CHAPITRE IX

Dans la suite diplomatique de l’hôtel le plus luxueux d’Ord Mantell, Jacen n’arrivait pas à effacer de son esprit le visage d’Anja. Ses traits délicats qui contrastaient avec la force et l’agilité de son corps.

Ses yeux tristes, remplis de douleur et d’un soupçon de folie…

Zekk devait se sentir proche d’elle, car il avait hoché la tête avec sympathie quand la jeune femme avait évoqué sa vie d’orpheline. Il était bien placé pour comprendre… Mais Jacen ne pouvait pas en parler avec son ami, retourné pour la nuit à bord du Dragon de Pierre en compagnie de Tenel Ka et de Lowie.

Jacen passa les mains dans ses boucles châtaines en faisant les cent pas dans sa chambre. Pourquoi Anja l’obsédait-elle à ce point ?

Quand Anakin sortit de la salle de bains, les cheveux encore humides, son regard bleu transperça son aîné.

— Quelque chose te préoccupe, constata-t-il.

Surpris par la clairvoyance du jeune garçon, Jacen se laissa tomber sur un banc, près de la cheminée ornementale qui se dressait au centre de la pièce. Anakin s’installa en face de lui pour contempler les flammes synthétiques.

— Elle est étonnante, non ? demanda-t-il calmement.

Jacen secoua la tête.

— Je… je ne comprends pas pourquoi notre père ne lui a pas dit ce qui était réellement arrivé au sien, avoua-t-il. Il lui a fourni des explications si vagues…

— Il a juré qu’il n’avait pas tué Gallandro, déclara Jaina en rejoignant ses deux frères. Que voulais-tu savoir de plus ?

Jacen leva le menton.

— Je veux que papa nous dise ce qui s’est passé, s’obstina-t-il.

Anakin haussa les épaules.

— Tu n’as qu’à le lui demander.

— Me demander quoi ? lança Yan en entrant dans la pièce, une serviette de toilette passée autour du cou.

Il vint s’asseoir entre ses deux fils, face à Jaina.

Jacen prit une inspiration et lâcha :

— Anja dit que tu as tué son père. Tu as nié, mais sans expliquer ce qui était arrivé à Gallandro.

Yan hocha lentement la tête.

— Cette jeune femme m’a pris par surprise. Elle m’a rappelé un épisode de mon passé dont je ne suis pas très fier.

Jacen se demanda si l’hésitation qu’il avait entendue dans la voix de son père provenait de sa culpabilité.

— Alors, que s’est-il passé ? s’enquit Jaina, une lueur d’intérêt dans les yeux.

— Nous étions à la recherche du trésor perdu de Xim le Despote. Comme moi, Gallandro était un contrebandier et un fieffé vaurien. Quand nous avons découvert le trésor, il a trahi notre équipe et voulu tout garder pour lui seul. Alors, il m’a défié en duel au blaster.

— Et… ? demanda Jacen.

Yan haussa les sourcils.

— J’ai perdu.

Ses enfants le dévisagèrent, stupéfaits : il avait la réputation d’être un des meilleurs tireurs de la galaxie.

— Pourtant, tu n’es pas mort, dit Jacen.

— Gallandro m’a touché à l’épaule. Du coup, je l’ai manqué, et j’ai lâché mon blaster en tombant. Il en a profité pour me ligoter et pour partir à la poursuite d’un de nos associés, un Ruurien nommé Skynx.

— Les non-humains qui ressemblent à des Hutts miniatures ? demanda Anakin. Mais avec des longs poils et des jambes ?

Yan acquiesça.

— Je n’étais même pas là quand Gallandro l’a rattrapé. Mais l’épave était piégée : des défenses automatisées se déclenchaient en cas d’utilisation de certaines armes aux abords de la salle du trésor. C’est Skynx qui me l’a raconté plus tard.

Jaina ferma les yeux.

— C’est affreux…

Mais Jacen demeurait sceptique.

— Si c’est bien ce qui s’est passé, pourquoi ne l’as-tu pas raconté à Anja ?

Le regard de Yan se planta dans celui du jeune garçon.

— Lui raconter quoi ? Que son père était un traître et un imbécile, mort pour avoir réfléchi avec son blaster au lieu de son cerveau ? Et puis, elle me hait depuis si longtemps qu’elle ne m’aurait probablement pas cru. Ou elle se serait retournée contre Skynx…

Ses épaules s’affaissèrent.

— Pourtant, ajouta-t-il, je me sens responsable d’elle. J’aimerais pouvoir l’aider.

Jacen se demanda si son père leur avait réellement tout dit.

— On peut peut-être faire quelque chose, dit Anakin.

— Au sujet de sa planète ? devina Yan.

— Anobis n’est pas très loin, et cette guerre civile a l’air horrible, ajouta Jacen.

— Une visite s’impose… murmura Yan. Je pourrais me présenter comme un envoyé de la Nouvelle République.

— Une sorte de mission diplomatique ? avança Jaina. Je suis certaine que maman approuverait.

— Je le crois aussi, répondit Yan en souriant.

Il se leva, ébouriffa les cheveux de ses fils et se baissa pour embrasser Jaina sur la joue.

— Maintenant, il est l’heure de dormir. Je vais m’habiller et aller appeler la présidente de la Nouvelle République.

Jacen hocha la tête d’un air satisfait.

C’était le moins qu’il pouvait faire.