CHAPITRE II

 

A nouveau la fatigue était là. Les sorties s’étaient accumulées les derniers jours. L’ennemi résistait désespérément sur la planète et les combats étaient féroces, au sol. Il fallait à tout prix empêcher l’adversaire de ravitailler ses combattants, interdire l’espace, et toutes les escadres s‘y employaient.

Au milieu de la matinée le signal d’alerte retentit. Désormais il ne voulait pas forcément dire que des raiders approchaient mais qu’un vol était imminent.

Padge était dans la salle de briefing devant une carte holographique projetée derrière lui. Il montra une région au sud de l’équateur de la planète.

— Un point d’appui très fortement défendu. Au sol, les gars sont bloqués. On nous demande d’intervenir. Il faudra faire très vite, nos troupes d’assaut attaqueront pratiquement en même temps que nous !

Personne n’était ravi de reprendre ces plongées. Il n’y en avait eu que deux depuis la première et plusieurs Flèches y étaient restées à chaque fois.

— Le A et le B attaqueront sous mon commandement.

Suivirent des indications techniques sur les caps à suivre, en atmosphère, pour débouler d’endroits différents. Il fallait synchroniser le tout pour éviter des collisions. Ils notèrent tous les ordres et se dirigèrent vers la salle de repos pour s’habiller.

Dji marchait près de Gurvan en allant vers les sas.

— J’ai essayé ton truc, hier. Complètement dingue ! Je me demande encore comment j’ai redressé. Et ne me dis pas que je me suis gourée, j’ai suivi exactement tes indications. Je voulais d’ailleurs te dire que tu ferais mieux de prendre un peu plus de marge.

Il leva la main d’un air désolé.

— Au moins enregistre les coordonnées géographiques pour que le tir soit automatique, tu perdras moins de temps à t’aligner. Il leur faut pas longtemps pour te cadrer.

Elle hocha la tête et le quitta en entrant dans le hall pour gagner sa Flèche.

Il chercha longtemps sa position, dans l’appareil qu’on lui désigna. Ils n’avaient que rarement le même. Celui-ci avait du encaisser et avait été réparé. Mais le dossier était dur au niveau des épaules et le meurtrissait. Pas le temps de demander une inspection. Il se sentait mal à l’aise mais tant pis.

Le décollage se fit dans l’ordre escadron A puis B et Padge forma le groupe rapidement.

Gurvan volait en N°2 de Rom. Longtemps qu’il n’avait pas été derrière lui et il mesura les progrès de son copain qui pilotait plus souplement, aujourd’hui.

L’entrée en atmosphère se fit comme à l’ordinaire au pôle sud. Là les deux escadrons se séparèrent pour prendre leur angle d’attaque respectif.

L’objectif était dans une région pré-désertique. Une végétation rare et courte et du sable. Gurvan enregistra avec soin la localisation sur le grossissement maximum de l’écran puis activa ses thermiques.

— Attention, Briscards Bleus, on vire à droite au top… TOP.

Les Flèches s’inclinèrent d’un seul mouvement et sortirent du virage avec un temps de retard, par paires, pour se décaler. Des gueulements éclatèrent dans les postes de pilotage. Les copains étaient déjà au contact…

C’était l’affolement.

— Bon Dieu, ça tire de partout… ils nous attendaient !

— Je suis touché…

— ֹEjecte-toi vite.

La voix de Padge se fit entendre :

— Non, pas ici…

Quelqu’un d’autre :

— Trop tard, il a pété !

Les messages se recoupaient, rendant inaudibles certains. Gurv crut un instant reconnaître la voix de Dji. Il se sentit pâlir. Quelqu’un annonça :

— Rouge 3 s’éloigne vers le sud-ouest avec de la fumée aux fesses !… Son prop est touché, je crois !

L’objectif fut là, devant, d’un seul coup. Gurvan vit la paire dirigée par Djakar plonger directement vers le sol où des véhicules brillaient, lâchant des flots de fumée noire.

Rom l’appela :

— Bleu 6, j’attaque le premier, fais ton truc si tu veux.

Son copain lui donnait carte blanche. Gurvan attendit encore deux secondes et coupa les anti-g alors qu’il était à la verticale de l’objectif. Il eut le temps de se dire qu’il avait un peu tardé et la Flèche s’effondra.

