Chapitre 16
Il ne leur fallut que quelques minutes pour retourner au quartier général. Yan surveillait la circulation avec l’espoir qu’ils seraient de retour dans des locaux encore déserts. Il serait déjà assez difficile d’examiner l’écran du répéteur sans avoir des témoins tout autour.
— On cherche quoi exactement ? demanda-t-il.
— Il doit y avoir des fentes d’entrée à l’arrière des circuits asservis. Ainsi que des numéros de série.
Yan hocha la tête. Ils allaient donc être obligés de décrocher l’ensemble de la paroi. Superbe.
— Comment se fait-il que tu en saches autant sur la flotte ?
— Je te l’ai dit : j’ai pas mal étudié. Mais si tu veux savoir, je me suis retrouvé avec un faux plan de la flotte Katana quand je revendais des vaisseaux d’occasion. Je me suis dit alors que si je pouvais en apprendre suffisamment pour passer pour un expert, je pourrais toujours refourguer le plan et récupérer mon argent.
— Et tu y es arrivé ?
— Tu tiens vraiment à le savoir ?
— Je pense que non. Tiens-toi prêt.
Ils avaient de la chance : à l’exception du barman et de deux droïds-serveurs désactivés, derrière le bar, l’endroit était désert.
— Heureux de vous revoir, messieurs, dit le barman. Que puis-je vous proposer ?
— Nous aimerions emporter quelque chose dans nos quartiers, fit Yan en jetant un regard sur les étagères. Le choix était large, avec plus d’une centaine de bouteilles de tailles et de formes diverses. Sur le côté, une petite porte permettait sans doute d’accéder à une réserve. C’était leur meilleure chance.
— Je suppose que vous n’avez pas de Vistulo, comme bière de garde ?…
— Mais je crois que si. Oui… tenez, là.
— Quel millésime ?
— Ah… C’est une ’49.
Yan grimaça.
— Vous n’auriez pas de la ’46 ? Peut-être dans la réserve, non ?…
— Je n’en suis pas sûr, mais je vais vérifier, dit le barman, aimable, en franchissant la porte.
— Je vous accompagne, fit Yan en passant sous le bar. Si vous n’avez pas de ’46, on trouvera peut-être autre chose.
Une brève seconde, l’autre hésita. Mais il avait vu les deux hommes buvant en compagnie de Bel Iblis en personne, et puis, Yan était déjà à mi-chemin de la réserve.
Il ignorait combien de temps il faudrait à Lando pour décrocher l’écran du mur, l’examiner et le remettre en place. Par mesure de sécurité, il décida qu’il lui faudrait cinq bonnes minutes pour trouver éventuellement une Kibshae ’48. Il croisa les doigts en suivant le barman.
Quand il ressurgit dans le bar, Lando était toujours à la même place, les mains posées sur le bar, le visage tendu : pour une excellente raison. Irenez se tenait à quelques pas derrière lui, la main sur la crosse de son blaster.
— Oh, bonsoir, Irenez ! fit Yan avec son sourire le plus innocent. C’est drôle de vous retrouver là.
— Pas aussi drôle que ça. Sena m’a chargée de ne pas vous quitter des yeux. Vous avez trouvé ce que vous étiez venus chercher ?…
Yan consulta Lando du regard, entrevit l’ombre d’un acquiescement.
— Oui, je le pense.
— Heureuse de l’apprendre. Maintenant… nous sortons.
Yan tendit la bouteille de Kibshae ’48 au barman.
— Gardez-la. On dirait bien que la soirée a été remise.
Un vieux landspeeder à cinq places les attendait.
— On monte, dit Irenez. Ils obéirent. Sena Leiikvold Midanyl attendait, roide.
— Messieurs, asseyez-vous, fit-elle d’un ton froid.
Yan s’installa, fit pivoter son siège, et lui demanda :
— C’est déjà l’heure du dîner ?
Sena l’ignora et dit :
— Irenez, prends les commandes. Promène-nous autour du camp. Peu importe où…
Ils décollèrent.
