37.
Je suis sortie de mon labo. En chemin, je
me suis arrêtée au bout du couloir pour jeter un coup d’œil au
tableau de présence. Dans la case à côté du nom de Briel, il était
écrit AM. Absence motivée.
Super.
J’ai poursuivi ma route jusqu’à
l’administration et là, j’ai réclamé la clé du bureau de LaManche,
prétendant avoir besoin d’un dossier rangé chez lui. Requête
fréquente depuis que le patron était en congé maladie, car les
médecins ou moi-même avions parfois besoin d’un dossier qu’il
conservait sous clé.
Midi moins dix à ma montre. De retour dans
mon bureau, je me suis forcée à attendre. D’ici vingt minutes, mes
collègues descendraient avaler leur déjeuner, viande ou pizza
réchauffée au micro-ondes.
J’avais calculé large. Dix minutes plus
tard, l’aile médicolégale était déserte.
D’un pas vif, je suis allée dans le bureau
de LaManche et j’ai pris son double de toutes les clés de l’étage.
Ensuite, je me suis introduite dans le bureau de Briel et, après
avoir pris soin de bien refermer, j’ai commencé mon exploration. La
fouille du bureau n’a rien donné.
Étagères, crédence. Toujours rien.
J’avais les mains moites. L’impression
d’être un voleur.
Avec des mouvements saccadés, j’ai entamé
l’examen des tiroirs de la première armoire à dossiers.
Nada.
De la seconde. Rien.
Coup d’œil à la petite fenêtre parallèle à
la porte. Le store en était descendu, mais je n’ai pas perçu de
mouvement dans le couloir.
Une grande respiration.
Au tour de la dernière armoire à
dossier.
Et là, la poule aux œufs d’or !
Tout au fond du tiroir du bas, dans un
espace derrière le dernier séparateur de dossiers, un sachet à
fermeture étanche ! Contenant une bonne quarantaine de
dents.
Me félicitant moi-même, je suis ressortie
en catimini de la pièce. Ayant refermé la porte à clé, je suis
allée remettre le trousseau du chef à sa place.
De retour dans mon labo, j’ai étalé la
collection de dents sur mon sous-main.
Grosse déception : pas une seule dent
de lait dans le lot, ni tachée ni normale.
Est-ce que je me serais trompée ?
Est-ce que je me serais méprise sur le compte de Briel ?
Est-ce que je chercherais désespérément un moyen de ne pas assumer
la faute que j’aurais commise ?
Comme d’habitude, mon regard a été attiré
par la fenêtre. Le givre formait un dessin dans le bas du carreau.
J’y ai vu une pivoine, un hibou. Le visage d’un vieil homme.
Ça m’a rappelé Katy, nos jeux avec les
nuages quand elle était petite. J’ai regretté de ne pas être chez
moi, étendue dans l’herbe sur le dos, par un bel après-midi
d’été.
Et puis j’ai revu Solange Duclos chantant
sa comptine en agitant la molaire de la collection de Bergeron.
La p’tit’ bête qui monte, qui monte,…
Ça ne m’avait pas fait rire. Est-ce que je me faisais
vieille ? Est-ce que je perdais ma propension à rêver ? À
rire des choses ?
À fonctionner avec
professionnalisme ?
Non, sûrement pas ! Cette imbécile de
dent, je ne l’avais même pas vraiment regardée !
La dent.
Le tube.
Je me suis représenté la petite bête
montant, montant jusque dans les airs.
Mes yeux se sont fermés.
Et rouverts d’un coup !
Le tubercule de Carabelli !
Attrapant mes clés, j’ai foncé dans le
cagibi, ouvert l’armoire et attrapé le tube de Bergeron contenant
les spécimens qu’il utilisait pendant ses cours.
Retour à mon bureau, et nouveau
décompte.
La collection comportait douze dents de
lait : huit incisives, trois canines et la molaire
« petite bête » de Duclos. Très précisément : une
molaire de la mâchoire supérieure droite.
Putain ! Cette molaire avait bien un
tubercule de Carabelli.
Je l’ai placée sous la lunette de mon
microscope.
J’étais en train de la retourner pour en
étudier chacune des faces quand la porte s’est ouverte et refermée
avec un clic.
