CHAPITRE VI
Le rêve l’assaillit dès qu’il eut fermé les yeux. Nick en fut étonné, car il n’avait pas rêvé depuis plusieurs jours. L’espace se mit aussitôt à défiler sous lui à une allure vertigineuse, sans cesse croissante. Il éprouva bientôt cette exaltante impression de légèreté irréelle, le soulagement de s’être affranchi de chaînes pesantes. Il était comme un météore propulsé à une vitesse inimaginable à travers la nuit peuplée de nébuleuses fugitives. Et cependant, il était capable de reconnaître au passage les repères pris lors de ses précédents voyages.
La Route était toujours identique. Elle courait toujours vers le même but. Elle était comme un tunnel immuable et familier qui traversait la matière et le temps, générant les mêmes images furtives d’un au-delà aberrant et insoupçonnable.
Nick ne ressentait aucun vertige. D’ailleurs, il constata que la lumière venait déjà freiner sa course. Elle l’enveloppa dans une gangue éblouissante et protectrice, comme pour amortir son atterrissage.
La Route touchait à son terme.
La lumière décrût bientôt, jusqu’à ne plus former qu’un halo de brume opalescent qui s’effilocha pour finalement disparaître. Et il se retrouva flottant au-dessus d’une prairie bleue. Le vent sifflait à ses oreilles, porteur de sons étranges, sortes de mélopées douces, surnageant à peine dans le silence, conçues pour le colorer et non pour le rompre.
Nick se tourna, et comme à l’accoutumée, ce simple geste modifia le paysage autour de lui. La plaine se vallonna. Une grande forêt se matérialisa. Il s’interrogea à nouveau sur la signification de ces métamorphoses incessantes, de cette instabilité née du mouvement. Ou peut-être de son manque de densité ? Ici, Nick n’était qu’une ombre, ou quelque chose d’approchant, il le savait. Il ignorait ce à quoi il pouvait ressembler, vu de l’extérieur. Son idée à lui, c’était qu’il ne devait ressembler encore à rien. Même s’il s’imaginait souvent sous la forme d’un petit nuage doté d’yeux.
Il bougea encore, comme on peut bouger sous l’eau, par contorsion.
Cette fois, il aperçut quelqu’un qui levait justement la tête dans sa direction. Il fut d’abord étonné, puis ravi. Il s’immobilisa, par crainte de le voir disparaître. C’était la première fois qu’il rencontrait un personnage sur ce monde, à l’exception bien sûr du terrible Gardien de l’Arche. Il se demanda s’il s’agissait d’une coïncidence, ou si, effectivement, cette créature blême et longiligne avait perçu sa présence par quelque moyen que ce soit.
Si c’était le cas, eh bien cela voulait dire qu’il avait gagné en consistance depuis sa dernière visite ! Qu’il était à présent décelable pour les habitants du rêve, et plus seulement condamné à ce rôle frustrant d’observateur invisible. Une formidable exultation monta en lui, qu’il eut beaucoup de peine à maîtriser. Il aurait voulu crier, appeler, attirer l’attention. Mais il en était incapable, et de toute façon cela n’aurait servi à rien. Il ne pouvait aller au-devant des événements. C’étaient eux qui devaient venir à lui.
L’autochtone le considérait avec insistance, maintenant, en plissant les yeux comme s’il ne distinguait pas bien. Nick ne le quittait pas du regard, craignant à tout instant de mettre en péril sa stabilité par un geste inconsidéré. Il trouva qu’il lui ressemblait assez. Surtout à cause de la Cage qui pendait à sa hanche, et qu’on aurait pris de loin pour un cœur d’enfant. Il fut envahi par un sentiment de confraternité enthousiaste. Mais à sa grande déception, il le vit qui se détourna brusquement, comme effrayé, et disparut dans le paysage.
Nick se mit alors à ruer dans toutes les directions, exprès. Il était furieux. Il voulait que ce monde tremble sous lui, qu’on prenne enfin conscience de son existence ici ! C’était vraiment trop frustrant.
Le décor s’abîma.
Un nouveau surgit.