Il eut l’impression de mieux contrôler ce qui se passait, eut la présence d’esprit de presser la mise à feu dés le début et entendit ses thermiques cracher à plusieurs reprises pendant que l’appareil tournoyait en tombant. L’ordinateur « reconnaissait » la cible et lâchait des rafales au passage.

Les paroles de Dji lui revinrent en mémoire alors qu’il voulait encore attendre pour remettre la sustentation. Presque à contrecœur il sélectionna la remise en route de tout le système, une main sur le petit levier des latérales.

Il y eut encore une cabriole et la Flèche se retrouva soudain en ligne de vol parfaite, les plans horizontaux…

Il eut le temps de se dire que c’était une connerie, qu’il était trop haut et faisait une silhouette parfaite pour les tubes au sol et bascula sèchement les commandes pour partir en virage sur la tranche.

Trop tard… Une terrible secousse ébranla l’appareil et la sustentation anti-g eut des hoquets, entre lesquels la Flèche descendit comme les marches d’un gigantesque escalier.

D’instinct il enclencha le propulseur spatial. Il fallait récupérer immédiatement de la vitesse sinon il allait percuter. En même temps il braquait les commandes vers le ciel.

Un choc fantastique dans le dos. Le propulseur démarrait de toute sa poussée. Bien trop forte !

Presque en même temps les rouges s’allumèrent sur la gauche du tableau. Les anti-g venaient de lâcher… Il coupa tous les contacts pour éviter de consommer de l’énergie dans un système mort. Se demanda s’il pourrait se satelliser avec son seul propulseur, inadapté en atmosphère.

La réponse lui sauta aux yeux. La fenêtre de l’indicateur de vitesse montrait un défilement en ralentissement et il consommait des quantités énormes d’énergie…

Tout se précipita, soudain. La voix de Dji, d’abord.

— Propulseurs morts, feu à bord, je m’éjecte dans le 220.

Les yeux de Gurvan dérivèrent sur son tableau de navigation. Il marchait au 200. Il bascula les commandes et chercha avidement devant lui.

Des hurleurs d’alerte se mirent en marche. Son propulseur commençait à lâcher, lui aussi. Il épuisait ses yeux à regarder l’écran.

Presque simultanément il vit l’éclair, là-bas à droite et la stridence des hurleurs monta d’un ton.

Son pouce écrasa le bouton de largage… Plus le temps de s’interroger sur l’état des anti-g, théoriquement alimentés indépendamment.

Un petit choc, derrière son dos et l’écran frontal s’éteignit pour se rallumer au bout de trois interminables secondes, éclairé maintenant d’une lumière orange et sur une seule partie, face à lui.

Un panneau lumineux apparut :» Vous êtes largué, le poste de pilotage descend normalement, respectez les consignes. » Les anti-g du poste fonctionnaient !

Il se demanda ou il avait placé le sac de survie… Le grossissement de l’écran ne marchait plus.

Impossible de voir si l’éjection de Dji s’était passée correctement… Il gardait en mémoire la direction…

D’après les repères visuels le sol montait rapidement.

Tellement vite que son cerveau débrancha un instant à l’impact… Pas vraiment un évanouissement mais le souffle coupé.

Et puis le toit du poste se souleva lentement. Malgré son casque il sentit un air terriblement chaud et sec lui parvenir. Lentement il défit le harnais et se souleva regardant au loin en direction d’une fumée. La Flèche de Dji ?

Le sol était juste là, à un mètre, il descendit.

Ils avaient du se poser assez loin de la zone des combats parce que l’on n’entendait rien. L’impression qu’il y avait moins de sable par ici.

Il fouilla le poste et retrouva le sac de survie qu’il se mit à l’épaule et commença à trotter vers la fumée. Il n’avait lancé aucun message. Elle ne savait pas qu’il avait été abattu lui aussi et risquait de s’éloigner sans l’attendre.

A peine au bout d’une centaine de mètres il comprit qu’il allait se déshydrater gravement et ralentit. Il était terriblement tendu, ne pensait pas aux commandos ennemis.

Il lui fallut deux heures pour atteindre l’épave de la Flèche. Il grimpa dessus pour repérer le poste…

Là, à six cents mètres au sud. Personne en vue !

Il se mit à gueuler :

— Djiiiiii !

L’impression que sa voix était étouffée par la chaleur, qu’elle ne portait pas… Il hurla de toutes ses forces.

