CHAPITRE IV
— Docteur Gérald Helson ?
— Présent !
— Docteur Olivia Florent ?
— Présent !
— Docteur Yves Lechêne ?
— Présent !
— Aspirant Jean-Pierre Rocher ?
— Présent…
La voix impersonnelle tonnait dans le micro, sur l’astrodrome d’Orly, aux aires tentaculaires qui, maintenant, supportaient les départs interstellaires, après être devenu le terminus de Terralune, service bi-hebdomadaire, de Terre-Mars et Terre-Vénus, services mensuels, et des départs pour les planètes géantes du système solaire, ce qui n’avait lieu que trois ou quatre fois dans l’année terrienne.
A l’appel de son nom, chaque membre de l’équipage de l’« Espoir » avançait dans le pré-sas, cabine prophylactique où l’individu, enfermé dans sa combinaison de nylon blindé parfaitement étanche, avec casque de dépolex transparent, était douché, lessivé, décapé, par un double jet de liquide et d’ondes, destiné à détruire toute bactérie, toute impureté, toute semence indésirable susceptible d’être véhiculée d’un monde à l’autre.
Ces précautions de dernière heure venaient, bien entendu, après de longs examens de laboratoires, auxquels étaient soumis les impétrants. Examiné, sondé, radiographié, analysé, et, comme disaient les humoristes, disséqué vivant, en une vivisection aussi soignée qu’indolore, chaque sujet donnait le maximum de garantie biologique.
A la surprise de certains – mais nul n’en avait fait état – Yves Lechêne, jeune ethnographe de grande valeur, s’était révélé en une forme surprenante, surclassant même les meilleurs coéquipiers de l’astronef. Olivia, apprenant cela, lui avait souri gentiment et lui avait pressé la main, félicitation qui valait pour lui les plus hautes récompenses.
On prenait les plus grands soins pour les voyageurs interplanétaires ou interstellaires, comme ce serait le cas de l’« Espoir ». Nul n’était autorisé à partir s’il n’était impeccablement sain et dénué de toute tare, fût-elle héréditaire. Mais les sujets sélectionnés anatomiquement l’étaient aussi moralement. Il fallait non seulement un casier judiciaire rigoureusement vierge, mais l’apport d’une vie sans tache, avec des garanties des plus sérieuses en ce qui concernait le passé, le caractère, les relations, la famille et, en général, tout ce qui conditionne socialement l’humain.
Ces exigences avaient du bon et étaient de règle dans toutes les planètes connues, pour les échanges spatiaux. Ainsi, on donnait à l’Humanité une chance de s’améliorer lentement, en interdisant aux individus médiocres d’aller faire souche sur un monde ami, et en créant, chez les plus jeunes, une émulation chevaleresque qui les préparait à l’admission future au grand départ, ce qui était devenu le rêve de la majorité des juniors.
Le départ de l’« Espoir » s’effectua sans incident. La sphère métallique, couleur argent, s’éleva dans le ciel d’Orly, domina Paris, piqua vers le ciel et disparut.
Au bar de l’astronef, situé dans la salle de réunion occupant elle-même le centre de l’immense sphère spatiale, le commandant Véril réunissait les membres de l’expédition et les officiers en un cocktail de bienvenue.
Ils se connaissaient déjà, mais les relations allaient prendre, entre eux, une orientation très spéciale. C’était le fait pour tous les navigateurs de l’espace, et l’« Espoir » partait pour de longues semaines, en durée terrestre. Au-delà du système solaire, l’utilisation de la navigation sub-spatiale, révélée aux Terriens par les Andromédiens, permettrait de franchir, assez aisément les quatre années-lumière séparant le soleil du Centaure. Pourtant, dans leur prison de l’espace, ils devaient, les uns et les autres, faire effort pour conserver leur self-control, et résister à la névrose si fréquente chez les cosmonautes.
Le commandant, vieux routier des étoiles, aussi subtil psychologue que bon marin, voulait créer dès l’envol un climat favorable, pour éviter dans l’avenir les frictions toujours possibles.
Les premiers instants furent fort gais. On était un peu nerveux. Plusieurs des membres scientifiques de l’expédition en étaient à leur premier voyage spatial. Gérald avait déjà effectué un séjour sur la Lune et, toute petite, Olivia avait accompagné ses parents sur Mars, mais elle avouait n’en garder qu’un souvenir confus.
