23

Sur Parnassos, dix ans plus tôt

Heureusement, les plus décharnés attaquèrent les premiers. Torben déposa doucement Gosta sur le sol et se prépara à contrer l’offensive ; Siv montra les dents, hurla. L’homme qui se présenta devant Phasma était si maigre que ses os saillaient sous sa peau. Sans attendre, elle lui assena un coup de tête avant de l’écarter. Suivant son exemple, Torben repoussa les assaillants comme des fétus de paille, qui s’effondraient et roulaient sur le sol dur en gémissant. Siv entra dans la danse, faisant voler ses poings, découvrant l’amertume d’un combat gagné d’avance.

— Arrête ça ! cria Phasma à l’un d’entre eux, à terre, qui essayait de l’atteindre.

— Vous avez à manger ? demanda-t-il.

— Ils sont pleins de vie, ajouta un autre.

— Ça ne durera pas, lança un troisième, plus loin dans la pièce.

Brendol et ses troopers se tenaient derrière les Scyres. Les soldats avaient déposé Elli près de Gosta, mais Hux ne leur avait pas donné l’ordre de se battre et, en l’absence de menace directe, ils attendaient, immobiles. Quand l’attaque cessa, Brendol s’avança, dépassant Torben pour se placer à côté de Phasma.

— Que quelqu’un nous explique où nous nous trouvons.

Un petit homme barbu encore en bonne santé, vêtu d’une tunique à manches longues, sauta d’un lit superposé et se pavana comme s’il était propriétaire de l’endroit.

— Dans la station Arratu, clama-t-il d’une voix théâtrale. Jadis la plus grosse usine d’étoffes, de tissus blindés et de bâches étanches de la Con Star Mining Corporation. Vous savez ce qui s’est passé. Tout est parti à vau-l’eau. Il ne reste plus que nous.

Brendol claqua des doigts :

— Viens-en au fait.

— C’est une prison.

— Nous le savons. Mais qu’attendent-ils de nous ? Simplement qu’on souffre ? Quelque chose me dit que ce n’est pas tout.

Le petit homme croisa les bras, un sourire narquois aux lèvres. Sa tunique drapée ressemblait à celle des plus riches habitants de la cité ; le tissu, froissé et usé, avait néanmoins conservé une teinte vive, un rouge éclatant que l’on ne trouvait pas dans le Scyre – à l’exception du sang frais.

— Nous sommes trop nombreux ici, fit-il simplement. Pas assez de nourriture, pas assez de place. Nous servons donc l’Arratu dans l’espoir de nous attirer ses faveurs.

— Et que demande-t-il ? insista Brendol.

L’homme se dirigea vers l’un des prisonniers squelettiques sur le sol, qui continuait de ramper en direction de Phasma malgré sa démonstration de force.

— Si vous l’ennuyez, vous souffrirez pour le divertir. Si vous l’intéressez, il sera satisfait. Êtes-vous intéressant ou ennuyeux ?

Brendol lâcha un soupir et regarda autour de lui d’un air las.

— Je m’ennuie.

— Tout comme l’Arratu. Je vous suggère de trouver le moyen de lui plaire. (L’homme donna un coup de pied au prisonnier rampant, qui roula sur le côté avec un faible grognement.) Car la souffrance ne constitue pas un spectacle très agréable. Tout le monde a une chance de gagner de la nourriture, voire de retrouver la liberté, mais l’Arratu est exigeant : ceux qui ne le distraient pas ne mangent pas. Ces malheureux sont dégagés une fois par semaine. (Il sourit, révélant des dents jaunies.) La soupe est toujours super bonne ce jour-là. Au fait, je m’appelle Vrod. (Il leva les deux mains, laissant retomber les manches de sa tunique : la droite était d’un rose blanchâtre, alors que le reste de son corps était d’un brun cuivré.) Vrod de la Main Blanche, comme on m’appelle ici. J’ai de la chance, j’amuse toujours l’Arratu, c’est pour ça que j’ai la charge de cette prison remplie de chair à arènes. Ton heure viendra bientôt. Espérons que tu trouveras rapidement ton talent personnel.

Sur ce, Vrod pivota vers la porte. Il aboya un ordre, le panneau coulissa et il sortit d’un pas nonchalant. Dès qu’il fut parti, les occupants de la pièce se focalisèrent de nouveau sur les nouveaux arrivants.

— Je suis le général Brendol Hux, cria Brendol, assez fort pour que tout le monde puisse l’entendre. Nous n’avons pas de nourriture. Elle nous a été confisquée. Mais je vous préviens : nous sommes des guerriers entraînés. Si vous nous posez problème, ce sera encore plus douloureux que ça.

Il fit signe à un trooper, qui s’avança vers la forme à moitié morte sur le sol aux pieds de Phasma, et l’écrasa sous sa botte jusqu’à ce qu’un lourd craquement vienne rompre le silence.

Le dortoir fut parcouru de hochements de têtes obéissants – et respectueux. Siv était horrifiée, par la prison comme par cette cruelle exécution. Il s’agissait peut-être d’abréger les souffrances du moribond, mais le bruit des os rompus suggérait une intention plus sombre. Siv regarda les deux soldats : impossible de les distinguer, de savoir lequel venait d’intervenir. Gosta poussa un cri, Siv fit volte-face ; un crève-la-faim avait attrapé la main de la jeune blessée, qui se débattait sur le sol.

— Torben ! appela-t-elle.

Le grand guerrier se hâta de chasser l’homme à coups de pied avant de reprendre Gosta dans ses bras.

— Elle a besoin d’un lit, fit-il remarquer.

Phasma étant toujours un peu étourdie, Siv s’apprêtait à prendre la parole quand Brendol intervint.

— Là.

Les lits superposés qu’il indiquait abritaient cinq prisonniers, si maigres qu’ils tenaient à deux en haut et trois en bas, sur des matelas individuels. Siv comprit qu’il serait aisé – mais particulièrement cruel – de les déloger. Cependant, elle venait du Scyre, et les deux femmes avaient besoin d’un endroit sûr, facile à défendre. Pete et Huff se dirigeaient déjà vers les lits et tout dans leur allure suggérait que les occupants de la couchette feraient mieux d’en sortir avant qu’on ne les y oblige. Ce qu’ils firent, se laissant glisser sur le sol comme s’ils n’avaient pas la force ou l’énergie de se lever. Siv eut des remords en les regardant s’éloigner en rampant, mais au moins, Brendol les avait épargnés.

Torben posa délicatement Gosta sur la couchette du haut et Siv vint s’asseoir près d’elle. La chaleur et l’odeur familière d’un ami apportaient un réconfort animal. Depuis leur arrivée en ville, l’odorat de Siv avait été incommodé par les fragrances entêtantes d’innombrables corps, auxquelles s’ajoutait le parfum piquant des plantes grimpantes.

— Ça va ? demanda Siv tandis que Pete et Huff installaient Elli dans le lit du bas.

— J’ai mal à la tête, je suis sensible au bruit et à la lumière, mais je pense que ça ira.

La petite avait du cran ; Siv sourit, puis la poussa gentiment du coude.

— Bien. On n’a pas vraiment besoin de ta tête de toute façon. Et tu n’es pas la seule, la lumière est trop vive ici.

— Que va-t-il se passer, Siv ? demanda Gosta. Que nous veulent-ils ?

