J’ai passé pratiquement tout mon samedi à courir au bord du lac, histoire de prendre un bol d’air et de me changer les idées. Mais ça n’a servi à rien, car, dès que je prends le volant pour me rendre chez mes parents, et pendant tout le trajet (qui dure une heure), ma frustration me revient en bloc : mademoiselle Mills, ma haine pour elle, mon désir pour elle, les fleurs que Joël lui a envoyées. Je cale ma nuque contre l’appuie-tête, me concentrant sur le ronronnement apaisant du moteur pour essayer de me calmer. Rien à faire.
Admettre l’évidence : je suis d’une possessivité maladive. Pas romantique pour un sou, plutôt du genre « je la gifle, je la traîne par les cheveux et je la baise ». Non, c’est plutôt comme si elle était mon joujou à moi et que je ne voulais pas que les autres garçons du bac à sable s’amusent avec elle. C’est malsain. Si elle m’entendait dire ça, elle me couperait les couilles et me les ferait manger.
La question, c’est comment procéder. Il est clair que Joël est intéressé. Comment pourrait-il ne pas l’être ? Toutes les infos qu’il a sur Chloé lui viennent de ma famille, qui l’adore. Ils lui ont certainement montré une photo, en plus. Rien qu’avec cette mise en bouche, moi aussi, j’aurais été intéressé. Mais s’il a une vraie conversation avec elle, ça m’étonnerait qu’il continue à la trouver aussi attirante.
À moins qu’il ait juste envie de la baiser…
Le crissement de mon volant en cuir sous mes doigts me dit qu’il ne vaut mieux pas y penser.
Il n’aurait pas accepté de la rencontrer chez mes parents s’il ne voulait que du sexe avec elle. N’est-ce pas ? Je considère cet argument. Peut-être veut-il apprendre à mieux la connaître ? Putain, même moi j’étais un peu intrigué avant de la rencontrer. Mais ça n’a pas duré longtemps. J’ai vite cerné le personnage, qui est le plus insupportable que la terre ait jamais porté. Manque de bol, elle est aussi mon meilleur plan cul.
Putain, ce type n’a pas intérêt d’aller aussi loin que ça. Je ne sais pas où je pourrais cacher un cadavre par ici.
Je me souviens de la première fois où je l’ai vue. Mes parents étaient venus passer Noël avec moi quand je vivais en Europe, et ils m’avaient offert un cadre digital. J’ai regardé le diaporama avec ma mère, jusqu’à une photo qui montrait mes parents en compagnie d’une belle jeune fille brune. Là, j’ai appuyé sur « pause » :
— Qui est-ce ? » ai-je demandé.
Ma mère m’a dit qu’elle s’appelait Chloé Mills, qu’elle était l’assistante de mon père et que c’était vraiment une fille bien. Elle n’avait probablement que 20 ans sur la photo, mais sa beauté, au naturel, était renversante.
Ces dernières années, son visage est souvent apparu dans les photos que ma mère m’a envoyées, prises aux fêtes de l’entreprise, à Noël ou lors de dîners à la maison. Et son nom revient régulièrement quand ma famille me parle de la boîte.
Quand je décide de rentrer aux États-Unis et de prendre le poste de DG chez RMG, mon père m’explique que Chloé prépare son diplôme de la Northwestern University, que sa bourse requiert une expérience en entreprise et que l’idéal pour elle serait de me suivre professionnellement pendant un an. Ma famille l’aime et lui fait confiance. Mon père et mon frère n’émettent aucune réserve à son égard, ce qui en dit long sur l’estime qu’ils lui portent. J’accepte immédiatement. Je suis pourtant un peu inquiet : et si mon attirance pour son physique interférait avec mon autorité de boss ? Mais je me rassure rapidement – le monde est plein de belles femmes, et il est quand même assez facile de séparer le travail de la drague.
Quel con j’ai été !