— Vous n’êtes pas restés très longtemps dans votre chambre, dit Sena à Yan.
— Je ne me souviens pas que le Sénateur nous ait confinés dans nos quartiers, répliqua-t-il.
— C’est juste. D’un autre côté, un invité bien élevé ne devrait pas se risquer dans les zones dangereuses.
— Je vous fais toutes mes excuses. Il ne m’est pas venu une seconde à l’esprit que votre réserve d’alcools était dangereuse. (Il coula un regard vers le hublot.) Mais si vous avez l’intention de nous reconduire à nos appartements, vous n’êtes pas dans la bonne direction.
— Je suis venue vous demander un service, fit-elle après l’avoir étudié une seconde.
C’était bien la dernière chose qu’il aurait cru entendre.
— Quel genre de service ?
— Je voudrais que vous parliez à Mon Mothma pour moi. Pour qu’elle et le Conseil invitent Bel Iblis à se joindre à la Nouvelle République.
Yan haussa les épaules. C’était donc pour ça, et seulement pour ça, qu’ils les avaient amenés ici, Lando et lui ?
— Mais vous n’avez pas besoin d’une invitation spéciale. Il vous suffit de contacter n’importe quel Conseiller et de proposer vos services.
— Je crains que dans le cas du Sénateur, ce ne soit pas aussi facile, dit Sena. Pour lui, il s’agit de re-joindre la Nouvelle République.
— Oh ?… fit Yan en risquant un regard vers Lando.
— Cela s’est passé il y a longtemps, dit Sena dans un soupir. Avant même que les groupes qui combattaient l’Empire ne se fondent pour devenir l’Alliance Rebelle. Est-ce que vous savez quelque chose de cette période ?
— Uniquement ce qu’il y a dans les chroniques officielles, dit Yan. Mon Mothma et Bail Organa d’Alderaan ont rassemblé trois des groupes les plus importants et les ont convaincus de conclure une alliance. Ensuite, cela a fait boule de neige. – Vous connaissez les termes de ce premier accord ?
— Bien sûr. On l’a appelé le Traité Corellien. (Il s’interrompit et répéta :) Le Traité Corellien ?
— Oui, acquiesça Sena. C’est le Sénateur Bel Iblis, et non Mon Mothma qui a convaincu ces trois groupes de résistance de s’unir. Et qui, de plus, leur a garanti sa protection.
Durant une longue minute, seul le chant des répulseurs résonna dans le speeder.
— Et que s’est-il passé ? demanda enfin Lando.
— Pour dire les choses sans détours, Mon Mothma a pris de l’influence. Le Sénateur Bel Iblis lui était largement supérieur dans le domaine de la stratégie et des tactiques de combat, plus encore que les amiraux et généraux de la Rébellion, à cette époque. Mais Mon Mothma était inspirée, elle avait un véritable don pour amener des factions et des races différentes à travailler ensemble. Graduellement, elle est devenue la figure de proue de la Rébellion, et Organa et le Sénateur ont été relégués en arrière-plan.
— Un personnage comme Bel Iblis n’a pas dû digérer ça facilement, murmura Lando.
— Certainement. Mais il faut bien comprendre que ça n’est pas par orgueil qu’il a fini par se retirer. Bail Organa avait un puissant effet modérateur sur Mon Mothma – c’était un des rares hommes qu’elle respectait. Quand il a été tué durant l’assaut de l’Étoile Noire contre Alderaan, nul ne pouvait le remplacer. Et elle a acquis de plus en plus d’importance. Le Sénateur en est venu à la soupçonner de vouloir renverser l’Empereur uniquement pour prendre sa place.
— Et alors, vous avez quitté l’Alliance et il a entrepris sa propre guerre contre l’Empire, conclut Lando. Yan, tu savais tout cela ?…
— Je n’ai jamais entendu le moindre mot à ce sujet.
— Ce qui ne me surprend guère, dit Sena. Est-ce que vous auriez tenu à rendre publique la défection d’un allié de la stature du Sénateur ? Surtout en pleine guerre.
