Pour toi premièrement; puis pour ce bon apôtre
Qui veut m'en donner d'une[130] et m'en jouer d'une autre:
Pour cet Arménien, ce marchand déguisé,
Introduit sous l'appât d'un conte supposé.

MASCARILLE.

Quoi! vous ne croyez pas?...

TRUFFALDIN.

Ne cherche point d'excuse:
Lui-même heureusement a découvert sa ruse,
En disant à Célie, en lui serrant la main,
Que pour elle il venoit sous ce prétexte vain;
Il n'a pas aperçu Jeannette, ma fillole[131],
Laquelle a tout ouï, parole pour parole;
Et je ne doute point, quoiqu'il n'en ait rien dit,
Que tu ne sois de tout le complice maudit.

MASCARILLE.

Ah! vous me faites tort. S'il faut qu'on vous affronte,
Croyez qu'il m'a trompé le premier à ce conte.

TRUFFALDIN.

Veux-tu me faire voir que tu dis vérité?
Qu'à le chasser mon bras soit du tien assisté;
Donnons-en à ce fourbe et du long et du large,
Et de tout crime après mon esprit te décharge.

MASCARILLE.

Oui-da, très-volontiers, je l'épousterai[132] bien,
Et par là vous verrez que je n'y trempe en rien.
A part.
Ah! vous serez rossé, monsieur de l'Arménie,
Qui toujours gâtez tout!

SCÈNE VIII.—LÉLIE, TRUFFALDIN, MASCARILLE.

TRUFFALDIN, à Lélie, après avoir heurté à sa porte.

Un mot, je vous supplie.
Donc, monsieur l'imposteur, vous osez aujourd'hui
Duper un honnête homme, et vous jouer de lui?

MASCARILLE.

Feindre avoir vu son fils en une autre contrée,
Pour vous donner chez lui plus aisément entrée!

TRUFFALDIN bat Lélie.

Vidons, vidons sur l'heure[133].

LÉLIE, à Mascarille, qui le bat aussi.

Ah! coquin!

MASCARILLE.

C'est ainsi
Que les fourbes...

LÉLIE.

Bourreau!

MASCARILLE.

Sont ajustés ici.
Gardez-moi bien cela.

LÉLIE.

Quoi donc! je serois homme?...

MASCARILLE, le battant toujours en le chassant.

Tirez, tirez[134], vous dis-je, ou bien je vous assomme.

TRUFFALDIN.

Voilà qui me plaît fort; rentre, je suis content.
Mascarille suit Truffaldin, qui rentre dans sa maison.

LÉLIE, revenant.

A moi, par un valet, cet affront éclatant!
L'auroit-on pu prévoir, l'action de ce traître,
Qui vient insolemment de maltraiter son maître?

MASCARILLE, à la fenêtre de Truffaldin.

Peut-on vous demander comme va votre dos?

LÉLIE.

Quoi! tu m'oses encor tenir un tel propos?

MASCARILLE.

Voilà, voilà que c'est[135] de ne voir pas Jeannette,
Et d'avoir en tout temps une langue indiscrète.
Mais, pour cette fois-ci, je n'ai point de courroux,
Je cesse d'éclater, de pester contre vous,
Quoique de l'action l'imprudence soit haute,
Ma main sur votre échine a lavé votre faute.

LÉLIE.

Ah! je me vengerai de ce trait déloyal!

MASCARILLE.

Vous vous êtes causé vous-même tout le mal.

LÉLIE.

Moi?

MASCARILLE.

Si vous n'étiez pas une cervelle folle,
Quand vous avez parlé naguère à votre idole,
Vous auriez aperçu Jeannette sur vos pas,
Dont l'oreille subtile a découvert le cas.

LÉLIE.

On auroit pu surprendre un mot dit à Célie?

MASCARILLE.

Et d'où doncques[136] viendroit cette prompte sortie?
Oui vous n'êtes dehors que par votre caquet.
Je ne sais si souvent vous jouez au piquet:
Mais au moins faites-vous des écarts[137] admirables.

LÉLIE.

O le plus malheureux de tous les misérables!
Mais encore, pourquoi me voir chassé par toi?

MASCARILLE.