Et maintenant, toutes les erreurs que j’ai faites ces derniers mois me sautent aux yeux. Tout, depuis le premier jour, menait à ça.
Pire encore : ces derniers temps, je ne pouvais plus baiser avec qui que ce soit sans penser à elle. Le souvenir de la dernière fois où j’ai essayé me fait grimacer.
C’était quelques jours avant l’« accident de la fenêtre » – je l’appelle comme ça maintenant. Je devais me rendre à la soirée organisée par une œuvre caritative. En entrant dans le bureau, je suis stupéfait de voir mademoiselle Mills dans une robe bleue incroyablement sexy que je ne lui connaissais pas. À la minute où mes yeux se posent sur elle, j’ai envie de la coucher sur le bureau et de la baiser jusqu’à épuisement.
Pendant toute la soirée, je suis ailleurs. Impossible de me concentrer sur ce qui se passe autour de moi. Je sens venir le moment où je craquerai, mais je ne sais pas qu’il est si proche. Au dîner, je suis assis à côté d’une blonde sculpturale.
Je lui propose ensuite de la raccompagner, moins parce que j’ai envie d’elle que pour me prouver que mademoiselle Mills n’accapare pas toute mes pensées. Je me retrouve dans son appartement un peu par hasard, sans vraiment l’avoir voulu. Nous nous embrassons et nous nous déshabillons rapidement. Et là, l’évidence me saute à la figure… Ce n’est pas que la fille ne soit pas sexy ou qu’elle manque d’intérêt, mais lorsque je l’allonge sur son lit, ce sont des cheveux bruns que je vois répandus sur l’oreiller. J’embrasse ses seins, mais ce sont ceux de Chloé que je veux sentir sous ma bouche – une poitrine authentique, douce, pas du silicone. Je mets une capote, je la pénètre. Je sais qu’elle est un corps sans visage que j’utilise pour mes besoins égoïstes.
J’essaie d’éviter de penser à Chloé, sans succès. Je l’imagine sous moi, à la place de l’autre. Et je jouis, très fort, en laissant la blonde sur le carreau. Je m’en veux, mais je ne peux pas faire autrement. Le souvenir me dégoûte encore plus que l’acte réel. J’ai laissé Chloé envahir mon esprit et s’y installer.
Si j’arrive à me tenir ce soir, ce sera plus facile. Je gare ma voiture et je commence à chantonner mentalement : Tu vas y arriver, tu vas y arriver.
— Maman ? appelé-je en traversant la maison.
— Je suis là, Bennett ! l’entends-je crier de la terrasse, à l’arrière de la maison.
J’ouvre les larges portes-fenêtres et le sourire de ma mère m’accueille. Elle finit de mettre la table dehors.
Je me penche vers elle et elle m’embrasse sur la joue :
— On dîne là, ce soir ?
— La soirée est magnifique et j’ai pensé qu’on serait plus à l’aise sur la terrasse que dans la salle à manger. Tu penses que ça va déranger quelqu’un ?
— Bien sûr que non. C’est très joli ici. Ne t’inquiète pas.
C’est vraiment beau. La terrasse est à moitié couverte d’une pergola blanche massive, dont les poutrelles sont envahies d’une glycine odorante. Au centre, sur une large table rectangulaire drapée d’une nappe ivoire, ma mère a dressé huit couverts avec sa vaisselle de porcelaine préférée. Des bougies et des fleurs bleues débordant de petits vases d’argent sont joliment disposées, et l’ensemble est éclairé par un lustre en fer forgé.
— Ce n’est pas un peu risqué de sortir ta plus belle vaisselle, avec Sofia dans les parages ? demandé-je en piquant un grain de raisin.
— Oh ! elle est chez les parents de Mina ce soir. C’est mieux comme ça. Quand Sofia est ici, elle attire toute l’attention sur elle.
Merde. Sans les mimiques de Sofia, je n’aurai rien pour détourner mon attention de Joël.