Siv la recoiffa, rassurante.

— Nous le saurons bien assez tôt. En attendant, repose-toi. Tu dois reprendre des forces pour la suite.

Gosta se blottit confortablement. Siv s’autorisa un petit moment de détente, appréciant le matelas après le trajet épuisant en VAT. Sa nausée était passée, mais elle mourrait de faim et ne pouvait rien y faire. Elle s’allongea à son tour pour une courte sieste. Torben se trouvait à ses côtés, montant la garde près du lit superposé, son épaule arrivant à la hauteur de la couchette du haut. Il passa ses énormes phalanges sur la joue de Siv avant de se redresser, défiant la pièce d’un regard menaçant. Phasma et Brendol, au pied du lit, discutaient à voix basse. Les stormtroopers gardaient chaque côté et Siv estima qu’elle était suffisamment en sécurité pour céder à l’épuisement.

En s’endormant, elle vit les prisonniers décharnés s’approcher du corps que le stormtrooper avait écrasé, le regard vide, luisant de convoitise. Elle ferma les yeux et se détourna. Utiliser les détraxeurs était une chose, quand tout le monde, mort ou vif, assumait ses responsabilités face au groupe : l’usage de la machine restait digne, l’aiguille ne laissait qu’un trou minuscule, à peine visible. Ici, cependant, les cadavres avaient une autre place. Siv avait déjà eu faim, mais jamais autant que les prisonniers sur le sol, et elle espéra ne jamais connaître leur sort.

 

Le lendemain, Vrod apparut, vêtu d’une tunique bleu vif, sa longue barbe tressée teintée de violet. La veille, quand ils avaient fait sa connaissance, il ressemblait à un prisonnier lambda, mais il s’agissait certainement d’une ruse ou d’un piège destiné à les tester. Désormais, il avait l’air d’une caricature d’homme, avec de la peinture colorée autour des yeux ; des coutures sur sa manche accentuaient la blancheur de sa main. Un murmure inquiet parcourut le dortoir. Il regarda ses prisonniers avec un sourire satisfait et impatient, puis claqua des mains.

— Ceux d’hier, venez avec moi. Il est l’heure de rencontrer l’Arratu et de voir ce dont vous êtes capables.

Brendol fit un pas en avant.

— Tous ? Un de mes troopers est blessé.

Vrod haussa les épaules.

— Ce n’est pas mon problème. Vous n’avez qu’une seule chance de voir l’Arratu, vous feriez mieux de la saisir.

Ils avaient retiré le casque d’Elli pour la nuit. Quand Siv descendit de la couchette, elle remarqua son teint inquiétant. Elle était pâle, ses yeux étaient cernés de violet, ses lèvres avaient une couleur bleutée.

Phasma se pencha vers elle et confirma les craintes de Siv.

— Elle a la nuque brisée. Même si elle se réveille, elle ne pourra plus utiliser ses jambes, voire ses bras. Brendol pense qu’elle pourra s’en sortir, mais dans son monde, on est habitué aux miracles médicaux.

— Une raison de plus de retrouver le vaisseau, fit Siv.

Phasma acquiesça.

— Mais on n’y arrivera pas en traînant un poids mort.

Elle se leva et s’adressa à Vrod.

— Nous autorises-tu à garder nos vêtements ?

Vrod gloussa.

— Oui, si votre accoutrement amuse l’Arratu.

Hux et Phasma échangèrent un regard, dialogue silencieux que vint conclure un hochement de tête de Brendol.

Sans un mot, Phasma se mit à déshabiller Elli.

Elle n’était pas maladroite, mais la tâche s’avéra compliquée. Les deux autres troopers ne savaient pas s’ils devaient intervenir pour l’assister ou la repousser, jusqu’à ce que Brendol lâche un soupir.

— Très bien. Aidez-la.

— Top chrono ! lança Vrod. (Il se tourna vers un amas, sous une couverture, dans un coin de la pièce.) Qui a tiré la courte paille hier soir ? Ah. Il n’était pas très intéressant. Pas une grosse perte. Espérons que les nouveaux venus soient distrayants, sinon vous n’aurez que des os à ronger.

Tous les regards se braquèrent sur le groupe et Siv eut l’impression d’être dépecée vivante. Ces gens avaient oublié toute notion de loyauté ou de gentillesse, ils n’étaient plus que faim et désespoir. Le Premier Ordre constituait peut-être une réponse à cette situation, comme Brendol l’avait affirmé, s’il était capable de prendre cette cité misérable, surpeuplée, et de la pacifier.

Avec l’aide des stormtroopers, Phasma harnacha l’armure blanche par-dessus ses vêtements. La taille ne lui convenait pas, car Elli, plus trapue, faisait une tête de moins qu’elle, mais au bout du compte, la plus grande guerrière du Scyre se retrouva vêtue de la meilleure armure que Siv avait jamais vue. Quand Phasma enfila le casque, elle lâcha un hoquet de surprise.

— Tu t’y habitueras, fit Brendol tandis qu’elle tournait la tête à droite et à gauche.

— Qu’est-ce que tu vois ? demanda Siv.

Chose éminemment rare, Phasma rit.

— Plus de choses…, se contenta-t-elle de répondre.

Siv brûlait de savoir ce que l’on voyait à travers cette mystérieuse visière noire. Phasma, qui semblait mal à l’aise depuis qu’elle avait perdu son ancien casque, s’était visiblement détendue, même si leur avenir restait plus qu’incertain.

Le regard de Siv se porta alors sur Elli, qui offrait un spectacle désolant. Elle était amorphe, l’un de ses pieds formait un angle impossible. Phasma avait raison. Elle ne disposait pas des ressources nécessaires pour survivre dans le Scyre, sans parler d’un voyage périlleux dans le désert de sable gris. Sans son casque, uniquement vêtue de sa combinaison noire, le cou tordu et couvert d’hématomes, elle paraissait petite et pathétique, avec ses cheveux grossièrement taillés et ses vieilles cicatrices sur les joues.

— Je n’ai pas les détraxeurs, fit Siv, soudain submergée par leur absence.

Sa tâche dans la tribu était respectée, on la traitait avec une certaine révérence. Sans le baume de l’oracle et la pommade, son peuple serait rapidement brûlé par le soleil, s’affaiblirait ou succomberait à la moindre infection. Enfant, elle avait vu sa mère effectuer ce rituel sacré jusqu’à sa mort, jusqu’à ce jour où elle était tombée d’une flèche de pierre. Elle s’était balancée au bout de la corde, sa tête avait heurté la paroi ; Siv avait dû elle-même récupérer son corps et les détraxeurs dont elle ne se séparait jamais. Elle avait enfoncé l’aiguille dans le bras de sa mère en pleurant. Les larmes étaient rares dans ce monde aride, mais elle les avait récupérées dans une petite fiole et les avait ajoutées à l’essence de sa mère, comme dernier acte d’amour. Depuis ce temps-là, Phasma et les autres guerriers lui tenaient lieu de famille. En présence d’un corps agonisant, mais dépourvue de ses outils, elle avait l’estomac noué par l’impuissance. Les traces vert foncé sur ses joues s’étaient effacées, elle ne pouvait plus rien pour protéger son peuple.

— Vous êtes prêts ? demanda Vrod. L’Arratu est impatient de faire votre connaissance.

