II. – La confession de miss Jethro.
» Miss Jethro reprit après un silence :
» – Pour que vous puissiez croire que je dis la vérité sur autrui, il faut, hélas ! que je commence par dire la vérité sur moi-même. Vérité douloureuse ! et vous comprendrez que je ne l’avoue qu’en présence d’un devoir et d’une nécessité inévitables et suprêmes. Vous trouverez bon que je n’insiste pas sur ces aveux d’une femme très malheureuse. Ce n’est que l’éternelle histoire d’une faute, d’une faute de jeunesse, d’inexpérience, de confiance ; faute amèrement déplorée, cruellement expiée ! Elle est trop usée, cette histoire lamentable, pour que je la répète encore…
» Miss Jethro a passé, alors, à des incidents de date plus récente, – sa visite à Netherwoods, la lettre du docteur Allday, lettre que j’ai du lire sur sa pressante requête.
» Elle m’a dit :
» – Vous voyez les admonestations sévères que cette lettre m’adressait. Entre autres choses, le docteur mentionne ce fait que, s’étant informé de moi dans la maison que j’habitais à Londres, il avait appris que j’avais en quelque sorte pris la fuite ; il ajoutait que je m’étais introduit chez miss Ladd grâce à de fausses références.
» – Le docteur vous accusait-il à tort ? demandai-je.
» – Non ; sur un point il ne savait pas ; sur l’autre il disait juste. En sortant de chez lui, savez-vous avec qui je me suis trouvée face à face dans la rue ? Avec l’homme auquel je dois la honte de mon misérable passé ! L’aversion, l’horreur qu’il m’inspire ne se peuvent exprimer. Je n’avais qu’un moyen de m’échapper. Un cab passait à vide. Je m’y suis élancée. Je pus atteindre la gare et de là ma retraite à la campagne sans avoir été suivie. Suis-je tant à blâmer, monsieur ?
» – Non, assurément, lui dis-je.
» Elle avoua ensuite le subterfuge employé avec miss Ladd.
» – J’ai une cousine, qui était comme moi une miss Jethro. Avant son mariage, elle avait rempli les fonctions de gouvernante. Elle me connaissait, elle sympathisait avec mon sincère désir de me suffire par le travail. Dans ce but, elle me permit de me servir des certificats obtenus par elle. J’ai été dénoncée. À l’heure qu’il est, je ne sais pas encore par qui. Il m’a fallu quitter Netherwoods. Voilà la vérité. Vous savez que j’ai menti à miss Ladd, vous êtes libre de supposer que je vous mentirai avec une égale audace.
» – L’intention était si honorable, dis-je, que vous êtes tout excusée et justifiée, et ma confiance reste entière en votre parole.
» Miss Jethro poursuivit avec plus d’assurance son récit.