— C’est la soirée de Chloé. J’espère vraiment que Joël lui plaira.
Elle continue à trottiner autour de la table, allumant des bougies, arrangeant la disposition d’une fourchette… Elle n’a pas la moindre idée de mon angoisse.
Je suis piégé. J’envisage de m’enfuir, quand j’entends Henry arriver – à l’heure, pour une fois. « Où êtes-vous ? » crie-t-il. Sa voix résonne dans la maison vide. J’ouvre la porte devant ma mère et nous entrons. Mon frère est dans la cuisine.
— Aloooors, Ben, commence-t-il, en appuyant son long corps contre le bar. Tu as hâte d’être à ce soir ?
— Bien sûr, je réponds d’un air sceptique quand ma mère a quitté la pièce.
Je continue en m’efforçant d’avoir l’air détendu :
— Je crois que maman a fait des tartes au citron, c’est mon dessert préféré.
— T’es une merde. Moi, j’attends de voir Cignoli faire la cour à Chloé devant tout le monde. On va se marrer !
Il se coupe une tranche d’une énorme miche de pain. Mina entre et lui donne une pichenette sur la main :
— Tu ne vas quand même pas commencer à mettre ta mère mal à l’aise ? Tu veux bousiller sa réception ? Reste tranquille, Henry. Pas de taquinerie ni de blague avec Chloé. Elle doit être suffisamment nerveuse comme ça. On sait ce qu’elle endure déjà avec celui-là, conclut-elle en pointant le doigt vers moi.
— De quoi tu parles ? Je ne lui ai rien fait.
Je commence à en avoir marre du fan club Chloé Mills qui siège dans cette maison.
Mon père arrive sur le pas de la porte et me fait signe de le suivre dans son bureau :
— Bennett, fais un effort, ce soir. Je sais bien que Chloé et toi avez quelques difficultés relationnelles, mais ici, c’est chez nous, ce n’est pas le bureau. Nous sommes dans un cadre privé. Tâche de te montrer courtois.
Je serre les dents et j’acquiesce en pensant aux diverses façon dont je me suis montré « courtois » avec elle ces derniers temps.
C’est pendant que je suis aux toilettes que Joël arrive, une bouteille de vin à la main. Je l’entends faire ses salamalecs sur un ton enthousiaste : « Vous êtes magnifique ce soir ! » pour ma mère, « Comment va le bébé ? » pour Mina, solides poignées de main et accolades viriles pour mon père et Henry.
Je prends mon temps pour les rejoindre dans le hall, me préparant mentalement à la suite des événements.
Gamins, Joël et moi étions de bons copains. Nous avons suivi la même scolarité, ensemble de l’école jusqu’à la fac. Mais je ne l’avais pas revu depuis mon retour de Paris. Il n’a pas beaucoup changé. Il est un peu plus petit que moi, mince, avec des cheveux noirs qu’il coiffe en arrière et des yeux clairs. J’imagine que c’est le genre d’homme qui doit plaire aux femmes.
— Bennett !
Solide poignée de main, accolade virile.
— Putain, Ben ! Ça fait combien de temps ?
— Ça fait un bail. Juste après le lycée, réponds-je en serrant fermement sa main. Comment vas-tu ?
— Très bien ! Tout s’est passé nickel pour moi. Et toi ? J’ai vu ta photo dans les journaux, donc je suppose que ça ne va pas trop mal !
Il tapote amicalement mon épaule.
Quel pauvre type.
J’acquiesce en me forçant à lui sourire. J’ai vraiment besoin de quelques instants de solitude supplémentaires pour me préparer à la suite. Le priant de m’excuser un instant, je monte à l’étage me réfugier dans mon ancienne chambre.
