QUELQUES CHANSONS…
Demain vient l’âge des casernes
et le temps des commissariats
la liberté à la lanterne
et la torture comme salariat ;
demain l’œil noir de Big Brother
le poing fermé de Petit Père
les chemises brunes et haut les cœurs
et l’on se tait – et l’on se terre…
Alors
pour le temps qu’il nous reste à vivre
si nul ne se lève nous délivre
viens donc petite au bord de moi
pour que tu n’aies peur ni ne trembles
pour le temps qui nous reste ensemble
reste petite au bord de moi.
Demain l’éclat de mille soleils
à la verticale des cités
demain le grand rire sans pareil
des enfants de l’atome lâchés ;
demain les portes de l’enfer
grandes ouvertes sur la Géhenne
ce vent pourrissant toute chair
quatre cavaliers sur la plaine…
Alors
pour le temps qu’il nous reste à vivre
avant l’incandescence du cuivre
viens donc petite au creux de moi
pour que tu n’aies peur ni ne trembles
pour le temps qui nous reste ensemble
reste petite au creux de moi.
Demain le règne chirurgical
notre vie jouée au poker
entre l’asile et l’hôpital
entre la nuit et le cancer ;
demain le viol est génétique
ton fils et ta fille naîtront robots
bons pour les guerres épidémiques
qui nous feront moisir au chaud…
Alors
pour le temps qui nous reste à vivre
avant que nos cellules s’enivrent
viens donc petite au creux de moi
pour que tu n’aies ni peur ni ne trembles
pour le temps qui nous reste ensemble
reste petite au mieux de moi.
Demain le gel demain la glace
demain la Terre prise en tenailles
d’un grand hiver figeant l’espace
et le sol pleurant ses écailles ;
demain les hommes dinosaures
brusquement effacés du temps
demain crépuscule et aurore
demain adieu – demain néant…
Alors
pour le temps qu’il nous reste à vivre
avant le froid avant le givre
viens donc petite au chaud de moi
pour que tu n’aies peur ni ne trembles
pour le temps qui reste ensemble
reste petite au chaud de moi
reste petite au chaud de moi.
Au départ
ils nageaient au fond de la mer
puis plus tard
voulurent prendre l’air
alors ils se tirèrent avec leurs nageoires
sur une île
où ils purent s’asseoir
Là-dessus
leur poussa entre épaules et cul
un tissu
plein de plumes dessus
s’envolèrent
au fond des nues et puis d’un coup
retombèrent
sur leur pieds debout
Leur cerveau
libéré de la gravité
devint gros
et plein de pensées
inventèrent
pour s’élancer jusqu’aux planètes
des tuyères
comme des comètes
De là-haut
après tant d’heureuses envolées
leurs vaisseaux
sur Terre ont chuté
eux alors
après avoir un peu marché
sur les bords
des flots sont allés
Ont plongé
dans leur océan retrouvé
puis après
avoir bien nagé
L’air les a
encore une fois attirés
et tout a
pu recommencer…
Le ciel en quelques heures
a perdu ses oiseaux
et l’on a vu des loups
dans la forêt là-haut ;
les chiens hurlent à la lune
les rats quittent les villes
le soleil a fondu
le temps est immobile…
Mets-toi à tes tricots
je vais rentrer du bois
tu sais qu’à ce qu’on dit
il va faire très très froid
Mai va tout de travers
voici venir l’hiver
On dit taches solaires
on dit gaz carbonique
on dit effet de serre
on dit bombe atomique ;
des savants en congrès
font la bête ou font l’ange
mais au bistro on sait
que la Nature se venge…
Calfeutre les fenêtres
je m’occupe du toit
tu sais qu’à ce qu’on dit
il va faire très très froid
l’année tourne à l’envers
voici venir l’hiver
On dit que les glaciers
vont atteindre Bruxelles
des icebergs se déhanchent
au large de La Rochelle ;
la banquise a coulé
sur le port d’Amsterdam
et l’Angleterre est nue
sous la dent du blizzard…
Engrangeons seigle et blé
des jambons et des anchois
tu sais qu’à ce qu’on dit
il va faire très très froid
on le respire dans l’air
voici venir l’hiver
Le peuple crie sa rage
et descend dans la rue
les religions pavoisent
crient « les Temps sont venus » ;
on choisit les cachets
ou la route du sud
on pille ou l’on s’enterre
l’avenir sera rude…
Graisse bien le fusil
je remplis mes carquois
tu sais qu’à ce qu’on dit
il va faire très très froid
l’époque a goût amer
voici venir l’hiver
Certains encore espèrent
« ce sera passager »
et d’autres s’exaspèrent
en appellent à l’armée ;
moi je me tais, j’écoute
et j’ai le rire aux dents
moi je guette le jour
où le monde sera blanc…
Ne te retourne pas
il n’y a plus d’autrefois
mais tu sais mon amour
on tiendra – on tiendra
pour quelques millénaires
voici venir
l’hiver.