NOTE DE L’AUTEUR

La mort d’Alexandre III{17} s’est bien passée comme je l’ai décrite. Le roi et la reine Yolande étaient souvent séparés, et, le soir du 18 mars 1286, le roi annonça bien, à la surprise de tout son Conseil, son intention de braver la tempête et de traverser le dangereux Firth of Forth pour rejoindre la reine Yolande au manoir de Kinghorn. Le Conseil, convoqué pour discuter de l’emprisonnement d’un baron écossais, éleva de vives objections et souligna que les éléments déchaînés ne se prêtaient pas à une telle expédition. Mais Alexandre s’entêta et ses conseillers n’insistèrent pas, car ses folles chevauchées à travers l’Écosse étaient un fait accepté de tous. Le roi partit d’Édimbourg avec une escorte de deux hommes et traversa à Queensferry. Le passeur et le sénéchal, Alexandre, qui l’attendait, essayèrent de le dissuader, mais leurs efforts furent vains. Le roi s’élança dans la tempête qui faisait rage et se tua en tombant de la falaise à Kinghorn Ness.

On ne peut qu’avancer des hypothèses sur la chute du monarque : accident ou assassinat ? Nombreux étaient ceux à qui cette mort profitait. Les factions des Bruce et des Comyn n’écoutèrent pas l’évêque Wishart et s’engagèrent finalement dans une rivalité féroce de clans. Édouard d’Angleterre continua à faire office de médiateur, bien qu’il soit intéressant de noter qu’à l’époque de la mort d’Alexandre, il avait accordé d’énormes prêts au roi de Norvège et envoyé des messagers à Rome pour demander au pape l’autorisation de fiancer son jeune fils à la jeune princesse de Norvège. Pendant tout son règne, Philippe IV de France ne cessa de s’intéresser également de près aux affaires écossaises. A la fin, Édouard d’Angleterre agit en médiateur impartial entre les différents candidats au trône, mais, très vite, il ne soutint que celui prêt à accepter sa suzeraineté sur l’Écosse. La princesse de Norvège n’arriva jamais en Écosse, mais mourut mystérieusement pendant la traversée. La faction des Bruce saisit ce moment pour affirmer ses droits à la Couronne et éclata alors une guerre féroce entre l’Écosse et l’Angleterre qui dura des décennies et coûta d’innombrables vies.

On croit souvent que la lutte pour la suprématie entre grandes puissances ne date que de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. C’est faux. Édouard Ier avait des idées très claires sur la notion d’empire et de conquêtes, et il en était de même pour Philippe IV. Ce dernier, en plus, caressait le rêve de fonder un empire en Europe qui surpasserait celui de Charlemagne. Il considérait la papauté, qui s’était réfugiée en Avignon, dans le midi de la France, comme une simple extension de son influence. Il avait marié ses fils et ses filles à toute la haute aristocratie européenne et avait forgé une alliance diplomatique avec l’Écosse contre l’Angleterre. La philosophie politique de Philippe fut exposée par l’un de ses législateurs, Pierre du Bois, dont les écrits, fascinants à lire, ont été conservés. Cette rivalité constante entre les Plantagenêts d’Angleterre et les Capétiens de France non seulement alimenta la guerre en Écosse mais encore fut l’une des causes majeures de la guerre de Cent Ans qui fit rage des Pays-Bas à l’Espagne.

Thomas de Learmouth, dit Thomas le Rimailleur, a effectivement existé. Certains de ses poèmes ont été conservés. Il a vraiment prophétisé la mort d’Alexandre III et la période de troubles qui s’ensuivit. Ses prophéties ne s’avérèrent que trop exactes. Édouard Ier{18} mourut près de Carlisle en 1307, encourageant toujours son héritier — le prince Édouard — et ses barons à continuer la guerre jusqu’à la victoire finale, mais son successeur et fils aîné, le roi Édouard II, ne fut pas à la hauteur de cette tâche. En 1314, l’une des plus grandes armées anglaises jamais assemblées à l’époque médiévale affronta Robert Bruce à Bannockburn ; ce fut un désastre pour l’armée anglaise, le roi sauvant de peu sa tête. Pour reprendre les paroles de Thomas le Rimailleur, « le ruisseau de Bannock coula rouge de sang ».