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Bon. C'est stupéfiant ! Incroyable, même. Des tas de choses que je croyais détester... voici que je les aime tout à coup.

Par exemple :

1. Jess.

2. Le boudin noir (si on le noie dans du ketchup, ça peut être délicieux).

3. Être pingre.

Je vous le jure. Sérieux ! Etre économe, quel pied ! Je ne m'étais jamais rendu compte que ça pouvait être gratifiant. Non, je ne m'en étais jamais aperçue !

Ainsi, hier j'ai envoyé une carte postale à Janice et à Martin pour les remercier de leur joli bouquet. Eh bien, au lieu d'acheter une carte, j'en ai découpé une dans une boîte de céréales, avec la marque Kelloggs juste au centre. Cool, non ?

C'est Jess qui m'a filé le tuyau. Elle m'apprend beaucoup. J'habite chez elle depuis que je suis sortie de l'hôpital et elle est formidable. Elle m'a laissé sa chambre pour m'éviter d'avoir trop de marches à monter, elle m'aide à entrer et à sortir de la baignoire à cause de mon plâtre et elle fait chaque jour de la soupe de légumes. Elle m'a promis de m'apprendre la recette.

Parce que si on la fait avec des lentilles et... je ne sais plus trop quoi, c'est un repas équilibré pour toute la journée et qui ne coûte que trente pence la portion.

Avec l'argent économisé, on peut s'offrir les délicieuses tartes aux fruits d'Elizabeth ! (C'est le conseil que je lui ai donné. Vous voyez, on s'entraide.)

Je boitille jusqu'à la cuisine pour faire du café. Je dois d'abord vider dans l'évier la moitié du café qui a déjà servi, verser dans le filtre un peu de café moulu tout neuf et brancher la cafetière. Réutiliser le café est une des règles de base de la maison et, comme le dit Jess, c'est très malin. Bon, c'est vrai, il devient un peu imbuvable, mais quelle économie !

C'est incroyable ce que j'ai changé. Je suis devenue une femme totalement raisonnable et sensée. Luke n'en croira pas ses yeux quand il me verra.

Jess hache des oignons et je la seconde en m'apprêtant à jeter le filet dans la poubelle.

—Non ! Il peut encore servir !

—Ce filet à oignons ?

Waouh ! J'apprends tout le temps de nouveaux trucs.

—À quoi ça peut servir, un filet à oignons ?

—À fabriquer un tampon à récurer.

—Évidemment !

J'approuve d'un signe de tête, même si je ne vois pas très bien de quoi elle veut parler.

—Tu sais, récurer, c'est un peu comme exfolier, mais pour la cuisine.

—Ah, oui ! Formidable !

Je sors mon carnet des Trucs de la Ménagère économe et y inscris ce dernier tuyau. J'apprends tellement. Par exemple, savez-vous qu'un vieux carton de lait peut faire un pommeau d'arrosage ?

Ce n'est pas que j'aie besoin d'un pommeau d'arrosage, mais on ne sait jamais !

Une béquille dans une main, la cafetière dans l'autre, j'entre dans le salon.

— Salut.

Suze, assise par terre, lève la tête.

—Qu'en penses-tu ? me demande-t-elle en me montrant la banderole qu'elle vient de peindre et qui proclame : NE TOUCHEZ PAS À NOTRE

CAMPAGNE en lettres fluo rouges et bleues. Le slogan est entouré d'une large frise représentant des feuilles et des herbes.

—Bravo, Suze, tu es fantastique ! Dis donc, tu es une artiste extraordinaire !

Une flopée de banderoles occupent le canapé : Suze les a peintes en quelques jours.

— L'association a de la chance de t'avoir !

La présence de Suze est une bénédiction. On se croirait au bon vieux temps. Elle habite la maison d'hôtes d'Edie pendant que Tarquin s'occupe des bébés. Suze s'est sentie coupable de les abandonner -jusqu'à ce que sa mère lui remonte le moral en lui racontant qu'elle-même avait laissé Suze pendant tout un mois pour aller explorer les sommets du Népal et que Suze ne s'en était pas plus mal portée.

