Épilogue
La frénésie de la soirée électorale a pris fin. Les caméras se sont éteintes et les commentateurs se sont tus. Les militants ont quitté les lieux de réjouissance ou de désolation. Paris est à nouveau désert.
Dans la voiture qui me ramène à mon domicile, je pense à la première des Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. Rilke répond à un auteur débutant qui lui demande conseil sur ses écrits : « Vous me demandez ce que je pense de vos poèmes. Ce n’est pas l’important. Ce qui compte, c’est votre besoin vital d’écrire, c’est ce qui vous habite au plus profond de votre cœur. Vous réveillez-vous la nuit, taraudé par l’impérieuse nécessité de créer ? Pouvez-vous vivre sans cela ? Ce sont les seules interrogations qui vaillent… »
Cette exigence exprimée par Rilke, ce refus d’une conception utilitariste de la création me ramènent à la campagne que nous venons de vivre. Qu’allons-nous en retenir ? Probablement son atmosphère de grande violence et la complexité des stratégies électoralistes qui ont conduit les candidats sur des terrains parfois escarpés, voire scabreux. Mais saurons-nous dire quelles valeurs ont été portées et défendues ? Saurons-nous dire quelle vision de l’homme et de la société nous avons voulu promouvoir ? À l’évidence, non.
En effet, dans cette campagne présidentielle, personne ne s’est véritablement posé la question des valeurs, censées pourtant surplomber les programmes et les actions. Il est d’ailleurs significatif d’avoir vu, à cette occasion, les intellectuels quasiment déserter le débat public. Nous avons surtout entendu des candidats et leurs entourages s’inquiéter d’avoir ou non pris les bonnes options tactiques pour gagner. L’abandon du champ des idées et des valeurs est général. Gauche et droite confondues, la défaite est donc collective, car elle est avant tout une défaite morale.
Remerciements
Pour écrire ce livre, j’ai joué le jeu et ne me suis pas abimée dans les charmes de la lucidité a posteriori. Il a donc été rédigé en temps réel, en prenant le risque de le voir confronté à la réalité des faits. Cet exercice périlleux n’aurait pas été possible sans deux femmes exceptionnelles, Sophie Blandinières et Béatrice Noëllec. Qu’elles trouvent ici l’expression de mon affectueuse reconnaissance.