Chapitre 22

Mara coupa les répulseurs et, avec un choc métallique discret, la navette se posa dans la baie du hangar.

— Navette 37, annonça Luke dans le communicateur. Attendons instructions.

— Bien reçu, navette 37, dit la voix du contrôleur. Coupez tous vos systèmes et tenez-vous prêt pour le déchargement.

— Confirmé.

Luke s’apprêta à couper la communication quand Mara l’arrêta.

— Contrôle, c’est mon premier ravitaillement, fit-elle avec une légère note de curiosité. Combien de temps faudra-t-il que nous attendions avant de pouvoir repartir ?

— Je vous suggère de vous détendre un peu. Nous déchargeons toutes les navettes avant de donner l’autorisation de départ. Comptez deux bonnes heures au moins.

— Oh, fit Mara, d’un ton déconcerté. Merci… Eh bien, on va peut-être faire la sieste.

Elle coupa.

— Bon. (Elle défit son harnais et se leva.) Cela devrait nous donner le temps d’aller jusqu’au centre de détention et d’en revenir.

— En espérant qu’ils n’aient pas transféré Karrde sur un autre bâtiment, fit Luke tout en la suivant vers l’arrière du pont de commandement, en direction de l’escalier en spirale qui accédait aux entrepôts du niveau inférieur.

— Non. Le seul danger, c’est qu’ils aient commencé le traitement maximal. Luke fronça les sourcils.

— Le traitement maximal ?

— L’interrogatoire, dit Mara en posant le pied dans l’entrepôt et en promenant autour d’elle un regard évaluateur.

« Bien… Ça devrait aller… (Elle désignait une section du pont, droit devant elle.) Loin des regards indiscrets, et vous ne devriez rien toucher de vital.

— C’est juste.

Luke activa son sabrolaser et entreprit consciencieusement de découper un orifice dans le sol. Il avait presque terminé quand un éclair éblouissant jaillit du trou, Et les lumières s’éteignirent brusquement dans l’entrepôt.

Mara jura, mais il la rassura :

— Ça ira. Le sabre va nous éclairer suffisamment.

— Ce qui m’inquiète, c’est que le câble a pu faire jaillir un arc sur le pont du hangar. Et ça ne peut pas passer inaperçu.

Luke lança ses sens Jedi.

— Personne à proximité ne semble s’être aperçu de quoi que ce soit, dit-il enfin.

— Espérons. (Elle désigna l’orifice inachevé.) Continuez.

Il s’exécuta. Une minute plus tard, avec l’aide d’un treuil magnétique, ils soulevèrent le morceau de pont et de coque jusqu’à l’intérieur de l’entrepôt. Le pont du hangar leur apparut à quelques centimètres de distance, sous la clarté verdâtre du sabrolaser.

Mara y fixa le grappin du treuil. Luke, à plat ventre, plongea son sabre dans le trou. Puis, il s’interrompit et sonda le corridor qui se trouvait immédiatement sous le pont du hangar.

Il était désert.

— N’oubliez pas de tailler en biseau, lui rappela Mara à la seconde où le sabrolaser pénétrait doucement dans le métal.

« Un trou béant dans le plafond n’échapperait même pas au regard d’un conscrit.

Luke acquiesça en achevant la découpe. Mara était prête. Dès qu’il éteignit le sabre, avec le treuil, elle remonta la plaque de métal jusqu’à un mètre de haut, puis coupa le moteur.

— C’est assez haut, fit-elle. Le blaster au poing, elle s’assit avec précaution sur le rebord encore brûlant et sauta. Elle retomba en douceur sur ses pieds et observa les alentours.

— Ça va ! souffla-t-elle.

Luke, à son tour, s’assit sur le rebord et fixa son regard sur la commande du treuil. Il lança la Force, et sauta à la suite de Mara.

Le pont était un peu plus bas qu’il ne l’avait cru, mais ses muscles de Jedi compensèrent sans mal l’impact. Il reprit son équilibre et leva les yeux : le couvercle de métal s’était parfaitement remis en place.

— Ça me paraît bien, murmura Mara. Je ne crois pas que quiconque puisse le remarquer.

— À moins d’avoir les yeux dessus. Où est le centre de détention ?

— Par-là, fit Mara en pointant son blaster. Mais nous ne pouvons y aller habillés comme ça. Venez.

