CHAPITRE PREMIER

L’idée s’imposait. D’autant plus efficacement que Frank n’était pas encore en mesure de réagir mentalement.

Physiquement non plus, d’ailleurs. Il se trouvait dans un univers de nébulosité. Tout était flou, imprécis, comme inachevé. Il avait très mal à la tête. Cela, au moins, c’était une réalité, une vérité, une certitude.

Le reste…

Il ne sentait plus ses membres, son corps, son âme. Il ne pensait plus. On pensait pour lui. Frank était arrivé à ce degré de lassitude où l’homme renonce, refuse, incroyablement passif.

Mais l’idée était là, toujours là. Incommen-surablement présente.

Cette pensée qui s’implantait en lui comme un clou impitoyable, et cette migraine sans merci, ces ennemies atroces, au fond, lui rendirent service. Elles stimulèrent ce qui pouvait encore lui rester de personnalité. L’une biologique et l’autre mentale, tout en le torturant, lui imposèrent d’ouvrir les yeux.

Je ne reverrai jamais la Terre.

Voilà. C’était le programme. L’absolu. La certitude. Tout était fini, du moins dans ce domaine.

Je suis là. Je suis. Je ne sais où. Je ne me souviens pas. Mais j’ai mal à la tête et je sais de façon péremptoire que je suis venu jusqu’ici sans retour et qu’il m’est interdit de songer seulement à un retour éventuel.

Frank avait refermé les paupières aussitôt, la clarté ayant blessé ses pauvres yeux aussi meurtris que le reste de son organisme.

Il retombait dans son chaos de grisaille, que traversaient des éclairs douloureux, correspondant à ces traits flamboyants nés de la migraine, subits et peu compréhensibles.

Il retrouvait l’idée : je ne reverrai jamais… Et puis, il y avait autre chose, maintenant. Une image. L’image d’une immense surface rouge, luminescente.

Frank était bien trop fatigué encore pour s’interroger, pour se demander à quoi cela pouvait bien correspondre. Il ne cherchait pas parce que c’était vraiment trop difficile de chercher, de faire un effort.

Il ne voulait justement pas faire d’effort, il ne voulait pas penser, il ne voulait pas…

Il ne voulait rien parce que vouloir, c’est encore, c’est déjà agir. Mais il savait qu’il ne reverrait jamais la planète-patrie et aussi qu’il y avait devant lui une immense surface rouge, un immense disque rouge, un…

Tiens… C’était donc un disque ? De taille, le disque en question. Il barrait tout l’horizon. L’horizon ?…

Et pendant un long moment encore, tout cela s’embrouilla, se heurta, s’emberlificota. Des images, puis des embryons de pensées. Des questions et des réponses.

Des réponses ?

Une réponse.

Frank se dressa soudain, retrouvant dans un effort – le premier, sous l’effet de la stimulation mentale – l’usage de ses membres. Il fut debout, titubant, s’appuya instinctivement à quelque chose, regarda, comme hébété, puis cria, ou râla, ou gémit, enfin exhala des sons, qui lui raclaient la poitrine et la gorge, qui correspondaient à l’infinie détresse qu’il sentait en lui.

Il fut debout, il acheva d’ouvrir les yeux et il regarda.

Le grand disque rouge lumineux.

Et tout revint. Tout fut net. Clair. Certain. Il sut. Il retrouva tout bonnement sa conscience et la situation lui apparut dans sa grande simplicité.

Le spationef avarié s’était abattu sur une planète inconnue, à une heure de lumière du monde du Verseau. Tout avait craqué, tout le monde était mort.

Sauf Frank. Puisqu’il était debout. Mal en point. Mais debout et vivant, qu’il avait très mal à la tête et qu’il regardait la surface géante d’un astre, si vaste qu’elle occupait la majeure partie du ciel visible, prenant des tons d’un rouge de plus en plus accusé au fur et à mesure que venait la nuit et que le soleil indéterminé qui entraînait cette planète dans l’espace se couchait précisément derrière le disque de cet astre, satellite ou planète jumelle de celle sur laquelle le pauvre Frank avait mis le pied bien malgré lui, dernier survivant, selon toute vraisemblance, de l’astronef White Swan.

