Chapitre 4

 

JORUS C’BAOTH. HUMAIN. NÉ À REITHCAS, SUR BORTRAS, LE 4/3/112, CALENDRIER PRÉ-IMPÉRIAL.

Luke fit la grimace en regardant les données qui se déroulaient sur l’écran de la Bibliothèque de l’Ancien Sénat. Tous les nouveaux régimes avaient cela en commun : les premières lois qu’ils votaient concernaient la datation historique. Il en avait été ainsi pour l’Empire Galactique, de même que pour l’Ancienne République, bien avant. Il ne pouvait qu’espérer que la Nouvelle République ne les imiterait pas. L’histoire était déjà suffisamment complexe comme cela.

ÉTUDES À L’UNIVERSITÉ DE MIRNIC, DU 6/4/95 AU 4/32/90 PE. Centre de formation Jedi sur Kamparas du 2/15/90 au 8/3/88 PE. Formation Jedi privée à compter du 9/88 PE. Instructeur inconnu. Nommé au titre de chevalier Jedi le 3/6/86 pe. Assume le titre de maître Jedi le 4/3/74 pe. Fin du sommaire. Désirez-vous des détails sur son éducation et sa formation ?

— Non, fit Luke.

C’baoth avait assumé le titre de Maître Jedi ? Il avait toujours vécu avec la certitude que ce titre, tout comme le rang de Chevalier Jedi, était décerné par l’ensemble de la communauté Jedi.

— Donnez-moi plus d’information sur son dossier Jedi, dit-il.

MEMBRE DU GROUPE D’OBSERVATION DE DÉMOBILISATION D’ANDO DE 8/82 À 7/81. Membre du comité-conseil auprès du sénat interracial de 9/81 À 6/79 pe. Conseiller Jedi personnel du sénateur palpatine de 6/79 À 5/77…

— Stop ! lança Luke avec un frisson.

Un Jedi, conseiller du Sénateur Palpatine ?

— Détails concernant le service de C’baoth auprès du Sénateur Palpatine.

L’ordinateur parut hésiter, puis afficha.

INFORMATION NON DISPONIBLE

— Non disponible ou classée secrète ?

NON DISPONIBLE, répéta l’ordinateur.

Luke se renfrogna.

— Suite.

MEMBRE DE LA FORCE JEDI RASSEMBLÉE CONTRE L’INSURRECTION DES JEDI SOMBRES SUR BPFASSH DE 7/77 À 1/74 PE. A PARTICIPÉ À LA RÉSOLUTION DE LA CRISE DE POUVOIR D’ALDERAAN EN 11/70. ASSISTANT DU MAITRE JEDI TRAS « S M » INS DANS LA MÉDIATION DU CONFLIT DE DUINUOGWUINNGOTAL DU 1/68 AU 4/66 PE. NOMMÉ AMBASSADEUR DÉLÉGUÉ DANS LE SECTEUR XAPPHYH PAR LE SÉNAT À DATER DU 8/21/62. A JOUÉ UN RÔLE DÉTERMINANT AUPRÈS DU SÉNAT POUR AUTORISER ET FINANCER LE PROJET DE VOL EXTÉRIEUR HORS DE LA GALAXIE. A FAIT PARTIE DES SIX MAITRES ATTACHÉS AU PROJET LE 7/7/65 PE. AUCUNE INFORMATION POSTÉRIEURE AU DÉPART DU VOL DEPUIS YAGA MINOR, LE 4/1/64. FIN DU SOMMAIRE DÉTAILLÉ. AUTRES INFORMATIONS ?

Luke se laissa aller en arrière, les yeux toujours fixés sur l’écran. Non seulement C’baoth avait été le conseiller de l’homme qui un jour se déclarerait Empereur, mais il avait également participé à cette attaque contre les Jedi Sombres du secteur de Sluis dont Leia lui avait parlé.

L’un des rares qui avaient survécu suffisamment longtemps pour affronter Maître Yoda sur Dagobah…

Il perçut un bruit de pas.

— Commandant ?