— Sans doute pas, admit Yan. Ce qui me surprend, c’est que d’autres groupes n’aient pas également choisi de se retirer. Mon Mothma sait être très oppressante quand elle le veut.
Yan se tourna vers Sena. – C’est la raison pour laquelle vous avez interrompu vos raids contre l’Empire ? Afin d’être prêts à vous retourner contre Mon Mothma si elle faisait de la Nouvelle République une dictature ?
— Ce n’est pas exactement cela. Nous nous sommes installés ici, dans le Nid du Faucon-Pèlerin il y a trois ans, nous avons suspendu toutes les opérations, et nous avons commencé à mettre au point des plans stratégiques pour des éventualités possibles. Et nous avons attendu que le Sénateur revendique triomphalement ses droits. Nous attendons toujours.
Yan regarda par le hublot avec un sentiment de perte.
— Cela n’arrivera jamais, dit-il doucement.
— Je le sais. (Sena hésita.) Et lui aussi.
— Si ce n’est qu’il ne peut ravaler plus longtemps son orgueil pour aller trouver Mon Mothma et lui demander de le laisser revenir, acquiesça Yan. Alors, il vous a demandé de nous approcher afin de…
— Non, le Sénateur n’a rien à voir avec cette démarche ! Il ignore même que je vous parle en ce moment. Je ne fais cela que sous ma seule responsabilité.
— Oui, d’accord.
— Je suis désolée. Je ne voulais pas vous offenser.
— N’en parlons plus, fit-il avec un élan de sympathie.
— Yan, fit Lando.
Il regarda son ami qui levait les sourcils.
— Sena, reprit-il, nous allons conclure un marché. Nous validerons la cause du Sénateur auprès de Mon Mothma. Et vous allez nous parler de la flotte Katana.
— La flotte Katana ? répéta Sena, le visage soudain figé.
— C’est d’elle que viennent vos six cuirassés lourds, insista Lando. Ne niez pas : j’ai bien examiné cet écran que vous avez derrière le bar, dans le salon.
— Non. Je ne peux rien vous dire.
— Et pourquoi pas ? Nous allons être de nouveau des alliés, rappelez-vous.
Yan éprouva un frisson désagréable.
— À moins que vous n’ayez déjà promis de livrer la flotte à Fey’lya.
— Nous n’avons rien promis à Fey’lya, repartit Sena d’un ton sec. Quoiqu’il ne se soit pas gêné pour le demander.
Yan grimaça. – Ainsi, il prépare vraiment un coup d’état.
— Pas du tout. Fey’lya ne saurait pas quoi faire d’un coup d’état militaire, même si on le lui présentait dans du papier cadeau sur une table roulante avec des rubans partout. Il faudrait que vous compreniez que les Bothans pensent en termes d’influence politique et militaire, et non pas par rapport à la puissance militaire. Le but typique d’un Bothan est d’avancer dans la vie avec de plus en plus de gens autour de lui pour l’écouter. Fey’lya considère donc que s’il ramène le Sénateur au sein de la Nouvelle République, il aura un large avantage dans cette direction.
— Et plus particulièrement si Ackbar n’est plus là pour lui faire obstacle ? demanda Yan.
Sena acquiesça.
— Oui, car c’est malheureusement un autre trait de caractère typique des Bothans. Dès qu’un leader bothan trébuche, les autres lui passent dessus. Dans le passé, c’était au sens propre : ils allaient jusqu’au couteau, à la mort. Mais de nos jours, ils se satisfont de l’assassinat verbal. C’est un progrès, je pense.
— Ackbar n’est pas un Bothan, protesta Lando.
— Les autres races s’adaptent facilement à cette technique.
Yan grommela :
— Des alliés précieux. Ils vous poignardent, ou est-ce qu’ils vous font tomber aussi ?
— Vous faites allusion au transfert bancaire ? (Sena secoua la tête.) Non, je doute que ce soit le fait de Fey’lya. Les Bothans se sont fait une règle de ne jamais aller trop loin dans ce genre de complot. Ils préfèrent manipuler les autres.
