre laser ! s’écria le Padawan, qui entrevoyait l’idée de son maître. Elle a dû s’en débarrasser !

— Voilà. Elle a certainement dû agir de la sorte très rapidement, sans doute à l’endroit même où elle a été kidnappée.

— Un endroit suffisamment proche pour que nous puissions détecter son cristal d’Ilum ! Nous devons d’abord nous en rapprocher.

— C’est vrai ; au moins, avons-nous une chance de le repérer. Si elle l’avait gardé sur elle et avait été enfermée dans un bâtiment, nous n’aurions pu compter dessus. Pas depuis l’extérieur, en tout cas.

Il fit un geste en direction de la rue, maintenant totalement obscure, à l’exception de la faible lueur de l’éclairage public.

— Entamons nos recherches ici même, dans la zone du Buisson Caché. Jhompfi a peut-être été assez futé pour ne pas rentrer chez lui, mais il peut tout à fait s’être quand même rendu chez l’un de ses amis. Si nous ne dénichons rien d’intéressant, nous nous dirigerons vers les quartiers plus pauvres du district.

— Parce que c’est dans ce genre d’environnement que se cache notre homme ?

— Non. Parce que dans ces endroits les limites de propriété sont marquées par de simples haies. On ne peut cacher un sabre laser dans un mur sans se faire remarquer. Toutefois, si on ne trouve rien là-bas non plus, nous explorerons ensuite les secteurs plus favorisés, puis les autres districts si nécessaire.

Anakin prit une profonde inspiration.

— D’accord, je suis prêt si vous l’êtes.

— Bien. Dans ce cas, concentre-toi, mon jeune Padawan, la nuit s’annonce longue.

 

Cela faisait des heures qu’ils arpentaient les rues quand Obi-Wan perçut enfin le picotement qu’il attendait.

Le cristal d’Ilum du sabre de Lorana était à portée de main.

Le Jedi considéra un instant Anakin sans rien dire, espérant qu’il le ressentirait également. Même au cours d’une mission de la plus haute importance, l’entraînement constituait le quotidien de la vie d’un Padawan.

Ils avancèrent encore de trois pas, puis Anakin hésita soudain.

— Ici, dit-il. Juste là, sur la gauche.

— Très bien, approuva Kenobi tout en scrutant les environs.

Il devait encore rester deux heures avant l’aube et le quartier était obscur et silencieux, ses habitants profondément endormis.

Enfin, la plupart d’entre eux, en tout cas, mais sans doute pas ceux qui les intéressaient.

Alors que son Padawan s’apprêtait à récupérer l’arme de Lorana, le Jedi intervint :

— Non, n’y touche pas ! Viens. De l’autre côté de la haie. Vite.

En un bond, ils furent hors de vue de la rue et progressèrent accroupis vers l’endroit où gisait le sabre laser abandonné.

— Quelqu’un nous observe-t-il ? demanda Anakin.

— Nous n’allons pas tarder à le savoir. Dis-moi : que ferais-tu si tu repérais quelque chose d’étrange par la fenêtre au milieu de la nuit, alors que tu as la garde d’un prisonnier ?

— Je n’en sais rien. J’imagine que cela dépendrait de l’intensité de l’événement.

— Tentons le coup.

Kenobi fit appel à la Force et alluma l’arme à distance.

La lame verte jaillit en émettant un léger chuintement et illumina les alentours. Quelques feuilles tombèrent, tranchées net, mais la poignée du sabre, fermement calée, ne bougea pas.

— Maintenant, voyons qui est encore debout dans les parages, dit Obi-Wan.

L’attente ne fut pas longue : moins d’une minute plus tard, la porte d’une des maisons s’ouvrit, découvrant un Brolf solitaire qui jetait un regard anxieux sur l’extérieur. Après s’être assuré que personne ne l’avait repéré, il traversa la rue d’un pas lourd en direction de la lueur suspecte.

Il considéra le sabre un moment, ne sachant trop que faire, puis il se pencha avec précaution parmi les branchages et se saisit de l’arme. La portant à bout de bras, il la fit tourner doucement dans sa main ; il était clairement en train d’essayer de deviner comment l’éteindre.

Obi-Wan se leva.

— Si je peux me permettre !

Là-dessus, il fit disparaître la lame lumineuse grâce à la Force.