— Oh, bonjour, Winter, fit-il sans se retourner. Vous me cherchiez ?

Winter se tint auprès de lui.

— La Princesse Leia désirerait vous voir dès que vous en aurez fini ici. (Elle inclina la tête vers l’écran tout en passant la main dans ses longs cheveux blancs et soyeux.) Encore sur vos recherches de Jedi ?

— En quelque sorte, fit Luke.

Il glissa une carte de données dans le terminal et demanda :

— Ordinateur : copie complète du dossier du Maître Jedi Jorus C’baoth.

— Jorus C’baoth, répéta Winter d’un air songeur. Est-ce qu’il n’a pas participé à cette crise de légitimité sur Alderaan ?

— C’est ce que disent les archives. Vous savez quelque chose à ce propos ?

— Guère plus que les autres alderaaniens.

En dépit de la rigidité de sa maîtrise, il sentit un accent de chagrin dans sa voix, et il ne put s’empêcher d’éprouver pour elle un élan de sympathie. Pour Leia, il le savait, la destruction d’Alderaan et la perte de sa famille était encore une cicatrice dans son cœur, mais elle avait repoussé la douleur aux confins de son esprit. Mais pour Winter, avec sa mémoire parfaite et indélébile, le chagrin serait toujours là.

— La question était de savoir qui serait Vice-roi, le père de Bail Organa ou l’un des chefs des autres familles, reprit Winter. Après le troisième blocage des votes, ils en appelèrent au Sénat. C’baoth faisait partie de la délégation qui décida en un mois que le titre revenait légitimement aux Organa.

— Avez-vous jamais vu de portrait de C’baoth ?

— Il y avait un holo représentant l’équipe de médiation dans les archives. C’baoth était… disons de taille moyenne et plutôt grand. Très musclé, aussi, et je me rappelle avoir trouvé cela bizarre pour un Jedi. (Elle regarda Luke, les joues rosies.) Veuillez m’excuser.

— Ce n’est pas grave, fit Luke.

Il s’était aperçu de cette fausse idée : la plupart des gens considéraient qu’un Jedi, avec la Force qu’il maîtrisait, n’avait aucune raison de cultiver sa musculation. Et, pour Luke, il avait fallu plusieurs années pour parvenir au contrôle de son corps, directement lié à celui de son esprit.

— Quoi d’autre ?

— Il avait les cheveux grisonnants et une barbe courte, bien taillée, dit Winter. Il portait cette robe brune et cette tunique blanche que nombre de Jedi semblent affectionner. À part cela, il n’avait rien de particulièrement notable.

— Et quel âge semblait-il avoir ?

— Oh… je dirais la quarantaine. Mais il est toujours difficile d’en juger sur une image.

— Ce qui correspondrait aux archives, acquiesça Luke en récupérant la carte. Mais si c’était exact…

« Vous disiez que Leia voulait me voir ? demanda-t-il en se levant.

— Si vous êtes disponible. Elle est dans son bureau.

— Bien. Allons-y.

— Est-ce que vous connaissez la planète Bortras ? demanda-t-il en marchant. En particulier, quelle est la durée de vie moyenne de ses habitants ?

Elle réfléchit.

— Je n’ai jamais rien lu à ce sujet. Pourquoi ? Il hésita brièvement. Mais, de toute manière, les Impériaux avaient déjà une source d’informations dans le cœur même de la Nouvelle République. Et Winter était certainement au-dessus de tout soupçon.

— Le problème, c’est que si ce prétendu Jedi sur Jomark est bien Jorus C’baoth, il devrait avoir dans les cent ans. Je sais qu’il existe des races qui vivent plus longtemps encore, mais il est censé être humain.

Winter eut un haussement d’épaules.

— Il y a toujours des exceptions à la durée de vie moyenne d’une race. Et un Jedi, en particulier, pourrait connaître des techniques pour la prolonger.