Brendol et Phasma s’avancèrent, suivis par leurs guerriers. Siv nota que Phasma marchait d’un pas plus fier avec son armure – certes, elle était habituellement déterminée, mais l’habit lui donnait de la superbe.

Torben aida Gosta à descendre de la couchette et la jeune fille s’appuya contre lui en boitillant. Tandis qu’ils franchissaient le seuil, Siv entendit des pas traînants approcher de leur lit. Elle ne se retourna pas. Ils ne pouvaient pas aider Elli, les règles étaient différentes ici.

D’ailleurs, en y songeant, c’était déroutant : hier ils étaient enchaînés et maintenant ils marchaient, libres, uniquement accompagnés de Vrod. Elle comprit pourquoi dès qu’ils parvinrent dans le couloir. Les hommes de Vrod les attendaient, avec deux chiens gris tenus en laisse. Comme les loups qu’ils avaient affrontés dans le désert, leur peau était étrangement ridée, bosselée, couverte de pustules ; ils montraient les dents et leur grognement sourd laissait deviner leur désir de traquer une proie.

— Il ne serait pas judicieux de vous enfuir, fit Vrod. (C’était l’évidence même.) Mais si l’envie vous en prend, mettez-y du panache, les chiens ont aussi besoin de distractions !

Il les mena le long de plusieurs couloirs familiers, vers l’endroit où se trouvait le turbo-ascenseur dans la station Terpsichore. Ici, cependant, ils se retrouvèrent face à une grande porte. Quand Siv indiqua silencieusement les traits de peinture sur les panneaux coulissants, Brendol fronça les sourcils avant de murmurer :

— Il est écrit : « Bienvenue dans le Néant ». Ça donne envie.

Vrod posa les mains sur la porte et l’ouvrit à la volée, d’un geste théâtral. Elle donnait sur une pièce haute comme six hommes, plus vaste encore que le hangar, aussi grande, semblait-il, que le reste de l’usine. Les murs étaient parfaitement lisses et le plafond si élevé que des squips colorés filaient entre les poutres.

Quand Siv m’a décrit cette pièce, j’ai dû lui apprendre le terme exact : une arène. Des rangées de bancs entouraient un profond puits circulaire aux parois de pierre, tapissé de sable. Mais même sans connaître le nom de cet endroit, elle comprit tout de suite à quoi il servait.

Un frisson lui parcourut l’échine. Le Scyre était un endroit hostile, rempli de dangers aussi absurdes qu’aléatoires, mais cette monstruosité avait été sciemment créée par des humains.

Vrod leur fit passer un portail pour pénétrer dans l’arène. Au centre du cercle, il était naturel de tourner sur soi-même, en regardant vers le haut, et de se sentir tout petit. Les tribunes étaient désertes, à part une sorte de boîte en métal nichée parmi les gradins et protégée de tous côtés par des dais de tissus raffinés. Dans la boîte, un trône, à côté duquel celui du Nautilus paraissait ridicule. Plusieurs femmes et hommes âgés, en tunique violette, étaient assis de chaque côté du haut siège, bavardant avec excitation, pointant leurs éventails en tissu. Cependant, ils ne servaient qu’à mettre en valeur la silhouette emmaillotée dans de volumineuses draperies rouges, coiffée d’un grand chapeau orné, qui occupait le trône : un humain, aussi rose et gras qu’un bébé. Il arborait une moue mécontente, mais se mit à sourire en les voyant approcher. De minuscules squips étincelants s’alignaient sur ses épaules et son chapeau, miroitant au gré de leurs mouvements incessants sur l’étoffe écarlate. Il se redressa avidement sur son siège, ses doigts formant une pyramide.

— Qu’est-ce ? demanda-t-il.

Vrod s’inclina en faisant une révérence de sa main blanche.

— De nouvelles prises pour votre plaisir, mon Arratu. Attrapés hier dans le piège est.

— Que sont-ils ?

— Je ne voudrais pas vous gâcher la surprise, votre majesté.

L’Arratu s’éclaircit la gorge et leur fit un signe de la main.

— Détaillez vos origines exotiques.

Brendol s’avança. Siv remarqua que ses manières avaient radicalement changé. Il faisait des mouvements plus amples, s’exprimait avec un accent plus prononcé, un ton docte, déférent et doux.

— Grand Arratu, nous ne sommes que de nobles pèlerins qui traversent ton magnifique territoire.

L’Arratu bondit sur son trône.

— Oui, mais que savez-vous faire ? Les derniers étrangers avaient une créature des étoiles couverte de fourrure !

Brendol hésita un instant avant de s’incliner.

— Je suis instructeur et stratège pour le Premier Ordre, grand Arratu, je sais gérer et canaliser les jeunes recrues à des fins militaires. Si vous avez besoin d’hommes intelligents, je peux occuper de nombreux postes. Je pourrais par exemple aider à la répartition des ressources afin que davantage de gens mangent à leur faim.

— Je ne l’aime pas, lâcha l’Arratu avec une moue boudeuse. (Il agita les doigts en direction de Brendol, comme pour le chasser, puis se tourna dans son siège et les minuscules oiseaux s’égaillèrent autour de lui.) Attendez ! (Il indiqua Phasma.) Pourquoi est-ce que celui-ci est différent des deux autres ? demanda-t-il en pointant le doigt vers Pete et Huff. Leur armure est à leur taille, mais le grand est bizarre. C’est un clown ?

Brendol s’avança de nouveau.

— Ô, grand Arratu…

— Non, je parle de celui-là. Là, le grand. Qu’est-ce que c’est ?

Phasma prit la parole d’une voix que son casque rendait monocorde, presque robotique. Une semaine plus tôt, Siv n’aurait reconnu ni son timbre ni son accent.

— Je suis Phasma, guerrière du Scyre. J’ai pris cette armure sur un soldat mourant, elle n’est pas à ma taille. Et ma principale compétence, c’est la mort.

L’Arratu se redressa avec excitation, captivé.

— La mort ?

— Je suis prête à affronter n’importe qui ou n’importe quoi en échange de ma liberté.

Bien plus tard, Siv avait remarqué que Phasma ne parlait que d’elle, pas de son peuple.

L’Arratu secoua la tête, faisant remuer son chapeau.

— Ça ne marche pas comme ça. Si tu offres un spectacle agréable, j’aurai envie que tu restes. Il te faudra mettre un peu de théâtralité dans tes exécutions.

— Donc, si je fais l’affaire, je reste, et sinon, je reste aussi ?

— Eh bien, oui, mais si tu te débrouilles bien, tu auras à manger. Et des récompenses.

— Mais Vrod a dit que nous pouvions retrouver la liberté en parvenant à vous distraire.

L’Arratu lança un regard noir à Vrod, qui fit plusieurs pas en arrière.

— Oui, eh bien, il a menti. Je suis le seul à décider des règles.

Phasma hocha la tête ; Siv la connaissait suffisamment bien pour comprendre qu’elle passait divers scénarios en revue, afin de trouver le meilleur angle d’attaque. L’Arratu dévisagea le reste du groupe, cette fois sans broncher.

— Les autres sont plutôt ennuyeux. Même vos vêtements sont ternes. L’un de vous sait-il faire autre chose que se battre ?