Le Brolf avait cependant de bons réflexes : il projeta le sabre à la tête de Kenobi en bondissant de côté, puis dégaina un pistolet.

Il était donc rapide, mais également stupide. Obi-Wan étant un Jedi, donc pourvu de réflexes de Jedi, il se saisit de son propre sabre avant même que l’autre eût esquissé le moindre geste. De l’autre main, il attrapa facilement celui de Lorana puis alluma le sien et intercepta sur sa lame le tir que son adversaire venait de déclencher, le faisant ainsi ricocher vers le ciel nocturne.

Le Brolf s’obstina pourtant à tirer sans discontinuer, encore et encore, avec une témérité débile qui n’était pas sans rappeler celle des droïdes de combat. Profondément immergé dans la Force, Obi-Wan ne rencontra pas la moindre difficulté à contrer toutes ces attaques, tout en se rapprochant du tireur.

Du coin de l’œil, il perçut soudain un mouvement de l’autre côté de la rue. L’autre le sentit aussi, car il détourna le regard une fraction de seconde. C’était l’ouverture qu’Obi-Wan espérait. Après un dernier pas allongé, il trancha net l’arme en deux.

Le Brolf fut aussi prompt à déguerpir qu’il l’avait été à attaquer ; il lâcha le reste de son pistolet et se mit à courir autant que ses jambes courtaudes le lui permettaient. Après une seconde d’hésitation, le Jedi décida de ne pas le poursuivre mais de plutôt s’intéresser à la maison d’où il était sorti.

C’est alors qu’il se rendit compte qu’Anakin n’était plus à ses côtés.

— Bon sang !

Il se précipita vers l’habitation, où brillait une faible lueur bleutée, et reconnut le bourdonnement du sabre laser de son Padawan.

À l’intérieur, il découvrit, debout près d’une silhouette inconsciente qui n’était autre que Lorana, Anakin tenant en respect deux Brolfi recroquevillés dans un coin. Un troisième individu gisait à terre, immobile, non loin des restes d’un pistolet détruit.

— Maître, dit Anakin d’une voix aussi ferme que possible. Je l’ai trouvée.

— Je vois ça, fit Kenobi.

Éteignant son arme, il s’agenouilla près de la jeune femme.

Il nota que son pouls et sa respiration, quoique faibles, restaient tout de même stables.

— Que lui avez-vous fait ? demanda-t-il aux deux Brolfi.

Pas de réponse.

— Je n’ai rien remarqué quand je suis entré, précisa Anakin.

— Fouillons-les, dans ce cas.

Son sabre allumé, le Jedi se redressa et se dirigea vers les deux prisonniers mais, tout comme leur collègue, ni l’un ni l’autre n’était très motivé par l’idée de devenir un héros.

— C’est lui qui l’a ! indiqua précipitamment l’un des voyous en désignant son complice du pouce.

— Oui, le voilà ! avoua l’autre.

Il extirpa un flacon de sa tunique et le jeta aux pieds d’Obi-Wan.

— Merci bien, dit ce dernier. Ajoutez-y également vos comlinks et vos armes, si cela ne vous fait rien.

Quelques instants plus tard, deux comlinks et deux longs couteaux avaient rejoint le flacon.

— Qu’allons-nous faire d’eux ? demanda Anakin.

— Cela va dépendre du produit avec lequel ils l’ont droguée, laissa tomber le Jedi sur un ton sinistre.

Il se pencha pour récupérer la fiole, sans étiquette, bien entendu. Il déposa quelques gouttes du liquide sur sa manche, la porta à son nez en entrant dans son état de concentration de Jedi.

— Ça va, dit-il après une simple inspiration. Ce n’est qu’un sédatif, pas un poison. Il suffit d’attendre que son effet se dissipe, ce qui veut dire que ces deux-là ne seront pas poursuivis pour meurtre. Enfin, tant que leur missile n’atteint pas son but.

Les Brolfi sursautèrent en même temps quand le mot missile fut prononcé.

— Nous n’avons rien à voir avec ça ! se défendit l’un. C’est l’idée de Filvian. Et aussi de l’humain.

Kenobi fronça les sourcils :

— De quel humain ? Quel est son nom ?

— On l’appelle Défenseur. C’est tout ce que je sais.

— À quoi ressemble-t-il ?