Quant à Yves, il n’avait encore jamais quitté sa planète-patrie. Il n’était pas à l’unisson des autres et demeurait un peu morose. Tant de pensées tournoyaient en lui que, ni sa passion scientifique, ni les sentiments qu’il éprouvait pour Olivia n’arrivaient à le distraire.
— Une surprise, annonça le commandant. Le professeur Géron vous parle !…
Il y eut un « Oh ! » général de surprise joyeuse. L’éminent savant qui avait dirigé les préparatifs de l’expédition mais que son âge et l’état de son cœur astreignaient à demeurer sur Terre n’était donc pas exclu de la petite party offerte par le maître du bord.
Et tandis que le cosmonef, filant comme un météore, s’éloignait à toute allure de la Terre, on brancha, dans le bar de l’« Espoir » l’appareil de sidérotélévision.
En plan américain, grandeur nature, souriant en couleur et en relief, le magistral savant apparut. On eût juré qu’il était présent et Olivia, émue de penser que des milliers de kilomètres les séparaient déjà, augmentant à une vitesse effrayante, ne put retenir une larme.
L’émission avait lieu en duplex et Géron vit cette larme :
— Ne pleurez pas, ma chère enfant… Vous êtes si heureuse de partir et je voudrais tant vous accompagner !
— Mais vous êtes avec nous, Maître, s’exclama Gérald.
Le professeur le remercia d’un sourire. Il leur dit quelques mots d’encouragement, attesta qu’il regrettait vivement de ne pouvoir les suivre. Il salua le commandant et les officiers, et fit encore des recommandations d’ordre scientifique à Gérald, Olivia, Yves et à quatre autres jeunes hommes qui se trouvaient à bord et qui complétaient le groupe scientifique, sous les ordres du professeur T’Xew, illustre Vénusien, né de la race juvénile de la planète-sœur de la Terre et qu’un accord interplanétaire avait placé à la tête de la mission.
T’Xew, au nom de tous, remercia et salua Géron. Ce dernier, avant de terminer ce dialogue inter-espace, se souvint qu’il voulait encore leur montrer quelque chose. Et, sur l’écran – optiquement devant l’écran puisque les ondes semblaient former un personnage fictif – Géron exhiba la photo (en relief) d’une des dernières victimes des mystérieux vandales.
— Hêra au voile, amputée elle aussi de son merveilleux visage… Oui, messieurs, c’est la dernière statue atteinte par l’incompréhensible forfait, et dont je viens d’apprendre la mutilation… Cette représentation grecque de l’orgueilleuse Junon…
Tous regardaient l’Hêra majestueuse puis, sur une seconde photo, le buste dû à un ciseau ancestral et génial, et qui n’avait plus de visage.
Olivia, la première, s’aperçut qu’Yves était au bord de la syncope.
— Eh bien… qu’est-ce qui vous arrive, ami ?
Yves se secoua. Sa constitution si curieusement dynamisée depuis l’absorption de l’élixir vert le sauva d’une chute spectaculaire et ridicule. Il bredouilla :
— Heu… rien, je.. Il faut que je vous parle, Olivia… Il le faut !
Elle le regarda, surprise, tournant vers lui ses beaux yeux clairs, interrogateurs.
Yves paraissait tellement bouleversé, tellement suppliant, qu’elle acquiesça d’un battement de cils.
Cependant, T’Xew et le commandant, et tous les présents, saluaient une dernière fois le professeur Géron. Sur l’écran, il leur fit un signe amical et disparu. Les officiers repartirent vers les postes de l’astronef tandis que les savants regagnaient les cabines. Gérald s’étonna un peu de voir Yves et Olivia faire mine de s’éloigner ensemble. Olivia, rieuse, lui cria :
— Laissez-nous dans nos petits secrets… Ce cher Yves, vous le voyez bien, me fait une cour acharnée… Et votre présence serait inopportune !…
Gérald rit franchement, faisant chorus avec Olivia. Yves lui aussi riait, mais jaune. Il comprenait que la plaisanterie leur paraissait excellente car, ni l un ni l’autre des deux jeunes gens ne pouvaient imaginer ses sentiments vis-à-vis d’Olivia. Ni même, sans doute, qu’il fût de taille à devenir amoureux.