Elle précéda Luke vers l’extrémité du passage. Ils franchirent un carrefour et pénétrèrent dans un couloir plus large. Luke avait tous ses sens en alerte, mais il ne détecta que quelques rares traces de vie.

— C’est incroyablement tranquille.

— Ça ne durera pas, lui dit Mara. C’est un secteur de service, et la plupart de ceux qui travaillent habituellement ici sont occupés au déchargement des navettes. Mais nous avons besoin d’uniformes ou de combinaisons de vol avant d’aller plus loin.

Luke se rappela la dernière fois où il avait tenté de se faire passer pour un Impérial.

— D’accord, mais laissons de côté les armures de troupes d’assaut. On a du mal à voir avec ces casques.

— Je ne savais pas que les Jedi se servaient de leurs yeux, fit Mara d’un ton aigre. Attention : nous y sommes. Là-bas, ce sont des quartiers d’équipage.

Luke avait brusquement ressenti ce bond soudain dans la population proche.

— Je ne crois pas que nous puissions nous glisser parmi tant de gens.

— Je n’en avais pas l’intention. (Mara lui montra un autre corridor qui partait vers la droite.) Tout au fond, il devrait y avoir des chambres de briefing pour les pilotes de Tie. Allons voir si nous pouvons en trouver une avec des combinaisons spatiales. Mais si l’Empire était assez laxiste pour ne pas surveiller ses secteurs de service, il n’en était pas de même avec les chambres de briefing. Il y en avait six, regroupées autour des turbo-élévateurs, au bout du corridor. Et, à en juger par le murmure des conversations, il était évident qu’elles étaient toutes occupées, au moins par deux personnes chacune.

— Et maintenant ? chuchota Luke.

— Qu’est-ce que vous en pensez ? fit-elle en rengainant son blaster et en pliant les doigts. Montrez-moi seulement celle qui est la moins occupée et écartez-vous. Je me charge du reste.

— Une minute.

Luke réfléchit intensément. Il ne voulait pas tuer de sang-froid les hommes qui étaient derrière ces portes. Mais il ne tenait pas non plus à se retrouver dans la situation dangereuse qu’il avait connue durant le raid des Impériaux sur les entreprises minières de Lando sur Nkllon, quelques mois auparavant. Il avait utilisé la Force pour dérouter les chasseurs Tie, mais il avait bien failli se retrouver au seuil du côté sombre. Il ne tenait pas à répéter l’expérience.

Mais s’il parvenait seulement à effleurer l’esprit de ces hommes, plutôt que de les tordre…

— On va essayer celle-ci, dit-il à Mara en montrant une chambre où il n’avait décelé que trois hommes.

« Mais nous n’allons pas donner l’assaut. Je crois que je peux-détourner suffisamment leur curiosité pour entrer, prendre les combinaisons, et ressortir.

— Et si vous n’y arrivez pas ? Nous aurons perdu tout le bénéfice de l’effet de surprise.

— Ça marchera, l’assura Luke. Préparez-vous.

— Skywalker…

— De plus, je doute que, même avec l’effet de surprise, vous puissiez supprimer ces trois-là sans faire de bruit, ajouta-t-il. Vous ne croyez pas ?

Elle lui décocha un regard laser, mais lui montra la porte sans un mot. Il aligna son esprit sur la Force et s’avança. Le lourd panneau de métal s’ouvrit devant lui, et il entra.

Les trois hommes étaient allongés autour de la table du moniteur, au centre de la pièce. Deux d’entre eux portaient l’uniforme brun des hommes d’équipage de l’Empire, et le troisième la tenue noire et le casque scintillant d’un soldat de la Flotte. Tous trois levèrent la tête, et Luke perçut leur manque de curiosité pour ce nouveau venu. Il lança la Force et effleura leurs esprits afin d’atténuer leur curiosité. Les deux hommes d’équipage finirent par l’ignorer. Le soldat l’observa encore un instant, mais par simple intérêt. Luke, en s’efforçant de paraître aussi désinvolte et insouciant que possible, se dirigea vers la penderie et choisit trois tenues de vol. Les hommes avaient repris leur conversation autour du moniteur et il regagna la porte. Qui coulissa derrière lui.

— Alors ?… souffla Mara.

Luke acquiesça.