Entre mes quatre murs, je me sens immédiatement plus calme. La chambre a très peu changé depuis mes 18 ans. Mes parents n’y ont pas touché depuis que j’ai quitté la maison pour entrer à l’université. Je m’assois sur le petit lit et j’imagine ce que je ressentirais si mademoiselle Mills sortait avec Joël. C’est un type bien et, même si j’ai du mal à l’admettre, il y a vraiment une chance pour qu’ils s’entendent. La simple idée qu’un autre homme puisse la toucher me tord les entrailles. Je repense à ce que je lui ai dit dans sa voiture, l’autre soir. Que cela ne pouvait pas se reproduire. Mais maintenant, avec mon courage de pacotille, je ne sais pas combien de temps je vais réussir à me tenir à cette décision.
Nouvelle vague de salutations. La voix de Joël me parvient du rez-de-chaussée. Je décide qu’il est temps de grandir un peu et d’affronter la situation.
Je redescends au rez-de-chaussée et la première chose que je vois, c’est elle, de dos… J’en ai le souffle coupé.
Sa robe est blanche.
Pourquoi une robe blanche ?
Elle porte quelque chose de très féminin, une robe d’été qui s’arrête au-dessus du genou et dévoile ses longues jambes. Le haut du vêtement est attaché par des rubans noués à chaque épaule. L’idée de défaire les nœuds m’obsède. Sa robe tombe autour de sa taille. Et sur le sol. Je m’y vois déjà.
Nos yeux se croisent et elle me sourit d’un sourire heureux, authentique. J’y crois pendant une seconde :
— Bonsoir, monsieur Ryan.
Mes lèvres s’étirent. Ça m’amuse de la voir jouer son rôle devant ma famille.
— Mademoiselle Mills, la salué-je avec un signe de tête.
Nous ne nous quittons pas des yeux, même quand ma mère nous invite à aller prendre l’apéritif sur la terrasse.
Comme elle passe devant moi, je lui murmure, assez bas pour que personne d’autre ne puisse entendre :
— C’était bien, votre séance shopping hier ?
Toujours ce sourire angélique sur le visage :
— Vous n’imaginez pas à quel point.
Son corps effleure le mien, je me raidis.
— Au fait, ils ont sorti une nouvelle ligne de porte-jarretelles, souffle-t-elle à mon attention avant de suivre tout le monde dehors.
Je me fige une seconde, bouche ouverte – le souvenir de notre petite affaire dans la cabine d’essayage d’Aubade me revient en pleine face.
Peu après, Joël s’approche d’elle :
— J’espère que vous n’avez pas jugé déplacé que je vous envoie ces fleurs à votre bureau. J’avoue que c’était peut-être un peu présomptueux, mais j’avais tellement hâte de vous rencontrer.
Mes entrailles se tordent – les mots de Joël viennent juste de me faire sortir de ma rêverie érotique.
Elle se retourne pour me regarder :
— Des fleurs ? Est-ce qu’on m’a livré des fleurs ?
— Je n’en sais rien. Je suis parti tôt, vous vous souvenez ? fais-je en haussant les épaules.
Je sors me servir un cocktail Belvedere. La soirée se poursuit et je ne peux m’empêcher de la chercher des yeux. Quand nous nous mettons à table, les choses ont l’air de bien se passer entre Joël et elle. Elle flirte.
— Alors Chloé, M. et Mme Ryan m’ont dit que tu viens du Dakota du Nord ?
La voix de Joël interrompt un autre fantasme – celui de mon poing dans sa gueule. Je lève les yeux : il lui sourit chaleureusement.
— C’est vrai. Mon père est dentiste à Bismarck. Je n’ai jamais aimé les grandes villes. Même Fargo me semble énorme.
Je souris à ces propos et elle me foudroie du regard :
— Cela vous amuse, monsieur Ryan ?
Je grimace en buvant une gorgée de mon verre :
— Désolé, mademoiselle Mills. Je trouve juste un peu bizarre que, alors que vous n’aimez pas les grandes villes, vous choisissiez quand même la troisième plus grande ville des États-Unis pour aller à l’université… et pour la suite.