J’ai levé les yeux : Joe.
Trop excitée pour me lancer dans des
bavardages inutiles, j’ai recollé l’œil à la lentille, espérant
sans trop y croire découvrir ce que je cherchais.
J’étais sur le point d’abandonner quand un
petit point pas plus gros qu’une tête d’épingle a retenu mon
attention. C’était moins une tache qu’un méplat à peine visible sur
l’émail.
Le cœur battant, j’ai placé la molaire sous
le stéréomicroscope et allumé la lumière.
Bingo ! Une facette d’usure.
Après avoir enfermé cette molaire dans une
fiole à part, j’ai pris mon téléphone mobile et fait défiler les
numéros.
— Département d’anthropologie.
— Miller Barnes, s’il vous
plaît.
Une voix m’a répondu, vaste et plate comme
la prairie du Kansas.
J’ai dit bonjour. Miller a dit bonjour.
Nous sommes tous les deux tombés d’accord sur le fait que ça
faisait un bail. Miller m’a demandé comment allait Katy, je lui ai
demandé comment allait sa femme. Enfin, j’ai pu exposer l’objet de
mon appel.
— Est-ce que vous avez un microscope à
balayage électronique sur le campus ?
— L’école d’ingénieurs en a un. De
quoi as-tu besoin ?
Je lui ai expliqué.
— Quand est-ce que tu en as
besoin ?
— Hier.
Il a ri.
— Il se trouve que je joue au
racketball avec un type de là-bas qui passe son temps à me foutre
des raclées. Ça devrait jouer en notre faveur.
J’ai recommencé à arpenter la pièce en me
rongeant un ongle.
Joe me lançait des coups d’œil curieux. Je
ne lui ai pas prêté attention. Je lui achèterais un gâteau.
Une éternité plus tard, le téléphone
sonnait.
— Est-ce que t’as déjà regardé
Le Juste Prix ? a demandé
Miller.
— À l’époque du pléistocène. (Était-ce
un jeu de questions-réponses ?)
— Rapplique !
Ayant enfermé le sachet de Briel sous clé,
dans mon bureau, et le tube de Bergeron dans son armoire, j’ai
empoché la fiole contenant la « petite bête » de Duclos,
et l’autre fiole contenant les dents de l’enfant du lac Saint-Jean.
Puis j’ai attrapé ma veste et mon sac, et j’ai filé.
L’université McGill se trouve dans le
centre-ville. Se garer dans le quartier, c’est comme vouloir se
débarrasser de déchets nucléaires. Pas ici, madame.
Après avoir remonté trois fois la rue de
l’Université et traversé le quartier qui longe le ghetto McGill,
j’ai repéré un espace où j’arriverais peut-être, avec un peu de
chance, à caser ma voiture. Après cinq bonnes minutes
d’autotamponneuse, ma Mazda trônait dans un espace probablement
occupé auparavant par un scooter.
Je suis sortie. J’étais à peu près à trente
centimètres de chaque véhicule qui m’encadrait. Bravo,
Brennan !
Le ciel était couleur d’étain, la
température avait remonté d’un tout petit cran. Un air humide
pesait sur la ville comme une lourde couverture mouillée.
Au moment où je débouchais sur le campus
par la porte est, de gros flocons paresseux se sont mis à
tomber ; la plupart fondaient, sitôt en contact avec les
pavés, mais d’autres demeuraient entiers, vaguement poussés par un
désir d’action collective.
Autour du carré principal, les bâtiments
lugubres qui escaladent la pente reliant l’avenue Sherbrooke à la
rue du Dr Penfield étaient aussi gris et impénétrables que le
Mont-Royal derrière eux. Des étudiants se hâtaient, le dos rond, la
tête et le sac à dos parsemés de confettis blancs.
Devant moi, le Wong Building
dressait ses formes brutes et carrées, hymne à l’efficacité
moderne. À côté de ce beau bâtiment récent, le Strathcona offrait
une vision plus sombre datant d’un autre temps. L’architecte qui
l’avait construit à la fin du XIXe siècle
n’avait pas cherché à mettre en avant son côté féminin.
Je me suis traînée jusqu’au Wong Building,
tout en haut de la côte. Miller m’attendait dans le hall. J’ai eu
droit à une embrassade d’ours.
