CHAPITRE V

 

 

Ils marchaient tranquillement, traversant le parc de leur niveau. Les projecteurs indiquaient qu’il n’était pas tard, pas encore la nuit. Ils avaient diné en prenant leur temps et regardé le spectacle, assez drôle.

A bord des Porteurs, on recomposait l’atmosphère des saisons. En plus court que dans la réalité, parait-il. Gurvan n’avait jamais vécu à l’air libre et son copain Sank non plus. Il venait d’un Materédu lointain, sur le chemin du troisième front. Il avait été pilote d’Intercepteur, lui aussi. Blessé à sa cinquième mission. Une grave brulure au dos, sur J28. Il ne supporterait plus d’être touché et on l’avait affecté aux Tracteurs. Trois ans qu’il allait récupérer les gars incapables de rentrer par leurs propres moyens.

Gurvan ferma un peu plus le col de sa tunique. C’était le printemps à bord, et la température baissait en fin de journée, pour la vraisemblance.

— Je me demande à quoi ressemble un vrai printemps, il dit soudain, rompant le silence.

Sank s’arrêta.

— Marrant que tu dises ça. J’y pense souvent. Pas seulement au printemps, je veux dire, mais à la vie à l’air libre. Faut dire qu’il y a pas beaucoup de Materédus sur des planètes vivables. J’aimerais bien connaître ça un jour.

— T’as des chances.

Sank lui jeta un regard rapide.

— Parce que je suis sur Tracteur, tu veux dire ?

Tu connais les statistiques sur les Porteurs ?

— Je ne savais même pas qu’il y en avait.

— Sur tout, mon gars, sur tout. Il paraît qu’un Porteur ne dépasse guère les dix-sept ans de service.

— Pourquoi ?

— Les Raiders, mon gars. Ils finissent bien par passer un jour et boum !… Le 6021 approche les dix-neuf ! Et moi j’ai encore presque cinq ans à faire.

Encore une chose que Gurvan ignorait. Il songea que les Materédus étaient assez mal informés. Sank lui avait dit que la plupart de ceux qui survivaient à un tour d’opérations étaient des blessés. C’est avec ces pilotes-là qu’on fournissait l’encadrement des Escadres. Officiers-pilotes, chefs de Patrouille et chefs d’Escadron ou d’Escadre étaient presque tous d’anciens blessés, bien soignés. Ceux qui terminaient indemnes un tour d’opérations étaient des exceptions. Des gars du genre de Rahl, des pilotes hors pair. 

— Et maintenant, reprit Sank après un moment, si tu me disais ce qui te démange ?

Ce mec devait avoir des antennes et Gurvan fut gêné. Il allait penser que c’était le seul but de cette soirée alors qu’en réalité il le trouvait sympathique. Enfin ça c’était venu après… L’autre n’avait peut-être pas tort. Il se jeta à l’eau.

— D’accord… Je voudrais te demander quelque chose. Mais tu es totalement libre de ta réponse. C’est moi qui te dois quelque chose, pas l’inverse. Voilà, je suis un pilote assez médiocre. On nous a balancés dans le grand bain un peu tôt. Les autres sont plus doués que moi, je pense, ils se démerdent au combat. Moi je ne suis pas foutu de tenir correctement le vol en formation.

Sank le regardait fixement.

— Et alors ?

— Alors j’ai besoin d’apprendre, la maniabilité, par exemple. J’ai besoin d’un entraînement sévère, qu’on ne me passe rien. Je veux être au point.

Le pilote de Tracteur se détendit.

— Ah bon, je craignais une connerie. Et comment tu vois ça ?

— Je n’en sais trop rien. Si tu avais accepté, j’aurais demandé si je pouvais prendre un engin d’entraînements, un J28 peut-être, en dehors des heures de service. Je suppose que tu as le droit de piloter ça. Et si ça ne marchait pas je comptais sur du simulateur.

Sank resta silencieux, réfléchissant.

— Je n’ai plus revolé sur J28 depuis que j’ai été blessé… Finalement je crois que ça me ferait plaisir de remettre ça… Reste à savoir si on m’y autoriserait ? Surtout pour entraîner un pilote d’Intercepteur. Je te l’ai dit, on n’a pas une grosse cote chez vous. En tout cas sur le principe je ne suis pas contre. Je me ferai plaisir à revoler sur autre chose. Seulement attention, tu en connais autant que moi surie combat. Je peux seulement t’apprendre des trucs de pilotage. Rien en navigation, notamment. Mais tu en as pas besoin, tu as bien su revenir, aujourd’hui.

