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Riley avait passé un dimanche tranquille, au calme, dans le manoir Whitefield. Gracie l'avait appelé pour lui dire qu'elle ne se sentait pas bien et souhaitait se reposer de son côté. A contrecœur, il n'avait pas insisté pour passer la voir, par respect envers son besoin de solitude.
Il en avait profité pour faire un saut à Santa Barbara dans l'après-midi, et se mettre en quête d'une bague de fiançailles. Encore fallait-il trouver une bague originale et divine, à l'image de Gracie...
Il finit par la débusquer chez le quatrième bijoutier. Elle trônait à présent sur la commode de sa chambre, en attendant la clôture des élections. Alors, il pourrait demander officiellement Gracie en mariage.
Comme c'était étrange ! Il n'avait jamais pensé se remarier un jour. Il s'était imaginé vivant sa vie seul. Deux mois plus tôt, si quelqu'un lui avait dit qu'il tomberait amoureux de Gracie Landon, il aurait éclaté de rire. Gracie s'était glissée dans son univers comme à son insu, et elle avait tout changé — à commencer par lui.
Le lundi matin, il se réveilla tôt et s'en fut ramasser le journal sur son perron. Comme prévu, l'arrestation du maire faisait la une. Riley sourit à la lecture de l'éditorial. Il avatl peut-être perdu les élections, mais Yardley, lui, passerait un bon moment derrière les barreaux et, là, sa situation n'aurait plus rien d'enviable.
Plus loin, dans un article à part, Pam avouait avoir piégé Gracie en déposant dans sa voiture les boîtes de préparation pour gâteaux. A n'en pas douter, songea Riley tout en buvant son café, les bons citoyens de Los Lobos feraient en sorte que cette sorcière ne puisse plus jamais habiter parmi eux !
Il s'attarda sur la photo du maire conduit dans le bureau du shérif. Aucun doute — la nouvelle coûterait un certain nombre de voix à son adversaire. Mais pas assez. Pour remporter les élections, il aurait fallu accepter la proposition de Gracie et l'épouser sur-le-champ... Il ne regrettait pas son choix, toutefois. Certes, cela représentait beaucoup d'argent, mais Gracie était plus essentielle encore. Son premier amour...
Il passa à la page deux, et faillit recracher son café.
En lieu et place du traditionnel sommaire, il y avait une double page consacrée à un encart publicitaire..., avec le visage de Gracie en plein milieu. Et tout en haut, en lettres énormes :
J'AI BESOIN DE VOUS POUR CONQUÉRIR
L'HOMME DE MA VIE !
Riley jura tout bas. Qu'avait-elle encore inventé? Il parcourut fébrilement le texte, qui se présentait sous la forme d'une lettre adressée à la ville.
« Mes amis de Los Lobos, bien chers tous,
» C'est moi, votre petite Gracie. Je sais que vous ne m'avez pas oubliée, grâce aux "Chroniques" parues dans ce journal sur ma passion singulière et profonde pour Riley Whitefield. Hier comme aujourd'hui, vous avez suivi l'histoire poignante d'un amour sans retour, vous avez partagé ma souffrance lorsque Riley épousa une autre femme...
» Alors, voilà. Quatorze ans après, je suis toujours éperdument amoureuse de Riley Et savez-vous le plus beau ? Il m'aime aussi! Il veut m'épouser ! Oui, mais... après les élections.
» Riley est quelqu'un de bien. Il serait un maire idéal pour notre ville et, en toute franchise, j'espère vivre avec lui à Los Lobos. Mais, pour cela, j'ai besoin de vous.
» Depuis le début, l'amour que je lui porte inspire à nombre d'entre vous du respect, de l'admiration, de l'envie peut-être. Cette fois, vous êtes invités à participer à la grande aventure. Je suis en train de tenter le coup le plus risqué de ma vie, et sans votre aide, je suis perdue ! Alors, si vous éprouvez un tant soit peu de sympathie pour notre couple, soutenez-nous, je vous en prie.
» Mardi, Votez Riley.
» D'avance, merci à vous,
Gracie Landon. »
Riley lut la lettre deux fois, posa sa tasse de café sur le comptoir et alluma son portable. Naturellement, celui de Gracie résonna dans le vide.
Il s'habilla rapidement et quitta le manoir. Sur le trajet qui le menait vers la maison de Gracie, il aperçut, placardés un peu partout, des centaines de posters proclamant « Votez Riley ! Signé : Gracie ». Il arriva à destination en un temps record, mais elle n'était pas là. Il essaya ensuite la maison de sa mère, avant de mettre le cap sur la banque. Pouvait-elle avoir fait tout cela et quitté ensuite la ville ?
Mais, en arrivant devant la banque, il vit une longue banderole suspendue à un angle du bâtiment — « Votez Riley ! Signé : Gracie » — qui flottait doucement dans la brise du matin. En dessous étaient réunis Gracie, sa mère et ses sœurs, mais aussi Zeke et l'ensemble du personnel de la banque.
Gracie se porta à sa rencontre et attendit qu'il soit descendu de voiture.
— Qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t-elle alors d'une voix qui tremblait plus qu'un peu.
Dieu ! qu'elle était belle...
— Je pense que tu es cinglée.
— Cinglée... Dans le bon ou le mauvais sens ?
— Il y a une différence ?
— Oh, oui. Avant, j'étais folle à lier, quand je te harcelais. J'aime croire que j'ai changé.
Il lui prit les mains et déclara :
— Ne change pas pour moi. J'aime absolument tout chez toi. Pourquoi as-tu fait ça ? demanda-t-il avec un geste vers la banderole.
— Parce que tu veux devenir maire. Ce n'est pas seulement l'argent qui est en jeu. Je sais que tu peux faire du bon travail et, à mon avis, nous serons très heureux ici. Je te crois, Riley. Tu m'aimes. Tu n'as rien à prouver. Tu as toujours été un homme meilleur que tu ne pensais.
Riley l'attira contre lui et l'étreignit fort, submergé par des sentiments qu'il n'avait pas encore apprivoisés.
— Je t'aime. Tu le sais, au moins ?...
— Oui.
Il la regarda et sourit.
— Tu t'entraînes pour le grand jour ?
— Je devrais ?
— Absolument. J'ai déjà acheté la bague, annonça Riley avant de l'embrasser sous les vivats du public. Tu sais quoi ? ajouta-t-il. J'ai l'impression que je viens juste de perdre toute mon autorité sur mon personnel.
— Au contraire, ils travailleront deux fois plus parce qu'ils t'approuvent et te respectent.
Il reprit ses lèvres, humant avec bonheur son parfum.
— Epouse-moi, Gracie. Epouse-moi, que je prenne soin de toi. Laisse-moi t'aimer et te le prouver jour après jour...
— Est-ce que tu m'autorises à t'aimer aussi ?
— Toujours !
— La règle des trois S est définitivement bafouée, Riley. Tu vas être viré du club.
Riley posa les mains en coupe autour de ses joues et se laissa envoûter par le charme de sa bien-aimée.
— Et si nous allions fêter ça avec une flûte de dom pérignon ?