Le paradis ! On passe plein de temps ensemble à se relaxer, à grignoter et à parler de tout et de n'importe quoi. Parfois en tête à tête, parfois avec Jess. Hier soir, toutes les trois, on a préparé des margaritas et regardé Footloose. Je crois que Jess... a aimé. Bien qu'elle ne connaisse pas les chansons par cœur, contrairement à nous.

Un soir où Suze est allée rendre visite à de la famille qui habite à une trentaine de kilomètres, Jess et moi avons passé la soirée ensemble. Elle m'a montré ses roches et m'a tout expliqué. En échange, je lui ai parlé de mes chaussures, et j'en ai même dessiné certaines. Je crois qu'on apprend beaucoup l'une de l'autre. L'association a vraiment de la chance de t'avoir toi, réplique Suze. Soyons lucides. Sans toi, la manifestation ne réunirait que quatre pelés et un tondu.

—Oh, tu crois ?

J'essaie de faire la modeste, mais dans le fond je suis ravie de la façon dont les choses ont tourné. Depuis ma sortie de l'hôpital, je suis responsable de la campagne de presse et nous avons obtenu des quantités de retombées médiatiques. La marche a lieu cet après-midi, et quatre stations de radio l'ont annoncée ce matin. L'information est parue dans toute la presse locale et on espère que la télévision va se déplacer.

Il faut dire que la chance nous a souri. D'abord, du temps où je travaillais comme journaliste financière à Londres, je connaissais Guy Worxley, le patron de Radio Cumbria. Il m'a donné les coordonnées des gens qui pourraient nous aider et, hier, il a fait une grande émission sur Cumbria Watch.

Mais le clou, c'est l'angle humain qu'on a exploité. Dès que j'ai pris le contrôle des opérations, j'ai réuni les membres du groupe écologiste.

Chacun a dû me raconter ce qu'il savait sur l'emplacement de l'éven-tuel centre commercial, même si ce n'était pas important. Comme par un fait exprès, c'est dans le champ qui pourrait être massacré que Jim a demandé Eliza-beth en mariage, vingt ans auparavant.

On a organisé une séance de photos dans le champ. Avec Jim à genoux, comme dans le temps (il m'a assuré qu'il ne s'était jamais agenouillé mais je lui ai dit de la boucler), offrant au photographe le spectacle d'une mine désespérée.

Le cliché est paru hier à la une du Scully and Cog-genthwaite Herald, sous le titre « Massacre de nos chers souvenirs ». Depuis, le numéro d'appel de la manifestation (le portable de Robin) ne cesse de sonner.

— Il nous reste combien de temps ? demande Suze.

—Trois heures. Tiens, voici ton café.

—Merci ! grimace-t-elle. C'est du café économique ?

—Absolument, réponds-je, vexée. Ça ne te va pas ? Il est délicieux !

On sonne à la porte et Jess va ouvrir.

— Encore des fleurs ? demande Suze en ricanant. De la part de ton admirateur ?

J'ai été bombardée de bouquets depuis mon accident, et la moitié provenaient de Nathan Temple. Ils étaient accompagnés de mots du genre « Avec toute ma reconnaissance » ou « En remerciement de votre soutien ».

Il a raison d'être reconnaissant. Luke était prêt à rentrer à la maison, mais c'est moi qui lui ai dit que je serais ravie d'aller quelques jours chez Jess et qu'il pouvait rester à Chypre pour finir son boulot. Ce qu'il a fait. Il revient aujourd'hui. Son avion doit atterrir d'un instant à l'autre.

Je sais que les choses vont s'arranger avec lui. On a eu des hauts et des bas... des tempêtes... mais à présent ce sera un long fleuve tranquille.

Et d'abord, j'ai changé. J'ai mûri, je me suis calmée. Je vais avoir une relation adulte avec Luke. Je discuterai de tout avec lui sans rien lui cacher. Fini les situations stupides qui se terminent en scène de ménage. Nous allons faire équipe !

—Luke ne va pas me reconnaître, dis-je, pensive.

—Oh, je crois que si, répond Suze après m'avoir bien regardée. Tu n'es pas si mal en point. Bien sûr, les points de suture sont affreux à voir, mais ton énorme bleu s'améliore...