Allez, enfilez-en une, fit-il. Il faut que j’essaie de réprimer leur curiosité pendant deux minutes encore. À moins qu’ils aient déjà oublié que je suis entré là-dedans.

Mara acquiesça et entreprit de se glisser dans la combinaison.

— Bien joué, je dois dire.

— Pour cette fois, du moins, ça a marché.

Avec précaution, il se retira de l’esprit des Impériaux, guettant l’épanchement d’émotion qui révélerait que tout le subterfuge s’effondrait. Mais il ne surprit qu’un flot paisible de conversation.

Comme il l’avait dit à Mara, pour cette fois, au moins, cela avait marché.

Il s’éloigna de la chambre de briefing. Mara l’attendait devant une cabine de turbo-élévateur.

— Vite, vite ! (Elle avait déjà revêtu sa combinaison et jeté les deux autres sur son épaule.) Vous pourrez vous habiller en route.

— J’espère que personne ne va monter, marmonna-t-il en entrant. Ça serait difficile à expliquer.

— Personne ne va monter, dit-elle à l’instant où la porte de la cabine se refermait. Je l’ai verrouillé en non-stop. (Elle lui jeta un coup d’œil) Vous persistez à vouloir faire le coup comme ça ?

— Je ne pense pas que nous ayons vraiment le choix, dit-il en commençant à s’habiller, avec peine, car il se sentait à l’étroit dans les deux combinaisons. Yan et moi, nous avons tenté une attaque de front contre l’Étoile Noire. Ça n’a pas été franchement un succès.

— Oui, mais vous n’aviez pas eu accès à l’ordinateur principal. Si je peux bricoler les enregistrements et transférer les ordres, nous pourrons tirer Karrde de là avant même qu’ils s’en rendent compte.

— Mais vous allez laisser des témoins derrière nous, et eux sauront que Karrde s’est enfui. Et si jamais l’un d’entre eux décide de vérifier verbalement les ordres, tout s’écroule. Et je ne pense pas que ce tour d’escamotage dont je viens de me servir marchera avec les gardiens du centre de détention – eux, ils sont dressés pour être vigilants.

— D’accord. (Mara revint au tableau de contrôle du turbo-élévateur.) Moi, ça ne me dit rien. Mais si c’est ce que vous voulez, je suis.

Le centre de détention était situé loin à l’arrière du destroyer, à quelques ponts sous le commandement et les sections de contrôle, à la verticale du secteur des machines et des énormes propulseurs sub-luminiques.

La cabine du turbo-élévateur changea plusieurs fois de direction, passant de la verticale à l’horizontale. Luke finit par se dire que cet itinéraire était bien compliqué et il commença à se demander si Mara n’essayait pas de le duper. Mais il ne lisait aucun mensonge en elle, et il finit par comprendre qu’elle brouillait délibérément leur trajet pour tromper les services de sécurité internes du Chimaera.

La cabine stoppa enfin, et la porte coulissa. Ils sortirent dans un long couloir où quelques hommes d’équipage en combinaison d’entretien étaient au travail.

— Votre porte d’accès se trouve là-bas, fit Mara en montrant le fond du couloir. Je vous donne trois minutes pour être prêt.

Il hocha la tête et s’éloigna en s’efforçant de se comporter comme un habitué des lieux. Ses pas résonnaient sur le sol de métal, lui rappelant cette première visite sur l’Étoile Noire qui avait bien failli tourner au désastre.

Mais alors, il n’était qu’un gamin ébloui par des visions de gloire et d’héroïsme, trop naïf encore pour comprendre les dangers mortels qui le guettaient. Aujourd’hui, il était plus âgé, plus expérimenté, et il savait exactement dans quoi il plongeait.

Mais il ne ralentissait pas pour autant. Il se demanda vaguement s’il était-plus inconscient ou non.

Il atteignit la porte et s’arrêta, faisant semblant de consulter le bloc de données qu’il avait trouvé dans une poche de la combinaison, jusqu’à ce que le couloir redevienne désert. Puis, avec une inspiration profonde, il ouvrit et entra.

Même en retenant son souffle, il perçut les relents. Ce fut comme une gifle violente. Il se pouvait que l’Empire eût fait quelques progrès ces dernières années, mais les puits d’évacuation des détritus puaient autant qu’avant.