Pris de court, le prisonnier se tourna vers son compagnon :

— À un humain, répondit ce dernier en faisant un vague geste de la main.

— Peut-être ont-ils besoin d’un peu plus de persuasion, Maître ? intervint Anakin d’une voix qui se voulait dure.

Obi-Wan sourit intérieurement. D’après son expérience, les menaces proférées par les adolescents de quatorze ans ne se révélaient que rarement efficaces mais, considérant le cadavre du Brolf étendu au sol, il songea que cela pouvait être le cas cette fois.

— Ne prends pas cette peine, dit-il enfin. Ils ne savent probablement vraiment pas comment nous le décrire.

— Je suis sûr que Riske en tirerait quelque chose.

Kenobi fut tenté par cette idée pendant un certain temps.

Après tout, le complot était dirigé contre le Juge Argente. Ce serait on ne peut plus logique de confier ces prisonniers aux hommes d'Argente pour être interrogés.

Les Jedi n’agissaient toutefois pas ainsi.

— Nous allons les livrer à la police, dit-il en se saisissant de son comlink. Puis nous attendrons que Lorana se réveille. Peut-être pourra-t-elle nous en apprendre davantage.

— Nous allons rester ici à attendre ? s’étonna le Padawan.

— Bien sûr. Jhompfi, Filvian ou même Défenseur peuvent très bien revenir.

— D’accord, murmura le garçon. Avec un peu de chance.

 

Le vaisseau Vaagari avait été arrimé sur l’extérieur de l’astéroïde, à une distance d’environ un quart de la circonférence de celui-ci depuis l’entrée du tunnel. Avec un soldat Chiss aux commandes, Thrawn et les trois humains s’y rendirent à bord d’une navette.

Au grand désarroi de Car’das, les corps n’avaient pas été retirés et gisaient toujours là où ils étaient tombés. Qennto, de son côté, n’était pas non plus enthousiasmé par ce spectacle.

Alors qu’ils empruntaient la coursive qui menait à la salle des trésors il demanda d’un ton dégoûté :

— Avez-vous l’intention de nettoyer tout cela un jour ?

— Plus tard. Nous devons d’abord en apprendre un maximum sur les tactiques et les stratégies de nos ennemis. Nous avons pour cela besoin de connaître précisément la position de chaque combattant.

— N’auriez-vous pas dû cacher votre prise ? dit Maris.

Apparemment pas aussi sereine que lors de leur précédente visite elle restait cramponnée au bras de Qennto. Détail qui, curieusement, rassura Jorj.

— Nous mènerons en effet ce vaisseau à la base, mais plus tard, déclara le commandant. Il nous faut d’abord nous assurer qu’il ne représente aucun danger, notamment de par ses armes ou de par ses moteurs, s’ils sont endommagés et donc instables.

La pièce où le butin était entreposé n’avait pas non plus changé d’aspect depuis le jour de la bataille, à ce détail près que deux Chiss en établissaient l’inventaire, munis d’appareils enregistreurs.

— Dispersez-vous où bon vous semble, dit Thrawn aux humains, et voyez si quelque objet vous paraît familier.

— Comme par exemple des pièces de monnaie ? demanda Qennto en embrassant la salle du regard.

— Ou bien pensez-vous aux pierres précieuses ? ajouta Maris.

— Je parlais plutôt des objets d’art. Ils nous en apprendront davantage que des pièces ou des gemmes.

— Vous espérez trouver des reçus ? railla Qennto.

— Disons que je recherche des indices sur les origines de ces œuvres, précisa le Chiss en désignant quelques peintures disposées sur un chevalet. Celles-là, par exemple, ont sans doute été façonnées par des êtres dotés d’une articulation supplémentaire entre le poignet et le coude, et qui perçoivent la lumière dans la zone bleu-ultraviolet du spectre.

Qennto et Maris échangèrent un regard :

— Tu penses aux Frunchies ? dit-elle.

— Ouais, exactement, confirma le capitaine.

Il se dégagea de l’emprise de sa copilote et se dirigea vers les objets en question.

— Qui sont les Frunchies ? demanda Car’das.

— Les Frunchettan-sai, expliqua la jeune femme. Ils sont installés sur deux mondes, situés sur la Bordure Extérieure. Rak les surnomme Frunchies parce que…

— C’est incroyable ! coupa Qennto en se penchant sur les peintures.

— Quoi donc ? s’enquit Maris.