— C’est exactement ce qu’il me faut, apprendre à piloter vraiment, pas de l’à-peu-près comme je le fais. Tu serais d’accord ?

— Ça marche, je te l’ai dit. De là à obtenir l’autorisation.

Gurvan était soulagé et cherchait une solution.

— Et si je demandais moi-même à Rahl ?

— Si Rahl donne son accord, personne n’osera refuser, au-dessus. C’est vrai que tu es à la 122. Ouais, c’est peut-être une idée.

— Demain je vais lui parler et je te dis ce qu’il décide. De toute façon il a fait un débriefing pour les autres, au retour de la mission, et Djakar, mon chef d’Escadron, m’a dit que je devais voir Rahl, tôt demain. Et justement demain on est en alerte de protection rapprochée, à bord.

Gurvan le raccompagna jusqu’au bout du parc au puits de communication et revint se coucher assez excité. Allongé dans sa couchette, il songea soudain aux quatre pilotes de l’Escadre qui n’étaient pas rentrés. Pris par son projet, il n’y avait guère pensé jusque-là. Il ne connaissait que l’un d’eux. Quatre dès la première mission, quatre sur trente-six… Plus de 10 %.

Il se leva très tôt le lendemain et attendit Rahl dans le mess.

— Ah, Gurvan, c’est toi qui es rentré en trajectoire ? fit le chef d’Escadre quand il le vit. Allez viens t’asseoir avec moi, on va parler pendant que je prends mon petit déjeuner.

— A vos ordres.

Il se rendit compte au regard. que lui lança le patron qu’il était un peu trop cérémonieux. Rahl alla se servir aux distributeurs et ramena un pot de bélak fumant pour Gurvan.

— Bon, alors raconte-moi comment ça s’est passé. Depuis le début.

Gurvan ne cacha rien, comment il avait perdu son N°1, sa panique, le retour, tout. Rahl ne l’interrompit pas, lui jetant des petits regards curieux, sur la fin.

— Dis donc, tu ne te fais pas de cadeau, toi. A t’entendre, si tu es là c’est vraiment le coup de chance.

— Je suis assez lucide pour m’en rendre compte.

— Voilà au moins ta première qualité, la lucidité. Tu connais tes faiblesses.

Gurvan fonça.

— Justement… je voulais vous parler d’une idée. Si je continue comme ça je vais me faire descendre sans avoir jamais eu les deux victoires…

— Quelles deux victoires ? l’interrompit le chef d’Escadre.

— Celles qui compensent notre formation.

— Oh ça ? N’y pense plus, c’est des conneries, tous ces machins-là. Je préfère un bon N°2 qu’un type qui a deux victoires par chance.

— Justement, je ne suis même pas fichu de couvrir mon N°1, c’est pourquoi j’ai pensé à quelque chose pour progresser… si vous êtes d’accord. .

— Allez, vas-y, ne tourne pas autour du pot.

— Le type qui m’a recueilli, hier, en Tracteur, est un sacré pilote. En dehors des heures d’alerte il est d’accord pour m’entrainer pour que j’atteigne les standards de qualification. Si vous nous autorisez à prendre deux J28, en restant à proximité du porteur, personne ne s’y opposera.

— Tu sais que tu es gonflé, toi ! Tu veux te servir de moi pour tourner les règlements ! Finalement tu es peut-être bien plus doué pour être pilote d’Intercepteur que tu ne le penses toi-même ! Me demander à moi…

Il avait l’air soufflé.

— C’est l’intérêt de tout le monde, à commencer par l’Escadre, si je deviens capable de tenir ma place.

— Mais c’est un précédent. Si d’autres le demandent par la suite…

— J’aurai été le premier.

Rahl rit en portant son pot de bélak à ses lèvres ; Renversant un peu de liquide, il grogna.

— Bon, sur le fond tu n’as pas tort, mais c’est contraire à la règle. Les pilotes de Tracteurs restent dans leur coin et nous dans le nôtre. Mais si tu prends l’engagement de ne pas le faire savoir, je vais t’arranger ça.