Il laissa la porte se refermer, et entendit le faible déclic d’un relais de sécurité. Il avait joué trop serré et Mara avait déjà activé le cycle de compression. En respirant par la bouche, il attendit… et, un moment plus tard, avec un claquement assourdi de pistons hydrauliques, les parois commencèrent à se rapprocher.

La gorge serrée, il agrippa son sabrolaser tout en essayant de garder l’équilibre sur l’amas de détritus qui commençait à basculer et à osciller sous lui. Ce plan pour pénétrer dans le niveau de détention était de lui, et il avait eu bien du mal à convaincre Mara. Mais à présent, alors que les parois se refermaient sur lui, l’idée ne lui semblait plus aussi bonne. Si Mara ne parvenait pas à contrôler exactement le mouvement hydraulique – ou si elle était interrompue…

Ou si elle retrouvait toute sa haine durant quelques secondes.

Les parois se rapprochaient toujours en grinçant. Luke luttait pour conserver son équilibre. Il avait conscience que si jamais Mara voulait le trahir maintenant, il le saurait bien trop tard. Les parois à compression étaient bien trop épaisses pour qu’il puisse se tailler un chemin avec son sabre, et la masse mouvante qui vibrait sous ses pieds l’avait d’ores et déjà entraîné trop loin de la porte pour s’enfuir par-là. Dans les craquements de métal et de plastique torturés, il regarda l’espace se réduire entre les deux parois : deux mètres… un mètre et demi…

Elles s’immobilisèrent en vibrant à un mètre l’une de l’autre.

Luke inspira profondément l’air fétide de la pièce. Mara ne l’avait pas trahi, et elle avait même parfaitement joué. À présent, c’était son tour. Il recula jusqu’au fond de la pièce, prit son élan, et bondit.

Sa position était instable, les murs de compactage de détritus incroyablement hauts, et même avec son énergie Jedi, il n’était arrivé qu’à mi-chemin du sommet. Mais il lança ses genoux vers le haut et réussit à extraire ses pieds. D’un soubresaut violent, il projeta ses jambes vers le haut et s’arrima entre les parois. Il s’accorda une seconde pour reprendre son souffle et ses repères, et entreprit sa remontée.

Ce ne fut pas aussi difficile qu’il l’avait redouté.

Enfant, sur Tatooine, il avait fait pas mal d’escalade et attaqué une demi-douzaine de fois les cheminées des montagnes sans trop d’enthousiasme. Les parois lisses du compacteur offraient moins de prises que la roche, mais les distances restaient égales et il n’y avait pas d’aiguillons rocheux pour lui égratigner le dos. En deux minutes, il atteignit le sommet et le déversoir d’entretien qui – il l’espérait – aboutissait au niveau de détention. Si Mara avait bien déchiffré son plan, il disposait d’environ cinq minutes avant la relève de la garde. Serrant les dents, il pénétra dans l’écran magnétique, au fond du déversoir, et, inspirant une fois encore une bouffée d’air douteux, il remonta.

Ça lui prit cinq minutes. Et il s’aperçut que Mara n’avait pas commis d’erreur. À travers le grillage qui couvrait le déversoir, il entendit des bruits divers et des voix qui provenaient de la chambre de contrôle, en même temps que le sifflement régulier des portes de cabines de turbo-élévateurs. C’était l’heure de la relève. Dans les deux minutes qui allaient suivre, les deux équipes de garde seraient rassemblées dans la chambre de contrôle. Le moment idéal, s’il frappait vite, pour évacuer un prisonnier sous leur nez. Tout en se maintenant au grillage d’une main, il alluma son sabrolaser. En prenant garde de ne pas laisser pointer la lame dans le couloir du dessus, il découpa une section de grillage et la ramena à l’intérieur du puits. Il se servit d’un des crochets de sa combinaison pour maintenir ce qui subsistait du grillage et se hissa par l’ouverture.

Le corridor était désert. Il consulta le numéro de la plus proche cellule afin de s’orienter avant de se diriger vers celle que Mara lui avait désignée. Les conversations semblaient prendre fin dans la chambre de contrôle et les nouveaux gardiens ne tarderaient plus à prendre leurs postes dans les divers corridors du bloc. Tous ses sens en alerte, Luke progressait. Enfin, il fit jouer le verrou de la cellule. Dès que la porte s’ouvrit, Talon Karrde quitta son bât-flanc avec son sourire sardonique si familier. Qu’il perdit quand il reconnut son visiteur.