—Je ne parlais pas de mon physique, mais de mon caractère ! Je suis complètement transformée.

—Vraiment ?

Mon Dieu, les gens sont donc aveugles ?

— Oui, regarde-moi ! Je prépare du café économique, j'organise des défilés de protestation... je mange

de la soupe... et j'en passe !

Je n'ai même pas dit à Luke que j'organisais une manifestation. Il va en être baba, quand il saura que sa femme milite.

— Becky ?

Jess nous interrompt depuis la porte. Elle a un air bizarre.

— J'ai quelque chose pour toi. Des promeneurs viennent de revenir de Scully Pike. Et ils ont trouvé ça.

Je n'en crois pas mes yeux quand elle sort de derrière son dos un sac en veau, peint à la main et orné de strass.

Mon sac Angel.

Moi qui croyais ne jamais le revoir !

— Mon Dieu ! s'exclame Suze.

Je demeure bouche bée. Il a perdu un peu de son éclat, il est légèrement éraflé près de la poignée, mais autrement c'est le même : même ange, même DANTE en brillants.

— Il est en bon état, observe Jess. Il a été mouillé et malmené, mais rien d'épouvantable. Tiens, le voilà !

Mais je ne bouge pas. Je n'en veux pas.

— Becky ? Prends-le !

Elle a l'air étonnée el me fourre presque le sac dans les mains, mais je recule.

—Je n'en veux plus. Ce sac a failli détruire mon mariage. Dès l'instant où je l'ai acheté, tout est allé de travers. Il est maudit !

—Maudit ? répète Jess.

—Bex, tu te fais des idées, dit Suze patiemment. C'est un sac génial. Il fait l'unanimité.

—Pas pour moi. C'est fini. Il ne m'a apporté que des emmerdes.

Je me sens très vertueuse, tout à coup.

— Ces derniers jours m'ont beaucoup appris. Je

vois les choses sous leur vrai jour. Et si j'ai à choisir entre mon mariage et un sac génial... eh bien, je prends le mariage.

—Dis donc ! fait Suze. C'est vrai que tu as changé. En voyant ma tête, elle ajoute vite :

—Mille excuses !

Vraiment, mais qu'est-ce qu'elle croit ? Même avant j'aurais choisi le mariage. Enfin, j'en suis presque sûre.

—Alors, qu'est-ce que tu vas en faire? demande Jess. Le vendre ?

—Le donner à un musée ? suggère Suze tout excitée. On écrirait : «

Sac Angel, collection Rebccca Brandon. »

—J'ai une meilleure idée : ce sera le premier prix de la tombola de cet après-midi. Et on va truquer le tirage pour que Kelly le gagne.

Vers treize heures, la maison est pleine. Les militants se sont réunis pour entendre un discours d'encouragement. L'ambiance est survoltée.

Jess et moi distribuons des bols de soupe de légumes, et Suze montre à Robin ses banderoles. Tout le monde bavarde ou rit.

Bon sang, pourquoi n'ai-je jamais participé à une manif ? C'est le superpied !

— Plutôt excitant, non ? s'exclame Kelly, un bol de soupe à la main.

Elle porte un pantalon de camouflage et un tee-shirt où elle a écrit au marqueur PAS TOUCHE A NOTRE TERRE.

—Formidable ! Au fait... tu as acheté un billet de tombola ?

—Oui, et comment. Même dix !

—Tiens, en voici un de plus, dis-je en lui tendant innocemment le numéro 501. C'est le ticket de la chance.

Ah bon, merci ! Et K

elly le glisse dan s une de ses poches.

—Au fait, comment est le magasin ?

—Super ! On a mis des ballons partout, des rubans, du vin pétillant et des tas de cadeaux...

Jess s'approche de nous avec la marmite de soupe.

—Ça va être grandiose. Tu ne crois pas, Jess ? La fête dans le magasin, je veux dire.

—Sans doute, me répond-elle en haussant les épaules, pour montrer que le cœur n'y est pas.

Elle remplit le bol de Kelly.

Elle croit peut-être me mener en bateau ! Mais elle oublie que je suis sa sœur...

—Kelly, tu ne trouves pas extraordinaire qu'on ait reçu une telle donation pour financer la fête ? fais-je d'un air innocent.