Et il se rendit compte que son mouvement d’humeur n’avait finalement affecté que lui. Il était comme ces cosmonautes fraîchement libérés de la pesanteur, que le moindre écart brusque renverse dans des postures ridicules. Il n’agissait pas sur l’environnement, ainsi qu’il l’avait cru au début. Il changeait seulement d’angle de vue, à une échelle infiniment supérieure à celle du regard humain. Il n’était qu’une bulle de savon égarée là, que le plus petit souffle projetait en tourbillonnant au gré de sa fantaisie. Nick comprit qu’il lui faudrait apprendre à se stabiliser, et sans doute pour ce faire, à évacuer ce qu’il restait en lui de réflexes de la vie réelle. Assimiler le calme. La patience. L’humilité, peut-être aussi.
L’Arche était devant lui, maintenant. Il s’immobilisa. C’était plus facile, ici, il ne savait pourquoi. Sa colère s’était dissipée. Il flottait parmi les hautes flèches ciselées, au-dessus de la grand-salle. Le trône du Gardien était vide, ce qu’il regretta car il espérait assister une nouvelle fois à la naissance de la forêt de cristal. Il traversa le dôme et promena son regard partout aux alentours. Pas âme qui vive. Il régnait une ambiance étrange, inhabituelle. Les murmures perçus tout à l’heure s’étaient définitivement interrompus. Nick se demanda s’il était responsable de cet état de choses. Cette idée le peina car il n’aurait voulu pour rien au monde altérer la sérénité de ces lieux…
C’est à cet instant que le malaise s’empara de lui pour la première fois. Qu’il prit brusquement conscience de n’être plus seul à dériver ainsi. Quelqu’un d’autre était collé à lui, dans son dos, et voyait ce qu’il voyait, par-dessus son épaule… Du moins, c’est cette impression qui le frappa, et elle fut si désagréable, si inattendue qu’il sentit monter en lui une vague de dégoût sans nom. Fugitive, aussi, car elle ne tarda pas à se glisser hors de lui, telle une main moite et glacée lâchant doucement prise.
Tout parut redevenir comme avant. Nick restait cependant sous le choc, l’esprit vide, cherchant à comprendre ce qu’était cette chose innommable et nécrosée qui l’espace d’un instant s’était lovée contre lui, l’avait utilisé comme support. Il vit que le ciel s’obscurcissait au-dessus de lui, que des ombres envahissaient l’air. Il comprit qu’il ne devait plus rester là, qu’il était responsable d’une façon ou d’une autre de ce qui arrivait. Il fut saisi par la peur. Quitter le rêve, au plus vite ! Revenir au monde réel, sur-le-champ !
La lumière parut l’entendre et l’engloba à nouveau, le remportant vers la surface de sa conscience.
Pantelant.
Nick s’éveilla dans un sursaut, et la première chose qu’il vit fut le visage blême d’Hagon Balger penché au-dessus du sien, qui semblait le scruter. Il s’ébroua, ayant du mal à raccrocher à la réalité, au décor anodin du campement. Son regard fit le tour de la clairière où ils avaient fait halte à la tombée de la nuit. Quelques braises rougeoyaient encore. Il faisait jour, à présent, ou presque.
Nick porta machinalement la main sur sa Cage, comme s’il avait craint un instant… Il remarqua que le camelot tournait ostensiblement la tête. Il semblait supporter difficilement la vue de cet organe, et Nick se hâta de rabattre les pans de son manteau d’un geste pudique.
— Lève-toi, jeune Vorkul, dit l’estropié de sa vilaine voix grenue, je crois qu’il y a des hommes sur la route, et j’ai l’impression que c’est nous qu’ils cherchent.
Nick fut debout en un clin d’œil, épiant dans toutes les directions.
— Pourquoi viendraient-ils par ici ? demanda-t-il.
— J’ai l’impression qu’ils nous ont suivis depuis Läke. Il faut croire que le mot a été vite passé. Ce sont des chasseurs de Cage.
— Combien sont-ils ?
— Trois… Ou quatre... L’esclandre à la gare a attiré sans doute leur attention par hasard. Les chasseurs sont généralement plus malins que les autres.