Un silence pesant suivit. Quand les yeux fous de l’Arratu se posèrent sur elle, Siv eut l’impression que des pattes d’insectes lui décortiquaient le visage à la recherche d’une faille.

— Je sais raconter les histoires, fit-elle.

Il pencha la tête.

— Oh. Qui parlent de quoi ?

— De la vie dans le Scyre. De nos batailles passées, des récits du temps de ma mère, qu’elle m’a transmis.

Les yeux de l’Arratu s’étrécirent.

— Donc, il ne s’agit que d’histoires sur… des gens comme vous ? Rien de très excitant.

— Ça l’est quand on les a vécues.

L’Arratu renifla avec dédain et agita une main couverte de bagues dans leur direction. Les oiseaux s’envolèrent avant de se poser à nouveau, comme si eux aussi s’ennuyaient.

— Emmène-les, Vrod. Habille-les de manière plus amusante pour ce soir.

Brendol, resté silencieux, prit de nouveau la parole, cette fois sans respect ni emphase.

— Et qu’allons-nous faire ce soir ? demanda-t-il.

L’Arratu sourit comme un enfant qui adore arracher les ailes des papillons.

— La seule chose que vous sachiez apparemment faire. La meilleure. Vous battre.

 

Vrod les conduisit jusqu’à une autre pièce du complexe où ils durent se déshabiller entièrement, se laver avec une eau aux arômes piquants, puis enfiler de nouveaux vêtements colorés, sortis d’une interminable penderie. Ils étaient complètement différents des tenues du Scyre et Siv n’arrivait pas à s’habituer à la chemise ample qui tourbillonnait autour d’elle au moindre déplacement ni au pantalon large qui bruissait à chaque pas. Ses années de lutte sur un terrain rocailleux et accidenté lui soufflaient que ces habits la feraient trébucher ou s’accrocheraient à un obstacle au plus mauvais moment. Ses bottes en cuir lui manquaient, seconde peau capable de résister à la lame la plus tranchante.

Même Phasma dut changer de vêtements sous son armure. Quand on la poussa vers la douche, elle ne cessa de vérifier qu’on ne lui volait pas ses protections. Cependant, l’Arratu avait dû apprécier ce costume, qui l’attendait, intact, sur le banc. Sa tenue en cuir avait néanmoins disparu.

Le temps que les troopers l’aident à enfiler son armure, Torben s’approcha de Siv et lui donna un petit coup d’épaule. Il avait aidé Gosta à se laver : pour les Scyres, la pudeur comptait moins que les économies d’eau. La jeune fille finissait de se coiffer seule, nouant ses longues boucles en une épaisse tresse. Torben se tourna vers Siv, puis posa sa grosse main chaude sur son ventre.

— J’ai vu, dans les douches, fit-il. Comment te sens-tu ?

Siv sourit. Elle se demandait quand il allait remarquer son changement de silhouette. Pour une bête sanguinaire, il savait faire preuve de tendresse et elle se doutait qu’il comprendrait avant les autres.

— Jusqu’ici, ça va.

— Tu devrais manger plus.

— J’aimerais bien.

Il marqua une pause, les mains sur les hanches, détournant timidement le regard.

— Il est de moi ?

Siv gloussa.

— Je pense que tu connais la réponse. De toi ou de Keldo. Il n’y a guère d’intimité dans le Scyre.

Torben sourit et hocha la tête. Elle savait qu’il songeait à leurs chances de s’en sortir.

— Il y aura de quoi t’aider dans le vaisseau de Brendol. Sa médecine.

Siv déglutit difficilement, baissa les yeux. Elle avait déjà perdu deux bébés avant qu’ils soient complètement formés. Dans le Scyre, les enfants viables étaient encore plus rares que les naissances. Ylva avait failli mourir en accouchant de Frey, qui était petite et fragile. Elle allait aujourd’hui sur ses six printemps et était la seule enfant de moins de douze ans de la tribu. Si Siv parvenait à garder son bébé jusqu’à terme et à survivre à l’épreuve sanglante de sa mise au monde, il serait une bénédiction pour le Scyre. Égoïstement peut-être, elle préférait avoir un enfant en bonne santé dans l’espace, plutôt que de fournir au Scyre une minuscule quantité de baume et d’empiler un autre paquet desséché dans les chambres secrètes du Nautilus.

— J’espère, répondit-elle.

Gosta apparut, souriante, finissant d’essorer sa tresse. Elle n’avait rien remarqué des nouvelles formes de Siv, mais elle n’avait que quatorze ans et n’avait pas encore choisi de compagnon – ni d’ailleurs exprimé l’envie de le faire. Sa mère étant morte plusieurs années auparavant, personne ne lui avait expliqué la vie, même si l’on ne pouvait éviter de tomber sur des couples en plein ébat. Sib rougit de honte, songeant qu’elle s’inquiétait tant pour son éventuel bébé qu’elle avait peut-être négligé la jeune fille, déjà seule au monde. Ce serait un autre bienfait que leur apporterait le vaisseau de Brendol : tous, petits ou grands, auraient une deuxième chance.

L’arrivée de Brendol mit un terme à ce moment de tendresse. Siv voulait certes accéder à la sécurité et aux ressources de sa civilisation, mais elle n’aimait pas l’homme, encore moins en l’absence de Phasma. Il pouvait se montrer brutal, notamment pour défendre les besoins de ses guerriers face aux Scyres. Ce serait peut-être différent quand ils auraient rejoint officiellement ce mystérieux Premier Ordre, une fois qu’ils feraient vraiment partie de son peuple. Siv aurait volontiers prêté allégeance à Brendol, ne serait-ce que pour bénéficier de la médecine que ses ancêtres avaient connue. Des injections magiques qui soignaient les douleurs et les maladies, des droïdes compétents qui pouvaient facilement accompagner un accouchement et assurer son bon déroulement. Le traitement qu’avait reçu Hux dans la station Terpsichore avait fini de la convaincre qu’elle avait fait le bon choix. Quand elle tiendrait son premier enfant dans ses bras, elle ne regretterait pas d’avoir supporté un Brendol aigri et retors.

Mais en attendant, dès que Hux était dans les parages, elle se tournait vers Phasma.

La guerrière peinait à ajuster son armure compte tenu des excès textiles de sa tenue. Siv s’approcha.

— Horrible, non ?

Phasma leva la tête, contrariée.

— Ils veulent qu’on meure, mais habillés comme des tarés.

Des bouts de tissus colorés dépassaient des plaques poussiéreuses de l’armure, mais Siv se garda bien de proposer toute forme d’aide à Phasma. Avec Gosta, elle n’aurait pas hésité à mettre la main à la pâte en riant, mais Phasma n’avait pas le même rapport au toucher que les autres. Même Keldo prenait parfois du plaisir, Siv était bien placée pour le savoir. De nature réservée, peu enclin à confier ses sentiments et préoccupations, il avait néanmoins des moments de tendresse, quand il collait son front contre le sien, dans l’obscurité silencieuse du Nautilus, ou lui murmurait des secrets qu’elle promettait de garder. Mais pas Phasma. Toujours solitaire, il y avait plus de chances de la voir prendre une flèche à la place d’un autre, que gratifier un combattant victorieux d’une tape amicale sur l’épaule.

— Ils veulent qu’on meure ? répéta Siv avec un air enjoué. Décevons-les dans ce cas.