Et puis, plus à gauche une silhouette se redressa… Il fit de grands gestes et sauta au sol avant de se mettre à courir.

Quand il arriva près d’elle il remarqua tout de suite son visage fermé.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? Demanda-t-elle, un peu sec.

Il tenta de reprendre son souffle et finit par sourire faiblement.

— Un autre jour tu m’aurais foutu en boule avec tes grands airs… mais je suis trop content de te retrouver !

Il resta là à sourire en la regardant, un peu ironique. Ce fut elle qui céda, se radoucissant.

— Alors ?

— C’est à cause de toi. Tu m’as foutu la poisse avec tes mises en garde…

Ce n’était pas tout à fait exact mais il avait envie de lui faire payer son accueil.

— … J’ai rebranché trop tôt mes anti-g et ils ont eu le temps de m’aligner, en bas. J’ai encaissé. Les anti-g morts. Le prop a pris le relais mais il a du chauffer trop fort, je ne sais pas, enfin, il m’a lâché lui aussi. J’ai utilisé ce qui me restait de vitesse pour venir dans ton coin. Autant être à deux dans un cas comme ça, je suppose. Et puis je pensais que tu serais contente de me voir. J’imaginais pas que tu aimais la solitude à ce point.

— Espèce d’idiot !

Elle était en rogne, maintenant.

— J’ai pensé un instant que tu avais pu t’éjecter pour venir m’aider. C’était une telle bêtise… Il ouvrit de grands yeux innocents.

— Je n’ai même jamais pensé à ça ! Pourquoi voulais-tu que je vienne t’aider ? Il n’y a pas de raison, hein ?

— Toi, un de ces jours, je vais te flanquer la raclée de ta vie.

Il secoua la tête, paisible.

— Je prends le pari que non. Une bouteille de Besserat de Bellefont ?

— Pourquoi es-tu…

Il tendit la main.

— Tu te dégonfles ou quoi ?

Elle frappa sa main avec colère, et il se marra expliquant :

— Parce que c’est interdit par le règlement. On ne frappe pas un subalterne. Et une fille comme toi est bien trop soucieuse du règlement, tu penses !

— Mais quel emmerdeur, ce type. Tu ne pouvais pas te poser ailleurs, non ?

Il ne répondit pas et s’éloigna… Il avait fait déjà une cinquantaine de mètres quand elle gueula.

— Hé, ou tu vas ?

Il se retourna calmement, en prenant son temps.

— Tu ne m’as pas dit que tu préférais être seule ?

— Oh, mais ce n’est pas possible, quelle tête de cochon !

— Décide-toi, il lança. Tu veux que je reste, oui ou non ?

— OUI, tête de lard !

Il revint sur ses pas.

— Eh bien voilà ! Quand tu parles gentiment ça change tout.

Elle le regarda longuement avant de. Laisser tomber.

— Tu es vraiment impossible à vivre. Mais je suppose que tu n’y es pour rien. Il faut bien te supporter. Il hocha la tête vigoureusement.

— Oui, c’est exactement comme une fille que je connais. Elle serait sympa si elle n’avait pas une telle susceptibilité et si elle ne passait pas son temps à soupçonner ses amis de toutes les turpitudes.

Cette fois un sourire révéla ses petites dents fines.

— D’accord, d’accord, on fait la paix. D’ailleurs ton expérience de bagarreur nous sera peut-être utile. Est-ce que tu as branché ton localisateur, au moins ?

— Pas eu le temps, encore. Je voulais te rejoindre avant.

Il ouvrit son sac et découvrit l’appareil qu’il sortit. Il avait une sale mine, le localisateur ! Enfoncé sur le côté…

— Vacherie, fit Dji. Le mien est complètement écrasé !

Gurvan examina son engin en le tournant de chaque côté.

— Celui-là devrait être réparable, je pense. Il faudrait pouvoir le démonter. De toute façon on ne va pas faire ça ici et la zone de combat est trop proche pour appeler un tracteur. Il faut s’éloigner. Tu es en état ?

— Ça va, ça va. Ou veux-tu aller ?

— Il va d’abord falloir trouver de l’eau… Je propose le sud-est, la végétation paraît moins rare, de ce côté.

Elle tourna la tête.

— Finalement c’est utile d’avoir eu une passion pour la culture, elle fit avec un petit sourire.

Elle se souvenait encore de ça ?

