CHAPITRE PREMIER

CÉCILIA DANS UN NOUVEAU RÔLE


Il était assez tard dans la soirée lorsque Émily rentra chez elle. En arrivant au cottage, elle trouva la carte d’une visiteuse qui s’était présentée dans la journée. Miss Wyvil avait écrit au crayon sur la carte quelques mots qui excitèrent vivement la curiosité d’Émily :

 

« Votre femme de ménage me communique la dépêche par laquelle vous annoncez votre retour pour ce soir. Attendez-moi demain matin de bonne heure. Je vous apporterai des nouvelles qui vous intéresseront. »

 

De quelles nouvelles s’agissait-il ? Émily interrogea la femme laissée à la garde du cottage et n’en put rien tirer. Miss Wyvil avait paru vivement contrariée de ne pouvoir parler tout de suite à son amie ; rien de plus.

 

Émily, de son côté, était vivement contrariée de n’avoir pu l’entendre. L’experte mistress Ellmother appliqua à son impatience un traitement judicieux : d’abord un bon souper, puis l’offre d’un lit aux draps frais après le poussiéreux voyage.

 

« Dix heures d’attente jusqu’à l’arrivée de Cécilia ! soupira Émily.

 

– Pas dix minutes, répliqua mistress Ellmother, si vous êtes assez raisonnable pour vous endormir sur-le-champ. »

 

Le lendemain, à peine le premier déjeuner était-il desservi que Cécilia apparaissait, aussi charmante, aussi douce, aussi affectueuse que jamais. Elle était cependant extrêmement grave.

 

« Vos nouvelles ? dites-moi vos nouvelles ! s’écria Émily.

 

– Tout de suite, chère amie, tout de suite. Laissez-moi pourtant vous dire d’abord que je suis au courant de tous les faits que vous m’aviez dissimulés après votre départ de Monksmoor… Oh ! je ne vous fais pas de reproche ! On m’a certifié que vous aviez des raisons valables pour garder le secret.

 

– Qui vous a certifié cela ?

 

– M. Alban Morris.

 

– M. Alban Morris !

 

– Oui, cela vous étonne ?

 

– Plus que je ne saurais vous le dire.

 

– Bah ! vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Oh ! M. Alban Morris n’a pas perdu son temps. Il a vu miss Jethro !

 

– Il a vu ?…

 

– Ah ! vous voyez comme tout ceci est intéressant. Il a vu miss Jethro, ma chère ! Il a causé avec elle. Il tient d’elle que M. Mirabel a été injustement soupçonné. Notre aimable, notre charmant clergyman n’est pas du tout un assassin. C’est tout simplement un cœur de lièvre !

 

– De grâce, expliquez-vous, Cécilia ! d’où savez-vous ?…

 

– Voyons, ma bonne amie, êtes-vous calme ? êtes-vous forte ? Avez-vous assez de sang-froid pour lire la relation de tous ces faits palpitants ? »

 

Elle tira de sa poche une enveloppe et de l’enveloppe plusieurs feuillets couverts d’écriture.

 

« C’est, dit-elle, le compte rendu succinct de tout ce qui s’est passé entre M. Alban Morris et miss Jethro.

 

– Mais d’où le tenez-vous ?

 

– M. Morris me l’a remis lui-même en me disant : « Remettez cela à Émily le plus tôt possible, et quand elle le lira, soyez là, prenez bien soin d’elle… » Je suis là ! ajouta Cécilia d’un petit air capable. Je vous expliquerai nos inquiétudes tout à l’heure. »

 

Émily regardait avec une certaine appréhension les pages manuscrites.

 

« Pourquoi, demanda-t-elle, n’est-il pas venu lui-même me faire part de ses découvertes ? Est-ce que ?… – Les feuilles de papier tremblaient entre ses doigts. – Est-ce qu’il est fâché contre moi ?

 

– Fâché ? lui ? Fâché contre vous ! Lisez ce qu’il a écrit, et vous verrez ce qui le tient à distance. »

 

Émily, pleine de trouble et d’anxiété, se mit à lire.

 

Je dis non
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