— Ça, je ne peux pas le croire, marmonna-t-il.

— Moi non plus, fit Luke en promenant rapidement le regard autour de la cellule. Vous êtes prêt ?

— Prêt et paré, dit Karrde en se dirigeant vers la porte. Heureusement, ils sont encore dans la phase de mise en condition. Manque de nourriture, de sommeil… mais vous connaissez la routine.

— J’en ai entendu parler ; (Luke jeta un coup d’œil de part et d’autre du corridor toujours désert.) La sortie est dans cette direction. Venez.

Ils regagnèrent le puits sans incident.

— Bien sûr, vous devez plaisanter, dit Karrde à l’instant où Luke le précédait dans le trou, bloquant son dos et ses pieds contre la paroi.

— De l’autre côté, il y a des gardiens, lui rappela Luke.

— Gagné. (Karrde se pencha avec répulsion au-dessus de l’orifice.) Je suppose que ce serait trop que d’espérer une corde.

— Désolé. Le seul point d’accroche possible, c’est ce grillage, et nous serions repérés en un rien de temps. Mais vous n’avez pas le vertige, n’est-ce pas ?…

— Non, c’est seulement l’idée de la chute qui me contrarie, repartit Karrde d’un ton sec.

Mais, déjà, il s’insérait dans l’ouverture, agrippé à la grille, les jointures des doigts blanchies par la tension.

— On va descendre comme dans une cheminée jusqu’au compacteur de détritus, lui dit Luke. Vous avez déjà fait ça ?

— Non, mais j’apprends vite.

Karrde prit modèle sur la position de Luke.

— Je présume que vous souhaitez que cet orifice soit rebouché, dit-il.

Et il remit en place le grillage.

— Quoique, ajouta-t-il, je ne pense pas que ça puisse abuser quiconque y regardera de près.

— Avec un peu de chance, nous aurons regagné le hangar avant que ça se passe. Allons, venez. Doucement, on y va.

Ils regagnèrent le compacteur de détritus sans ennui.

— Un aspect de l’Empire que les touristes ne voient jamais, commenta Karrde en suivant Luke. Et il ajouta : « Comment on en sort ?

Luke pointa un doigt vers la masse sur laquelle ils progressaient.

— La porte est là. Mara est censée rouvrir les parois dans deux minutes pour nous permettre de redescendre.

— Ah… fit Karrde. Mara est avec vous ?

— Elle m’a expliqué comment ils vous avaient capturé, dit Luke. (Si Karrde avait de la rancune à l’encontre de Mara, il le cachait bien.) Elle m’a dit qu’elle n’était pour rien dans ce piège.

— Oh, j’en suis certain, dit Karrde. Ne serait-ce que parce que ceux qui m’ont interrogé ont tout fait pour me persuader du contraire. (Il dévisagea Luke d’un air songeur.) Qu’est-ce qu’elle vous a promis pour votre aide ?

Luke secoua la tête.

— Rien. Elle m’a seulement rappelé que je vous devais cela pour ne pas m’avoir livré aux Impériaux sur Myrkr.

Karrde grimaça un sourire.

— Vraiment. Et elle n’a pas parlé des raisons pour lesquelles le Grand Amiral voulait m’avoir ?

Luke se rembrunit. L’autre l’observait attentivement, et Luke, tout soudain, eut la certitude qu’il lui dissimulait un secret.

— Je suppose que c’était par pure vengeance, parce que vous m’aviez laissé fuir. Y a-t-il autre chose ?…

Karrde détourna les yeux.

— Disons seulement que si nous arrivons à ficher le camp d’ici, la Nouvelle République y gagnera beaucoup.

Il fut interrompu par un claquement métallique étouffé. Et les parois du compacteur commencèrent à s’écarter. Luke aida Karrde à conserver son équilibre tout en projetant ses sens de Jedi vers le corridor qui se déployait au-delà. Il décela quelques membres d’équipage, mais aucun signe de méfiance ou de soupçon.

— C’est Mara qui fait tout ça ? demanda Karrde.

Luke acquiesça.

— Elle avait un code d’accès à l’ordinateur du vaisseau.

— Intéressant. D’après tout ce qui s’est passé, j’ai déduit qu’elle avait été en rapport avec l’Empire dans le passé. Il est évident qu’elle avait un poste plus important que je le croyais.