Gérald partit donc avec T’Xew. Yves et Olivia se retrouvèrent seuls quelques instants plus tard, dans une des salles-laboratoires où on avait disposé des vitrines destinées à recevoir les échantillons de la minéralogie et de la flore des planètes à explorer.
— Alors, cher Yves… Est-ce donc si grave ?
Il avait l’air tellement catastrophé qu’elle cessa de sourire et lui prit affectueusement la main, sans se rendre compte du trouble qu’elle provoquait en lui.
— Voyons, nous sommes de vieux copains… Et je pense bien que vous n’êtes pas homme à vous inquiéter pour des bricoles… Que se passe-t-il ?
Yves avala sa salive. Il ne savait comment commencer. Il attaqua par la fin :
— Olivia… Vous avez vu… cette femme…
— Quelle femme ?
— Eh bien… la déesse… Hêra-Junon… Hêra au voile, que vient de nous montrer Géron ?
— Qu’y a-t-il d’extraordinaire ?… Sinon que c’est un chef-d’œuvre de la statuaire grecque… et que les invraisemblables malfaiteurs cosmiques l’ont mutilée comme les autres…
— Ce n’est pas cela, Olivia. Cette femme…
Sur son cou maigre, sa pomme d’Adam montait et descendait en un rythme inquiétant.
— Cette femme… je la connais…
Olivia fronça légèrement le sourcil et Yves se sentit au désespoir. Il comprenait qu’il se lançait dans un récit invraisemblable et qu’elle allait le croire dément.
Alors, il se jeta à l’eau. Olivia, muette, écoutait. Le charmant visage de la jeune savante n’exprimait plus rien, sinon l’effort qu’elle devait faire pour demeurer impassible, pour résister aux ondes de surprise inquiète qui devaient l’envahir.
— Olivia… Olivia… je vous jure… je ne suis pas fou… C’était Hêra, ou tout au moins une femme – si c’était bien une créature humaine – qui avait pour le moins emprunté le visage de la déesse de pierre…
Il disait tout : la rencontre au Louvre, le rendez-vous donné télépathiquement, l’hôtel, l’oiseau fantastique, la séance de fantasmagorie, les révélations de l’œil-hublot tourné vers l’avenir de leur expédition, la révélation de ce monde de non-vie dont l’inconnue l’avait entretenu, la disparition de la chambre, enfin, à laquelle avait été substituée une autre chambre qui, en fin de compte, devait être la vraie, celle que les gens de l’hôtel connaissaient depuis toujours, avec son locataire antique.
— Olivia, dites-moi que vous me croyez…
Elle se mordit les lèvres. Il eut un véritable cri de détresse :
— Ah ! voilà ce que je craignais… pourquoi je n’ai pas parlé…
— Je pense, Yves, dit-elle doucement, que vous aviez bien fait…
— De me taire ? Mais les dangers qui nous attendent ? Je vous ai dit ce que j’ai vu…
— Ce que votre voyante vous a montré… Vous avez été drogué, mon vieux…
— Olivia ! Et l’Elixir ? Reconnaissez que j’ai changé !
Elle admit volontiers qu’une transformation semblait s’être opérée en lui et que les tests préparatoires à l’admission au voyage interstellaire avaient révélé un Yves inconnu, d’une constitution très différente de ce que sa morphologie laissait prévoir pour des spécialistes entraînés.
— Mais, a jouta-t-elle, est-ce une preuve ?… Vraiment… je voudrais vous croire, mais…
— Mais ! Toujours mais ! Ah ! si je pouvais démontrer…
Ils convinrent au moins d’une chose : toute preuve était impossible à fournir, du moins jusqu’à nouvel ordre. Et ils se séparèrent mécontents l’un de l’autre, Yves parce qu’Olivia ne l’avait pas cru, Olivia parce qu’elle estimait infiniment Yves et commençait à regretter qu’il fît partie de l’expédition, où il risquait de laisser sa raison.
