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Le 29 avril 1944, l’adjoint de Brack pouvait écrire à Himmler :
— La castration des mâles par rayons X est presque impossible ou demande un effort qui ne paie pas.
Toutes ces recherches criminelles pour en arriver là ! Heureusement pour l’avenir du Reich, Clauberg avait trouvé la solution…
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Rondouillard et propret ; toujours déguisé en Tyrolien – culottes courtes et chapeau à plumes – Karl Clauberg était le médecin-chef de la clinique des femmes des hôpitaux Knapp et Saint Hedwig de Königshutte en Haute-Silésie. Son surnom chez les déportés : « Rase-mottes. » Une grosse tête sur un corps court. Général SS, informateur de la Gestapo, il ne négligeait pas les avantages financiers de sa charge et payait à l’administration des camps une prime pour chaque « utilisation de matériel humain ». Les laboratoires civils auxquels il fournissait des informations lui remboursaient le triple de la prime payée. Himmler avait accordé toute sa confiance au grand gynécologue.
— Vous seul pouvez trouver une méthode plus efficace et moins onéreuse que les rayons X. Combien de temps vous faudrait-il pour stériliser mille femmes ? Il est bien entendu qu’elles ne devraient s’apercevoir de rien.
Le Reichsführer souhaitait que Clauberg stérilise au cours d’un examen général. Pour l’appréciation des résultats ? Rien de plus facile :
— Une expérience pratique pourrait être tentée en enfermant un Juif et une Juive ensemble pendant une certaine période…
Obsédé sexuel, friand de ces contacts entre « bêtes de laboratoire », Himmler se délecterait en lisant les rapports médicauxlxi.
Le 7 juin 1943, Clauberg lui écrivait :
— La méthode est pratiquement au point. Elle peut être pratiquée par une seule injection à l’entrée de l’utérus au cours d’un examen gynécologique habituel. Il sera possible de stériliser probablement plusieurs centaines et même mille personnes par jour, avec un médecin bien entraîné dans un laboratoire bien équipé, avec peut-être dix assistants.
Nous avons vu au début de ce chapitre comment Clauberg avait expérimenté sa méthode sur une déportée française I… G… ; le docteur Hautval a témoigné à Nuremberg :
— Le block 10 contenait jusqu’à cinq cents cobayes, toutes Juives : françaises, grecques, belges, hollandaises, slovaques et quelques allemandes. La terreur était d’autant plus grande que les victimes ne savaient pas de quoi il s’agissait. La première en date des expériences faites au block 10 semble avoir été une stérilisation par introduction dans l’utérus d’un liquide caustique destiné à provoquer l’obstruction des trompes. (Clauberg opérait.) Elle se fit en trois séances à intervalles de un à plusieurs mois. L’opération fut suivie de radiographies. De nombreuses opérées souffrirent atrocement.
Mais Clauberg, sa « méthode » mise au point, voulait aller plus loin. Ces femmes stérilisées, il allait les rendre fécondes à nouveau, ainsi les médecins du Reich pourraient soigner les aryennes qui malgré de patients efforts n’avaient pu fournir la preuve « maternelle » de leur patriotisme. Le docteur Dora Kleinova a bien connu le block 10 :
— Block de femmes isolé au milieu du camp des hommes, il était entouré de mystère. Les fenêtres en étaient obstruées par des planches clouées, de façon à rendre impossible toute communication avec le dehors et surtout avec les hommes déportés. Nous étions enfermées dans deux grandes salles où végétaient plutôt que vivaient, quatre cents femmes entassées dans des lits à trois étages. Discipline de caserne appuyée d’injures, de cris hostiles et surtout de coups dont nous gratifiaient les surveillants SS et le personnel auxiliaire choisi parmi les détenus.
… En raison de l’installation spéciale dont disposait Clauberg et d’après les intentions qu’il laissait échapper de temps en temps, je suppose qu’il voulait ensuite faire sur ces malades stérilisées mécaniquement des expériences de fécondation artificielle. Ces projets furent heureusement interrompus par le rapprochement du front russe qui entraîna l’évacuation du camp d’Auschwitz…