Devant lui, le lac. Ou la chaîne des lacs. Il se souvenait maintenant parfaitement. Le White Swan était tombé là. Il en voyait l’épave, d’ailleurs, à demi engloutie. Une carcasse titanesque, éventrée, fracassée, à peu près brisée en deux.

Cela émergeait des eaux paisibles et l’astre faisait rutiler le navire blessé à mort.

Frank ne découvrait pas absolument ce paysage. Il l’avait vu après la chute, lorsqu’il avait réussi à s’extirper des décombres, à prendre pied sur le rivage, après avoir péniblement nagé quelques brasses, puis marché avec de l’eau jusqu’à mi-corps, en constatant que le fond était médiocre, le navire de l’espace s’étant écrasé très près de la rive.

Les autres…

Il y avait eu la panique, l’évacuation des passagers, puis des cosmatelots.

Comment se faisait-il ?… Ah ! oui, Frank avait été commotionné dans le déséquilibre qui avait suivi la rupture du champ de simili-gravitation. Comme bien d’autres, dégringolant au hasard dans la carcasse désaxée, il avait heurté… Oui, c’était pour cela qu’il avait si mal à la tête…

Il devait avoir une jolie bosse au front. Il la sentait sous ses doigts, mais, évidemment, les miroirs manquaient.

Les autres… Partis en majorité dans les canots spatiaux. Perdus dans le grand vide. Oui, très loin, parce que, contrairement aux pronostics, le White Swan, intérieurement rongé par un incendie, avait encore navigué sans pilote pendant un bon tour-cadran, douze heures de la Terre, douze heures spatiales, pour finir par tomber sous l’attraction d’une des deux planètes que Frank avait aperçues, très proches l’une de l’autre, près d’une étoile d’un joli vert doré…

La chute. Le naufrage. Une carcasse vide. Et Frank finalement tout seul.

Trois autres encore à bord. Mais ils avaient été tués dans l’écrasement. Et c’est alors que…

À quoi bon revenir là-dessus ? Je suis seul. C’est la nuit. Un monde ignoré puisqu’à la fin on ne gouvernait plus, on n’étudiait plus les routes du ciel.

Seul…

Là-bas, de l’autre côté des lacs, des montagnes, visibles dans la clarté nocturne. Des lueurs aux sommets, avec des panaches de fumée. Des volcans.

Une planète vivante. De l’eau. Du feu. Et, là où Frank avait échoué, des arbres, des plantes qu’il regardait sans trop les voir. Conclusion, on pouvait y vivre.

Mais seul. Désespérément seul, puisque tous les Terriens, et tous les Solariens du navire s’étaient perdus ou avaient été tués.

Alors, il se jeta au sol. Il pleura, enfonça ses ongles dans le sable et les cailloux, se meurtrit les paumes et le front et le nez. Il arrosa cette terre mystérieuse de ses larmes. Il pria, supplia, et finit par injurier le Ciel, ce Ciel avec un grand C où les humains du cosmos, d’une galaxie en l’autre, mettent généralement leur espérance.

Mais Frank n’avait plus d’espérance parce que vivre seul ce n’est plus vivre, et que ce garçon jeune, enjoué, sportif, ce reporter des grandes lignes spatiales n’avait aucune vocation pour jouer les Robinsons. Des Robinsons qui, sans doute, risquaient d’attendre longtemps leurs Vendredis, la planète semblant, au premier abord, géologiquement assez neuve, et il n’avait pas encore aperçu un seul animal.

Il faisait nuit. Seulement, le grand disque était encore hémisphériquement visible. Il ne devait jamais se coucher en entier, eu égard à ses grandes dimensions apparentes.

Des réalités astronomiques qui s’ancraient dans le crâne de Frank, malgré le chagrin, malgré la douleur, malgré le désespoir. Une lucidité qui demeurait, tandis qu’il se roulait sur le sable, criant et appelant l’inexistant, horrifié du plus cruel de tous les maux subis par le cosmohominien à travers l’univers : être seul.