— Ils savent que nous sommes là ?
— Possible.
— On ne peut nous voir de la route. On pourrait s’enfuir par là…
Nick désignait une trouée dans les arbres débouchant au loin à travers champs. Balger se contenta d’émettre un bruit lèvres fermées en guise de réponse. Il semblait humer l’air, à la façon des animaux. Depuis trois jours qu’ils parcouraient le pays ensemble, Nick avait eu le temps de se faire à ses étranges manières, tout au moins la plupart. Mais cela ne signifiait pas qu’il en avait saisi le sens.
Il l’observa donc qui restait immobile devant le feu presque éteint, l’attention visiblement captivée par des bruits que Nick était incapable d’entendre. Ce qui au passage l’étonnait et le vexait quelque peu. Á moins qu’il ne s’agît d’une communication mentale, et donc…
Mais avec qui ?
Depuis quelques secondes, les yeux de Balger étaient demeurés fixes, grands ouverts. Ils se mirent à cligner de nouveau, lentement.
— Attendons ici, décréta-t-il soudain. Ils vont passer.
Nick se garda bien d’émettre une opinion contraire, d’autant qu’il venait de surprendre des bruits étranges provenant de la route. Il eut aussi la sensation qu’une ombre silencieuse planait lourdement au-dessus de la cime des arbres environnants. Il leva les yeux, mais elle était déjà passée. Ou bien ce n’était qu’un tour que lui jouait son imagination. Au bout d’un instant, Balger se départit de son immobilité quasi statuesque et se mit à vaquer dans le campement comme si de rien n’était, préparant tout pour leur départ.
— Ils sont partis ? interrogea Nick. On n’entend plus rien…
— Ils sont partis, et ne viendront plus nous importuner. Mais suis mon conseil : ne découvre pas ta Cage, à aucun moment, même si nous sommes seuls. N’oublie pas que bon nombre de gens possèdent des yeux invisibles qui voient loin. Pour cette fois, nous avons évité l’affrontement, mais il ne faudrait pas jouer avec notre chance… Ta Cage est la chose la plus précieuse que tu possèdes…
— Vous parlez d’une drôle de façon, pour un non-chantant !
Non-chantant, c’est ainsi que le camelot lui avait enseigné à désigner ceux qui n’appartenaient pas à la race des Vorkuls. Ce terme était à présent entré dans son langage courant. C’était une des multiples petites choses que Balger lui avait inculquées depuis leur départ de la ville. Et Nick se rendait compte au fil des jours comme cette créature disgracieuse était au fait des choses du monde, et aussi, combien il s’y attachait malgré lui. Il avait soif de savoir. Il avait pris tant de retard…
Il dit finalement, tout en l’aidant à dégager la charrette de l’ornière où elle s’était enfoncée durant la nuit :
— Vous êtes le meilleur précepteur que l’on m’ait jamais donné…
Balger se contenta de hausser les épaules. Il ne sut si c’était parce qu’il trouvait sa remarque trop flatteuse, ou au contraire de peu d’intérêt. Lorsqu’ils revinrent sur la route, celle-ci était effectivement déserte. Les chasseurs s’étaient comme volatilisés. Nick remarqua cependant une traînée rouge au fond du ravin, et il frissonna. Il lorgna du côté de Balger, mais celui-ci fit comme si de rien n’était.
Un peu plus tard, alors qu’ils atteignaient le sommet d’une côte, le jeune Vorkul se décida à poser la question qui démangeait sa langue depuis leur départ.
— Hagon ? Est-ce que vous voyez ces lignes de fumée, dans le ciel ?
Le Désossé fit mine d’essuyer une coulée de sueur imaginaire sur son front, et leva la tête. Et Nick crut que son cœur s’arrêtait de battre quand il répondit :
— Bien entendu, garçon ! Ce sont les ponts d’ombre sur lesquels courent les Vorkuls en quête de Chants ! Ne répète à personne que je peux les distinguer. En principe, les non-chantants sont ignorants de ce genre de chose, et ça ne m’attirerait pas que des amis, tu comprends ?