— Le type que je connais travaille au
Département des mines et matériaux.
— Je te suis.
Il m’a précédée jusqu’au bureau de Brian
Hanaoka signalé par une plaque avec son nom à côté de la
porte.
L’homme assis derrière la table devait
avoir dans les trente-cinq ans, mais les vêtements qu’il portait –
chemise écossaise, jeans délavés, chandail en laine miteux –
avaient l’air d’avoir été fabriqués bien avant sa naissance.
Miller a fait les présentations. Hanaoka
était petit et trapu, avec un visage tout rond et des cheveux très
noirs.
— Je vous en prie, mettez-vous à
l’aise.
Il n’avait pas vraiment un accent, plutôt
une façon de prononcer les mots exagérément correcte.
Tout le monde s’est assis, Miller et moi
devant le bureau, Hanaoka derrière.
— Mon ami me dit que nous pouvons
apporter une aide à votre labo, a dit Hanaoka avec un sourire, et
son visage s’est encore arrondi.
J’ai eu une vague hésitation. À quoi bon
lui préciser exactement qui, chez nous, requérait la faveur en
question ? De toute façon, le labo entier en bénéficierait, si
jamais mes soupçons se voyaient confirmés. Je suis donc tout de
suite entrée dans le vif du sujet.
— Il y a quelque temps, alors que
j’effectuais une consultation pour le laboratoire central
d’identification des États-Unis à Hawaii, j’ai entendu parler de
recherches sur des facettes d’usure présentes sur des dents
isolées. Ces études ont été menées à l’aide de microscopes
électroniques à balayage (MEB) et de spectroscopes X à dispersion
en énergie (SDE).
— C’est ce qui a permis d’identifier
les soldats tombés en Asie du Sud-Est ? a demandé
Miller.
— Oui, et aussi en Corée, et pendant
la Deuxième Guerre mondiale, ai-je répondu.
— Entreprise difficile !
— Très. Les restes se présentent le
plus souvent sous forme de fragments et il peut arriver que ceux-ci
se résument à quelques dents. C’est pourquoi il est si important
d’avoir à disposition le dossier dentaire ante
mortem des individus. Ce dossier peut mentionner une
restauration pratiquée sur une dent qui n’a pas été retrouvée, par
exemple : une couronne en or ou un amalgame. Dans ces cas-là,
le fait de pouvoir détecter et identifier tous les éléments
composant la dent dont on dispose peut s’avérer capital, même si ce
n’est pas cette dent-là qui a subi la restauration.
— C’est là, je suppose, qu’entrent en
jeu les facettes d’usure, est intervenu Miller.
— Exactement. Ces facettes sont les
espaces un tout petit peu abrasifs qui se forment au niveau du
contact interdentaire. Examinés à l’œil nu, on distingue à peine
qu’ils ont un relief. Mais au microscope, on voit qu’ils ne sont
faits que de coins et d’angles.
— Ce qui fait d’eux l’endroit idéal où
peuvent s’accumuler des débris.
— Exactement. (C’était un rapide, ce
type !) Les chercheurs d’Hawaii avaient utilisé le microscope
à balayage électronique pour observer les facettes, et le
spectroscope pour déterminer la composition élémentaire du matériau
de restauration de l’autre dent qui était resté au niveau du
contact interdentaire.
— Bien, très bien, a dit Hanaoka avec
un hochement continu de la tête.
J’ai sorti de ma poche la fiole contenant
les dents du lac Saint-Jean et l’ai déposée sur son bureau. Puis,
sans entrer dans les détails, j’ai expliqué mon idée.
— Les dents A proviennent du squelette
d’un enfant retrouvé très récemment. Ces deux molaires de lait
présentent des caractéristiques qui ne correspondent pas du tout
avec les autres restes. L’une de ces dents est la seconde molaire
du haut, côté droit, l’autre la seconde molaire du bas, côté
droit.
— Vous parlez des dents brunes, les
plus petites ? a demandé Hanaoka en tenant la fiole à quelques
centimètres de son nez.
— Oui.
— Et l’une d’elles a été
restaurée ?
— Oui, celle du haut.
J’ai sorti ensuite le tube à essai avec la
dent « petite bête » de Bergeron.