Luke acquiesça en se souvenant de ce que lui avait révélé Mara dans la forêt de Myrkr. Mara Jade, la Main de l’Empereur… – Oui, fit-il brièvement. Elle avait un poste important.

Les parois s’arrêtèrent. L’instant d’après, un relais cliqueta. Luke attendit que le corridor soit désert avant de sortir. Deux techniciens de maintenance qui travaillaient sur un panneau ouvert un peu plus loin jetèrent un vague regard de curiosité aux nouveaux venus avant de revenir à leur tâche. Luke sortit le bloc de données de sa poche et affecta d’entrer quelques notes. Karrde joua le jeu en se mettant à débiter des phrases dans un jargon convaincant. Dès que la porte se fut refermée sur eux, Luke remit le bloc dans sa poche et accéléra le pas.

Mara les attendait près des cabines de turbo-élévateurs, avec la troisième combinaison de vol sur le bras.

— La cabine arrive, murmura-t-elle.

Une seconde, en rencontrant le regard de Karrde, ses traits se durcirent presque imperceptiblement.

— Il sait que vous ne l’avez pas trahi, dit Luke.

— Je n’ai rien demandé, fit-elle, mais il sentit une part de sa tension s’effacer.

« Tenez. (Elle lança la tenue de vol à Karrde.) Un petit peu de camouflage.

— Merci. Et nous allons où ?

— Nous sommes arrivés avec une navette de ravitaillement, expliqua Mara. Nous avons découpé un trou dans le bas de la coque pour en sortir, mais il va falloir que nous prenions le temps de ressouder le tout avant de pouvoir retourner à la surface de la planète.

Le turbo-élévateur arriva comme Karrde achevait d’ajuster les brides de sa tenue.

Deux hommes qui poussaient un générateur d’énergie sur une table flottante passèrent devant eux, occupant presque tout le volume de la cabine.

— Vous allez où ? demanda l’un d’eux avec la politesse absente d’un homme préoccupé.

— Chambre de briefing pilote 33-129-T, répondit Mara sur le même ton.

Le technicien pianota la destination sur le panneau et la porte se referma. Et pour la première fois depuis que Mara avait posé le Skipray sur Wistril cinq heures auparavant, Luke inspira plus paisiblement. Encore un quart d’heure, et ils seraient de retour à la navette.

Envers et contre toutes les probabilités, ils avaient réussi. Le rapport de demi-quart du hangar arriva et Pellaeon interrompit son monitoring du contrôle du déflecteur de passerelle pour y jeter un bref coup d’œil. Excellent : les opérations de déchargement se déroulaient avec huit minutes d’avance sur le programme. À cette allure, le Chimaera serait en mesure de rallier son point de rendez-vous avec le Stormhawk largement à temps pour monter cette embuscade destinée au convoi rebelle qui se formait au large de Corfai. Il annota le rapport et le retourna aux archives. Il était à peine revenu à son monitoring de déflecteur quand il entendit un pas discret derrière lui.

— Bonsoir, capitaine, fit Thrawn en s’arrêtant près de lui et en balayant la passerelle d’un regard bienveillant.

— Amiral, fit Pellaeon en faisant pivoter son siège. Je pensais que vous vous étiez retiré pour la nuit.

— J’étais dans ma chambre de commandement, dit Thrawn en examinant les écrans. J’ai pensé que je ferais bien de vérifier une dernière fois le statut du vaisseau avant de gagner mes quartiers. C’est le déflecteur de passerelle ?

— Oui, amiral. (Pellaeon se demanda quelle sorte d’art indigène avait la faveur du Grand Amiral, ce soir.) Pas de problème jusque-là. Et le déchargement de la Baie Arrière Deux est en avance sur le programme.

— Très bien. Pas de nouvelle de la patrouille d’Endor ?

— Seulement un addendum au dernier rapport, amiral. Apparemment, ils confirment que le vaisseau qu’ils ont intercepté était en fait un contrebandier qui venait fouiller ce qui reste de la base impériale. Mais ils continuent à interroger l’équipage.

— Rappelez-leur de faire le travail à fond avant de laisser repartir le contrebandier, fit Thrawn d’un air sombre. Organa Solo n’a pas pu abandonner le Faucon Millenium en orbite comme ça. Tôt ou tard, elle viendra le récupérer… Et alors, j’ai bien l’intention de la capturer.