— Les… ponts d’ombre ! répéta Nick, et il trouva à ces mots une consonance magique. Les ponts d’ombre ! Vous les voyez ! Mais où vont-ils ?
— Dans n’importe quel point de l’Univers, je suppose, bien qu’il y en ait moins qu’auparavant. Il n’y a plus suffisamment de Vorkuls pour les entretenir tous…
— J’étais sûr qu’ils existaient, j’en étais sûr, jubila Nick, mais personne avant vous ne les avait vus comme moi…
— C’est normal. Les Vorkuls distinguent beaucoup de choses qui dépassent l’entendement des non-chantants. Avec leurs yeux, mais aussi leurs oreilles. Ils sont différents, et aussi infiniment supérieurs. C’est sans doute pour cette raison qu’ils sont chassés si férocement. Le trafic des Cages n’explique pas tout. Mais s’ils le voulaient, ils pourraient devenir des seigneurs, plutôt que du gibier.
— Comment cela ?
— Grâce aux Chants ! Les Chants ont une grande force. Ils peuvent charmer, guérir, consolider les ponts d’ombre et une foule d’autres choses, mais ils peuvent aussi détruire. Et tuer. Mais les Vorkuls sont trop stupides. Ce sont des pacifistes frileux. Ils préfèrent se laisser tailler en pièces plutôt qu’accomplir un acte de violence qui serait contre leur nature.
— Je n’aurais pas peur de me battre, si c’est pour défendre ma Cage.
Il fut sur le point de révéler qu’il avait déjà tué, bien qu’accidentellement, mais il préféra s’abstenir. Il leva encore les yeux vers le ciel.
— Je voudrais tant me trouver là-haut…
— Nous en aurons peut-être l’occasion, bientôt…
— Oh ! si…
— Ne t’emballe pas. Ce n’est pas encore fait. Nous devons marcher un bon moment avec cette damnée charrette. Allez, assez parlé, en route !
Ils traversèrent une enfilade de champs riches et de forêts épaisses. Ils évitaient soigneusement les villes, qui surgissaient de loin en loin. Balger semblait disposer d’un stock de nourriture inépuisable, ce qui étonnait un peu le jeune Vorkul. Et ce n’était pas la seule chose qui le faisait tiquer. Á plusieurs reprises, il avait repéré un engin volant haut dans le ciel, qui paraissait suivre leur progression. Quand il en avait fait la remarque à son compagnon, celui-ci s’était contenté de hausser les épaules, comme à son habitude. Même chose lorsqu’il avait tenté d’évoquer les chasseurs de Cages et leur étrange disparition. Finalement, il se sentait gagné par une inquiétude qui ne faisait que croître au fil du chemin.
Le soir venu, ils firent étape au bord d’une rivière. Nick remarqua combien le camelot semblait épuisé, bien qu’au cours de la journée il eût déployé son habituelle vigueur. Son regard partait fréquemment vers le ciel, avec une sorte d’appréhension fébrile. Sa respiration se faisait plus lourde. Tandis que Nick préparait le feu, il se mit soudain à parler, comme s’il voulait lutter contre le sommeil qui l’engourdissait déjà.
— Autrefois, je voyageais d’un bout à l’autre de l’Univers. Je visitais des mondes que tu ne peux même pas concevoir. J’étais riche, et j’étais respecté. Oh oui, très respecté, tu peux me croire, ce n’est pas de la vantardise ! (Il eut un rictus amer et silencieux, évocateur d’un passé connu de lui seul.) Les Vorkuls… Ah ! les Vorkuls… Leurs Chants, oui, j’ai entendu un grand nombre de leurs damnés Chants ! Les plus merveilleux, les plus inconcevables, là-bas, loin de ces étoiles que tu peux voir ! Ceux de Millioth-Qui-Guérit, ou de Daleh, ou de Rohmus, les infatigables voyageurs… Et aussi ceux du plus terrible d’entre eux, Sharn du Dédale ! Oui, celui-là, j’ai peu de raisons de le porter dans mon cœur, mais…
— Sharn ? répéta Nick, car ce nom venait d’évoquer un souvenir lointain, presque inconscient. J’ai entendu ma mère prononcer ce nom-là, enfin, il me semble…
— Ta mère…, fit Hagon Balger d’une voix plus sourde encore qu’à l’accoutumée. Elle t’a parlé de Sharn ? Que sais-tu de lui ? L’as-tu déjà vu ?