Son regard me dit que dans une autre circonstance, je serais déjà nu, elle sur moi.
Ou alors, que je baignerais dans une flaque de sang sur le trottoir.
— À vrai dire, monsieur Ryan, commence-t-elle, souriant de nouveau, mon père s’est remarié, et comme ma mère est née à Chicago, je suis venue vivre ici avec elle avant qu’elle meure.
Elle me fixe pendant un moment et je dois admettre que je ressens une pointe de culpabilité. Que j’oublie dès qu’elle se retourne vers Joël en mordant sa lèvre avec cet air innocent plus sexy que tout.
Arrête de flirter avec lui.
Je serre les poings. Ils continuent à se parler. Mais quelques minutes plus tard, je me fige sur ma chaise. Est-ce que c’est bien ce que je pense ? Je souris à mon cocktail. Oui, c’est bien son pied qui se glisse sous le bas de mon pantalon et le fait remonter le long de ma jambe. Quelle perverse ! Me faire du pied pendant qu’elle fait la conversation à un type qui ne la satisfera jamais – ce que nous savons elle et moi. Je regarde ses lèvres se refermer sur sa fourchette et ma queue durcit au moment où sa langue lèche les dernières traces de la marinade du poisson.
— Waow ! Dans le top five de ta classe à la Northwestern ? Joli ! s’exclame Joël.
Il continue à mon adresse :
— Tu dois apprécier d’avoir une personne si compétente qui travaille pour toi !
Chloé tousse discrètement, en essuyant sa bouche avec sa serviette. Je souris en lui jetant un coup d’œil et je réponds à Joël :
— Oui, c’est absolument merveilleux que mademoiselle Mills travaille pour moi. Elle arrive toujours à ses fins.
— Oh ! Bennett ! Ça, c’est gentil, minaude ma mère.
Mademoiselle Mills rougit. Mon sourire s’évanouit quand je sens son pied appuyer sur mon entrejambe. Très lentement, elle presse mon érection. Bordel de merde. À mon tour de tousser, en avalant mon cocktail de travers.
— Tout va bien, monsieur Ryan ? demande-t-elle avec un intérêt feint.
Je hoche la tête, des couteaux plein les yeux. Elle hausse les épaules et se tourne vers Joël :
— Et toi ? Tu es de Chicago ?
Elle continue à me caresser gentiment du bout du pied. Je prends sur moi pour contrôler ma respiration et garder une expression neutre. Joël commence à lui parler de son enfance, de l’école où il allait avec nous, et finalement, de sa brillante carrière dans la comptabilité. Elle passe de l’écoute flottante à l’intérêt passionné.
Oh ! putain, non.
Je glisse ma main gauche sous la nappe et je caresse sa cheville, en la regardant tressaillir. Mes doigts évoluent en cercles, mon pouce sur sa voute plantaire. J’exulte quand elle demande à Joël de répéter ce qu’il vient de dire.
Il mentionne un déjeuner, la semaine prochaine. Ma main prend le haut de son pied et le presse plus fermement contre ma queue.
Elle grimace.
— Tu peux la libérer pendant la pause-déjeuner, Bennett ? demande Joël avec un sourire joyeux, son bras sur le dossier de la chaise de Chloé.
— À propos de déjeuner, Bennett, interrompt Mina en posant sa main sur mon bras. Tu te souviens de mon amie Megan ? Tu l’as rencontrée le mois dernier à la maison. Vingt-cinq ans, ma taille, cheveux blonds, yeux bleus… Bref, elle m’a demandé ton numéro. Intéressé ?
Je toise Chloé. Son pied se raidit dans ma main, elle avale lentement en attendant ma réponse.
— Bien sûr ! Tu sais que je préfère les blondes. Et j’aime bien changer de paysage de temps en temps.
Je me retiens de crier quand son talon s’enfonce dans mes couilles. Elle reste comme ça un moment avant de tamponner sa bouche avec sa serviette :
— Excusez-moi un instant, je dois aller aux toilettes.