— Vous avez ma parole.

— Ton copain pourra se débrouiller en J28 ?

— Il a été dans l’Interception, il y a trois ans.

— Là je comprends mieux. Il va se faire plaisir. Un vieux J28 il saura s’en arranger, je suppose. Bien, présente-toi en fin de matinée au hangar entraînement avec ton gars, l’officier-navigant sera au courant. D’ici là c’est l’Escadron C qui est d’alerte, le tien prend la suite après quinze heures. Et n’oublie pas : pas un mot. Gurvan était sur un petit nuage en le quittant.

Il tomba sur Dji qui entrait en même temps que lui dans la salle de repos. Elle lui sourit.

— Tu as l’air réjoui.

Il n’avait plus jamais eu l’occasion de parler avec elle en tête à tête depuis qu’ils étaient à l’entrainement sur J28. Il pensait qu’elle n’avait pas aimé sa réflexion.

Cette fois ils s’assirent machinalement à côté l’un de l’autre. Ses cheveux étaient coupés encore plus court, il le remarqua et retint in extremis un commentaire. Ça lui allait bien et, curieusement, ne masquait absolument pas sa féminité. Bien des filles tentaient de ressembler à des garçons. Et inversement dans les Escadres commandées par une femme célèbre. 

— Ça s’est bien passé, hier ? elle demanda.

Il fit la grimace et entreprit de lui raconter sa mission. Mais, comme il était de bonne humeur il en fit une sorte de récit comique, mimant ses attitudes et celle des ennemis, déroutés par ses manœuvres si peu classiques en combat.

Pris par le jeu il devenait de plus en plus brillant et elle riait à ne plus s’arrêter. Il enchaîna sur sa conversation avec Rahl, improvisant, mais ne lâchant rien de son projet.

Quand il en eut terminé et qu’elle se fut calmée elle laissa tomber ;

— C’est reposant de vivre à côté de toi. Dommage que tu ne soit pas dans l’Escadron A, tu mettrais un peu de gaieté.

— Les autres ne seraient pas de cet avis, en combat. Je suis ce qu’on peut appeler un type dangereux.

Elle rit encore.

— Surement moins que tu ne le dis. Je me demande ce que j’aurais fait, moi, paumée dans la mêlée. Et pour le retour, alors là, une mise sur trajectoire balistique ça ne m’inspire pas.

— Oh, mais tu n’en as pas besoin, c’est un truc réservé uniquement à ceux qui ne sont pas foutus de suivre leur N°1. Je suis bien certain que tu l’as suivi comme son double, non ?

— J’ai failli lui rentrer dedans ! Mais il n’y a qu’à la fin que je commençais à y voir un peu clair. Pendant une heure je ne comprenais rien. Incapable de savoir ce qui se passait, alors je suivais, bêtement.

Pour qu’elle ait été capable de suivre, il fallait qu’elle soit vraiment bonne, aux commandes. Il s’en était toujours douté.

— Et à la fin ? il dit.

— Un hasard. On s’est retrouvés pas loin de Rahl qui avait perdu son N°2 et on l’a couvert. Je me suis rendu compte d’un seul coup de ce qu’était le combat. Ce type a une technique fantastique. Il s’écarte de la mêlée, choisit un objectif et fonce dessus. Une rafale et l’autre explose. Quel tireur… Et aussitôt après il remet ça. Ça ne veut pas dire qu’il a une victoire à chaque fois mais s’il loupe son Géo il n’insiste pas. Je suis sure qu’il ne s’offre jamais plus de 50/100e de seconde aux tirs d’un ennemi. C’est ça le bon truc. J’ai pris une sacrée leçon.

— Ouais, des leçons, c’est justement ce qui nous manque. Tu connaissais les types descendus ?

Elle ne marqua pas le coup.

— Ils étaient du C, enfin pour trois d’entre eux, l’autre était au A avec moi. Oui, je le connaissais un peu. On a fait notre entraînement sur le Liaison ensemble. Il était bon, je ne sais pas ce qui s’est passé.

Elle faisait l’imbécile ou quoi ? Il laissa passer un temps et c’est elle qui lui jeta un regard de côté.

— J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?

— Non, bien sur que non...

