pourquoi ?

Les coquelicots ont refleuri dans les champs retrouvés de Dachau, de Buchenwald ou d’Auschwitz.

Pour des millions de jeunes hommes d’aujourd’hui, nés après 1935, la longue aventure criminelle du national-socialisme est oubliée. Mieux, elle ne les concerne pas. Les souvenirs poussiéreux de la génération des parents sont versés depuis longtemps dans le dossier des « histoires de régiment ».

Le temps efface le passé avec une telle rigueur que beaucoup se demandent même si ces crimes horribles, minutieusement décrits depuis plus de vingt ans, ont été réellement commis…

L’Histoire, souvent, dépasse le roman en « imaginations ».

L’aventure des « Médecins Maudits » reste le chapitre le moins connu de cette histoire criminelle du Reich nazi : un voile pudique a bien souvent masqué les comptes rendus des procès et les écrivains, qui ont étudié les expériences médicales humaines dans les camps de concentration, étaient tous des médecins et s’adressaient, avant tout, à des médecins.

Au début de l’année 1967, j’ai rencontré plus de cinquante étudiants de la Faculté de Médecine de Paris et j’ai été surpris de constater qu’ils ne connaissaient pas les expériences des camps et que près de la moitié d’entre eux admettaient « dans certaines conditions » les expérimentations humaines. D’autres considéraient même « l’expérience obligatoire » lorsqu’elle pouvait apporter la guérison de milliers de personnes. Cette thèse-argument était, après la guerre, la seule grande défense des « Médecins Maudits ». Elle revient à la mode dans certains milieux médicaux. L’exemple le plus frappant nous est fourni par la lecture d’un journal suisse : « Médecine et Hygiène » qui, dans son numéro 639i, affirme :

— L’animal expérimental idéal est l’homme. Chaque fois qu’il est possible, il faut prendre l’homme comme animal d’expérience. Le chercheur clinique doit avoir à l’esprit que, pour connaître les maladies humaines, il faut étudier l’homme. Il n’est de recherches plus satisfaisantes, plus intéressantes et plus lucratives que celles effectuées sur l’homme. Il nous faut donc aller plus loin dans la recherche sur le plus développé des animaux : l’homme.

Sans commentaires.

L’année 1952, où l’on vit juger les médecins criminels de Struthof, a été riche en discussions et controverses. Les limites « floues » de l’« essai sur le vivant » ont été fixées. Le Pape, par contre, a condamné sans appel les expériences et les volontaires-cobayes :

— Dans tous les cas un homme sain n’a pas le droit d’être volontaire pour une opération qui, certainement, aura pour conséquence une mutilation du corps humain ou une détérioration grave et durable de la santé. Le patient ne peut abandonner au médecin tous les droits sur son corps, sur lequel il n’a lui-même qu’un droit d’usage.

L’Académie de Médecine qui a toujours considéré comme criminels les actes d’expérimentation, commis dans certains camps, a publié les règles de ces expérimentations. Elle établit la différence entre les essais de méthodes nouvelles pratiquées sur un malade et l’expérimentation sur des hommes sains. Si dans le premier cas l’expérimentation est nécessaire et même obligatoire, puisqu’elle peut sauver le malade, dans le second cas :

— Cette expérimentation ne pourrait être appliquée que sur des volontaires informés et entièrement libres de l’accepter ou de la refuser, et ne saurait être conduite que par une personnalité hautement qualifiée, capable des réduire au minimum les risques encourus.

C’est un peu le résumé des dix règles de Nuremberg publiées à la fin du procès des « grands patrons » de la médecine allemande.

Les conclusions de l’Académie de Médecine et les règles de Nuremberg ne satisfont pas l’ensemble du corps médical. En effet, comment imaginer qu’un volontaire puisse être totalement volontaireii ?

— On sait que le consentement libre est assez rare, on peut facilement créer une atmosphère de suggestion, de persuasion, arrivant à influencer la personnalité : bien entendu, des moyens de pression plus graves peuvent atteindre des sujets lorsqu’ils sont prisonniers.

Quant au sacrifice volontaire consenti à la communautéiii :

— Une telle mentalité nous paraît relever d’une régression et d’un retour à la mentalité des sacrifices humains de l’ancien paganisme, de ces sacrifices humains faits pour une nouvelle idole qui, dans cette optique, deviendrait la Médecine.

Les Médecins Maudits
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