Une fois qu’elle est dans la maison, toute ma famille me tombe dessus.
— Bennett, grince mon père. Je croyais qu’on avait parlé de ça.
J’attrape mon verre et je le porte à mes lèvres.
— Je ne vois pas ce que tu veux dire.
— Bennett, ajoute ma mère. Je pense que tu devrais aller t’excuser.
— De quoi ? répliqué-je en reposant un peu trop vivement mon verre sur la table.
— Ben ! crie presque mon père.
Il me fusille du regard. Je pose ma serviette sur mon assiette et je m’éloigne de la table. Les salles de bains des deux premiers étages sont désertes. J’arrive finalement à celle du troisième, dont la porte est fermée.
Je suis debout devant la porte, la main sur la poignée. J’entame un débat avec moi-même : si j’entre, que va-t-il se passer ? C’est la seule chose qui m’intéresse, et putain, je ne risque pas de m’excuser. Je pense à frapper à la porte. Elle ne me laissera jamais entrer. J’écoute – pas un bruit ne vient de l’intérieur. Rien. Je tourne finalement la poignée, surpris de la trouver déverrouillée.
Je ne suis jamais entré dans cette salle de bains depuis que ma mère l’a fait refaire. C’est une belle pièce moderne recouverte de marbre, avec un large miroir sur tout un pan de mur. Au-dessus de la coiffeuse, une petite fenêtre donne sur la terrasse et le jardin. Elle est assise à la coiffeuse et regarde le ciel.
— Vous êtes ici pour ramper ? demande-t-elle en se remettant du rouge à lèvres avec application.
— J’ai été envoyé pour vérifier que vos sentiments de petite fleur fragile ne sont pas heurtés.
Je verrouille la porte derrière moi. Le clic du verrou résonne dans la pièce silencieuse.
Elle rit en me dévisageant dans le miroir comme si elle était totalement à l’aise. Mais je vois sa poitrine de soulever – elle est aussi irritée que moi.
— Tout va très bien.
Elle referme son tube de rouge à lèvres, le lance dans son sac. Elle se relève et passe devant moi pour atteindre la porte :
— Je suis habituée à vos comportements de sale con. Mais Joël est sympa. J’y retourne.
Je mets ma main sur la porte et je m’approche de son visage :
— Je ne crois pas, non.
Mes lèvres frôlent son oreille, elle frémit.
— Vous comprenez, il veut quelque chose qui m’appartient et il ne l’aura pas.
Elle me foudroie du regard :
— Quel âge avez-vous ? Deux ans ? Foutez-moi la paix. Je ne vous appartiens pas.
— Tu le penses peut-être, murmuré-je en l’embrassant le long de son cou. Mais votre corps est d’un autre avis.
Mes mains courent sous sa jupe et je presse ma main contre la dentelle trempée entre ses jambes, comme pour vérifier l’effet de mes paroles.
Ses yeux se ferment, elle gémit quand mes doigts caressent en cercles son clitoris :
— Laisse-moi faire… Laisse-moi… répété-je, en collant ma queue tendue contre elle.
— Oh ! mon Dieu, dit-elle en penchant sa tête sur le côté. On ne peut pas faire ça ici.
Mes lèvres explorent sa clavicule et son épaule. J’enserre ses deux poignets dans une main et, de l’autre, je fais glisser sa bretelle le long de son bras. J’embrasse sa peau dénudée. Je répète l’opération de l’autre côté et la robe descend pour révéler un soutien-gorge bustier de dentelle blanche. Putain. Y a-t-il une seule chose chez cette fille qui ne m’excite pas à mort ? Ma bouche se pose sur ses seins, ma main libre défait l’agrafe du soutien-gorge. Je veux revoir sa poitrine totalement nue. Elle s’ouvre facilement et la dentelle tombe – je suis en face de la vision qui envahit mes fantasmes les plus obscènes. Je prends un téton dans ma bouche, elle gémit et ses genoux tremblent.