Cela dura sans doute encore un bon moment. Cependant, Frank ressentait d’impérieux motifs biologiques. Il avait faim. Il avait soif. Il devait quand même avoir un peu de fièvre.

Alors, au lieu de rester là à geindre comme un enfant perdu et à attendre la fin, Frank cessa tout de même de pleurer, chercha instinctivement un mouchoir absent, ne le trouva évidemment pas, renifla, eut subitement honte de son attitude, et commença à penser que ce qui allait lui manquer sur le plan matériel pouvait peut-être bien se trouver encore sur l’épave qui gisait là, à quelques centaines de mètres de lui.

Retourner à l’épave ? La soute n’était peut-être pas totalement noyée. À moins que les réserves n’aient été rongées par l’incendie. Frank était bien las et son pauvre crâne était en feu. Mais cela valait la peine de faire un effort, d’autant qu’on pouvait pratiquement y aller à pied. Au plus profond, il aurait de l’eau jusqu’au cou…

Il fit quelques pas parmi les arbres, s’apercevant seulement qu’il était venu jusque-là parce que c’était un bouquet d’arbres, qu’il avait dormi, ou s’était évanoui au pied d’un de ces grands végétaux. Il voyait le lac, devant lui, reflétant encore une grande partie du vaste disque de la planète-sœur, si bien que, malgré la nuit, tout cela rutilait et jetait des feux colorés.

Frank regarda l’épave et soupira.

Il rêva encore un instant, finit par penser que le temps des rêveries était dépassé et songea à quitter son costume d’astronaute pour se mettre à l’eau et aller explorer la grande carcasse fracassée.

Il interrompit son geste en entendant le bruit.

Que fait un homme perdu sur une planète qui n’est pas la sienne et dont il ne sait rien ? Automatiquement, il se cache, il renonce à ses projets immédiats. C’est ce que fit Frank, à l’abri d’un buisson, parce qu’il y avait aussi des buissons, épineux, aux feuilles dures et plates, mais bien utiles pour se dissimuler.

Accroupi, totalement hors de vue, il regarda vers le lac, parce que le bruit avait des résonances aquatiques.

Il vit, encore loin, ce qui avançait. Dans l’eau, en effet, venant de la direction approximative de ces volcans médiocrement élevés qu’on découvrait au-delà de l’étendue aqueuse.

Frank avait de bons yeux, mais pendant les premiers instants, il se demanda de quoi il s’agissait. Non un animal, non un engin. Des hommes ? Oui, peut-être. Une horde humaine, ou quelque chose qui lui ressemblait. C’était assez vaste, cela se mouvait, sur des dizaines de mètres, faisant bouillonner l’eau au fur et à mesure qu’elle se trouvait envahie, que la surface était perturbée.

— Des hommes ? Dans ce cas, ils sont de taille… Ils vont à pied…

Lui-même aurait pu atteindre l’épave sans se mettre absolument à nager. Mais les êtres inconnus venaient de bien plus loin, sans trop s’éloigner du rivage, d’ailleurs. Frank pensa qu’ils connaissaient bien les fonds, qu’ils marchaient à coup sûr, sans risque d’engloutissement.

De toute façon, les silhouettes qui se précisaient indiquaient des créatures hominiennes, ou apparentées, mais d’une taille nettement au-dessus de la moyenne.

— Des types qui ont au moins une altitude moyenne de deux mètres cinquante, sinon plus, estima Frank le naufragé.

Cependant, des pensées rapides, très diverses, passaient dans son pauvre cerveau mis à l’épreuve, et son cœur battait.

Il n’était pas seul, dans ce monde mystérieux, où la perte du White Swan l’avait précipité.

Des humains, fussent-ils des géants, c’était encore de la vie et de l’humanité. Ce qui est beaucoup pour un individu qui a pu craindre de se trouver isolé dans le vaste univers.

Toutefois, la prudence la plus élémentaire exigeait que Frank attendît quelque peu avant de tenter le moindre contact. Parce que les hominiens, chacun sait cela à travers le cosmos, ne sont pas toujours de mœurs hospitalières.

Le rescapé du White Swan se mit donc en bonne posture d’observation et regarda de tous ses yeux.

