BRÈVE ANNEXE HISTORIQUE
Amalric (ou parfois Amaury) Arnaud,  ?-1225.Issu d'une famille noble, ce moine cistercien devient évêque de Poblet (Catalogne) puis de Grandselve et enfin de Cîteaux. Il est ensuite nommé archevêque de Narbonne en 1212. Légat du pape, il est l'un des artisans principaux de la lutte contre le catharisme. Il encourage le pape Innocent III à prêcher la croisade contre les Albigeois. Homme de robe, mais également soldat, il prend la tête de cette croisade en juillet 1209, aux côtés de Simon IV de Montfort, lors du sac de Béziers. C'est à cette occasion qu'il aurait dit, alors qu'on lui demandait comment reconnaître les catholiques des hérétiques : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Il convient de préciser qu'une seule source mentionne cette phrase : le moine cistercien allemand Césaire de l'abbaye de Heisterbach, plus de dix ans après le sac de Béziers. On ne la retrouve dans aucun des témoignages de ceux qui se trouvaient sur place au moment des faits. Arnaud Amalric commande également plus tard l'armée des ordres militaires en Espagne, lors des combats de reconquête sur l'islam.
Béziers (sac de). Le roi de France Philippe II Auguste refuse d'abord au pape l'assistance de son armée afin d'étouffer l'hérésie albigeoise. Il faut l'assassinat, en 1208, de Pierre de Castelnau, légat du Saint-Père, par un chevalier de l'entourage du comte Raymond VI de Toulouse pour décider le souverain français à lâcher ses chevaliers nordiques contre les pays du sud. Certains des seigneurs du nord sont motivés par la foi, d'autres espèrent récupérer pour eux les fiefs du sud. Raymond VI de Toulouse sent que l'un des véritables objectifs de cette croisade n'est autre que lui. En effet, sa principauté attise les convoitises du duc d'Aquitaine, roi d'Angleterre, et du comte de Barcelone, roi d'Aragon, ses proches voisins. Une accusation d'hérésie ou de complicité avec les Albigeois leur fournissait un admirable prétexte pour intervenir dans les terres toulousaines et les annexer. S'ajoute à cela le désir du Vatican de mettre au pas une Église méridionale peu soumise à Rome. Raymond VI se réconcilie donc à la hâte avec l'Église. Cependant les croisés ont besoin d'un bouc émissaire pour légitimer leur attaque. Raimond-Roger de Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, fait une parfaite cible de substitution. Il est donc accusé du développement de l'hérésie en Languedoc.
Le sac de Béziers est décidé le 22 juillet 1209 au prétexte que les consuls de la ville (les capitouls) ainsi que la population refusent de livrer les 223 hérétiques recensés par l'évêque, alors que l'on avait fait de Béziers un des grands centres du catharisme. Il est, au demeurant, étonnant de constater que la dissidence albigeoise est présentée à l'époque comme de grande envergure alors qu'elle n'intéresse qu'une fraction plus que modeste des populations. Entre 15 000 et 22 000 personnes auraient été massacrées, selon les sources, ces chiffres étant sujets à caution puisque la moitié des habitants de la ville – qui en compte alors environ 20 000 – auraient été tués. Il n'en demeure pas moins que ce sac est un carnage qui semble surtout avoir eu pour objet de marquer les esprits et d'encourager les autres places fortes à la soumission.
Bingen (Hildegarde de), 1098-1179. Elle prononce ses vœux à quinze ans et devient abbesse en 1136. Poétesse et musicienne, elle correspond avec les grands du monde durant la seconde moitié duXIIe siècle. Elle aurait réalisé des miracles, et ses visions auraient été vérifiées. D'une santé très fragile, elle s'intéresse très vite aux simples. Elle rédige, entre autres, une œuvre médicinale qui la fait considérer à l'heure actuelle comme la première phytothérapeute « moderne ». En dépit de sa piètre santé, elle vit plus de quatre-vingts ans, un record à cette époque. Peut-être faut-il y voir une preuve de la pertinence de ses recettes thérapeutiques ! Bien qu'on lui attribue fréquemment le titre de sainte, elle ne fut jamais canonisée.
Chartagne (maladrerie de). Elle est fondée aux abords de Mortagne par Rotrou III – dit « le Grand » –, comte du Perche, seigneur de Nogent et comte de Mortagne, dès son retour de croisade, aux environs de 1100. Il souhaite y accueillir ses compagnons de Terre sainte contaminés par la lèpre. La maladrerie est desservie par quatre chanoines de Saint-Augustin. Les familles de chevaliers atteints, et donc reclus entre ses murs, la dotent richement.