Luke réfléchit. Oui, c’était possible. Yoda avait vécu très longtemps – près de neuf cents ans – et, d’ordinaire, les espèces de petite taille vivaient moins longtemps que les plus grandes. Mais d’ordinaire ne voulait pas dire toujours. Et après des heures de recherche, Luke n’était jamais parvenu à découvrir à quelle race Yoda avait pu appartenir. Peut-être ferait-il mieux d’essayer de savoir combien de temps l’Empereur lui-même avait vécu.

— Vous pensez que Jorus C’baoth est vivant ? demanda Winter, faisant irruption dans ses pensées.

Ils avaient atteint le Grand Corridor, maintenant. Habituellement, on y rencontrait des êtres de toutes sortes, mais aujourd’hui, il semblait presque désert, et les quelques groupes d’humains et autres qu’il repéra étaient trop éloignés pour surprendre leur conversation.

— Lorsque j’étais sur Nkllon, dit-il, j’ai eu un contact mental très bref avec un autre Jedi, fit-il à voix basse.

Plus tard, Leia m’a dit que certaines rumeurs rapportaient la présence de C’baoth sur Jomark. Je ne vois pas d’autre conclusion à tirer.

Winter restait silencieuse.

— Des commentaires ? insista Luke.

— Commandant, tout ce qui se rapporte à la Force et aux Jedi échappe à mon expérience personnelle. Je n’ai aucun commentaire à faire dans quelque sens que ce soit. Mais… je dois dire que l’impression que C’baoth m’a laissée par rapport à son rôle dans l’histoire d’Alderaan me laisse sceptique.

— Pourquoi ?

— Ça n’est qu’une impression, répéta Winter. Je ne vous en aurais jamais fait part si vous ne m’aviez pas interrogée. C’baoth me semble le genre de personne qui aime se trouver au centre des événements, qui, s’il ne peut pas diriger, contrôler, ou participer, trouvera toujours un moyen d’être en vue.

— Je suppose que cela correspond avec ce que je viens de lire. J’ignore si vous êtes au courant, mais il s’est proclamé Maître Jedi. Ce qui me paraît un peu vaniteux de sa part.

— Certainement, admit Winter, mais lorsqu’il est venu sur Alderaan, personne ne lui contestait ce rang. À mon sens, quelqu’un qui aime à ce point se faire remarquer ne se serait jamais tenu complètement à l’écart de la guerre avec l’Empire.

— Un bon point. Passons à autre chose. Que savez-vous de ce projet de Vol Extérieur de l’Ancienne République ?

— Pas grand-chose. On dit que c’était une expédition montée pour aller en quête d’autres formes de vie hors de cette galaxie, mais la chose a été tenue tellement secrète que nul n’a jamais recueilli le moindre détail. Je ne suis même pas certaine que le Vol soit jamais parti.

— Les archives prétendent que oui. Et aussi que C’baoth participait au projet. Est-ce que ça pourrait signifier qu’il était à bord ?

— Ça, je l’ignore, dit Winter. On a prétendu que plusieurs Jedi faisaient partie de l’expédition, mais il n’y a jamais eu de confirmation officielle. (Elle risqua un regard vers Luke.) Est-ce que vous pensez que cela expliquerait son absence durant la Rébellion ?

— Possible. Ce qui soulèverait d’autres questions : qu’est devenue l’expédition et comment en est-il réchappé ?

— Je suppose qu’il existe un moyen de l’apprendre.

— Oui, aller sur Jomark pour lui poser la question. Je crois que c’est ce que je vais faire.

Le bureau de Leia se trouvait à proximité des appartements du Conseil Intérieur, non loin du Grand Corridor. Luke et Winter entrèrent dans la pièce de réception où les attendait un personnage familier, doré et rutilant.

— Hello, 6PO ! fit Luke.

— Maître Luke, quel plaisir de vous retrouver, roucoula le droïd. Je suppose que vous allez bien ?…

— Très bien. À propos, D2 m’a demandé de te transmettre son bonjour. Il est retenu au port par quelques travaux d’entretien sur mon aile X, mais je compte le ramener dans la soirée. Comme ça, vous vous retrouverez.

— Oh, merci, maître. (6PO inclina la tête comme s’il se rappelait brusquement que c’était à lui que revenait le rôle de réceptionniste.) La Princesse Leia et tous les autres vous attendent. Veuillez entrer.