— Oui, amiral, acquiesça Pellaeon.

Il était bien certain que le commandant du groupe d’Endor n’avait pas besoin qu’on lui rappelle tout ça.

— À propos du Faucon Millenium, avez-vous décidé si nous devions poursuivre les scannings ?

Thrawn secoua la tête.

— Je doute que nous y gagnions quoi que ce soit. L’équipe de scanning serait plus utile dans la maintenance des systèmes du Chimaera. Faites transférer le Faucon Millenium dans les entrepôts de fond jusqu’à ce que nous lui trouvions un usage.

— Bien amiral, fit Pellaeon en notant l’ordre. Oh, il y a aussi un rapport bizarre qui m’est parvenu il y a seulement quelques minutes. Une patrouille a découvert dans le périmètre de ravitaillement de la base un Skipray qui s’était apparemment crashé.

— Crashé dans le périmètre ? fit Thrawn, les sourcils froncés.

— Oui, amiral. (Pellaeon afficha le rapport.) Oui, le dessous de sa coque est en très mauvais état, et toute la superstructure est grillée.

L’image apparut et Thrawn se pencha.

— Des cadavres ?…

— Non, amiral. La seule chose que nous ayons trouvée à bord – et c’est là le détail bizarre – est un ysalamir.

Il devina le raidissement de Thrawn.

— Montrez-le moi.

Pellaeon passa à l’image suivante, une vue en gros plan de l’ysalamir sur son support nutritif.

— Ce support n’est pas de notre fabrication. Impossible de dire d’où il vient.

— Oh, mais si, fit Thrawn. (Il se redressa.) Capitaine, donnez l’alerte : nous avons des visiteurs à bord.

Pellaeon lui décocha un regard d’absolue surprise tout en pianotant sur les touches d’alerte.

— Des visiteurs ?

Les sirènes s’étaient mises à lancer leur plainte rauque.

— Oui, des visiteurs, fit Thrawn avec un feu plus intense encore dans ses yeux rouges. Donnez l’ordre qu’on inspecte immédiatement la cellule de Karrde. S’il s’y trouve encore, qu’on le déménage aussitôt et qu’on le place sous bonne garde. Je veux aussi qu’on mette en place un nouveau cordon de troupe autour des navettes et qu’on vérifie les identités de tous leurs équipages. Et aussi… (Il hésita. ) Faites éteindre l’ordinateur central du Chimaera.

Les doigts de Pellaeon se figèrent sur son clavier.

— L’éteindre ?

— Exécutez les ordres, capitaine.

— Oui, amiral.

Pellaeon avait l’impression que ses lèvres étaient gelées. Durant toutes ses années de service au sein de l’Empire, jamais il n’avait vu désactiver délibérément un ordinateur de l’espace dock. Car le vaisseau allait être totalement aveugle et infirme. Ce qui risquait d’être fatal si des intrus s’étaient glissés à bord.

Thrawn devina les craintes de son commandant.

— Je reconnais que cela va gêner quelque peu nos mouvements. Mais encore plus ceux de nos ennemis. Voyez-vous, s’ils ont eu connaissance des destinations du Chimaera, c’est parce que Mara Jade a dû avoir accès à l’ordinateur quand nous les avons amenés à bord, elle et Karrde.

— C’est impossible, protesta Pellaeon en regardant s’effacer les images des écrans. Tous les codes d’accès dont elle aurait pu avoir connaissance ont été modifiés depuis des années.

— À moins qu’il n’existe des codes permanents dans le système. Des codes définis par l’Empereur, pour lui et ses agents. Jade, et ça ne fait aucun doute, compte sur cet accès à l’ordinateur pour cette tentative de fuite. Et nous venons de l’en priver.

Un soldat entra.

— Oui, commandant ?… fit Thrawn.

— Nous avons reçu un message comlink du secteur de détention, annonça-t-il sous le filtre électronique. Le prisonnier Talon Karrde n’est plus dans sa cellule.

— Parfait, fit le Grand Amiral d’un ton sinistre. Donnez l’alerte à toutes les unités pour qu’elles fouillent tout le secteur entre les quartiers de détention et les baies des hangars arrière. Karrde doit être capturé vivant – pas forcément indemne, mais vivant. Quant à ses complices, je les veux vivants eux aussi. Mais sinon… Sinon, je me montrerai compréhensif.