— Nécrophages, pas chasseurs, fit Yan d’un ton aigre. Alors, que devons-nous faire avec lui ?
— Il vous suffit de faire libérer Ackbar. Dès lors qu’il ne pourra plus s’en prendre à qui que ce soit, Fey’lya battra en retraite.
— Magnifique. Mais le problème, avec un Grand Amiral à la tête de l’Empire, c’est que nous n’aurons sans doute pas le temps nécessaire.
— Et si nous ne l’avons pas, vous non plus, ajouta Lando. Si l’on met de côté sa dignité blessée, Sena, le Sénateur devrait regarder la réalité en face. Vous constituez un petit groupe isolé qui détient la flotte Katana, et l’Empire a désespérément besoin de nouveaux bâtiments de guerre. À la seconde où l’Empereur vous tombera dessus, il lancera toute la Flotte Impériale en un clin d’œil. Si vous apportez la flotte Katana à la Nouvelle République, vous serez des héros. Si vous attendez plus longtemps, vous perdrez tout.
— Je le sais, fit Sena d’une voix presque inaudible. Mais nous ne savons pas vraiment où la flotte se trouve. Nos cuirassés nous ont été livrés par un homme qui prétend qu’il est tombé sur eux il y a quinze ans. Il est mince, de taille un peu inférieure à la moyenne, et il fait songer à un rongeur. Il a des cheveux blancs très courts, un visage aux rides marquées, mais je pense que c’est probablement à cause d’une ancienne maladie.
— Quel est son nom ? demanda Yan.
— Je ne sais pas. Il ne nous l’a jamais dit. (Elle hésita avant d’ajouter :) Il aime jouer. Nous l’avons constamment rencontré à bord du Coral Vanda, devant des tables de jeu. Les gens semblaient bien le connaître, mais il distribuait tellement d’argent autour de lui que ça risque de n’avoir aucune signification. Les croupiers apprennent toujours très vite à connaître les perdants.
— Le Coral Vanda ? demanda Yan.
— Oui, c’est un casino sous-marin de luxe de Pantolomin, dit Lando. Il circule dans la ligne des récifs au large du continent nord. J’ai toujours rêvé d’aller là-bas…
— Eh bien, maintenant, tu tiens ta chance, fit Yan en regardant Sena. Je suppose que la prochaine question est : comment ficher le camp d’ici ?
— Ça ne posera aucun problème. Le Harrier pourra vous reconduire à New Cov. Quand voulez-vous partir ?
— Tout de suite, dit Yan. (Il ajouta, voyant l’expression de Sena :) Vous savez que vous allez avoir à fournir des explications au Sénateur. Il faut que nous battions l’Empire de vitesse – quelques heures pourraient nous être fatales.
— Je suppose que vous avez raison. Irenez, reconduis-les à leur vaisseau. Je m’occupe du reste.
Le Sénateur Bel Iblis les attendait au bas de la coupée du Lady Luck lorsqu’ils arrivèrent.
— Hello, Solo et Calrissian, fit-il en souriant. Je ne vous ai pas trouvé dans vos quartiers, et je me suis dit que vous deviez être ici. Je constate que je ne me suis pas trompé. Il se tourna vers Sena qui émergeait du speeder avant de revenir à Yan. Et de perdre brusquement son sourire.
— Sena ? Que se passe-t-il donc ?
— Commandeur, ils savent tout à propos de la flotte Katana, fit-elle en se portant à la hauteur de Yan. Et… je leur ai révélé notre contact.
— Je vois. Et vous allez repartir. Pour essayer de le persuader de ramener la Force Sombre à la Nouvelle République.
— C’est exact, Commandeur, fit Yan, sur le même ton. Nous avons besoin de ces vaisseaux. Le plus grand besoin. Mais pas autant que nous avons besoin de bons combattants. Et de bons commandants.
Bel Iblis le dévisagea longuement.