Je ne fis jamais mieux que d'en prendre l'emploi,
Par là, j'empêche au moins que de cet artifice
Je ne sois soupçonné d'être auteur ou complice.

LÉLIE.

Tu devois donc, pour toi, frapper plus doucement.

MASCARILLE.

Quelque sot. Truffaldin lorgnoit exactement:
Et puis, je vous dirai, sous ce prétexte utile,
Je n'étois point fâché d'évaporer ma bile.
Enfin la chose est faite; et, si j'ai votre foi
Qu'on ne vous verra point vouloir venger sur moi,
Soit ou directement, ou par quelque autre voie,
Les coups sur votre râble assenés avec joie,
Je vous promets, aidé par le poste où je suis,
De contenter vos vœux avant qu'il soit deux nuits.

LÉLIE.

Quoique ton traitement ait eu trop de rudesse.
Qu'est-ce que dessus moi ne peut cette promesse?

MASCARILLE.

Vous le promettez donc?

LÉLIE.

Oui, je te le promets.

MASCARILLE.

Ce n'est pas encor tout. Promettez que jamais
Vous ne vous mêlerez dans quoi que j'entreprenne.

LÉLIE.

Soit.

MASCARILLE.

Si vous y manquez, votre fièvre quartaine[138]!

LÉLIE.

Mais tiens-moi donc parole, et songe à mon repos.

MASCARILLE.

Allez quitter l'habit et graisser votre dos.

LÉLIE, seul.

Faut-il que le malheur, qui me suit à la trace,
Me fasse voir toujours disgrâce sur disgrâce!

MASCARILLE, sortant de chez Truffaldin.

Quoi! vous n'êtes pas loin? Sortez vite d'ici;
Mais surtout gardez-vous de prendre aucun souci;
Puisque je fais pour vous, que cela vous suffise;
N'aidez point mon projet de la moindre entreprise;
Demeurez en repos.

LÉLIE, en sortant.

Oui, va, je m'y tiendrai.

MASCARILLE, seul.

Il faut voir maintenant quel biais je prendrai.

SCÈNE IX.—ERGASTE, MASCARILLE.

ERGASTE.

Mascarille, je viens te dire une nouvelle
Qui donne à tes desseins une atteinte cruelle.
A l'heure que je parle, un jeune Égyptien,
Qui n'est pas noir pourtant, et sent assez son bien,
Arrive, accompagné d'une vieille fort hâve,
Et vient chez Truffaldin racheter cette esclave
Que vous vouliez; pour elle il paroît fort zélé.

MASCARILLE.

Sans doute c'est l'amant dont Célie a parlé.
Fut-il jamais destin plus brouillé que le nôtre?
Sortant d'un embarras, nous entrons dans un autre.
En vain nous apprenons que Léandre est au point
De quitter la partie, et ne nous troubler point;
Que son père, arrivé contre toute espérance,
Du côté d'Hippolyte emporte la balance,
Qu'il a tout fait changer par son autorité,
Et va dès aujourd'hui conclure le traité;
Lorsqu'un rival s'éloigne, un autre plus funeste
S'en vient nous enlever tout l'espoir qui nous reste.
Toutefois, par un trait merveilleux de mon art,
Je crois que je pourrai retarder leur départ,
Et me donner le temps qui sera nécessaire
Pour tâcher de finir cette fameuse affaire.
Il s'est fait un grand vol; par qui? l'on n'en sait rien:
Eux autres rarement passent pour gens de bien;
Je veux adroitement, sur un soupçon frivole,
Faire pour quelques jours emprisonner ce drôle.
Je sais des officiers, de justice altérés,
Qui sont pour de tels coups de vrais délibérés;
Dessus[139] l'avide espoir de quelque paraguante[140]
Il n'est rien que leur art aveuglément ne tente;
Et du plus innocent toujours à leur profit
La bourse est criminelle, et paye son délit.

ACTE V

SCÈNE I.—MASCARILLE, ERGASTE.

MASCARILLE.

Ah! chien! ah! double chien! mâtine de cervelle!
Ta persécution sera-t-elle éternelle?

ERGASTE.