Ils se mirent en marche, le sac de survie accroché à l’épaule. Gurvan l’avait mis à gauche pour pouvoir sortir le petit thermique en cas de besoin. Dji n’y avait pas pensé et il n’eut pas envie de jouer au petit malin. Il ne dit rien.

La chaleur était écrasante et ils avaient l’impression de se traîner. Rien, dans leur entraînement, ne les avait préparés à ça. Même leur équipement était une gêne. Les bottes étaient trop lourdes mais les enlever serait idiot sur ce sol brulant. La combinaison ne se prêtait pas à la marche. Ils devaient faire des petits pas sinon l’entrejambe les échauffait. Gurvan se demanda comment tout ça allait tourner.

 

*

 

A la nuit ils étaient crevés.

Ils n’avaient plus parlé depuis des heures quand Gurvan dit :

— Il faut s’arrêter pour se reposer…

Il ne reconnut pas sa voix, devenue très rauque. Dji approuva de la tête et se laissa glisser au sol. Ils étaient dans un creux sablonneux et les rayons du soleil couchant passaient au-dessus de leur tête.

— Il faut manger un peu, fit Gurvan.

— Je ne pourrai rien faire passer…

Il fit un effort pour tenter de réfléchir. Y avait-il un moyen de trouver de l’eau ? Leurs cartes étaient à une trop grande échelle pour indiquer les cours d’eau… s’il y en avait dans cette région sèche.

Le lendemain serait surement encore plus dur !

— Écoute, je suis d’avis de repartir dans la nuit. Il fera moins chaud pour marcher. Mais au réveil il faudra absolument manger des rations.

Elle hocha la tête en signe d’accord et se renversa en arrière. Il l’imita en se disant qu’il aurait mieux valu que l’un d’eux veille.

La nuit était bien entamée quand une main secoua l’épaule de Gurvan. Immédiatement il redressa son poignet armé du thermique.

Dans l’obscurité il reconnut le visage de Dji.

— Ne recommence pas ça, fit-il, le cœur cognant, tu me vois te grillant ?

— Griller ?

Elle baissa les yeux et dut distinguer l’arme parce qu’elle eut un mouvement de recul. Elle ne fit aucun commentaire mais il eut le sentiment qu’elle le regardait différemment.

— On mange ?

Il inclina la tête en regardant autour. Il faisait encore nuit mais une vague lueur apparaissait à l’est.

Les rations étaient vraiment réduites au minimum mais contenaient probablement assez de vitamines pour leur redonner des forces. En tout cas le repas ne prit pas plus de trois minutes ! Maintenant, après la fraîcheur de la nuit, ils pouvaient avaler les carrés de pâte concentrée.

Ils se remirent en route sans enthousiasme. Les muscles raides les faisaient souffrir. Ils ne parlaient toujours pas, gardant leurs forces. Gurvan pensait au problème du localisateur. Serait-il capable réellement de le réparer ? Il avait dit ça pour éviter de l’effrayer, ce qui était absurde parce qu’elle avait l’air parfaitement calme.

A l’heure la plus chaude ils débouchèrent sur une longue savane aux buissons gris, plate jusqu’à l’horizon. Du moins ce qu’ils en voyaient, dans cette atmosphère surchauffée ou des colonnes d’air chaud montaient du sol en brouillant la vue.

Ils eurent un moment de découragement et s’arrêtèrent. Ils repartirent plus tard, marchant comme des automates.

Quand le sol commença à monter ils ne s’en rendirent même pas compte. Dji avait remis son casque pour se protéger du soleil et transpirait à grosses gouttes. Gurvan se dit vaguement qu’elle ne se déshydratait peut-être pas aussi vite que lui, de cette manière. Mais il ne trouva pas la force de l’imiter.

Il se fixait des buts en regardant devant lui, ce gros rocher rond… les trois buissons en triangle. Quand il y arrivait il recommençait.

Il avait les yeux braqués sur un tas de gros rochers quand son regard dériva vers quelque chose de brillant, à leur base.

Il mit longtemps à comprendre que c’était de l’eau. Ses jambes se mirent au trot sans qu’il puisse les en empêcher. Dji n’avait pas réagi. Il ne se retourna pas, obsédé par la surface du point d’eau.

C’était un trou. Juste un trou d’eau, entouré de rochers sur deux côtés. Il s’effondra, la tête en avant et se cogna le crâne, ce qui remit son cerveau en marche !