— Cette dent B provient complètement
d’ailleurs. C’est également une molaire de lait, une première
molaire du haut, côté droit. Elle présente une facette d’usure sur
sa partie distale. Et elle n’a pas été restaurée.
Hanaoka a tout de suite pigé.
— Vous voulez savoir si la dent B,
c’est-à-dire la première molaire de lait avec la facette d’usure,
se trouvait autrefois à côté d’une dent du groupe A, plus
précisément à côté de la seconde molaire de lait du haut qui a subi
une restauration.
— Exactement.
— Pourquoi est-ce que les dents de
lait du groupe A sont marron ? a voulu savoir Hanaoka.
Je lui ai expliqué comment se développait
la couronne dentaire et le rapport avec la tétracycline.
Nouvelle série de hochements de tête. Puis
une pause et :
— Ça me plaît.
— Est-ce que vous pouvez le
faire ?
— Je le peux.
— Quand ?
— Si vous voulez bien attendre vingt
minutes, je peux le faire maintenant.
Hanaoka parti, Miller m’a décrit ses
dernières fouilles en Jordanie. Préoccupée par la trahison de
Briel, je ne l’ai pas écouté très attentivement, mais le fait de
parler archéologie m’a rappelé Sébastien Raines, le mari de Briel.
Et quand il a eu fini son histoire, je lui ai demandé s’il le
connaissait.
— Tu parles que je le connais, ce gros
tas de merde de bouc ! Et ce n’est pas gentil pour les
boucs.
— Et tu crois que c’est gentil pour
les gros tas de merde ?
— Autant pour moi. Raines est un
pervers et un serpent. C’est la honte de la profession !
— Continue, ne te retiens pas.
— Ce type, il dynamiterait le Machu
Picchu si on lui donnait le fric pour ! s’est exclamé Miller,
le visage tordu de colère. Et il mettrait dans son rapport tout ce
que son client lui demanderait d’y inscrire. Quand je pense qu’il a
eu les couilles de proposer sa candidature pour un poste chez
nous ! Quand on a vérifié son CV, on a découvert que tout ou
presque y était inventé de toutes pièces.
— Il a une maîtrise, non ?
— Je t’en fiche ! Achetée sur
Internet ! C’est vrai qu’il a été engagé dans un programme de
fouilles en France, mais il en a été viré avant la moitié de la
première année. Le directeur l’avait surpris en train de dérober
des objets !
— Mais Raines est québécois, pourquoi
aller faire ses études en France ?
— Ici, aucune université ne voulait de
lui.
— J’ai entendu dire qu’il était
séparatiste.
— C’est un fanatique, ce type. Il
refuse de parler anglais à moins d’y être forcé.
— Eh bien alors, pourquoi présenter sa
candidature à McGill où l’enseignement se fait en
anglais ?
— Parce que ni l’UQAM ni l’université
de Montréal n’ont voulu de lui.
— Sa spécialité, c’est l’archéologie
urbaine, n’est-ce pas ?
— Oui, a dit Miller avec un air
dégoûté. Comme il est incapable de trouver des fonds, ce crétin, il
creuse dans des endroits pas trop éloignés, et qui ne sont pas
chasse gardée. Tu n’as pas entendu parler de son dernier coup de
génie ?
— Corps
Découverts ?
— En français
dans le texte, madame, s’il vous plaît* ! Typique de
Raines : se faire des tonnes de fric sur le meilleur des
tragédies d’autrui.
Un vague souvenir m’est revenu, remontant à
l’époque où Briel venait d’intégrer le labo. Je déjeunais dehors,
sur l’un des bancs en ciment à l’extérieur de Wilfrid-Derome, quand
elle était sortie et avait rejoint un homme qui fumait devant la
porte d’un air assez tendu. La conversation entre eux avait plutôt
ressemblé à une dispute. Puis l’homme était parti d’un pas furieux,
et elle était rentrée. Ne la connaissant pour ainsi dire pas, je
n’avais pas vraiment prêté attention à la chose.
— Est-ce que ce Raines est un grand
type musclé, avec des yeux noirs et des cheveux longs attachés dans
le cou ?
— Oui. Il se prend pour Grizzly Adams.