Clairets (abbaye de femmes des), Orne. Située en bordure de la forêt des Clairets, sur le territoire de la paroisse de Masle, sa construction, décidée par charte en juillet 1204 par Geoffroy III, comte du Perche, et son épouse Mathilde de Brunswick, sœur de l'empereur Othon IV, dure sept ans, pour se terminer en 1212. Sa dédicace est cosignée par un commandeur templier, Guillaume d'Arville, dont on ne sait pas grand-chose. L'abbaye est réservée aux moniales de l'ordre de Cîteaux, les bernardines, qui ont droit de haute, moyenne et basse justice.
Clément V, Bernard de Got, vers 1270-1314. Il est d'abord chanoine et conseiller du roi d'Angleterre. Ses réelles qualités de diplomate lui permettent de ne pas se fâcher avec Philippe le Bel durant la guerre franco-anglaise. Il devient archevêque de Bordeaux en 1299, puis succède à Benoît XI en 1305 en prenant le nom de Clément V. Redoutant d'être confronté à la situation italienne qu'il connaît mal, il s'installe en Avignon en 1309. Il temporise avec Philippe le Bel dans les deux grandes affaires qui les opposent : le procès contre la mémoire de Boniface VIII et la suppression de l'ordre du Temple. Il parvient à apaiser la hargne du souverain dans le premier cas et se débrouille pour circonscrire le second en acceptant des procès contre les personnes, sans toutefois permettre que l'ordre soit jugé en tant que tel. Il préfère alors le supprimer.
Philippe IV le Bel, 1268-1314. Fils de Philippe III le Hardi et d'Isabelle d'Aragon. Il a trois fils de Jeanne de Navarre, les futurs rois Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel, ainsi qu'une fille, Isabelle, mariée à Édouard II d'Angleterre. Courageux, excellent chef de guerre, il est également inflexible et dur. Il convient de tempérer ce portrait puisque des témoignages contemporains de Philippe le Bel le décrivent comme manipulé par ses conseillers, qui « le flattaient et le chambraient ».
L'histoire retiendra surtout de lui son rôle majeur dans l'affaire des Templiers, mais Philippe le Bel est avant tout un roi réformateur dont l'un des objectifs est de se débarrasser de l'ingérence pontificale dans la politique du royaume.
Villanova (Arnoldus de) ou Arnaud de Villeneuve, né à Saint-Marti, en Aragon, Espagne, d'où son surnom de « Catalan », vers 1230-1311 ou 1312 à Gênes. Probablement un des scientifiques les plus prestigieux desXIIIeetXIVe siècles. Il aurait été élevé en Espagne par des frères dominicains. Ce médecin, astrologue, alchimiste et juriste au caractère bien trempé suscitera des polémiques toute sa vie. Il lit et écrit le latin, le grec, le catalan, l'arabe ainsi que l'hébreu, ce qui lui permet d'avoir accès à de précieux traités de médecine qui influenceront sa pratique. Il écrit plusieurs ouvrages de théologie fortement imprégnés de pensée franciscaine, surtout par leur dissidence réunie autour des Spirituels. Arnaud de Villeneuve, certain de la venue prochaine de l'antéchrist, milite en faveur d'une réforme de l'Église et du renouvellement continuel de l'exégèse des Écritures, librement et sans crainte de persécutions. Il guérit Boniface VIII, qui lui pardonne ses « erreurs » théologiques. Il reste le médecin du souverain pontife jusqu'à sa mort puis devient celui de Clément V et son conseiller en Avignon. Il est également le médecin des rois Pierre III d'Aragon – auquel il sert d'ambassadeur auprès de Philippe le Bel – et Jacques II d'Aragon – pour lequel il accomplit des missions –, et du roi de Sicile, Frédéric III d'Aragon. Ayant écrit : « Les œuvres de charité et les services que rend à l'humanité un bon et sage médecin sont préférables à tout ce que les prêtres appellent œuvres pies, aux prières et même au saint sacrifice de la messe », entre autres choses, Arnaud de Villeneuve est arrêté et incarcéré à Paris. Ses écrits philosophiques sont brûlés en public. Il fuit l'Inquisition et se réfugie en Sicile, puis, pardonné par Clément V, revient vers la France. Il périra lors d'un naufrage. Outre ses commentaires des œuvres d'Hippocrate, de Galien, et d'Avicenne, nous lui devons des traductions des médecins arabes, sans oublier le secret de la distillation du vin pour en faire de l'eau-de-vie, et le « mutage », mariage entre la liqueur de raisin et son eau-de-vie qui donne naissance au vin doux naturel. Avant tout considéré comme un scientifique, Arnaud de Villeneuve échappe au célibat des médecins-clercs. Il naîtra une fille unique de son union avec l'héritière de riches commerçants de Montpellier. Elle deviendra dominicaine.