— Je ne me présenterai pas devant Mon Mothma comme un mendiant.
— Vous êtes parti pour de bonnes raisons. Et vous pouvez revenir de la même façon.
— Non. Trop de gens savent ce qui s’est passé entre nous. Je passerais pour un vieil idiot. Je n’ai rien à apporter, Solo. Autrefois, j’ai rêvé de posséder une flotte qui rivaliserait avec les meilleures de la Nouvelle République. Et aussi de remporter des victoires décisives sur l’Empire. Ainsi, peut-être, j’aurais pu revenir dans la dignité et le respect. (Il secoua la tête.) Mais ce que nous avons ici n’a rien d’une force d’attaque.
— Peut-être, mais nul ne saurait mépriser six cuirassés lourds, intervint Lando. Ni vos états de service. Oubliez un instant Mon Mothma : n’importe qui, dans la Nouvelle République, serait heureux de vous avoir à ses côtés.
Bel Iblis haussa un sourcil.
— Peut-être. Je pense que cela mérite réflexion.
— Surtout avec un Grand Amiral à la tête de l’Empire. S’il vous surprend ici, ce sera votre fin.
— Cette pensée m’est venue, fit Bel Iblis avec un mince sourire. Plusieurs fois. Le Harrier va décoller dans une demi-heure afin de remmener Breyl’lya à New Cov. Je vais donner des instructions pour que vous les accompagniez avec le Lady Luck.
Yan et Lando se regardèrent.
— Vous pensez que nous pouvons retourner en toute sécurité à New Cov, Commandeur ? demanda Yan. Il se peut qu’il y ait encore des Impériaux dans le coin. – Non, certainement pas. J’ai étudié la stratégie des Impériaux depuis longtemps. Ils ne s’attendent pas à nous revoir si tôt, et ils ne peuvent s’attarder longtemps sur tel ou tel monde. Et puis… il faut bien que Breyl’lya récupère son vaisseau.
— En ce cas, je pense que nous ferions bien de préparer le nôtre.
— Oui. (Bel Iblis, après une brève hésitation, tendit la main.) Solo, ç’a m’a fait plaisir de vous revoir. Et j’espère bien que nous nous retrouverons.
— J’en suis certain, Commandeur.
Bel Iblis se tourna vers Calrissian et le salua avant de s’éloigner.
Yan le suivit du regard, tout en se demandant si le sentiment qu’il éprouvait était de l’admiration ou de la pitié. En vain.
— Nos bagages sont encore là-bas, dit-il à Sena.
— Je vais vous les faire envoyer. (Une étincelle nouvelle apparut dans ses yeux.) Mais je voudrais que vous n’oubliiez pas une chose. Si vous veniez à trahir le Sénateur, je vous tuerais.
— Je comprends, dit-il gravement après avoir imaginé toutes les réponses possibles. Mais je ne faillirai pas à ma promesse.
Les étoiles, autour du Harrier se changèrent en traits lumineux dans la fraction de seconde où ils passaient dans l’hyperespace.
— Et nous voilà repartis, fit Lando d’un ton résigné. Mais pourquoi je me laisse toujours embarquer dans tes discours ?
— Parce que c’est toi le type respectable. Et parce que, tôt ou tard, l’Empire va savoir que quelqu’un a retrouvé la flotte Katana et se mettre à la chercher.
— C’est Leia qui t’inquiète, hein ?
— Je n’aurais jamais dû la laisser partir, marmonna Yan. Quelque chose a mal tourné, je le sais. Ce petit menteur de Noghri a dû la livrer à l’Empire, ou alors le Grand Amiral nous a devancés. Mais il s’est passé quelque chose.
— Leia peut s’en sortir toute seule, fit Lando avec calme. Et les Grands Amiraux eux-mêmes commettent des erreurs. Yan secoua la tête.
— Il a commis une erreur à Sluis Van, Lando. Mais il ne la répétera pas. Je te parie le Faucon.
Lando lui donna une grande claque sur l’épaule.