Par les soins vigilans de l'exempt Balafré
Ton affaire alloit bien, le drôle étoit coffré,
Si ton maître au moment ne fût venu lui-même,
En vrai désespéré, rompre ton stratagème:
«Je ne saurois souffrir, a-t-il dit hautement,
Qu'un honnête homme soit traîné honteusement;
J'en réponds sur sa mine, et je le cautionne.»
Et, comme on résistoit à lâcher sa personne,
D'abord il a chargé si bien sur les recors,
Qui sont gens d'ordinaire à craindre pour leur corps,
Qu'à l'heure que je parle ils sont encore en fuite,
Et pensent tous avoir un Lélie à leur suite.

MASCARILLE.

Le traître ne sait pas que cet Égyptien
Est déjà là-dedans pour lui ravir son bien.

ERGASTE.

Adieu. Certaine affaire à te quitter m'oblige.

SCÈNE II.—MASCARILLE.

Oui, je suis stupéfait de ce dernier prodige.
On diroit (et pour moi j'en suis persuadé)
Que ce démon brouillon dont il est possédé
Se plaise à me braver, et me l'aille conduire
Partout où sa présence est capable de nuire.
Pourtant je veux poursuivre, et, malgré tous ces coups,
Voir qui l'emportera de ce diable ou de nous.
Célie est quelque peu de notre intelligence,
Et ne voit son départ qu'avecque répugnance.
Je tâche à profiter de cette occasion.
Mais ils viennent; songeons à l'exécution.
Cette maison meublée est en ma bienséance[141],
Je puis en disposer avec grande licence;
Si le sort nous en dit, tout sera bien réglé;
Nul que moi ne s'y tient, et j'en garde la clé.
O Dieu! qu'en peu de temps on a vu d'aventures,
Et qu'un fourbe est contraint de prendre de figures!

SCÈNE III[142].—CÉLIE, ANDRÈS.

ANDRÈS.

Vous le savez, Célie, il n'est rien que mon cœur
N'ait fait pour vous prouver l'excès de son ardeur.
Chez les Vénitiens, dès un assez jeune âge,
La guerre en quelque estime avoit mis mon courage,
Et j'y pouvois un jour, sans trop croire de moi,
Prétendre, en les servant, un honorable emploi;
Lorsqu'on me vit pour vous oublier toute chose,
Et que le prompt effet d'une métamorphose,
Qui suivit de mon cœur le soudain changement,
Parmi vos compagnons sut ranger votre amant,
Sans que mille accidens, ni votre indifférence,
Aient pu me détacher de ma persévérance.
Depuis, par un hasard, d'avec vous séparé
Pour beaucoup plus de temps que je n'eusse auguré,
Je n'ai, pour vous rejoindre, épargné temps ni peine;
Enfin, ayant trouvé la vieille Égyptienne,
Et, plein d'impatience, apprenant votre sort,
Que pour certain argent qui leur importoit fort,
Et qui de tous vos gens détourna le naufrage,
Vous aviez en ces lieux été mise en otage,
J'accours vite y briser ces chaînes d'intérêt,
Et recevoir de vous les ordres qu'il vous plaît:
Cependant on vous voit une morne tristesse,
Alors que dans vos yeux doit briller l'allégresse.
Si pour vous la retraite avoit quelques appas,
Venise, du butin fait parmi les combats,
Me garde pour tous deux de quoi pouvoir y vivre:
Que si, comme devant, il vous faut encor suivre,
J'y consens, et mon cœur n'ambitionnera
Que d'être auprès de vous tout ce qu'il vous plaira.

CÉLIE.

Votre zèle pour moi visiblement éclate:
Pour en paroître triste, il faudroit être ingrate,
Et mon visage aussi, par son émotion,
N'explique point mon cœur en cette occasion.
Une douleur de tête y peint sa violence;
Et, si j'avois sur vous quelque peu de puissance,
Notre voyage, au moins pour trois ou quatre jours,
Attendroit que ce mal eût pris un autre cours.

ANDRÈS.

Autant que vous voudrez, faites qu'il se diffère.
Toutes mes volontés ne butent[143] qu'à vous plaire.
Cherchons une maison à vous mettre en repos.
L'écriteau que voici s'offre tout à propos.

SCÈNE IV.—CÉLIE, ANDRÈS, MASCARILLE, déguisé en Suisse.

