Les deux hommes qui, pierre à pierre, édifièrent la pyramide nazie, Hitler et Himmler, acceptèrent et provoquèrent les expériences médicales humaines.
Dans « Mein Kampf », la bible du régime, Hitler, après avoir démontré la supériorité de la race aryenne, écrit :
— L’État est un moyen de parvenir à un but.
Son but est de maintenir et de favoriser le développement d’une communauté d’êtres qui, au physique et au moral, sont de la même espèce.
Le principe général est posé et vous savez que tous les moyens seront bons pour que ce noyau d’élus, cette caste supérieure, prospère en écrasant les peuples d’esclaves. S’il faut effacer de la terre les êtres inférieurs, on doit aussi se servir d’eux pour l’édification de l’Empire de Mille ans et l’amélioration de la race des Seigneurs. Les sous-êtres sont plus nombreux et moins précieux que les animaux de laboratoire. Lorsque les médecins veulent des singes, ils doivent les faire acheter à Calcutta ou Bombay. Inutile aujourd’hui : la Nasse Barbelée s’est refermée sur des millions de déportés.
Le médecin général Karl Brandt, l’autorité suprême dans les domaines médicaux du Reich, a affirmé devant les juges qui le condamnèrent à mort à Nuremberg, qu’Hitler avait eu l’idée de ces expérimentations en 1935.
— Il avait émis cette opinion à l’occasion d’une opération subie à la gorge en 1935. Il avait déclaré à l’époque qu’il serait logique d’utiliser des criminels pour mettre au point des problèmes médicauxvii.
Devant les mêmes juges, le professeur Gebhart, ami d’enfance d’Himmler, médecin général et chef occulte des médecins SS, confirma la déclaration de Brandt. Il alla même un peu plus loin :
— Les expériences de Rascher ordonnées par Himmler, avaient été exposées au Führer et Hitler avait décidé qu’en principe les expériences humaines étaient permises lorsque l’intérêt de l’État était en jeu. À ce moment elles étaient protégées par la loi, non soumises à des sanctions et au contraire, celui qui n’aurait pas accepté d’exécuter cet ordre militaire aurait été puni. D’après Himmler, le chef de l’État pensait qu’on ne pouvait laisser intacts certains des prisonniers des camps de concentration, alors que les soldats combattaient et que des femmes et des enfants souffraient des raids et des bombes.
Hitler se souciait peu du déroulement quotidien de la vie et de la mort dans les camps d’extermination.
— Pour les détails, consultez le Reichsführer SS Heinrich Himmler.
L’ancien étudiant en sciences agronomiques était à la fois adepte de l’ésotérisme et pragmatique. Il avoua à Heydrich :
— J’aurais aimé jouer du violon comme vous mais surtout guérir les hommes soit en imposant les mains, soit comme médecin.
Et Gebhart nous apprit à Nuremberg que le livre de chevet d’Himmler était un recueil des pensées et des travaux d’Hippocrate.
— Il n’existe pas de livre auquel Himmler se référait plus souvent que le livre d’Hippocrate. Depuis 1940 ce livre se trouvait sur son bureau.
L’ouvrage lui avait été offert par sa femme ; elle collectionnait les ouvrages anciens de « soins à donner aux malades ». Un atavisme logique : Mme Himmler, comme sa mère et sa grand-mère, avait été infirmière.
Chez Himmler le besoin de faire expérimenter était une véritable maladie.
— Essayez toujours, il en sortira peut-être quelque chose.
Les charlatans surtout recevaient ses faveurs. Lorsque Mussolini par exemple avait été arrêté et que les services d’espionnage allemands ne savaient pas où il était retenu prisonnier, Himmler réunit en un véritable banquet – cigares, Champagne – quarante diseurs de bonne aventure, agitateurs de pendules et autres chiromanciens déportés d’Oranienburg-Sachsenhausen, pour retrouver le Duce évanouiviii.
Ne nous y trompons pas. Il est facile aujourd’hui d’écrire : « Les dirigeants nazis étaient des fous… Tenez le bon docteur Morell (le médecin privé d’Hitler) le bourrait de strychnine ; Himmler dirigeait des sociétés secrètes comme le groupe de Thulé ou l’Ahnenerbe. Et ces mages voulaient retrouver le trésor des Cathares à Montségur et le Saint Graal entre Tarascon-sur-Ariège et Vicdessosix…»