—Oui, mille livres arrivées de nulle part. Incroyable !

—Étonnant, déclare Jess en fronçant les sourcils.

—Le plus étrange, dis-je, toujours l'air de rien, c'est que le donateur veuille garder l'anonymat. Robin m'a dit qu'on avait insisté sur ce point.

Jess rougit légèrement.

—Oui, j'ai entendu ça aussi.

—À sa place, s'enthousiasme Kelly, j'aurais préféré que tout le monde soit au courant de ma générosité.

—Je suis bien d'accord avec toi. Et toi, Jess, qu'est-ce que tu en penses

?

—Oh, je n'ai pas d'avis sur la question.

—Ah, d'accord, réponds-je en riant sous cape. Quelle bonne soupe !

—Silence, s'il vous plaît ! (Jim tape sur une table et tout le monde se tait.) Je vous rappelle que la fête du magasin du village commencera à dix-sept heures, juste après la manifestation. Vous y êtes tous les bienvenus, et j'espère que vous dépenserez le plus possible. Edie, ça te concerne aussi.

11 désigne Edie du doigt, et tout le monde éclate de rire.

—Pour tout achat de plus de vingt livres, vous recevrez un cadeau. Et le premier verre est gratuit.

—Voilà qui est parler ! s'exclame l'homme aux cheveux blancs.

Et tout le monde pouffe à nouveau.

— Bex ? me murmure Suze à l'oreille, on te demande au téléphone. C'est Luke.

Je fonce à la cuisine, un grand sourire aux lèvres, et je prends le combiné.

—Luke ! Bonjour ! Où es-tu ? A l'aéroport ?

—Non, déjà dans la voiture.

—Super ! Tu penses arriver quand ? 11 se passe des tas de choses. Je t'explique comment nous rejoindre. ..

—Becky... il y a un pépin... Je ne sais pas comment te le due... mais je ne serai là que bien plus tard.

—Comment ? Mais pourquoi ? Tu as été absent toute la semaine ! Je ne t'ai pas encore vu !

—Je sais. Je suis fou de rage. Mais je n'y peux rien : il y a truc qui cloche avec le groupe Arcodas. Normalement, j'aurais laissé Gary et l'équipe s'en occuper, mais c'est un nouveau client. Et comme c'est notre premier problème avec eux, c'est moi qui dois intervenir.

—Vu, dis-je, le moral à zéro. Je comprends.

—Mais j'ai une idée... Viens donc me retrouver.

—Quoi ?

—Viens tout de suite. Je vais envoyer une voiture te chercher. Tu m'as tellement manqué.

—Moi aussi, tu m'as terriblement manqué !

—Mais il y a autre chose. J'en ai parlé à Gary... et il est d'accord. On aimerait te mettre à contribution. On a besoin d'idées brillantes. Qu'en penses-tu ?

—Vous voulez que je vous aide ? Vraiment ? J'ai la gorge nouée.

—Oui, j'adorerais que tu m'aides. Si tu es d'accord. Je fixe le téléphone, folle de joie. C'est exactement

ce que je désirais. Mari et femme travaillant main dans la main.

Échangeant des idées. Formant une équipe soudée.

Mon Dieu ! Je brûle d'envie d'y aller.

Mais je ne peux pas laisser tomber Jess. Pas maintenant.

—Luke, je ne peux pas venir tout de suite. J'aimerais tant travailler avec toi, faire partie de ton équipe. Mais j'ai des projets pour aujourd'hui. J'ai promis à Jess. Et... à d'autres personnes. Je ne peux pas les abandonner.

Désolée.

—Tant pis. J'aurais dû t'engager quand j'en avais l'occasion. Bon, je te vois ce soir, soupire-t-il. Je ne sais pas encore à quelle heure j'aurai fini, mais je t'appelle pour te le dire.

—Haut les cœurs, Luke ! J'espère que ça s'arrangera. Tu seras où ?

—Oh, quelque part dans le Nord. Pas loin de toi, en fait.

—Ah bon..., fais-je, soudain intéressée. Quel genre de problème ? Encore un homme d'affaires qui a falsifié ses comptes ?