— Chhhhhh, murmuré-je.
— Encore, ordonne-t-elle. Plus fort.
Je la soulève et elle enroule ses jambes autour de ma taille, nos corps sont étroitement enlacés. Je relâche ses mains et elle les plonge tout de suite dans mes cheveux, qu’elle tire pour m’attirer à elle. Putain, j’adore quand elle fait ça. Je la pousse contre la porte – nos vêtements m’encombrent. Je veux sentir la chaleur de sa peau contre la mienne, et m’enfouir en elle, la garder immobilisée contre le mur jusqu’à ce que tout le monde aille se coucher.
Elle semble lire dans mes pensées, ses doigts descendent et sortent avec frénésie mon polo de mon pantalon. Elle le fait passer par-dessus ma tête.
Un rire qui vient de dehors flotte dans la pièce. Et je la sens se tendre contre moi. Un long moment passe avant que nous nous regardions. Il est clair qu’elle lutte pour savoir quoi dire.
— On ne devrait pas faire ça, lâche-t-elle finalement en secouant la tête.
Elle me repousse sans enthousiasme, mais je tiens mes positions.
— Tu as envie de lui ? demandé-je, sentant une vague de possession bouillir en moi.
Elle soutient mon regard sans rien répondre.
Je la repose par terre et la pousse jusqu’à la coiffeuse, me plaçant derrière elle. De là où nous sommes, nous avons une vue parfaite sur la terrasse juste en dessous.
Je colle son dos nu contre ma poitrine, ma bouche dans son oreille :
— Tu le vois ? demandé-je, mes mains sur ses seins. Regarde-le.
Mes mains glissent sur son ventre, le long de sa robe descendue jusqu’à la taille, puis sur ses cuisses.
— Est-ce qu’il te fait ressentir ce que tu ressens maintenant ?
Mes doigts dérivent sur son pubis et se glissent sous sa culotte. Un soupir m’échappe quand je sens combien elle est trempée. Mes doigts s’introduisent en elle :
— Est-ce qu’il te fait mouiller ?
Elle feule et presse ses hanches contre moi :
— Non…
— Dis-moi ce que tu veux, soufflé-je dans son cou.
— Regarde-le, répété-je, mes doigts allant et venant en elle. Tu sais ce que tu veux.
— Je veux te sentir en moi.
Elle n’a pas besoin de me le demander deux fois. Je retire rapidement mon pantalon et je le fais tomber au sol. Je pétris son cul avant de remonter la robe et d’attraper sa culotte dans ma main.
— Déchire-la… chuchote-t-elle.
Jusqu’alors, je ne m’étais jamais permis d’être aussi brutal et primitif avec une femme. Mais ça semble tellement évident avec elle. Je tire d’un coup sec et l’étoffe fragile se déchire, presque trop facilement. Je laisse tomber les lambeaux sur le sol, mes mains contre sa peau. J’immobilise ses mains dans les miennes sur la table devant nous.
Elle est impressionnante, dans le miroir : penchée en avant, la robe sur les hanches, son cul parfait devant mes yeux. Nous gémissons tous les deux quand je me relève pour la pénétrer profondément. Je me penche, j’embrasse son dos, avec un nouveau « chhhhh ».
Des rires plus forts viennent de l’extérieur. Joël est en bas. Joël, ce gentil garçon qui veut me la prendre. Aucune pitié. L’image suffit à me donner envie de la baiser plus brutalement.
Ses bruits étouffés me font sourire, je la récompense en augmentant le tempo. Une part tordue de moi est mécontente que Chloé ne se manifeste pas plus que ça.
Elle halète, ses doigts cherchent quelque chose pour s’accrocher, et ma queue durcit en elle, toujours plus – elle veut crier mais ne peut pas. C’est effroyablement excitant.
