Est-ce pour rendre justice à mon frère que je dois achever mon roman ? Est-ce l’amour qui m’inspire ? On dit : je t’aime ; ou : je l’aimais. Et aussitôt on se demande : comment ? combien ? On répond : de tout mon cœur. On s’étonne de ce tout. On y croit sans y croire. On ricane de soi-même. Tout, vraiment, tout ? Et de ce cœur fatigué de ne plus battre ? Ceux qu’on aime : frères, sœurs, maris, femmes, amants ou amantes, pères et mères, dieux et démons, tous nous échappent depuis toujours. On ne sait pas de quel côté s’en vont leurs pas. Fasciné par l’autre, partagé entre le désir et la peur d’entrer en lui, étonné et finalement rassuré de voir à quel point l’autre est autre, nous le suivons. Hypothèses, rêveries, harcèlements, romans, si nous en faisons, crimes, si nous ne pouvons faire sans : tout nous est bon pour toucher l’autre comme on touche les morts, du bout des doigts, pour nous assurer que nous leur sommes inaccessible, nous aussi. C’est de l’amour, ça, ou de la haine ? Ce doit bien être quelque chose comme de la haine qui fait qu’on écrit.