Phasma arbora un sourire féroce, dont Siv espéra ne jamais être la cible.

— Oui, décevons-les.

Vrod apparut dans le couloir.

— Les beaux tissus d’Arratu sont un délice pour les yeux. (Il effleura la tunique colorée enroulée autour de la poitrine de Torben, qui grogna.) Un conseil cependant : si vous voulez vous remplir la panse, distrayez les spectateurs. Mettez-les de votre côté. Surtout l’Arratu. Des applaudissements vous vaudront à boire et à manger.

Gosta se rapprocha de Siv, manifestement effrayée. Rapide et furtive, elle se battait avec agilité et était un éclaireur hors pair, impossible à repérer dans la nuit ou lorsqu’elle rampait entre les rochers. Mais sa blessure à la jambe allait mettre du temps à guérir, son combat ne serait pas « distrayant », comme Vrod l’avait demandé. Siv décida de rester près d’elle pour la défendre de tous ceux qui voudraient profiter de sa faiblesse. Elle passa un bras autour de sa taille pour l’aider à marcher. Ils ne savaient toujours pas ce qu’ils allaient devoir affronter : des soldats, les autres prisonniers, les chiens hideux ou un ennemi plus dangereux encore… Et on ne leur avait pas donné d’armes ni demandé lesquelles ils préféraient manier.

— Arborez vos plus grands sourires pour l’Arratu.

Sur ces mots, Vrod tendit le bras vers la porte, leur indiquant le couloir. Tandis qu’ils se dirigeaient vers la vaste salle où se trouvait l’arène, encadrés de blasters et de loupeaux, ils perçurent un changement dans l’air. Jusque-là, tout était immobile et silencieux, à part le ronronnement étouffé des climatiseurs. Ils entendaient maintenant une clameur croissante, qui ressemblait à un mélange de roulements de tonnerre, de pépiements d’oiseaux marins et du ressac d’un océan agité.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Gosta.

— Arratu, répondit joyeusement Vrod.

— La personne ?

— La ville. Arratu est la ville. Arratu est le chef. Arratu est le cœur de cet endroit.

— Qu’est-ce que ça signifie ?

Au lieu de répondre, Vrod sifflota une mélodie étrange en sautillant légèrement. Quand il ouvrit la double porte, le son et la chaleur heurtèrent Siv tel un mur de pierre. Elle n’avait jamais vu autant de corps serrés les uns contre les autres. Les Scyres s’arrêtèrent sur le seuil, pétrifiés. Brendol et ses troopers continuèrent d’avancer : ils devaient avoir l’habitude de la foule. Mais le cœur de Siv vibrait dans cette atmosphère électrique qui agressait tous ses sens. Des milliers de personnes s’entassaient sur les gradins autour de l’arène, sifflant, criant, tapant des mains ou des pieds, agitant des drapeaux bigarrés en un maelström de couleurs, de mouvements et de sons. Une odeur puissante déferla sur Siv, celle, musquée, des corps, à laquelle se mêlaient des parfums entêtants et d’étranges épices évoquant les plantes grimpantes sur les murs. Et cette chaleur… Tant de cœurs battants, tant de sang ! Tout cela lui donnait le tournis.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Vrod en écartant les bras pour les faire avancer. L’Arratu vous souhaite la bienvenue !

— Ça fait un sacré paquet d’Arratus, nota Torben.

Phasma tourna sur elle-même, son casque scrutant la pièce.

— Ainsi soit-il.

Elle avança d’un pas décidé, dépassant Brendol et ses hommes pour pénétrer dans l’arène. Il n’y avait aucune arme en vue, pas plus que d’obstacles ou de cachettes. Rien que le sol de sable gris. La tête droite, Phasma se dirigea vers l’Arratu.

— Alors ? demanda-t-elle.

L’Arratu se mit debout, les bras levés, couverts d’oiseaux scintillants occupés à se lisser les plumes. La plupart des spectateurs se turent, mais leurs chuchotements parvenaient aux oreilles de Siv, comme s’ils étaient incapables de se contrôler.

— Citoyens, nous avons des combattants ce soir. Qui devrions-nous leur opposer ?

L’Arratu parlait dans une machine qui amplifiait sa voix, ses mots retentirent dans la pièce. Un murmure parcourut l’assemblée, se transformant lentement en un mot étrange, scandé par la foule, semblable au cri d’un rapace. La rumeur laissa place à des cris, le chant prit de l’ampleur et Siv comprit que cela n’augurait rien de bon.

— Wranderous, Wranderous, Wranderous !

— C’est quoi, un Wranderous ? demanda Torben.

Siv se tourna pour poser la question à Vrod, mais il était déjà dans le couloir, en train de refermer les portes avec un rictus démoniaque. Les battants métalliques claquèrent, le verrou coulissa. Siv comprit rapidement qu’il n’y avait pas d’autre issue. Les murs de métal lisse, bien plus hauts que Phasma, ne ressemblaient en rien aux rochers escarpés qu’ils escaladaient depuis leur enfance ou auxquels ils s’accrochaient comme des bernacles.

Une fois les portes closes, les Scyres restèrent groupés, s’adossant les uns aux autres, aux aguets. Les troopers, conscients de l’avantage stratégique d’une telle formation dans le cercle de l’arène, se joignirent à eux. Brendol se glissa entre ses hommes pour se tenir au centre, ce qui n’était pas plus mal : si l’on devait se battre, autant laisser faire les véritables guerriers.

Phasma était toujours seule près de l’Arratu, qui haranguait la foule pour qu’elle acclame plus bruyamment encore Wranderous. Comme un seul homme, le cercle de Scyres et de guerriers du Premier Ordre se plaça au centre de l’arène et attendit. Le cœur de Siv battait au rythme des chants, sa main se porta instinctivement sur son ventre. Elle se sentait en relative sécurité, armes en mains, sachant qu’elle était bien entraînée et mourrait d’une belle mort si son heure était venue, mais sous bien des aspects, cette situation artificielle, dérangeante, différerait de la vie dans le Scyre. Ce spectacle avait quelque chose de forcé qui la répugnait.

— Vous n’avez qu’à venir nous tuer ! lança-t-elle à la foule.

Personne ne l’entendit. Une ferveur démente se lisait sur les visages, les bouches postillonnaient, les poings se dressaient dans les airs. Son regard se posa sur un vieil homme à la moustache teinte en bleu, sur une femme dodue couverte de colliers, puis sur un groupe de petits enfants affamés qui hurlaient et leur lançaient des cailloux sans parvenir à les atteindre. Leur expression donna à Siv l’impression d’être un animal traqué – mais n’était-ce pas le public qui se comportait de manière inhumaine ?

Lorsque le concert de voix sembla atteindre son paroxysme, les corps sur les bancs s’écartèrent comme la mer autour d’un aileron de requin pour révéler un colosse plus grand que Torben, qui marchait en plastronnant vers l’arène. Torse nu, il portait le pantalon coloré habituel du peuple de l’Arratu ; sous son épaisse barbe blonde, son torse pâle était couvert de tatouages et de cicatrices. Il n’était pas armé, mais ses mains étaient enveloppées de bandelettes de tissu blanc maculé de taches. Il descendit l’escalier entre les gradins, claquant des mains, donnant des coups de poing dans le vide, scandant son propre nom avec le public. Lorsqu’il atteignit la rambarde entourant l’arène, il la franchit d’un bond agile et atterrit dans le sable doux, accroupi dans une posture théâtrale.