Le voyage se déroula sans incidents dans sa première partie, la traversée du système solaire jusqu’aux parages que traverse l’orbite de Pluton. Puis il y eut la plongée sub-spatiale, permettant le franchissement accéléré des gouffres fantastiques séparant le Soleil de l’étoile Aplha du Centaure. L’« Espoir » ressortit des abîmes extra-spatiaux pour voir, au milieu de l’amas stellaire de la Galaxie un nouveau soleil qui était justement Alpha, serti de ses nombreux satellites.
L’enthousiasme régnait à bord. Les savants étaient impatients de se mettre au travail et les matelots brûlaient de voir apparaître les planètes inconnues. Il y avait, autour d’Alpha XXXV, planète géante, une série de planètes de taille médiocre, non reconnues, mais observées par des cosmonautes et qui semblaient propices aux conditions de la vie de type terrien.
Olivia et Yves ne se parlaient guère. Il souffrait de cet état de choses et comprenait qu’elle agissait par charité, pour ne pas provoquer en lui ce qu’elle devait supposer être des crises délirantes. Il se confinait dans l’étude, se tenait à l’écart. Mais, comme c’était son naturel, nul n’y prenait garde. Il allait fréquemment, par exemple, à la séance de culture physique. Les leçons, soigneusement réglementées, faisaient partie de l’emploi du temps de tout voyageur spatial, pour lutter contre l’ankylose, la sclérose et l’apathie mentale occasionnée par les longues stations dans ces coques d’acier errant à travers les abîmes spatiaux et sub-spatiaux.
Tous y prenaient part, officiers, matelots, et membres de la mission. Gérald, naturellement, y brillait particulièrement et Olivia faisait l’admiration de tous, étant la seule femme à bord. Mais ce qui ahurissait tout le monde, sans qu’aucune réflexion déplacée ne soit jamais formulée, c’était l’aisance, la force, l’entrain d’Yves. Le maigre garçon au crâne dénudé, aux épaules sans envergure, au teint jaunâtre, sautait, courait, bondissait, luttait, boxait, catchait, se révélant « un autre » à l’équilibre extraordinaire.
C’était le seul moment où il se mêlait à la communauté humaine de l’astronef, et sans trop parler d’ailleurs, en dehors des repas. Quand il avait particulièrement réussi quelque exploit sportif, il lançait un regard à Olivia. Les autres pouvaient se méprendre sur le sens de ce regard, mais elle devait comprendre ce qu’il voulait dire.
« …Je suis fort… je suis transformé… d’où peut provenir ce miracle ? Sinon de l’élixir vert que m’a fait boire cette femme au visage de déesse… ce qui prouve bien que je n’ai pas rêvé ! »
Mais Olivia ne disait rien et ne lui parlait guère en dehors des conversations générales, roulant sur des sujets presque toujours d’ordre scientifique. On parlait aussi un peu de l’énigme des musées, mais les voyageurs de l’espace songeaient surtout à ce qu’ils découvriraient sur les mondes inconnus qu’ils seraient les premiers à fouler.
Gérald et Olivia flirtaient toujours, ce n’était un secret pour personne, et chacun pensait qu’ils se marieraient à leur retour sur Terre. Et tout continua jusqu’aux approches de la constellation du Centaure. L’alarme éclata au cours d’une émission en duplex reliant le poste de bord avec une station située sur Alpha XXII.
L’aspirant Rocher, novice en voyages spatiaux, mais expert en tout ce qui concernait les télécommunications, était en train de diriger le duplex avec maestria lorsque, sans raison apparente, les images venues d’Alpha XXII se mirent à trembler, tandis que les micros, au lieu de retransmettre la voix de l’officier de la base, crachotaient d’incompréhensibles borborygmes.
Rocher était jeune, tenace, coléreux. Il s’énerva, déclencha le dispositif anti-parasites, n’obtint rien de satisfaisant, bien au contraire et, finalement, crut comprendre qu’une station inconnue était en train d’émettre sur une longueur d’onde indéterminée qui lui permettait, non seulement de parasiter le duplex, mais encore de s’imposer sur l’écran de l’astronef.
L’aspirant Rocher n’était pas sot. Le premier moment de fureur passé, il songea que le meilleur moyen de comprendre ce que voulaient les émetteurs mystérieux, c’était de leur laisser le champ libre. Il coupa à la fois le duplex et l’anti-parasitage, pour se brancher en libre réception.