—Bien plus embêtant ! Un putain de groupe d'éco-los sortis de nulle part.

—Un groupe d'écolos ? Tu plaisantes ? C'est une telle coïncidence que...

Je ne peux pas continuer. J'en ai des sueurs froides. Impossible que...

Non. Ce serait ridicule. Il doit y avoir des milliers de manifestations chaque jour dans le pays...

— La personne responsable s'y connaît en médias.

Il y a une manif cet après-midi, ils ont toute la presse avec eux, les journaux télévisés sont sur le coup...

Il ricane.

— Becky, écoute ! Ils râlent à cause d'un centre commercial.

J'ai le vertige. J'essaie d'avaler ma salive plusieurs fois de suite pour retrouver mon calme.

C'est trop gros !

Notre comité ne manifeste pas contre le groupe Arcodas, je le sais. Mais contre les centres commerciaux Maybell.

—Chérie, je dois te laisser. Gary est sur l'autre ligne, il attend pour me mettre au courant. À plus tard. Oh ! amuse-toi bien avec Jess !

—Je... vais essayer.

En retournant au salon, j'ai le cœur qui bat fort. Toute l'assistance est assise en demi-cercle autour de Robin, qui brandit un grand panneau intitulé «Résistance en cas d'arrestation », où sont dessinées deux silhouettes.

—... l'estomac est particulièrement utile dans ce cas, dit-il quand j'entre.

Tout va bien, Becky ?

—Tout à fait. J'ai juste une petite question à te poser. Nous manifestons contre les centres Maybell, n'est-ce pas?

—Absolument.

—Cela n'a rien à voir avec le groupe Arcodas ?

—Mais si ! s'exclame-t-il, surpris. Maybell appartient à Arcodas. Tu l'ignorais ?

J'ouvre la bouche, mais rien ne sort.

J'ai peur de tomber dans les pommes.

Je viens d'organiser une énorme campagne de presse contre le client le plus important de Luke. Moi. Sa femme.

— Les fils de pute ! reprend Robin. Vous savez ce que j'ai appris, aujourd'hui ? Ils ont engagé une agence de relations publiques pour «

s'occuper de nous ». Une grosse boîte de Londres. Et ils ont fait revenir par avion le grand chef qui a interrompu ses vacances pour nous !

Mon Dieu ! Je n'en peux plus !

Que faire ?

Il faut que je démissionne. Oui. Je dois leur dire que j'abandonne, que je ne veux plus rien avoir à faire dans cette histoire.

—Ils nous prennent pour de la merde ! s'excite Robin. Ils croient qu'on a les mains vides. Mais nous avons notre passion, nos convictions. Surtout...

et il se tourne vers moi, nous avons Becky.

—Quoi ?

Je sursaute d'effroi au moment où tous se tournent vers moi et se mettent à m'applaudir.

—Mais non ! Vraiment ! Je... n'y suis pour rien !

—Ne sois pas modeste ! s'exclame Robin. Tu as transformé notre mouvement. Sans toi, rien de tout ça n'aurait lieu !

—Tu te trompes ! Je veux passer la main. D'ailleurs... j'ai quelque chose à dire...

Allez ! Dis-leur.

Je croise le regard chaleureux de Jim et détourne les yeux. Dieu que c'est difficile.

— Attends ! dit Jess en s'avançant vers moi. Avant de te laisser la parole, j'ai quelque chose à dire.

S'attendant à un drame, la salle se tait. Jess fait crânement face à l'assistance :

— L'autre soir, la plupart d'entre vous m'ont entendue déclarer que Becky n'était pas ma sœur... et que je la reniais. Eh bien, c'est faux, nous sommes sœurs.

Elle marque une pause et ses joues virent au rose.

—Même si ce n'était pas le cas..., poursuit-elle en regardant la salle d'un œil féroce, je serais fière d'avoir Becky pour amie.

—Bravo ! Bravo ! crie Jim.

— Et participer à cette marche... avec vous tous... et ma sœur..., dit-elle en m'enlaçant... est un des jours les plus importants de ma vie.

Dans la salle, on entendrait une mouche voler.

—Désolée, Becky, que voulais-tu dire ?

—Euh... On aura leur peau !