— Il a raison. C’est signé de l’écriture Frunchy.

Là-dessus, elle se tourna vers le commandant, l’air soupçonneux :

— Je croyais que vous ne vous étiez jamais rendu dans l’espace de la République ?

— Je vous le confirme. Pas à ma connaissance, en tout cas. J’ai simplement déduit les caractéristiques physiques de l’artiste en observant son travail. Cela m’a paru évident.

— Cela ne l’est pas pour moi, grogna Qennto en observant à nouveau les œuvres d’art.

— Ni pour moi, avoua Maris.

Thrawn se tourna vers Jorj :

— Car’das ?

Ce dernier considéra les tableaux et tenta de discerner les détails qui avaient frappé le Chiss, en vain :

— Non, désolé, je ne vois rien.

— Peut-être un simple hasard, concéda Qennto en s’agenouillant près d’une sculpture bleu et blanc finement travaillée. Laissez-moi observer ceci… Oui, c’est bien ce à quoi je pensais. Que dites-vous de cet objet, commandant ?

Thrawn étudia la sculpture avec attention, portant parfois son regard sur le reste de la pièce, comme s’il y cherchait une inspiration.

— L’artiste est humanoïde, dit-il enfin, mais pas proportionné comme les Chiss ou les humains. Il possède soit un torse plus large, soit de plus longs bras. Il y a également quelque chose de différent dans son état d’esprit. Je dirais que son peuple est à la fois attiré et effrayé par les objets physiques parmi lesquels il vit.

— Je n’en reviens pas… balbutia Qennto. Il s’agit bien des Pashvi.

— Je ne crois pas les connaître, rétorqua Maris.

— On les trouve sur un système en bordure de l’Espace Sauvage. Je m’y suis rendu à plusieurs reprises. Il y a là-bas un marché d’art, restreint mais tout de même stable, principalement dans le Secteur Corporatif.

— Que voulait dire le commandant Thrawn en parlant de leur peur d’objets physiques ? demanda Car’das.

— Leur monde est recouvert de pics rocheux. La plupart des plantes dont ils raffolent poussent au sommet de ceux-ci, mais un redoutable prédateur volant les apprécie tout autant, ce qui fait que… eh bien, c’est exactement ce qu’il a deviné.

— Vous avez déduit tout cela à partir de cette simple sculpture ? dit Maris, ébahie.

Elle ne quittait plus le Chiss du regard.

— À vrai dire, non, avoua ce dernier en désignant un autre recoin de la salle. Il y a ici, attendez… deux ou trois autres exemples de leur savoir-faire.

— En êtes-vous certain ? insista Car’das. Ces peintures et autres sculptures ne me paraissent pas du tout ressembler à ce que nous avons sous les yeux.

— Elles ont été modelées par différents artistes, mais de la même espèce.

— C’est véritablement étrange, observa Qennto en secouant la tête de dépit. On croirait un truc de Jedi.

— Jedi ? répéta Thrawn.

— Les gardiens de la paix de la République, révéla Maris. C’est grâce à eux si l’humanité est unie depuis si longtemps. Ils sont très puissants et infiniment sages.

Qennto croisa le regard de Car’das et ne put retenir un rictus ; son navigateur savait parfaitement que son opinion des Jedi était considérablement moins flatteuse que celle de sa compagne.

Thrawn désigna les sculptures :

— Ces objets m’intriguent. Je suppose que les Pashvi n’ont pas dû opposer beaucoup de résistance aux raids Vagaari.

— Cela m’étonnerait, en effet, confirma Qennto. C’est un peuple enjoué, peu apte au combat.

— Votre République et notamment ces fameux Jedi ne les protègent-ils pas ?

— Les Jedi sont malheureusement trop peu nombreux, dit Car’das, et de toute façon, l’Espace Sauvage ne fait pour le moment pas partie de la République.

— Même si c’était le cas, nota amèrement Maris, le gouvernement est bien trop occupé par ses propres complots pour se soucier de détails tels que la vie ou la mort d’une espèce.

— Je vois, dit Thrawn. Bien, continuons notre fouille, et prévenez-moi si vous mettez la main sur d’autres choses en provenance de votre région.

Et de se tourner vers la jeune femme :

— Tout en cherchant, peut-être pourriez-vous m’en dire un peu plus sur ces Jedi ?