— Merci bien, fit Luke.

6PO pouvait paraître ridicule dans n’importe quelle circonstance, mais il conservait toujours une certaine dignité à laquelle Luke s’efforçait de répondre.

— Préviens-nous si qui que ce soit d’autre se présente, ajouta-t-il.

— Certainement, maître.

Ils retrouvèrent Leia et Yan à l’intérieur, plongés dans une conversation à voix basse devant l’écran de Leia. Chewbacca, assis à l’écart avec son arbalète posée sur les genoux, poussa un grognement de bienvenue.

— Ah, Luke ! fit Leia. Merci d’être là. (Elle regarda Winter.) Ce sera tout, dit-elle.

— Oui, Votre Altesse.

Avec sa grâce habituelle, Winter glissa hors de la pièce.

Luke dévisagea Yan.

— Je me suis laissé dire que tu avais lâché un détonateur thermique à double charge au Conseil d’hier.

Yan eut une grimace.

— J’ai essayé. Mais personne ne m’a réellement cru.

— C’était une de ces séances où tout le monde refuse de voir la vérité en face, expliqua Leia. Ce qu’ils redoutent avant tout de croire, c’est que dans notre élan, nous avons pu manquer l’un des Grands Amiraux de l’Empereur.

— Et ils ont une théorie pour expliquer qu’on ait échappé de si peu au désastre à Sluis Van ? demanda Luke.

— Certains prétendent que c’est à cause de la collusion d’Ackbar.

— Ah… C’était donc ça la cible principale du plan de Fey’lya. Je n’ai pas encore entendu tous les détails.

— Jusque-là, il a joué très serré, grommela Yan. Il prétend qu’il essaie de se montrer juste. Mais je crois qu’il veut tout déstabiliser.

Luke le regarda en plissant le front. Il lisait quelque chose d’autre sur le visage de son ami.

— Et quoi encore ? insista-t-il. Yan et Leia échangèrent un regard.

— Tu as peut-être remarqué, dit Yan, que Fey’lya a lancé ses accusations contre Ackbar immédiatement après Sluis Van. Ou bien c’est le plus grand opportuniste que l’Histoire ait connu…

— Ça, nous le savons déjà, fit Leia.

— … ou alors, continua Yan d’un air sombre, il savait par avance ce qui allait se passer. Luke se tourna vers Leia. Il perçut sa tension…

— Tu as conscience de ce que tu dis ? fit-il. Tu accuses un membre du Conseil d’être un agent de l’Empire. L’expression de Yan ne vacilla pas.

— Oui, parfaitement. Mais n’est-ce pas l’accusation que l’on porte contre Ackbar ?

— C’est un problème de temps, Yan, expliqua Leia. J’ai déjà tenté de l’expliquer. Si nous portons quelque accusation que ce soit contre Fey’lya, ils auront tous l’impression que nous essayons d’inverser les charges, de retourner celles qui pèsent sur Ackbar contre Fey’lya. Même si c’était vrai – ce que je ne crois pas – ça ne paraîtrait qu’une astuce irréfléchie et inefficace.

— C’est peut-être pour ça qu’il n’a pas perdu de temps pour montrer Ackbar du doigt, remarqua Yan. Pour que nous ne puissions pas lui renvoyer l’accusation. Tu n’y as jamais songé ?

— Mais si. Malheureusement, ça ne change rien à la situation. Jusqu’à ce que nous ayons blanchi Ackbar, nous ne pouvons attaquer Fey’lya.

— Allons, Leia, fit Yan. Je sais qu’il y a des moments où il faut jouer fin dans la politique, mais il est question de la survie de la Nouvelle République.

— Qui pourrait bien s’effondrer avec cette affaire sans que quiconque ait tiré, répliqua Leia, irritée. Regarde les choses en face, Yan : tout cela ne tient qu’avec de l’espoir et de la ficelle d’emballage. Il suffit que quelques accusations soient lancées au hasard, et la moitié des races de l’ancienne Alliance Rebelle pourraient bien se séparer pour aller chacune de leur côté.

