… Car nul ne sait qui est Melech. Qui il était, qui il sera. Nul ne le sait parfaitement.

Il convient de savoir, cependant, que Melech est la force et la loi de la Vie. Qu’il est l’Ordre, la Puissance. Que son règne est debout, sans limites temporelles ou spatiales. Que Melech est la bonté : il est TOUT.

Nul ne sait qui est Melech.

Le Livre de Melech qui parle par les signes fut écrit par les premiers hommes. Les Premiers Hommes. Mais il reflète fidèlement la voix de Melech.

Les Haut-Penseurs d’Armok détiennent ce Livre, car ils sont maintenant les détenteurs de la Parole de Melech.

Ainsi parle le Livre :

Au Début, les Forces qui Savent étaient sur l’Univers. Elles étaient équitablement réparties sur les mondes, et ceux-ci retenaient la vie à leur surface.

Les mondes étaient sans nombre. Il était impossible de les compter, ni de savoir.

Sur certains de ces mondes, il y avait des hommes, et sur d’autres non. Sur certains, il y avait eu des hommes, et sur d’autres il en viendrait. Sur certains mondes il n’y aurait jamais d’hommes, car ce n’était pas des mondes faits pour les hommes.

Les Forces qui Savent étaient.

Et alors, il advint que certains hommes s’imaginèrent qu’ils étaient capables de détenir les Puissances des Forces qui Savent. C’était bien entendu des Fous, mais ils vivaient.

Les Fous furent à l’origine de la Grande Séparation. Il y avait des hommes fidèles aux Forces qui Savent, et il y avait des Fous.

C’était dans le Début.

Tout d’abord, les Fous remportèrent beaucoup de victoires, et ils étaient un grand nombre, et ils devenaient chaque jour plus forts. Mais c’est alors que survint Melech, qui était peut-être un homme, peut-être le visage des Forces qui Savent. Melech prit la tête des hommes, et pour eux mena le combat.

Le combat fut si meurtrier, si terrifiant, que l’univers tout entier trembla. Nul ne peut dire combien de temps dura ce combat. Peut-être des siècles, peut-être des millions d’années. Nul ne sait.

Ce que l’on sait, c’est que le combat emporta dans l’abîme de la mort presque la totalité des Fous, presque la totalité des hommes.

Ce que l’on sait, c’est que l’univers devint une sorte de désert, avec parfois, ici ou là, un monde habité.

C’était après le Début.

Melech se reposa de la bataille. Il n’avait pas voulu ces milliards et ces milliards de morts. Il n’avait pas voulu cette horreur.

Lorsqu’il fut reposé, il se remit en route et visita les mondes épars de l’univers, afin d’aider ceux qui l’avaient suivi dans la défense des Forces qui Savent, afin de les rassembler. Melech était bon.

Et il était la Parole des Forces qui Savent.

Longtemps, il erra de monde en monde, de mondes en mondes, et il ne trouvait que des déserts ou des champs de carnage, ou encore des batailles qui s’achevaient entre quelques poignées de Fous et d’hommes. Ils se battaient depuis si longtemps qu’ils ne savaient plus quelles étaient l’origine et les raisons du conflit.

Melech ne porta aucun intérêt à ces combattants du vide, à ces soldats sans raison, inutiles dans la bataille comme ils l’étaient dans la mort.

Il erra.

Parfois, il rencontrait un monde d’hommes, et il se reposait, et il parlait. Mais les hommes qui portaient le souvenir des souffrances ne voulaient plus croire Melech. Ils le repoussaient. Ils refusaient de se rallier à lui, de l’écouter et d’appliquer sa loi. Ils étaient devenus orgueilleux, remplis de rancune et de fiel.

Melech abandonna ces mondes-là, et ces hommes-là qui étaient devenus des Fous.

Il continua sa quête, au fil des siècles, glissant dans les méandres du Temps.

C’est ainsi que Melech, qui venait des néants insondables, arriva sur Armok.