Des humains, oui. Ou presque. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, Frank pouvait distinguer leurs silhouettes vagues, grossières, lourdes, plus caricatures d’humains qu’humains véridiques.

Les mouvements étaient raides, les nuques courtes, les crânes chauves. Les torses massifs émergeaient par instants et le naufragé essayait en vain de distinguer une différenciation sexuelle. Il ne tarda pas à concevoir sur ce point une certitude qui ne laissa pas de le laisser perplexe : ils étaient asexués.

C’étaient des colosses dont les plus grands atteignaient non loin de trois mètres. Sous la lueur rouge de cette lune fantastique, on distinguait assez mal leur couleur d’origine. Toutefois, Frank estima que ce qui leur servait d’épiderme devait être d’un vague bleu argenté.

Mais ils n’étaient pas des hommes, c’était un fait. Rien que des masses vaguement androïdes, pesantes, mais autonomes, des ébauches arrachées aux mains d’un sculpteur qui n’aurait pas eu le temps d’en finir avec son œuvre, c’était à peu près l’impression qu’ils donnaient.

Des robots ? Certainement pas. Des êtres d’un mode absolument ignoré, du moins ignoré de Frank, telle était sa conclusion. Certes, il savait bien qu’à travers la Galaxie on découvre sans cesse de nouvelles formes de vie, jusque-là rigoureusement insoupçonnées, mais, tout de même, il est toujours stupéfiant d’en rencontrer une, de ces manifestations ignorées de l’évolution.

Ils allaient, parfois à mi-corps, parfois presque hors de l’eau, mais pour ainsi dire jamais totalement immergés. Frank voyait les visages, ou ce qui en tenait lieu. Un nez esquissé, une bouche en fente brève, des orbites où, peut-être, il y avait des yeux qu’il ne distinguait pas (mais, logiquement, il devait y en avoir).

Et ces croquis androïdes, ces essais évoquant le ratage, le dégoût de la main créatrice abandonnant l’œuvre estimée trop grossière et trop vulgaire, ces formes bleuâtres, luisantes, irisées des reflets sanglants de l’astre, progressaient avec des allures gourdes, simiesques et supposant une puissance formidable.

On eût dit qu’ils étaient l’accomplissement d’un essai d’homme où seule la force brute eût été mise en valeur, à l’exclusion de toute autre qualité.

Ils allaient vers l’épave, c’était très net, et Frank eut soudain froid au cœur.

S’ils allaient la détruire ? Non, sans doute, ils voulaient l’explorer. Leur aspect indiquait que cette race – humanoïde ou non – devait s’étonner, au sens le plus fort du mot, de la chute d’un astronef, et que ces fronts bas rejoignant des crânes aplatis n’indiquaient pas un intellect des plus développés.

Mais, chez les plus bas primaires, chez les animaux les plus stupides, la curiosité demeure.

« Ils ont dû avoir peur, pensa Frank, en voyant le naufrage… Après coup, ils se sont décidés à venir voir, quand ils ont constaté que « ça » ne bougeait pas… »

Malgré tout, il était, lui aussi, tenaillé par le désir de savoir, de comprendre ces créatures d’un style nouveau pour lui.

Ils furent près de l’épave, ils l’entourèrent. Frank pensait qu’ils allaient la palper, toucher timidement d’abord, puis plus audacieusement, comme le fait un animal devant quelque chose qui lui est inconnu.

Mais les colosses bleu argent étaient sans doute encore moins évolués qu’il ne le supposait.

Ils se contentèrent de s’aligner dans l’eau, près de la vaste carène. Ils se mirent dans cette formation de telle façon qu’instinctivement, Frank les compta, et en trouva vingt-deux. Vingt-deux « croquis », comme il commençait à le dire en lui-même. Vingt-deux lourdes brutes qui n’avaient rien d’humain et même, peut-être, rien d’animal.

Des masses minérales ? Non, cependant, Frank eût juré que ces masses étaient de chair. Une chair particulière, de toute évidence, attribuée à des êtres inachevés, réduits à l’état d’une charpente musculaire formidable et sans grâce.