Cependant, Phasma se ruait déjà sur lui et, quand il se releva pour saluer la foule d’une révérence ampoulée, elle lui assena un coup de pied sauté qui aurait dû lui briser la jambe. La foule rugit sa désapprobation, mais Wranderous ne broncha pas. Il pivota lentement, lançant à Phasma un regard à faire trembler un combattant moins aguerri. Gosta, pour sa part, frissonna. Siv, qui se tenait près d’elle, sentit le corps de la jeune fille se crisper ; ses mains s’agitaient de manière incontrôlée.

— Voilà donc Wranderous, souffla Torben. Il a l’air marrant.

Faisant craquer ses jointures, il s’éloigna du groupe en direction du combat.

Brendol et ses troopers ne bougèrent pas, Gosta et Siv refermèrent le cercle, guettant d’autres adversaires. Phasma, elle, poursuivit son offensive, portant à Wranderous un enchaînement de coups de pied et de poing que les guerriers du Scyre connaissaient tous pour l’avoir pratiqué en sa compagnie. Il visait à déconcerter et blesser la victime afin de faire basculer le combat. Une gauche à la gorge, une droite au visage, un crochet à l’oreille, puis un au plexus. Mais, au lieu de reprendre son souffle, plié en deux, Wranderous frappa Phasma à la tête, et son casque recula violemment. Elle encaissa le coup, puis observa son adversaire, cherchant un nouvel angle d’attaque ; le casque devait être conçu pour absorber les chocs, car sans lui Phasma aurait déjà mordu la poussière.

— Pourquoi n’a-t-on pas d’armes ? demanda Gosta, appuyée lourdement sur Siv.

— Tais-toi et apprends, répondit Siv. Je n’en sais pas plus que toi.

En garde, Phasma tourna autour de son ennemi pendant que Torben approchait de l’autre côté.

— Je te vois, petit, prévint Wranderous. Tu es le suivant.

Avant qu’il ait terminé sa phrase, le casque de Phasma vint s’écraser sur son menton ; pris par surprise, il recula à son tour sous l’impact. Torben attrapa ses longs cheveux et le tira en arrière pour que Phasma puisse le frapper à la gorge, mais Wranderous bloqua son poing aussi facilement que celui d’un enfant, la projeta sur Torben, et les deux s’écroulèrent. Phasma ne s’était jamais battue avec cette armure, encombrante malgré sa résistance. Néanmoins, elle put se ressaisir rapidement, s’écarta d’une roulade et se releva.

Dès qu’elle fut debout, elle distribua une série de coups de pied, que Wranderous bloqua systématiquement en riant, avant de la saisir aux jambes et de la plaquer dans le sable. Avant que Torben puisse réagir, Wranderous ôta le casque de Phasma et se mit à l’étrangler.

— Vous n’allez pas les aider ? demanda Siv aux troopers.

— Pas sans mon ordre, marmonna Brendol.

Siv voulait intervenir, sa loyauté indéfectible mise à mal par le spectacle de son chef humilié en public, mais si Wranderous s’en prenait à Gosta, elle seule pourrait la défendre. Manifestement, les soldats se contenteraient de protéger Brendol. Siv se ferait peut-être tabasser et étrangler, mais au moins, en défendant une juste cause.

Torben était debout ; il porta un coup dans le dos à Wranderous, qui abandonna Phasma et se redressa en hurlant. Les deux géants, l’un pâle et l’autre basané, décrivirent un cercle, face à face. Le visage de Phasma reprit une couleur normale. Elle secoua la tête et se releva, encore étourdie, préparant sa prochaine attaque. Quand Torben essaya de saisir Wranderous, elle l’aida à l’amener au sol d’un croche-patte. Torben se retrouva à califourchon sur la poitrine du guerrier et les deux hommes luttèrent tandis que Phasma distribuait les coups à la moindre ouverture.

En observant le combat, Siv comprit que Wranderous disposait de compétences différentes des leurs. Au sol, il ne se contentait pas de pivoter pour avoir le dessus. Ses bras se tordaient, à la recherche d’une prise. Il finit par passer son coude autour de la gorge de Torben, la tête enfoncée dans son cou pour éviter les coups de Phasma, et le Scyre perdit connaissance. Dès que son corps se relâcha, Wranderous se releva, un sourire aux lèvres.

— Tu es la prochaine sur la liste, lança-t-il à la Scyre avant de se tourner vers la tribune, un pied posé sur la poitrine de Torben. Que désire l’Arratu ?

L’Arratu se leva et avança, solennel, jusqu’à la rambarde, les oiseaux bruissant dans son sillage. Il tenait trois morceaux de tissu, un rouge, un vert et un noir. Il tapota son menton de ses doigts potelés en considérant les étoles, puis en choisit une, qu’il jeta dans l’arène sous les cris hystériques des spectateurs. Le tissu était rouge, Wranderous éclata de rire.

Phasma répéta plus tard à Siv les mots qu’il lui avait murmurés au creux de l’oreille, tandis que la foule exultait :

— Il veut que tu perdes, pas que tu meures. Encaisse quelques coups et tu mangeras à ta faim ce soir. Débrouille-toi simplement pour que ça ait l’air crédible.

— Non, avait-elle répondu.

Alors Siv fut témoin d’un spectacle inconcevable.

Wranderous enfonça littéralement Phasma dans la poussière.

La tenant par les cheveux, il la frappa au visage, puis la releva et lui porta un formidable uppercut au menton. Comme son corps était toujours protégé par son armure, il se défoula sur son visage. Phasma se débattit à coups de pied et de poing, mais ne parvint pas à se défaire de son adversaire, deux fois plus lourd qu’elle. Si elle avait eu sa hache, sa lance ou un simple couteau, elle aurait eu une chance. Mais affamée, épuisée, ne s’étant jamais battue en armure, sans armes ni alliés, Phasma découvrit le goût amer de la défaite.

Et l’Arratu adora ça. Il rit, applaudissant à chaque impact. Quand Phasma, ensanglantée, finit par s’écrouler dans le sable sans pouvoir se relever, il sautilla de joie à la manière d’un grand enfant, cruel et immature. Les oiseaux poussèrent des cris stridents en tournoyant autour de son chapeau. Siv parcourut l’assemblée du regard, submergée de haine par les hourras et les huées des spectateurs. C’était facile de crier avec les loups. Dans le Scyre sous-peuplé, la vie était si précaire qu’on ne plaisantait pas avec la mort. Cette inhumanité barbare constituait une nouveauté, et Siv sentit une rage vengeresse bouillonner dans son cœur.

L’Arratu et son peuple, espérait-elle, allaient un jour devoir répondre de leurs actes.

Au moins, Phasma avait survécu. Tandis que le public acclamait Wranderous, une porte cachée s’ouvrit dans le mur de l’arène ; le géant ramassa l’étole rouge et se dirigea vers la sortie, les bras levés, hurlant son propre nom. Dès qu’il fut à l’intérieur, le battant coulissa sans aucun mécanisme apparent. Vu la distance, et même en abandonnant Gosta, Siv n’aurait pu l’emprunter pour s’enfuir. Cependant, ils connaissaient désormais cette issue.