Luke s’éclaircit la gorge.

— Si je peux faire une remarque ?…

Ils se tournèrent vers lui et la tension diminua de quelques degrés.

— Bien sûr, gamin, fit Yan.

— Je pense que nous sommes tous d’accord sur un point : quels que soient ses plans et ceux qui le soutiennent, Fey’lya prépare quelque chose. Il serait peut-être utile de savoir quoi. Leia, que savons-nous exactement de lui ?

Elle haussa les épaules.

— Nous savons que c’est un Bothan, bien qu’il soit né sur Kothlis, qui est une colonie, et non sur Bothawui même. Il a rejoint l’Alliance Rebelle immédiatement après la Bataille de Yavin, en compagnie d’un groupe important de Bothans. Ils ont surtout servi dans des missions de soutien et de reconnaissance, et n’ont participé qu’à de rares actions. Fey’lya s’était lancé dans des affaires à l’échelle interstellaire avant de rejoindre l’Alliance. Je suis convaincu qu’il a gardé certains contacts, mais j’ignore lesquels.

— Ça ne figure pas dans les archives ? demanda Luke.

Elle secoua la tête.

— Je les ai explorées toutes cinq fois, et j’ai vérifié toutes les références sans rien trouver.

— On va remonter la piste à partir de là, justement, décida Yan. C’est dans les petites rivières qu’on pêche souvent de gros poissons.

Leia lui adressa un regard patient.

— Yan, cette galaxie est plutôt vaste. Nous ne savons même pas, par où commencer.

— Je pense que si, pourtant. Tu as dit que les Bothans avaient participé à quelques actions après Yavin. Où donc ?

— Un peu partout, fit Leia en plissant le front. (Elle fit pivoter l’ordinateur et appuya sur quelques touches.) Voyons…

— Tu peux sauter toutes les batailles auxquelles ils auraient pu participer, dit Yan. Et également toutes les situations où ils étaient en minorité dans une force multiraciale majeure. Tout ce que je veux savoir, c’est dans quelles occasions, les Bothans sont intervenus.

Il lut sur son visage qu’elle ne comprenait pas où il voulait en venir, et Luke partageait ce sentiment. Mais elle intégra les paramètres sans commentaire.

— Eh bien… je pense que ce qui correspond, c’est un engagement très court et violent au large de New Cov, dans le secteur de Curba. Quatre vaisseaux bothans ont repéré un superdestroyer de classe Victory qui rôdait dans les parages, et ils l’ont occupé jusqu’à ce qu’un de nos supercroiseurs intervienne.

— New Cov, hein ?… répéta Yan d’un air songeur. Est-ce qu’il est question de ce système dans le dossier de Fey’lya ?

— Euh… non.

— Très bien, fit Yan. Alors, c’est par là qu’on va commencer.

— Quelque chose m’a échappé ? demanda Leia en jetant un regard à Luke.

— Oh, Leia… Tu as toujours dit toi-même que les Bothans se tenaient à l’écart du conflit quand cela était possible. Ça n’est pas par hasard qu’ils sont tombés sur un superdestroyer au large de New Cov. Ils protégeaient quelque chose.

— Je crois que tu y es, fit Leia.

— Peut-être que oui, acquiesça Yan. Peut-être que non. Supposons que ce soit Fey’lya et non les Impériaux qui ait transféré cet argent sur un des comptes d’Ackbar ? Un transfert sur Palanhi à partir du secteur de Churba serait plus facile qu’à partir d’un des systèmes de l’Empire.

— Ce qui renvoit à notre accusation contre Fey’lya, qui serait un agent impérial, remarqua Luke.

— Il peut s’agir aussi d’une simple coïncidence dans le temps, dit Yan. Ou bien l’un des Bothans aura entendu parler des intentions de l’Empire et Fey’lya se sera servi de cela pour neutraliser Ackbar.

Leia secoua la tête.

— Nous n’avons rien à présenter au Conseil.