Le résultat fut foudroyant. Les images troubles et dansantes de l’écran devinrent claires et, aussitôt, entouré d’un halo verdâtre indiquant un lieu d’émission peu commun, un personnage au visage altier, au front haut, parut sur l’écran.
— Hommes de l’astronef « Espoir », écoutez-moi…
Rocher en demeura abasourdi. A sa connaissance, le cosmonef plongeait dans un gouffre situé à des milliards et des milliards de lieues du système solaire, et à une distance considérable des stations établies dans le Centaure. Aucun astronef n’était signalé dans une fraction d’espace capable d’englober plusieurs dizaines de systèmes.
Qui était cet inconnu ? Et d’où pouvait-il parler ?
Instinctivement, l’aspirant s’écria :
— Mais qui êtes-vous ?
Un sourire indéfinissable plissa le hautain visage. Rocher se sentit tout petit, écrasé par ce mépris qui tombait vraiment de haut.
— Vous le demandez, chétif…
Ahuri, le jeune homme eut un geste de fureur, réflexe un peu tardif, mais compréhensible.
— De quel droit ?…
Sans répondre, l’« Autre », jetait :
— Etes-vous le maître de cet astronef ?
— Non. Je…
— C’est à lui que je veux parler…
— Au commandant Véril, alors…
— Et au professeur T’Xew.
Rocher n’hésita plus et, par le circuit intérieur, il prévint le maître du bord et le chef de l’expédition scientifique. Le vieux marin des étoiles et le savant vénusien accoururent et, ensemble, eurent un haut-le-corps en découvrant pareil visage sur l’écran.
Ils avaient l’impression de le connaître, de l’avoir déjà vu, sans arriver à le situer.
Rocher tremblait de colère. Il eût voulu insulter ce personnage inconnu, mais il était subjugué par sa hauteur, par cette volonté qui émanait de ces yeux qui, à peine, daignaient laisser errer un regard sur celui auquel il s’adressait.
Le commandant et le professeur, intrigués, regardaient l’étranger.
— Qui êtes-vous ? demanda Véril à son tour.
Le visage, en reliefcolor, s’anima à peine.
— Qu’importe, commandant. Et vous, professeur, écoutez-moi : vous allez trop loin… Il ne manque pas de régions à découvrir dans la Galaxie. Renoncez à votre incursion autour d’Alpha XXXV et dirigez-vous… par exemple vers la constellation d’Hercule… par sub-espace, ce n’est pas si loin…
Le faciès glabre et basané du Vénusien s’empourpra :
— Voilà une étrange plaisanterie !… Nous sommes mandatés par le Gouvernement inter-mondes du système solaire… Nous sommes des scientifiques et, apprenez-le, des hommes libres… Nous ne tolérerons pas…
— Vous refusez votre dernière chance ? demanda l’inconnu, sans colère apparente, mais avec le même impérieux dédain.
Véril intervint :
— Je ne sais qui vous êtes… un pirate de l’espace… ou un mauvais plaisant… je ne puis situer le point d’où vous nous parlez…
— Je vous le dirai dans un instant, commandant. Je suis infiniment plus près que vous ne le croyez…
— Mais, hurlait Véril, gagné à son tour par la fureur de Rocher et celle du professeur vénusien, je vous signale que mon navire n’est pas désarmé… Je possède à mon bord de tels moyens de combat que je saurai à l’occasion défendre la mission dont j’ai la charge. Prenez note !…
Le visage mystérieux s’anima un peu plus. Les yeux, indéfinissables dans l’expression et la couleur et qui semblaient étrangement lointains, se portèrent lentement sur chacun des trois hommes.
— Je perds mon temps… Comprenez donc que mon pouvoir est de telle sorte que vous ne pourrez rien…
Il se tut et disparut, dans un tourbillon d’images chaotiques, incroyablement colorées.
Les trois hommes se regardèrent. Mais ils n’eurent pas le temps d’échanger un seul mot.
Un frisson passa sur eux. Ensemble, ils avaient senti le contact, ensemble, ils savaient qu’ils n’étaient plus seuls tous trois dans la cabine-radio.
Et T’Xew murmura machinalement la phrase de l’inconnu :
— Je suis infiniment plus près que vous ne le pensez !…