Il tendit son casque et l’emplit avant de se le verser sur la tête ! Une impression atroce de glace… Et tout de suite le paradis ! Il se mit à genoux et regarda vers Dji, incapable de bouger la langue dans sa bouche pour l’appeler.

Il ne voyait rien… Il emplit le casque à nouveau et se redressa. Cette fois il distingua la forme, allongée à plus de cent mètres…

« Surtout ne pas boire immédiatement. » Il ne savait pas d’où lui venait cette phrase, mais il obéit. Lentement d’abord il se dirigea vers la jeune fille.

Elle était couchée sur le côté, les yeux fermés. Il tendit le casque et versa l’eau sur le visage. Elle tressaillit et bougea.

Il faisait des efforts pour parler mais ne pouvait toujours pas. Alors il se pencha tant bien que mal et l’agrippa par le bras pour la forcer à se relever.

Elle dut comprendre parce que son regard fut un peu plus clair. Quand elle fut debout il l’entraîna, sans la lâcher. Maladroitement elle se dégagea et lui prit la main.

A dix mètres seulement de la source elle aperçut la surface. Un grognement sortit de sa bouche et elle accéléra en vacillant. Il suivit et trouva la force de passer de l’autre côté pour remplir encore une fois son casque dans lequel il plongea la tête pour boire.

Ils ne surent pas pendant combien de temps ils avalèrent cette eau au goût âcre… Trop, en tout cas, beaucoup trop, parce qu’ils furent pris de terribles crampes. Leur estomac était distendu par la quantité énorme de liquide…

La première, Dji comprit ce qui se passait. Elle se détourna et enfonça sans hésiter un doigt au fond de sa gorge. Pendant plusieurs minutes elle fut secouée de longs spasmes alors qu’elle libérait son corps torturé…

Gurvan l’imita péniblement, malade de honte. Mais c’était la bonne solution parce que les crampes s‘apaisèrent peu à peu.

Ils s’endormirent sur place, épuisés par la marche et le dernier effort nécessaire pour restituer l’eau.

Cette fois c’est Gurvan qui s’éveilla le premier. Il faisait grand jour et il se demanda s’il ne valait pas mieux rester ici pour récupérer. Les rayons du soleil sur sa tête lui firent comprendre que non. Il n’y avait aucune ombre autour du point d’eau.

Il secoua doucement Dji et fit l’inventaire de son sac, essayant d’évaluer pour combien de jours ils avaient de nourriture. Apparemment une semaine s’ils ne dévoraient pas. Il avait encore soif mais se méfiait.

— Salut.

Dji était assise, souriant tranquillement.

— Salut. Comment tu te sens ?

Elle se leva lentement.

— Pas flambante, mais tout à l’air de fonctionner. Tu as une idée de ce qu’il faut faire ?

— Gagner un coin plus abrité, surement.

— Et ton localisateur ?

— S’il faut attendre ici on retombe sur le même problème.

— La logique même… Donc on remet ça. Elle ne paraissait pas s’inquiéter outre mesure et il admira son courage. Ils en avaient vraiment bavé, la veille.

— On mange, on boit et on part, exact ?

Il sourit.

— Exact. Dans cet ordre, je pense.

Ils burent plus lentement et l’eau leur parut supportable. Avec les casques ils s’arrosèrent ensuite et allaient partir quand Gurvan eut une idée. Il emplit une nouvelle fois son casque et le mit sous son bras. C’était lourd mais ça valait le coup. Dji comprit et l’imita.

— Pas à dire, tu as de l’idée, mon petit N°2… Il se demanda si elle se fichait de lui. Avec une fille qui révélait aussi peu d’elle allez savoir ?

L’eau dura jusqu’à la nuit. Mais ils étaient arrivés dans une région mi-rocheuse mi-forêt de petits arbres au feuillage assez fourni, cependant, pour donner de l’ombre.

Cette nuit-là ils dormirent mieux. La chaleur était moins écrasante et leur corps s’habituait aux efforts qu’ils lui demandaient.

C’est un sifflement sourd qui les réveilla, au jour. Gurvan se redressa rapidement et regarda autour. Il repéra tout de suite le véhicule à effet de sol qui approchait, venant de l’est. Un nuage de sable l’entourait, ne laissant visible que l’avant.

Mais ça suffisait pour apercevoir le grand sigle peint en jaune vif, luminescent.

Ce n’était pas le leur…