— Allez la chercher, ordonna Hux à ses hommes.

Les troopers coururent jusqu’à Phasma, la prirent par les mains et la traînèrent jusqu’au groupe, laissant une longue trace sanglante sur le sable. Par chance, aucun scarabée ne s’y nichait.

Une fois certaine que le danger était passé, Siv passa Gosta à Brendol.

— Aide-la, murmura-t-elle avant de courir vers Torben.

Elle se laissa tomber à genoux dans le sable, secoua son épaule, l’appelant par son nom. Comme il ne répondait pas, elle lui tapota la joue, le gifla.

— Torben ! hurla-t-elle dans son oreille, désireuse de le réveiller avant un nouvel assaut.

Finalement, ses yeux clignèrent, s’ouvrirent puis se fixèrent sur elle.

— Je n’aime pas sa façon de se battre, dit-il.

Siv sourit.

— Moi non plus. Tu devrais te lever. On ne sait pas ce qui nous attend.

Il hocha la tête, s’assit et Siv l’aida à se remettre debout. Ensemble, sous les huées du public, ils rejoignirent les autres en clopinant. Le cercle se reforma, cette fois avec Brendol et Phasma en son centre. La Scyre était couchée sur le côté, recroquevillée pour protéger son visage tuméfié. Remarquant que son casque se trouvait toujours au milieu des giclées de sang, Siv courut le ramasser. Phasma le chercherait en se réveillant. Siv savait que lorsqu’on adoptait un masque, il était difficile de s’en séparer.

— Essayons autre chose, cria l’Arratu. Lâchez les lupulcus !

Il tendit le doigt vers l’enceinte de l’arène et une autre porte coulissa. Deux formes grises en jaillirent et parcoururent souplement l’arène, comme si elles évoluaient en terrain connu. Des loupeaux gris, suintants, couverts de verrues et de furoncles. Ceux-là paraissaient plus grands, plus trapus, plus agressifs que leurs congénères du désert. Leur attention se porta bientôt sur les combattants et ils prirent de la vitesse sur le sable gris, les babines retroussées.

Si elle avait eu une arme, Siv n’aurait pas trouvé les créatures si menaçantes. À sept, ils pouvaient affronter deux bêtes, même coriaces. Mais sans blaster ni lames, avec un Torben encore à moitié inconscient, elle n’était pas certaine de pouvoir les arrêter. Inquiète mais déterminée, elle se plaça devant Gosta.

Phasma grogna et tendit la main.

— Mon casque, marmonna-t-elle.

Siv le poussa du pied, Phasma l’enfila. Dès qu’il fut en place, elle se releva aux côtés de Siv ; les stormtroopers les rejoignirent, formant un rempart de leurs quatre corps.

— Ça va ? demanda Siv à Phasma.

Sans répondre, la Scyre se mit en garde et la poussa vers l’arrière. Siv roula dans le sable, se relevant juste à temps pour voir le premier loupeau sauter sur Phasma. La guerrière leva un bras, les dents de l’animal se refermèrent sur les plaques d’armure blanches. Du plat sa main libre, elle le frappa à la nuque. Le chien s’écroula sur le sol et elle lui broya le cou sous sa botte. L’autre chien sauta sur les stormtroopers, qui le repoussèrent de leur mieux.

— Arrêtez de jouer, fit Phasma passant entre eux, un bras tendu vers la bête.

Au moment où les dents se refermaient sur son armure, elle abattit son poing ganté sur le crâne de la créature, qui roula à son tour dans le sable.

Phasma se redressa, les yeux braqués sur l’Arratu, puis posa un pied sur la tête du chien et attendit.

Siv aurait dû se sentir fière de son chef, non seulement pour avoir supporté la raclée infligée par Wranderous, mais aussi pour avoir triomphé des chiens. Cependant, ces exécutions gratuites la choquaient. Même ces horribles monstres pouvaient fournir de l’eau, de la viande et des nutriments. Mais ils restaient dans le sable sans que l’on se soucie de leur valeur, alors que dans la ville, les plus pauvres mouraient de faim.

Le silence se fit dans les gradins, seulement troublé par les murmures étouffés du public. Tous les regards étaient tournés vers l’Arratu. Debout, la tête penchée, il réfléchissait, mais semblait néanmoins satisfait. Il leva les bras ; les petits oiseaux tournoyèrent autour de lui en pépiant gaiement.

— C’était merveilleux, dit-il. Qu’on les fasse sortir, je veux un autre numéro. Ramenez-les demain, pour la suite.

La foule poussa des hourras et leurs cris se muèrent bientôt en un chant :

— Du nouveau ! Du nouveau !

La porte par laquelle les combattants étaient entrés s’ouvrit ; Vrod, escorté de ses guerriers armés de blasters, leur fit signe de le rejoindre.

— Prenez les loups, ordonna Phasma.

Siv était trop occupée à aider Gosta et à traîner Torben pour lui obéir, mais les deux stormtroopers s’exécutèrent immédiatement, ramassant les corps inertes des créatures grisâtres. Siv remarqua que le visage de Brendol s’animait d’une fascinante série de grimaces, qui allaient de la réserve à l’indignation, en passant par la colère. Vrod ne dit rien quand ils franchirent le seuil avec les animaux pour le suivre dans le couloir.

— L’Arratu n’était pas satisfait ? demanda Brendol en trottinant pour rejoindre leur gardien.

— Ce n’était pas totalement raté, lâcha Vrod, ses longs vêtements claquant dans son sillage. Mais vous auriez pu donner un peu plus de vous-mêmes. La prochaine fois, on vous fournira sûrement des armes, histoire de voir ce que vous valez vraiment.

— Mais nous avons gagné.

— Oui, eh bien, elle a gagné. En quelque sorte. (Vrod agita la main en direction de Phasma.) Toi, tu as surtout regardé. Vois-tu, il ne s’agit pas tant de gagner que de montrer à l’Arratu quelque chose de nouveau. Lui comme le public sont de fins connaisseurs. L’arène nous offre chaque jour un cocktail de beauté et d’horreur, c’est l’excitation qui nous motive. De temps à autre, le spectacle est si étonnant que l’Arratu rend sa liberté à l’artiste. Mais vous n’en êtes pas encore là. Si vous ne parvenez pas à le distraire, vous vous affaiblirez comme les autres, jusqu’à la mort.

— Pourquoi ? Cette majestueuse cité ne recèle-t-elle pas assez de charmes ?

Vrod ricana.

— Nous demeurons entre les murs. Rien ne change jamais. Il y a trop d’habitants, pas assez de nourriture. Tout ce qui nous reste, ce sont les distractions. Et les étrangers que nous capturons sont les plus amusants.

— Personne n’a jamais défié l’Arratu ?

À ces mots, Vrod s’arrêta et contempla Brendol comme si une deuxième tête venait de pousser sur ses épaules.

— Pour quoi faire ? C’est lui qui a le meilleur goût.

Cette fois, on les conduisit dans une autre pièce, qui avait dû jadis servir de débarras. Elle était à peine assez grande pour qu’ils puissent tous s’asseoir et manger la nourriture disposée sur le sol, des plats étranges, sans viande séchée ni légumes de mer. Rien de bon, mais ce n’était pas la question. Il y avait beaucoup d’eau, la meilleure que Siv ait jamais bue, sans goût de sel, de nutriments ou d’iode. Les deux loups morts gisaient près de la porte, intacts. Vrod, debout, observait leur repas.