— Mais je n’ai pas l’intention de porter cela devant le Conseil. Avec Luke, nous allons partir pour New Cov et vérifier par nous-mêmes. Tranquillement.

Leia dévisagea Luke. Une pensée affleurait dans son esprit.

— Il n’y a rien que je puisse faire pour t’aider, lui dit-il. Mais cela mérite sans doute un coup d’œil.

— D’accord. Mais faites ça discrètement.

Yan eut un sourire crispé.

— Fais-moi confiance. (Il regarda brièvement Luke.) Tu es prêt ?

— Tu veux dire : maintenant, tout de suite ?

— Pourquoi pas ? Leia va s’occuper de la politique ici.

Luke sentit un frémissement dans l’esprit de Leia. Elle rencontra son regard : elle l’implorait de demeurer calme. Et il l’interrogea : Que se passe-t-il ?

Il ne sut jamais si elle devait lui répondre. Car Chewbacca venait d’apparaître sur le seuil avec un grognement éloquent.

Yan se tourna vers son épouse.

— Tu as promis quoi ?

— Je n’avais pas le choix, fit-elle, la gorge serrée.

— Pas le choix ? Mais je t’ai donné le choix. Tu ne vas quand même pas…

— Yan…

Luke se dressa.

— Si vous voulez bien m’excuser. Il faut que j’aille m’assurer de l’état de mon aile X. Nous nous retrouverons plus tard.

— D’accord, camarade, grommela Yan sans oser le regarder.

Luke gagna la porte. Chewbacca l’épiait. Il était clair que le Wookie avait abouti à la même conclusion. Il se redressa de toute sa masse imposante et emboîta le pas à Luke.

La porte glissa derrière eux. Leia fut la première à rompre le silence.

— Yan, il faut que j’y aille, dit-elle doucement. J’ai promis à Khabarakh de le rencontrer. Tu ne comprends pas ?

— Non, je ne comprends pas, fit Yan, en s’efforçant de se maîtriser.

Car cette peur déchirante qu’il avait éprouvée après ce semi-échec de Bpfassh était de retour. Il avait peur pour Leia, peur pour les jumeaux qu’elle portait. Son fils et sa fille…

— Ces… commença-t-il.

— Ces Noghri…

— … ces Noghri qui te canardaient à la moindre occasion il y a moins de deux mois. Tu n’as quand même pas oublié le piège de Bpfassh et leur copie du Faucon ? Et cette embuscade sur Bimmisaari avant ça ? … Ils ont bien failli nous avoir dans ce marché, non ? Sans Luke et Chewie, c’était fini. Et voilà que tu me dis maintenant que tu vas aller leur rendre visite seule sur leur planète ? Mais tu ferais mieux de te rendre à l’Empire : ça gagnerait du temps.

— Si je pensais cela, je n’irais pas. Khabarakh sait que je suis la fille de Dark Vador, et je ne sais pourquoi, mais pour lui, ça semble très important. Je pourrais peut-être utiliser ce moyen de pression pour les faire passer dans notre camp. De toute façon, il faut que j’essaie.

— C’est quoi ça encore ? Une autre idée folle de Jedi ?

Leia lui posa la main sur le bras.

— Yan… Je sais que je cours un risque. Mais c’est peut-être notre unique chance de résoudre cette affaire. Les Noghri ont besoin d’aide – Khabarakh me l’a avoué – et si je peux leur fournir cette aide, si je parviens à les convaincre de se joindre à nous, cela nous fera un ennemi de moins. Et je ne peux pas continuer à courir comme ça tout le temps.

— Et les jumeaux ?

— Je sais, fit-elle en portant la main à son ventre. Mais j’ai un autre choix ? Les boucler dans une des tours du Palais avec un cercle de gardes wookies ? Ils n’auront jamais la chance d’avoir une vie normale aussi longtemps que les Noghri tenteront de nous les enlever.

Ainsi, songea Yan, elle savait. Elle savait que l’Empire n’en voulait qu’à ses enfants non-nés.

