Épilogue
Allan et Amanda furent très heureux ensemble. Ils étaient comme qui dirait faits l’un pour l’autre. L’un était totalement allergique à toute discussion sur la religion ou l’idéologie, et l’autre n’avait aucune idée de la signification du mot idéologie, et ne parvenait pas à se rappeler le nom du Dieu auquel elle était supposée croire. Il s’avéra de surcroît, un soir où leur tendresse mutuelle les rapprocha particulièrement, que le professeur Lundborg avait dû s’emmêler les bistouris ce jour d’août 1925 où il l’avait opéré, car Allan réussit à faire ce qu’il n’avait jusqu’ici pu voir qu’en images.
Le jour de son quatre-vingt-cinquième anniversaire, Amanda reçut de son mari un ordinateur portable avec une connexion Internet. Allan avait entendu dire que les jeunes aimaient bien surfer sur le Net.
Amanda mit quelque temps à comprendre comment entrer son mot de passe, mais elle était têtue et au bout de quelques semaines elle avait réussi à créer son propre blog. Elle y écrivait quotidiennement tout ce qui lui passait par la tête et y relatait aussi bien le passé que le présent. Elle raconta notamment toutes les aventures qu’avait vécues son homme dans ses voyages autour du monde. Dans son esprit, son lectorat serait composé par ses amies de la bonne société balinaise, car elle ne voyait pas qui d’autre pourrait avoir accès à sa page personnelle.
Allan était en train de déguster son petit déjeuner sur la véranda comme à son habitude quand il vit soudain surgir un gentleman en costume. L’homme lui dit qu’il avait été envoyé par le gouvernement indonésien qui était tombé par hasard sur un certain nombre d’histoires sensationnelles dans un blog sur Internet. Le président l’avait envoyé en mission auprès de monsieur Karlsson afin de lui demander de bien vouloir le faire profiter de ses connaissances spécifiques, si ce qu’il avait lu était vrai.
— Et à quoi puis-je être utile, je vous prie ? répondit Allan. Il n’y a que deux choses que je sache faire mieux que la plupart des gens. L’une d’elles est de distiller de l’eau-de-vie avec du lait de chèvre et l’autre est de fabriquer une bombe atomique.
— C’est exactement ce qui nous intéresse, dit l’homme.
— Le lait de chèvre ?
— Non, dit l’homme. Pas le lait de chèvre.
Allan invita le représentant du gouvernement indonésien à s’asseoir. Il lui expliqua qu’il avait jadis donné la formule de la bombe à Staline et qu’il avait eu là une mauvaise idée, car il s’était avéré que Staline n’était pas très bien dans sa tête. Il voulait maintenant savoir dans quel état mental était le président de l’Indonésie. L’envoyé du gouvernement lui affirma que le président Yudhoyono était un homme très intelligent et responsable.
— Voilà qui fait plaisir à entendre, dit Allan. Alors je serai ravi de lui apporter mon aide.
Et c’est ce qu’il fit.