Intelligence Information Agency

Bureau NY 112

De : Titan Trigger À : George Livroski

Le 23 septembre 1992

Affaire GICh/F

TOP SECRET INF. – PRIORITÉ 01 – TOP SECRET INF. – PRIORITÉ 01

Transcription de la conversation entre l’agent 112 (équipe Orient) et Vichaï Siwasariyanon, gérant du cabaret le Siamese Angels, à Patpong 2, Bangkok, le 19 mars à 23 h 45. La conversation a été enregistrée dans le cabaret même. Forte ambiance musicale en arrière-plan.

V.S. : Frankie ?… Oui, on l’appelait « Ki » entre nous. Il habitait à Talat Phlu. Il travaillait comme rabatteur.

112 : Rabatteur ?

V.S. : Ouais… Pardon, je… (un silence de 47”). Les Allemands, c’est toujours eux qui foutent le bordel. Ils boivent, ils gueulent, ils tapent les filles. Toujours en bande, ils viennent. J’aime pas ça… (silence de 20”). Pourquoi vous me parlez de Ki ? Vous êtes flic ?

112 : Enquêteur privé. J’ai une agence dans la Sumkhuvit. Ça, c’est ma carte. On a retrouvé les vrais parents de Frankie, en Amérique. Ils sont morts. On m’a demandé de le rechercher parce qu’il est le seul héritier.

V.S. : Oh merde. Américain, hein ? Pour de vrai ? C’est ce qu’y disait, on n’y croyait qu’à moitié. Il hérite de combien ?

112 : Je ne sais pas. Beaucoup sûrement, sinon on n’aurait pas pris la peine de le faire rechercher. Qu’est-ce que vous savez de lui ?

V.S. : Rien.

112 : Vous disiez tout à l’heure…

V.S. : C’est plus pareil, puisqu’il hérite, hein ?… Pardon… (silence de 3’SO”).

V.S. : On en était où ? Vous prenez une fille ? La 27, Umpika, je vous la conseille, elle…

112 : Non. Pas de fille. Combien ?

V.S. : En dollars ?

112 : Comptez.

V.S. : Merci, mon prince. Whisky, bière ?

112 : Whisky. Glace… (silence de 40”). Alors ?

V.S. : Rabatteur. Ça veut dire qu’il allait chercher les touristes dans les hôtels pour le compte de M. Li. Garçons, filles, opium, il faisait du business. Il parlait l’anglais, l’allemand, un peu d’italien aussi, et comme il avait l’air occidental, on le laissait entrer partout. Il était démerdard, pas croyable. Il filait tout son fric à ses parents adoptifs.

112 : Quel âge ?

V.S. : Onze, douze ans.

112 : Vous pourriez me le décrire ?

V.S. : Brun, pas grand, très costaud. Méchant.

112 : Méchant ?

V.S. : Ouais. Méchant. Il était haut comme ça et il foutait la trouille à tout le monde. Il vous aurait cassé en deux, juré. À moi, il m’a cassé la gueule.

112 : À vous ?

V.S. : Oui. Pourtant je pesais déjà au moins quatre-vingts kilos. On faisait des combats, dans la rue, on pariait. Ki voulait jamais se battre. Moi j’étais une sorte de champion dans le quartier, je l’ai chope par le col et je l’ai insulté… On était vraiment cons, quoi…

112 : Et alors ?

V.S. : Alors, il se débattait, il voulait que je le laisse partir. Tous les autres rigolaient autour. Moi, pour qu’il s’énerve, je lui ai répété ce que tout le monde disait : qu’il était le fils d’une pute et d’un GI.

112 : Et… ?

V.S. : Alors… Merde, ça me fout encore la chair de poule quand j’y repense. Y m’a regardé. Pire qu’un cobra. Et puis il a poussé un cri. Après, j’ai plus rien vu. Un coup de poing, un coup de pied, j’étais dans le ruisseau. Je vous jure. Raide. Deux côtes cassées, celles-là, là et là. Et le nez. n est resté tordu longtemps. Ça m’a calmé, hein.

112 : Vous savez où il est maintenant ?

V.S. : Peut-être…

112 : J’ai déjà payé.

V.S. : Je me souviens pas. C’est vieux. Ça fait au moins cinq ou six ans… Vous prenez Umpika ?

112 : Combien ?

V.S. : Cinquante pour moi, cinquante pour elle.

112 : (Un silence)… Alors ?

V.S. : Frankie avait la police aux fesses. Des vraies emmerdes. Ses parents adoptifs… comment y s’appelaient ?

112. Bontawee et Kanokporn.

V.S. : Voilà. Y sont partis dans le Nord, vers la Birmanie. Ils ont dit qu’il essaieraient d’embarquer pour la Hollande à Rangoon. 112 : La Hollande ?

V.S. : Oui. Y disaient qu’ils avaient des cousins là-bas. C’est tout ce que je sais. Juré. Je vous fais venir Umpika.

Fin d’enregistrement

Note : On y est, George. J’ai mis le réseau Europe sur la piste. Trouver un couple de Thaïlandais est beaucoup plus facile en Hollande qu’à Bangkok, pas vrai ?

Préparez vos bagages.