Et même sachant cela, elle était quand même prête à rencontrer les intermédiaires de l’Empire. Quoi qu’il fasse, jamais il ne parviendrait à la protéger des risques de l’univers. Aussi fort que fût son amour, elle ne s’en satisferait jamais absolument. Sa vision allait au-delà de lui, tout comme elle allait au-delà d’elle-même, se projetant vers tous les êtres de la galaxie.

Et s’il cherchait à lui enlever ça, par la persuasion ou la force, il ne ferait que lui diminuer l’âme.

— Est-ce que je pourrais au moins t’accompagner ?

Elle lui caressa la joue et lui sourit, avec une brume dans le regard.

— Je leur ai promis de venir seule, murmura-t-elle, la gorge serrée. Ne t’inquiète pas. Tout se passera bien.

— Bien sûr. (Brusquement, Yan se redressa.) Si tu veux partir, tu pars. Viens… je vais t’aider à préparer le Faucon.

— Le Faucon ? répéta-t-elle. Mais je croyais que tu partais pour New Cov.

— Je vais prendre le vaisseau de Lando, fit-il en se dirigeant vers la porte. De toute manière, il faudra que je le lui rapporte.

— Mais…

— On ne discute pas. Si ce Noghri manigance quelque chose, tu auras plus de chance avec le Faucon qu’avec le Lady Luck.

Il sortit dans la salle de réception. Et s’arrêta net. Une montagne velue se dressait entre lui et la porte. Chewbacca. L’air furibond.

— Quoi ? fit Yan.

La réplique du Wookie fut brève, dure et précise.

— Moi aussi, ça ne me plaît pas, concéda Yan. Mais que veux-tu que je fasse ? Que je l’enferme ?

Leia s’approcha d’eux.

— Chewie, dit-elle, je m’en sortirai.

Chewbacca grogna de nouveau. À l’évidence, il n’était guère convaincu.

— Si tu as des suggestions, on veut bien les entendre, dit Yan.

À sa grande surprise, Chewbacca en gronda quelques-unes.

— Chewie, je suis désolée, dit Leia. Mais j’ai promis à Khabarakh de venir seule.

Chewbacca secoua violemment la tête en montrant les crocs.

— Là, je pense que ça ne lui plaît guère, appuya Yan.

— J’ai compris. Écoutez, vous deux : pour la dernière fois…

Chewbacca l’interrompit par un grondement qui la fit reculer.

— Écoute, mon cœur, dit Yan, je pense sincèrement que tu devrais accepter qu’il t’accompagne. Du moins jusqu’au point de rendez-vous. Allons, tu sais à quel point cette dette de sang est importante aux yeux des Wookies. Et puis, tu vas avoir besoin d’un pilote…

Il perçut le reproche dans le regard de Leia : oui, elle était parfaitement capable de piloter le Faucon toute seule.

— D’accord, soupira-t-elle. Je suis certaine que Khabarakh n’y verra pas d’inconvénient. Mais dès que nous aurons atteint le point de rendez-vous, Chewie, tu feras ce que je te dirai, que ça te plaise ou non. D’accord ?

Le Wookie réfléchit un instant avant d’émettre un grognement d’assentiment.

— D’accord, souffla Leia, soulagée. Alors, nous y allons. 6PO ?

— Oui, Votre Altesse ? fit le droïd d’un ton hésitant.

Pour une fois, il s’était tenu discrètement hors de la discussion. Yan se dit qu’il s’était remarquablement amélioré. Il pourrait peut-être autoriser Chewbacca à exprimer plus souvent son irritation, après tout.

— 6PO, dit Leia, je veux que tu m’accompagnes aussi. Khabarakh s’exprime assez bien en basic, mais ce n’est sans doute pas le cas des autres Noghri, et je ne tiens pas à ce que nous ayons des malentendus à cause de leurs interprètes.

— Bien entendu, Votre Altesse, fit 6PO en inclinant la tête.

— Très bien. (Leia se tourna vers Yan en passant la langue sur ses lèvres.) Je crois que nous ferions aussi bien d’y aller.

Il aurait pu lui dire un million de choses qui se pressaient à ses lèvres. Mais il fit simplement :

— Oui. Je le crois.