Il eut envie de se lever. Elle était trop intelligente pour ne pas voir que la plupart d’entre eux n’étaient pas au point. Pourquoi faire mine de ne pas comprendre comment les autres avaient disparu ?

— Si je comprends bien, tu crains d’être abattu ? elle fit doucement. Il fut étonné. Il ne se posait jamais la question dans ces termes.

— Non. Je sais bien que je le serai. Mais ce qui m’emmerderait, c’est de n’avoir aucune victoire. Là j’aurais vraiment été inutile, tu peux comprendre ça ?

Ses yeux clignèrent un peu.

— En faisant un effort je peux tout comprendre. Voilà qu’elle était fâchée, maintenant. Belle et susceptible. Il s’étonna un peu de sa réflexion. Il n’avait jamais vraiment pensé qu’elle était belle. Pensé consciemment, en tout cas. Curieux que ça vienne maintenant. Enfin curieux et sans importance puisqu’en Escadre pas question d’avoir une histoire avec un pilote de la même unité. 

Le silence se faisait pesant. Il ne voulut pas partir comme ça. Même si elle le trouvait empoisonnant ils étaient dans le bain ensemble.

— Tu sais ce qu’est devenue Féra ? il fit en changeant de sujet.

— Non, pas de ses nouvelles depuis notre arrivée à la 122.

— Je vous croyais amies.

Il s’en voulut encore du vague reproche que comportait sa remarque.

— Pas totalement. Sauf si tu donnes un sens particulier à ta question.

Là il en eut marre.

— Bon Dieu, il est difficile de parler avec toi ! Je te parlais simplement, sans allusion. Et de toute façon ta vie ne me regarde pas, je n’aurais donc rien suggéré. Pour une fille équilibrée, tu envoies balader les gens avec facilité.

Cette fois il se leva et c’est elle qui tendit vivement la main pour le retenir.

— Attends… Il m’arrive rarement de faire des excuses… Des imbéciles ont fait des commentaires sur Féra et moi, auparavant, alors ça me fout en boule. C’était faux mais va prouver que quelque chose n’existe pas. Le contraire, oui, tu peux, mais ça, c’est impossible. 

Il se rassit, ne sachant trop quoi faire. Elle continua :

— … Et pour les amis… je m’efforce de ne pas en avoir, précisément. Je sais très bien qu’on ne finira pas davantage le tour d’opérations que ceux qui nous ont précédés depuis des années. Mais je n’y pense pas. C’est comme ça. Pas question de souffrir en voyant disparaître un ami. Les miens, je les ai laissés sur le Materédu ou je suis née.

— On a pourtant tous une chance de faire deux tours d’opérations.

— Comment ça, tu disais toi-même…

— C’est un copain qui me l’a raconté. Quelque fois on est touché par une rafale de thermique qui ne fait pas péter la Saucisse. Il arrive que le pilote soit blessé. S’il peut ramener la machine et qu’on le soigne à bord, il est utilisé comme instructeur et ne revient en opérations qu’au tour suivant. Et à ce moment-là il est beaucoup plus entraîné. C’est comme ça qu’on a des gradés.

— Je n’avais jamais pensé à ça, elle laissa tomber, songeuse. Voilà pourquoi il y a tant de différence entre eux et nous. Ils connaissent des quantités de choses, de trucs, et je me demandais comment ils les avaient appris. J’étais pas loin de penser qu’ils étaient vraiment supérieurs, ou que j’étais très moyenne. Tu n’as jamais été frappé par la différence entre eux et nous ? 

— Non. Parce que pour moi c’est normal. La plupart de ceux qui étaient à l’entraînement étaient beaucoup plus forts que moi, alors les officiers… Mais je vais travailler. J’espère bien être au même niveau un jour ou l’autre. C’est une course de vitesse. Je dois rentrer de mission pour avoir le temps de m’améliorer.

— Je savais que lorsqu’on a remporté 8 victoires à la fin du tour d’opérations, elle poursuivit, on devient instructeur, pendant un tour d’opérations, et on ne revient en unité qu’au suivant. Au-dessus de huit, et si on a des connaissances techniques supérieures, on a des chances de devenir pilote d’essai pour les recherches ou même chercheur avant de revenir en opération comme officier. Ceux qui n’ont pas de victoires passent sur Tracteurs, je crois. Mais les blessés, je ne savais pas. Apparemment elle était perturbée.