Je vais t’en raconter une sur lui, tu vas adorer. Un jour,
Raines…
Hanaoka est revenu. Je me suis levée,
Miller aussi.
Nous ayant présenté ses plus plates excuses
pour son absence, Hanaoka nous a précédés jusqu’au sous-sol, où
nous avons parcouru un long corridor avant de franchir une porte
bleue donnant sur une section à l’accès réservé, annoncée par un
panneau : Centre de microscopie.
M’indiquant un stéréomicroscope, Hanaoka
m’a demandé de lui montrer la facette d’usure sur la dent provenant
du tube. Ce que j’ai fait. À grosseur réduite, le point de contact
ressemblait à un petit point noir.
Le système MEB occupait tout un coin de la
pièce. Des cuves cylindriques, des ordinateurs, plusieurs claviers,
et toute une batterie de trucs et de machins dont je n’aurais pas
su expliquer l’usage. Quant à savoir quelle partie de l’appareil
correspondait au microscope lui-même, mystère !
Nous nous sommes avancés. Comme il n’y
avait qu’une seule chaise et que j’étais la seule femme, Hanaoka a
insisté pour que je m’y asseye. Peut-être avait-il peur que je
touche à ses boutons.
— Est-ce que vous avez besoin de
photos de très haute définition ?
— Pour commencer, je voudrais juste
savoir si des débris sont incrustés sur la facette d’usure. Si
c’est le cas, j’aimerais avoir des informations sur leur
composition pour déterminer si elle correspond au matériau utilisé
pour obturer l’autre dent.
— Très bien. Si vous avez besoin
d’images de très haute définition, nous saupoudrerons plus tard la
surface avec du carbone évaporé ou de l’or pulvérisé.
Hanaoka s’est emparé de quelque chose qui
ressemblait à de l’argile, a positionné la dent sur une petite
plate-forme, et l’a insérée dans un sas rectangulaire.
— C’est la chambre à vide. Ce
processus ne demande pas plus d’une minute.
Le vide obtenu, Hanaoka a actionné la
manette déclenchant le faisceau d’électrons.
Une image est apparue sur l’un des
écrans.
À présent, la facette avait l’apparence de
la carrière de Thornton. Quantité de choses ressemblant à du
gravier et à des pierres étaient empilées dans les coins et les
crevasses.
— Merde alors ! me suis-je
exclamée.
— Merde alors ! a répété
Miller.
Hanaoka avait le sourire rayonnant de
l’enfant à qui l’on vient d’offrir un chocolat.
Après avoir augmenté le grossissement, il a
positionné le faisceau d’électrons sur un amas de rochers
particulièrement impressionnants en se guidant sur l’image
reproduite à l’écran.
— Je suis en train de programmer le
spectromètre pour qu’il collecte les rayons X caractéristiques
émanant de votre échantillon.
Satisfait de son travail, Hanaoka m’a
suggéré d’approcher ma chaise d’un écran situé tout au bout de
l’ensemble d’appareils. Miller m’a suivie.
Un paysage s’est matérialisé : un
sous-bois vert avec trois pins à la cime effilée pointant vers le
ciel. Un code à deux lettres identifiait chacun des arbres. Yb. Al.
Si.
— Ytterbium. Aluminium. Silicium.
Est-ce que cette combinaison vous dit quelque chose ?
J’ai secoué la tête, un peu gênée. Sans
être dentiste, je possédais quelques connaissances sur les
amalgames, et je m’étais attendue à trouver des éléments bien
différents : Hg. Sn. Cu. Ag. Autrement dit : Mercure.
Étain. Cuivre. Argent. Les produits généralement utilisés pour les
plombages.
— C’est le spectre correspondant au
matériau piégé à l’intérieur de la facette d’usure. Je vais vous en
tirer une copie.
Hanaoka a enfoncé un bouton, une imprimante
s’est mise à bourdonner.
— À l’amalgame, maintenant.
Il a retiré du sas la dent provenant du
tube de Bergeron et l’a remplacée par la dent de la victime du lac
Saint-Jean. Puis il a répété la procédure précédente.
Quelques instants plus tard, un autre
paysage remplissait l’écran.
— Merde alors ! s’est écrié
Miller.
— Sainte merde ! ai-je repris en
écho.