— Allez, mon vieux, ça ne sert à rien de ruminer. On a deux jours à tuer. On va monter sur le pont pour une petite partie de sabbac.
Le Grand Amiral relut le message avant de porter son regard de braise sur Pellaeon.
— Capitaine, vous répondez de l’authenticité de cette information ?
— Pour autant que je puisse me porter garant d’un rapport qui n’émane pas d’un agent de l’Empire. D’un autre côté, ce contrebandier nous a fourni cinquante-deux rapports de ce genre durant ces dix dernières années, dont quarante-huit se sont révélés exacts. Je dirai donc qu’il est fiable.
— Endor, murmura Thrawn. Pourquoi Endor ?
— Je ne sais pas, amiral. Ils cherchaient peut-être un autre abri ?…
— Chez les Ewoks ? fit Thrawn d’un ton de dérision. Ce serait vraiment un acte de désespoir. Mais peu importe. Si le Faucon Millenium y est, alors Leia Organa Solo doit s’y trouver aussi. Alertez la Navigation et les Machines : nous partons immédiatement pour Endor.
— Oui, amiral, fit Pellaeon en pianotant sur sa console. Dois-je faire ramener Khabarakh de Nystao ?
— Oui… Khabarakh… fit Thrawn d’un air pensif. Voyez comme les événements se conjuguent, capitaine. Khabarakh revient sur Honoghr après un mois d’absence, au moment où Solo et Organa Solo se lancent dans de mystérieux voyages vers New Cov et Endor. Simple coïncidence ?…
— Je ne vous suis pas, amiral.
— Je crois, capitaine, que nos ennemis ont franchi un degré dans la subtilité. Ils se sont dit que le retour d’un survivant de cette opération manquée de Kashyyyk attirerait mon attention. Ils ont donc déclenché simultanément leurs diverses missions, dans l’espoir que je serais trop préoccupé pour le remarquer. Il ne fait aucun doute que si nous faisons parler Khabarakh, nous en tirerons d’innombrables choses qui nous coûteront des heures avant de se révéler erronées. Nous allons le laisser là où il est. Vous pouvez informer les dynastes que je leur ai accordé les sept jours de honte publique, après quoi ils pourront accomplir leurs rites de révélation à leur choix. Même s’il n’a aucune information à nous livrer, Khabarakh pourrait toujours servir l’Empire par une mort douloureuse. Ce qui sera une leçon pour son peuple.
— Puis-je vous faire remarquer, amiral, qu’une telle fragmentation psychologique et un pareil reconditionnement dépassent de loin les procédures habituelles de la Rébellion.
— Ce qui signifie de toute évidence que quoi qu’Organa Solo cherche sur Endor, cela est plus essentiel à l’effort de guerre de la Rébellion qu’un simple refuge.
Pellaeon plissa le front.
— Ce qui pourrait subsister du projet Étoile Noire ? risqua-t-il.
— Bien plus que cela. Il se pourrait qu’ils espèrent trouver des informations que l’Empereur détenait lorsqu’il a trouvé la mort.
— L’entrepôt de l’Empereur, sur le Mont Tantiss.
— C’est la seule chose qui expliquerait tous ces efforts de leur part. En tout cas, nous ne pouvons pas courir un tel risque. Pas en ce moment.
— D’accord. (Pellaeon vit que la Navigation et les Machines étaient prêtes.) Devons-nous quitter notre orbite, amiral ?
— C’est vous qui commandez, capitaine.
— Nous dégageons, annonça Pellaeon. Cap selon Navigation.
La planète s’éloignait déjà quand une trille aiguë annonça un message en urgence.
— Amiral ? fit Pellaeon en le lisant rapidement. C’est un rapport en provenance du Diamant, dans le système d’Abregado. Ils ont capturé un des cargos de Talon Karrde. La transcription de l’interrogatoire préliminaire suit. C’est plutôt court, amiral.
— Merci.
Thrawn retourna à son poste avec le rapport. Il le relisait quand le Chimaera sauta en luminique.