1.

Un mois plus tard.

Les essuie-glaces peinaient à évacuer les trombes d’eau qui se déversaient sur le pare-brise de la Mercedes.

Au-dessus de l’habitacle, les arbres, secoués par une force monstrueuse, semblaient sur le point de se rompre. Alain se pencha sur le volant, le nez collé au tableau de bord. Il n’y voyait absolument rien.

Se faire plumer au casino de Saint-Amand-les-Eaux pour, à présent, affronter la tempête du siècle ! Malchanceux jusqu’au bout des ongles. Les derniers kilomètres avant Valenciennes risquaient d’être pénibles.

Il décéléra encore. Fichue météo. On prévoyait des pluies torrentielles accompagnées d’orages d’une rare intensité pour le reste de la semaine.

En une fraction de seconde, son visage se creusa d’une affreuse grimace. Son pied écrasa la pédale de frein, les roues arrière se bloquèrent dans une éruption de gerbes liquides. L’avant de la voiture s’immobilisa à quelques centimètres à peine d’une énorme branche arrachée. D’autres débris propulsés à une vitesse effroyable déchirèrent le faisceau lumineux des phares.

— C’est pas vrai !

Alain braqua et opéra rapidement une marche arrière. Il suffisait qu’un véhicule débarque, et boom !

Un bruit sourd fit alors trembler la vitre passager. Alain sursauta.

Il crut d’abord à un nouveau projectile venu percuter la voiture. Mais il ne s’agissait pas de cela. Non, c’était… des mains… plaquées contre le carreau.

Alain crispa ses doigts sur le caoutchouc du volant. Il perçut un visage dans l’obscurité. En proie à une folle panique, il enclencha la première.

Déguerpir, le plus vite possible.

Dehors, un cri se mêla aux lamentations de la nature.

Là, droit devant, dans la lumière de ses phares, les mains sur les genoux, noire de boue, une femme. Elle agitait la tête, le vent et la pluie lui fouettaient le visage. À deviner l’épouvante dans son regard, à percevoir les soubresauts de sa poitrine, Alain comprit qu’elle le suppliait de l’arracher aux ténèbres.

Elle surgissait du sous-bois. En baskets et en survêtement.

Alain hésita à quitter sa protection de tôle. Et si on lui tendait un piège ? La branche d’arbre en travers de l’asphalte, le lieu isolé, l’absence de témoins… Pourtant il finit par déverrouiller sa portière et sortit, son blouson par-dessus la tête. Il se courba pour affronter les rafales. En trois secondes à peine, il se retrouva complètement trempé.

— Madame ? Vous…

— Où sommes-nous ? Dites-moi où nous sommes ! hurla-t-elle, haletante.

L’eau s’engouffrait dans sa bouche. Elle frôlait la rupture physique.

— Pas loin de Valenciennes, mais…

— Valenciennes ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Elle lui montra la paume de sa main, marquée de profondes entailles pleines de sang et de terre, avant de crier :

— C’est à Lille que… que vous devez… me conduire ! Je vous en prie ! Conduisez-moi à Lille !