— Difficile de choisir, il fit en se redressant.

Il était temps d’aller travailler un peu la technique avant son rendez-vous avec Sank. D’autant qu’il ne l’avait pas encore prévenu.

 

*

**

 

Sank l’attendait à la porte du grand hall. Il avait l’air excité comme une puce.

— T’es sur que ça marche ?

— Rahl dit que oui. Il vaut mieux faire comme si on ne se posait pas de questions.

— Oui, oui… Bon, écoute, j’ai réfléchi. On sort ensemble et on fait un éloignement peinard. Tu me donnes ensuite un bon quart d’heure pour que je me remette le J28 en main et on commence par la gamme complète des exercices de début. Parce que finalement tout est là. Il doit y avoir un truc que tu n’as pas pigé entièrement et ça a fait boule de neige. Il va falloir que je repère la faille. Ça te va ?

— Parfait, c’est exactement ce que je voulais. Je ne te demanderai qu’une chose : ne pas lâcher un exercice avant que je le possède parfaitement. Ne me fais pas de cadeau, OK ?

— On y va. Et je ne pardonne rien à mes copains. Aux autres, oui, mais pas aux copains !

L’officier-navigant du hall 47 les regarda curieusement mais ne fit aucun commentaire. Les deux J28 étaient d’ailleurs préparés et Sank passa une combinaison dans le local de servitude. Il avait préféré ne pas venir avec la sienne. Les pilotes de Tracteur avaient des combines d’un rouge vif et les techniciens se seraient étonnés de le voir dans le poste d’un engin d’entraînement. 

Le décollage se fit presque tout de suite, Gurvan restant un peu en retrait de Sank qui avançait assez vite, malgré ce qu’il avait annoncé. Ils avaient convenu de passer sur une fréquence libre, dès qu’ils seraient en vol, et Gurvan l’appela :

— Tu retrouves les sensations vite, dis donc.

— Non, pourquoi ? Gurvan fit la grimace derrière son masque.

— Je trouvais que tu allais un peu vite pour quelqu’un qui veut se remettre le J28 en main.

— Voilà une information intéressante, parce que je t’assure que j’y vais doucettement. Il faudra que tu continues à me dire comment ça se passe pour toi, au fur et à mesure. Maintenant mets-toi en stationnaire, je vais faire un peu de mania plus loin.

Gurvan vit l’autre appareil s’éloigner et accélérer brusquement. Il dut augmenter le grossissement de l’écran principal pour le suivre un moment encore. Puis il le perdit de vue, derrière des astés. Vingt minutes plus tard il surgissait en bolide et freinait au maxi dans une grande courbe ascendante, parfaite, pour venir près de Gurvan.

— On y va ?

— C’est toi le patron.

— Alors la ligne droite, vas-y, tu accélères d’un mouvement continu et souple…

Deux heures plus tard Gurvan était en nage, quand ils se présentèrent en finale pour apponter. Ils quittèrent les machines et prévinrent l’officier-navigant qu’ils reviendraient le soir et le lendemain. Et ceci durant plusieurs jours.

— Pour l’instant je ne vois rien qui cloche, tu sais, dit Sank pendant qu’ils se dirigeaient vers un mess pour boire quelque chose de frais. D’accord, tu enchaînes lentement les mouvements. Tu les décomposes à la perfection pour un élève, si tu veux, mais à ton niveau ça devrait s’enclencher beaucoup plus vite, quitte à ce qu’ils soient moins bien exécutés. Mais il n’y a rien qui cloche dans l’exécution. On va continuer la progression jusqu’au bout, sans aborder le tir, bien sûr, mais en simulant des passes. Et si je n’ai toujours rien trouvé on recommencera. De toute façon il faudra quatre jours au moins pour voir tout le programme. Sauf si tu vas en mission ; tu seras trop crevé pour t’entraîner.

— Au contraire. Je veux travailler dans toutes les conditions. Il m’arrivera forcément de devoir voler fatigué et les failles seront peut-être plus visibles.

Sank sourit.

— Jamais vu un acharné comme toi ! Bon, il faut que je regagne mon Tracteur, je suis d’alerte…. Merci de m’avoir offert ce vol. Je me suis donné du bon temps.