Mais que faisaient les vingt-deux « croquis » ?

Ils étaient tous tournés contre la carène meurtrie du pauvre White Swan. Ils s’y appliquaient du torse et des deux mains (?), les avant-bras levés, ce qui leur servait de visage directement contre la paroi de métal, cabossée, fissurée, constituant l’épave.

Frank était ahuri. Il était hors de doute que les êtres incompréhensibles avaient placé leur semblant d’orifice bucal contre le métal du pauvre navire.

Mais pour quelle raison ? Frank aurait pu supposer d’abord qu’ils flairaient ce monstre insolite pour eux. Non, il ne percevait aucun reniflement qui eût été caractéristique à cet égard, et il avait la conviction qu’ils étaient en train de…

Lécher ? Sucer ? Baver ? Toutes hypothèses à la fois répugnantes et cocasses.

En tout cas, maintenant, les énormes « croquis » étaient assidus à leur tâche. Toujours plaqués contre l’immense coque, ils étaient comme une rangée de grossières statues. Toutefois, Frank voyait parfois légèrement bouger leurs chefs primaires.

« — Mais qu’est-ce qu’ils fabriquent ? »

Cela aurait peut-être pu durer longtemps. Tout ou partie de cette étrange nuit, la première que Frank passait sur cette planète qui, sans doute, allait devenir « sa » planète.

Et puis, il les vit, tous à la fois, reculer et lever la tête.

Là-bas, dans le ciel, mais du côté opposé au lac que surplombait l’image rouge du vaste satellite, un nuage venait de faire son apparition.

Était-ce bien un nuage ? Dans cette direction, les arbres étaient abondants, formaient une forêt, et Frank portait ses regards moins loin, n’apercevant que des montagnes, peut-être non volcaniques, celles-là, çà et là à travers les troncs.

Les « croquis » observaient, immobiles après le recul, l’arrachement au contact avec l’épave.

Soudain, ils foncèrent tous à la fois, produisant de nouveau ce bruit d’eau brassée violemment qui avait attiré sur eux l’attention de Frank alors qu’il allait lui-même se jeter dans le lac.

Ils repartaient, très vite, dans la direction des volcans, mais le nuage arrivait à une vitesse d’autant plus stupéfiante qu’il n’y avait pratiquement pas un souffle de vent.

« — Ils ont peur !… Peur d’un nuage !… »

Cela lui parut déjà plus normal lorsqu’il s’aperçut que ledit nuage émettait des lueurs vives, intermittentes, que des éclairs en jaillissaient et que, toujours sur un mode irrégulier, des panaches d’étincelles tramaient derrière lui.

Frank avait l’impression que cette nébulosité masquait, enveloppait un engin central ainsi camouflé qui se déplaçait dans le ciel à une allure fantastique, et que les êtres bleutés ne connaissaient que trop bien, ce qui en laissait supputer la nature redoutable.

Ils allaient, marchant dans l’eau aussi vite qu’ils le pouvaient, déjà loin de l’épave et du point du rivage où Frank était dissimulé.

Mais le nuage, passant comme un bolide au-dessus du naufragé, produisant un sifflement d’air, irradiant plus que jamais du feu électrique interne qui provoquait sur l’enveloppe de nuées des images fugaces et effarantes, se mit soudain à piquer vers le lac.

Une immense clameur parvint jusqu’à Frank, et il comprit que les « croquis » avaient crié tous ensemble, pour la première fois.

En même temps, ils disparurent, plongeant immédiatement pour échapper au nuage monstrueux, qui rasait presque la surface de l’eau.

Et Frank, effaré, halluciné, regardait cette masse géante qui se déplaçait sur l’étendue liquide, qui roulait, changeait sans cesse de forme, éclatait de lueurs, crépitait d’étincelles, exhalait son incroyable dynamisme et lançait des jets d’éclairs qui montaient jusqu’au zénith et éclipsaient la clarté du satellite.

L’homme seul tremblait. Parce qu’il réalisait que c’était dans un tel monde qu’il était condamné à demeurer jusqu’à la fin de ses jours.

Seul de sa race.