Je parle doucement dans son oreille, je lui demande si elle veut se faire baiser ; je lui demande si elle aime que je sois salace, si elle aime me voir vicieux comme ça. Je la prends si fort qu’elle aura probablement des bleus.
Elle murmure oui, et je vais plus vite, plus fort. Elle me supplie d’y aller encore plus fort.
Les flacons et les tubes de crème sur la coiffeuse tremblent et se renversent, mais je m’en fous. J’attrape ses cheveux et je tire sa tête en arrière. Son dos est contre ma poitrine :
— Tu crois qu’il peut te faire ressentir ça ?
Je continue à la pénétrer, en la forçant à regarder par la fenêtre.
Je sais que je suis en train de faire une connerie. Tout s’effondre autour de moi, et je m’en fous. Je veux qu’elle pense à moi ce soir en se couchant. Je veux qu’elle me sente en elle quand elle ferme ses yeux et qu’elle se branle, qu’elle se rappelle comment je l’ai baisée. Ma main libre attrape ses seins et en tord les pointes.
— Non… gémit-elle. Jamais comme ça.
Ma main descend le long de son flanc jusqu’à l’arrière de son genou, qu’elle force à se plier et à se poser sur la table. Elle est encore plus ouverte ainsi, ma queue la fore en profondeur.
— Tu sens comme tu me conviens parfaitement ? grogné-je dans son cou. Putain, ce que c’est bon. Quand tu redescendras sur la terrasse, je veux que tu t’en souviennes. Et que tu te souviennes de l’effet que tu me fais.
La sensation commence à devenir renversante, je m’approche de l’orgasme. Je suis désespéré. J’ai envie d’elle comme d’une drogue, et ce sentiment écarte toute autre pensée. Je prends sa main dans la mienne et je serre ses doigts en les faisant descendre sur son clitoris. Nos mains tremblent. Je gémis en les glissant en elle.
— Tu sens ça ? murmuré-je dans son oreille, étendant nos doigts pour qu’ils entourent ma queue.
Elle tourne la tête et gémit dans mon cou. Je sens venir le climax. Retirant ma main de ses cheveux, je recouvre sa bouche et j’embrasse sa joue brûlante. Son cri – peut-être mon prénom – est étouffé par ma main, son corps se tend et se resserre autour de moi.
Ses yeux se ferment et ses lèvres se relâchent – soupir satisfait. Je la prends plus vite, en regardant dans le miroir ses seins ballotter.
Mon orgasme monte. Sa main tombe de mes cheveux pour couvrir ma propre bouche et je ferme les yeux, laissant la vague me submerger. Je la prends plus fort et plus loin avant de jouir.
J’ouvre les yeux, j’embrasse la paume de sa main avant de la retirer de ma bouche. Mon front se pose sur son épaule. Les voix que nous avions oubliées continuent de monter jusqu’à nous. Elle se laisse aller contre moi et nous restons ainsi quelques instants.
Elle s’éloigne lentement et je fronce les sourcils au moment où elle se détache de moi. Je la regarde remettre son soutien-gorge, rattacher les rubans de sa robe, la lisser. Je me baisse pour ramasser mon pantalon et j’attrape la dentelle déchirée de sa culotte, la glissant dans ma poche. Elle lutte toujours avec ses rubans, je vais vers elle, j’écarte ses mains et je rattache ses bretelles sans la regarder en face.
Soudain, le malaise. J’ouvre le verrou, en pensant à ce que je pourrais dire, n’importe quoi, pour le briser. Comment puis-je lui demander de baiser avec moi et seulement avec moi et de ne rien attendre d’autre ? Dire une chose pareille me vaudrait un coup de pied expéditif dans les couilles. Mais je ne sais pas comment expliquer ce que je ressens quand je la vois avec Joël. Mon esprit est vide. Mécontent, j’ouvre la porte. Et je me fige devant un regard glacial.
Là, devant la porte, les bras croisés et les sourcils relevés, se trouve Mina.