— Que comptez-vous faire des lupulcus ? demanda-t-il, amusé.

— Les manger, répondit Phasma.

Un miracle qu’elle soit capable de s’exprimer, sans parler de se sustenter. Elle avait enlevé son casque, révélant un visage couvert d’hématomes et de plaies ouvertes. Ses lèvres étaient fendues, un de ses yeux avait tellement gonflé qu’elle ne pouvait plus l’ouvrir. Siv la vit inspecter plusieurs de ses dents avant de grimacer. Au moins, la nourriture, essentiellement constituée de cubes gélatineux et de morceaux d’une sorte de fruit sucré, se mâchait facilement.

En entendant sa réponse, Vrod éclata de rire.

— Manger des bêtes malades ? Notre nourriture n’est-elle pas assez bonne pour vous ? Les marginaux de la ville tueraient pour de telles richesses.

— Elle nous convient, répliqua Phasma. Mais qui sait combien de temps vous allez nous nourrir ?

— Et comique avec ça ! Tu devrais travailler ce rôle. Tu obtiendrais autant de nourriture, mais sans les coups et les coquards.

Le maigre repas fut bientôt terminé. Les Scyres avaient l’habitude de se contenter du minimum et de prendre en compte les besoins des autres. Torben était costaud, entretenir sa force bénéficiait à tout le monde. Gosta était petite, mais toujours en pleine croissance, et, comme Phasma, il lui fallait une nourriture digne de ce nom pour guérir de ses blessures. Elle-même de taille réduite et se sachant en bonne santé, Siv mangea très peu, surtout pour l’enfant qu’elle portait.

Cependant, le fait que Brendol, qui avait fait si peu, s’alimente autant que les autres, la dérangeait. Dans le Scyre, les anciens – ceux âgés de plus de quarante ans – consommaient naturellement moins de nourriture. Ils ne pouvaient pas se battre, n’avaient pas besoin de prendre du poids. De plus, leur survie dépendait de la force et de la combativité des plus jeunes. Mais Brendol s’était servi à sa guise, sans que personne n’y trouve rien à redire, pas même Phasma, dont l’œil s’était pourtant étréci lorsque Hux s’était attribué la dernière part.

— Retour au dortoir, annonça Vrod. Avec vos chiens morts, cette petite requête a amusé l’Arratu. Je pense qu’il viendra voir comment vous dépecez les cadavres sans couteau, si ses gardiens le laissent quitter la sécurité de sa tour creuse.

D’un coup de menton, Phasma indiqua les animaux et les troopers les ramassèrent. Tout le groupe suivit Vrod dans le couloir, qui marchait avec une totale insouciance. À juste titre peut-être, car ses hommes gardaient leurs blasters braqués sur ces dangereux prisonniers non menottés. Siv ne comprenait pas leurs comportements, cette négligence, ce laisser-aller.

— Saviez-vous que tout cela n’était au départ qu’une usine textile ? (Vrod tapa contre une baie vitrée et Siv vit de grosses machines qui crachaient des lais de tissu vaporeux.) La station Arratu. Elle fabriquait les uniformes de la Con Star Mining Corporation. Ils l’ont construite ici à cause de l’eau. Jadis, il y avait une source très importante, une rivière passait par là. Aujourd’hui, nous disposons de machines qui tissent sans fin. Il suffit de les charger en sable et elles peuvent fabriquer des étoffes toute la journée. Mais elles ne produisent pas de nourriture et ne font pas passer le temps plus vite : vous feriez mieux de trouver le moyen de distraire l’Arratu sans vous faire briser les os. Ces machines ne fabriquent pas non plus de médicaments.

Il ouvrit la porte du dortoir et tous les yeux se levèrent vers eux. Phasma entra la première, casque sur la tête, sans que rien ne laisse deviner l’issue presque fatale de son combat. Les troopers suivirent et elle indiqua une tache sanglante sur le sol.

— Posez-en un ici.

Les stormtroopers se dévisagèrent puis, sans poser de question, l’un d’entre eux se débarrassa de son fardeau. L’autre portait toujours son trophée à la peau grise, dont le sang épais coulait sur son armure.

— Dormez bien. Soyez prêts pour demain, lança Vrod.

Il les salua de sa main blanche, puis la porte se referma.

— Un de ces chiens est pour nous, annonça Phasma aux autres occupants de la pièce. Vous pouvez prendre l’autre.

— Pourquoi ? demanda un homme couché sur le sol. Que voulez-vous ?

— Nous ne vous voulons aucun mal. La viande va pourrir de toute façon.

Phasma se détourna des individus qui rampaient vers la carcasse pour rejoindre la couchette qu’occupait Elli. Elle avait disparu et deux personnes se prélassaient sur son matelas, deux ventres gonflés sur des corps faméliques. Phasma leur lança un simple regard et ils descendirent d’un bond pour filer hors de sa vue.

— Torben et Gosta.

— Je ne rentre pas là-dedans, protesta le colosse.

— Essaie.

Gosta grimpa difficilement dans la couchette du haut et Torben se cala dans celle d’en dessous, faisant grincer le cadre métallique sous son poids. Même si elle ne pouvait rien pour lui, Siv s’approcha pour l’examiner et remarqua que Phasma et Brendol conversaient dans un coin, trop bas pour qu’elle puisse les entendre. Mais elle vit Hux sortir de sa veste un petit tube luisant, qu’il planta dans l’épaule de Phasma, entre deux plaques de son armure. Elle ne broncha pas, ne grogna pas et ne lui brisa même pas le poignet en guise de représailles. Siv ignorait ce que contenait la fiole, mais Phasma était consentante. Puis le tube disparut de nouveau dans la veste de Brendol.

— Reposez-vous, dit Phasma aux siens.

Elle retira son casque avant de s’allonger sur le sol près du lit de Torben. Tandis que Siv examinait toujours les yeux du guerrier et la marque sombre sur son cou, dissimulée par sa barbe, Phasma sombra dans un sommeil profond. Dans le Scyre, Siv se serait occupée en priorité d’elle, lui aurait proposé les pommades les plus puissantes et des herbes à mâcher pour limiter l’inflammation. Mais ici, sans ressources, sans plantes médicinales et sans ses détraxeurs, elle était réduite à l’impuissance. Elle vérifia de nouveau l’état de Gosta avant que Torben la prenne par la taille et la tire dans la petite couchette, l’attirant contre son flanc chaud.

— Cet endroit est horrible, lui murmura-t-elle.

— Alors, on le quittera.

— Je pense que tu es commotionné.

— Probablement.

Elle s’endormit contre lui et se réveilla affamée. Elle regarda le chien mort sur le sol, celui que Phasma avait gardé pour eux. Avec réticence et mauvaise conscience, elle chercha un endroit tendre du bout des doigts.

Quand elle se tourna vers le visage endormi de Phasma, il était presque guéri. Les hématomes étaient jaunes, ses bosses avaient désenflé, ses plaies ouvertes formaient des cicatrices rosées. Le tube devait contenir l’un des étonnants médicaments de Hux.

Un véritable miracle… Mais que cachait encore Brendol ?