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Sitôt la Frontière Interne atteinte, ils vendent le vaisseau, puis, nantis d’un nouveau vaisseau et de nouvelles identités, ils partent pour Solio II.
« Au fait, dit Nighthawk alors qu’ils sont parvenus à une demi-heure de leur destination, je sais pourquoi je reviens, moi, mais je me demande encore pourquoi vous, vous venez. »
Le Père Noël hausse les épaules. « Solio II a des églises, comme n’importe quel autre monde.
- Mais aussi un service de sécurité de premier ordre. On les bernera peut-être un moment grâce à ce qu’on s’est procuré sur Pourprenuée, mais ils finiront par piger. Avant que j’aie tué le colonel ou après. De toute façon, quiconque aura été vu avec moi figurera en bonne place parmi leurs avis de recherche.
- Tu veux que je parte ? demande l’ancien pasteur.
- Ce que je dis, c’est : pourquoi ne pas l’avoir fait ? »
Le Père Noël s’adosse à son fauteuil, fixe le plafond, et pousse un profond soupir. « Je pense que c’est surtout par curiosité.
- Pour voir si vos hypothèses sont exactes ? »
L’autre secoue la tête. « Non, ça, j’en suis sûr. Au pire, je ne me suis pas trompé de beaucoup. Ces gens-là baignent dans les mensonges et les trahisons comme nous dans notre jus.
- Qu’est-ce qui vous intrigue tant, alors ?
- Toi.
- Moi ?
- Oui. Je veux voir si tu es aussi bon que tu le crois.
- Je suppose que c’est un compliment ?
- Ça dépend. Je ne crois pas que tu arriveras à récupérer la fille et à quitter la planète, mais je veux voir jusqu’où tu iras.
- Vous oubliez l’élimination d’Hernandez.
- Oui, ça aussi.
- Le plus dur, ce sera l’approche, dit Nighthawk d’un air pensif. Une fois qu’il sera mort, le reste devrait suivre.
- Tu as réfléchi à un moyen de l’atteindre ? »
Le jeune homme s’allume un petit cigare. « Pas vraiment. Sous un prétexte quelconque, j’imagine.
- Tu ne peux pas être le premier à le viser. Il doit y avoir peu de prétextes que lui ou ses sous-fifres ignorent. »
Nighthawk hausse les épaules. « Si ça se gâte, je jouerai du flingue, pour entrer comme pour sortir.
- Comme ça ? demande l’autre en claquant des doigts.
- Pourquoi pas ? J’ai descendu le Marquis, non ?
- Et si tu tombes sur quelqu’un de meilleur ?
- Quelqu’un de meilleur que le Marquis ne travaille pas pour des prunes dans un service de sécurité quelconque. Il s’est établi sur la Frontière et il contrôle une douzaine de planètes.
- Entendu, mais ton arme n’a pas de réducteur de bruit. Le premier coup de feu va attirer tout le monde à cinq cents mètres à la ronde.
- Il n’y en aura qu’un. Il ne m’en faut jamais qu’un.
- Un, cinq, quinze... ça fera toujours du bruit.
- Hernandez a un pistolet laser. Le temps que mon arme émette une détonation, j’aurai pris la sienne qui est silencieuse, à part un léger bourdonnement. Si on n’entend pas de seconde détonation, on prendra la première pour autre chose.
- Que tu dis !
- En fait, je m’en fous. S’ils ont bossé pour Hernandez ou touché à un seul cheveu de ma Mélisande, je veux les tuer.
- Moi, en tout cas, je me sentirais beaucoup plus rassuré si tu avais un autre plan d’action que raconter une histoire foireuse et tirer dans tous les coins si elle prend pas.
- Un mot, et je vous laisse sur une planète voisine.
- Fiston, j’aimerais juste que tu t’y prennes un rien moins vite et un tout petit peu plus en finesse de façon à survivre à ce nouvel épisode de tes aventures. »
Nighthawk contemple Solio II, une planète verte et bleue qui tourne sur son écran. « Elle est là. Moins je me hâte, et plus je dois attendre pour la revoir.
- Fiston, pardon d’insister, mais elle refuse de te revoir.
- Pour l’instant », dit l’autre résolument, le visage dur.