— Non, non. Seulement ce nom…
— Pas même son histoire ?… Il… il faut que tu… l’apprennes ! (Il avait de plus en plus de mal à s’exprimer, et par moments, sa tête brinquebalait de droite et de gauche comme celle d’un homme ivre.) Il est venu sur ce monde, autrefois, sur Logom, oui, alors en quête de nouveaux Chants pour concourir au tournoi du Gir-Gavanen. Mais bien sûr, tu ne peux pas sav… Mais ils l’ont attrapé… Les non-chantants, et ils lui ont coupé sa saleté de Cage ! Ensuite, ils l’ont jeté dans le Dédale, la prison vivante où l’on enferme les inhumains et… Des années… des années il est resté là… Puis un jour, il s’en est évadé. Tu comprends ? Il… il est resté vivant, tout ce temps ! Il a refusé la mort, comme aucun ne l’avait fait avant lui dans le même cas ! Un Vorkul ne peut survivre sans sa Cage, ou bien il devient… Peu importe, mais… Sharn, lui, est revenu. Les non-chantants… ont bien essayé de l’en empêcher. Mais il s’est joué d’eux et leur a repris sa Cage. Sa maudite Cage que j’ai tenue entre mes mains, comme ça ! Et… et ses Chants m’ont détruit… Détruit… à jamais !
Balger s’étendit tout en frissonnant, les yeux fermés. Il ne semblait plus pouvoir résister à la fatigue. Nick s’approcha et étendit une couverture sur lui. Il constata comme son corps était raidi et glacé.
— Ne reste pas à côté de moi, balbutia encore le matelot. Demain, demain… j’irai mieux. Pas de souci… Promets-moi, ne reste pas…
Il se tut définitivement, sombrant d’un coup dans l’inconscience. Nick demeurait pétrifié à ses côtés. Il ne l’entendait plus respirer. Il posa à tâtons la main sur sa poitrine, sous la couverture. Le cœur ne battait pas. Il fut saisi de frayeur. Il chercha à ranimer ce corps éteint par tous les moyens, mais tous ses efforts restèrent impuissants.
Par mégarde, il souleva un pan de manteau de Balger, et vit ce qu’il n’aurait jamais dû voir. Une plaie noire suintait hideusement à la hauteur de l’aine, souillant le tissu d’une substance verdâtre et écœurante. Nick fut parcouru d’un tremblement nerveux. Á la lumière de ce que le prétendu camelot lui avait enseigné, il venait de comprendre subitement quelle sorte de compagnon le hasard lui avait adjoint. Si le hasard était réellement pour quelque chose dans cette rencontre !
Hagon Balger était un Vorkul, tout comme lui. Mais il n’avait pas de Cage. Du bout des doigts, il effleura le visage du non-mort, mais ne trouva pas le courage de chercher la jointure du masque hologramme dont il s’était forcément recouvert le visage… Un masque semblable à celui dont Nick lui-même s’était rendu compte de l’existence lors de la terrible nuit, à la villa. Une matière souple, malléable, épousant les contours de la face pour leur conférer un aspect plus humain, plus flatteur…
Nick était profondément bouleversé par sa découverte. Sous l’emprise de l’émotion, il prit aussitôt sa décision. Il ramassa quelques affaires, et comme il n’était pas trop émoussé par l’étape de la journée, décida de se remettre en route sur-le-champ. Il sentait que la proximité de Balger ne pouvait que lui être funeste. Et puis d’ailleurs, il était mort, non ? Il n’allait pas rester là à contempler un cadavre !
Il devait chasser cet être de sa mémoire, et poursuivre seul son chemin. Gagner au plus vite les ponts d’ombre.
Et vivre en Vorkul.