ANDRÈS.

Seigneur Suisse, êtes-vous de ce logis le maître?

MASCARILLE.

Moi pour serfir à fous.

ANDRÈS.

Pourrons-nous y bien être?

MASCARILLE.

Oui; moi pour d'étrancher chafons champre carni,
Ma che non point locher te chans te méchant vi.

ANDRÈS.

Je crois votre maison franche de tout ombrage.

MASCARILLE.

Fous noufeau dans sti fil, moi foir à la fissage.

ANDRÈS.

Oui.

MASCARILLE.

La matame est-il mariage al monsieur?

ANDRÈS.

Quoi?

MASCARILLE.

S'il être son fame, ou s'il être son sœur?

ANDRÈS.

Non.

MASCARILLE.

Mon foi, pien choli, fenir pour marchantisse
Ou pien pour temanter à la palais choustice!
La procès il faut rien, il coûter tant t'archant!
La procurair larron, l'afocat pien méchant.

ANDRÈS.

Ce n'est pas pour cela.

MASCARILLE.

Fous tonc mener sti file
Pour fenir pourmener et recarter la file?

ANDRÈS.

A Célie.
Il m'importe. Je suis à vous dans un moment.
Je vais faire venir la vieille promptement,
Contremander aussi notre voiture prête.

MASCARILLE.

Li ne porte pas pien?

ANDRÈS.

Elle a mal à la tête.

MASCARILLE.

Moi chafoir te pon fin, et te fromage pon.
Entre-fous, entre-fous tans mon petit maisson.
Célie, Andrès et Mascarille entrent dans la maison.

SCÈNE V.—LÉLIE.

Quel que soit le transport d'une âme impatiente,
Ma parole m'engage à rester en attente,
A laisser faire un autre, et voir, sans rien oser,
Comme de mes destins le ciel veut disposer.

SCÈNE VI.—ANDRÈS, LÉLIE.

LÉLIE, à Andrès qui sort de la maison.

Demandiez-vous quelqu'un dedans cette demeure?

ANDRÈS.

C'est un logis garni que j'ai pris tout à l'heure.

LÉLIE.

A mon père pourtant la maison appartient,
Et mon valet, la nuit, pour la garder s'y tient.

ANDRÈS.

Je ne sais; l'écriteau marque au moins qu'on la loue;
Lisez.

LÉLIE.

Certes, ceci me surprend, je l'avoue.
Qui diantre l'auroit mis? et par quel intérêt?...
Ah! ma foi, je devine à peu près ce que c'est!
Cela ne peut venir que de ce que j'augure.

ANDRÈS.

Peut-on vous demander quelle est cette aventure?

LÉLIE.

Je voudrois à tout autre en faire un grand secret,
Mais pour vous il n'importe, et vous serez discret.
Sans doute l'écriteau que vous voyez paroître,
Comme je conjecture, au moins, ne sauroit être
Que quelque invention du valet que je di,
Que quelque nœud subtil qu'il doit avoir ourdi
Pour mettre en mon pouvoir certaine Égyptienne
Dont j'ai l'âme piquée, et qu'il faut que j'obtienne.
Je l'ai déjà manquée, et même plusieurs coups.

ANDRÈS.

Vous l'appelez?

LÉLIE.

Célie.

ANDRÈS.

Eh! que ne disiez-vous?
Vous n'aviez qu'à parler, je vous aurois sans doute
Épargné tous les soins que ce projet vous coûte.

LÉLIE.

Quoi! vous la connoissez?

ANDRÈS.

C'est moi qui maintenant
Viens de la racheter.

LÉLIE.

O discours surprenant!

ANDRÈS.

Sa santé de partir ne nous pouvant permettre,
Au logis que voilà je venois de la mettre;
Et je suis très-ravi, dans cette occasion,
Que vous m'ayez instruit de votre intention.

LÉLIE.

Quoi! j'obtiendrois de vous le bonheur que j'espère?
Vous pourriez?...

ANDRÈS, allant frapper à la porte.

Tout à l'heure on va vous satisfaire.

LÉLIE.

Que pourrai-je vous dire? Et quel remercîment?...

ANDRÈS.

Non, ne m'en faites point, je n'en veux nullement.

SCÈNE VII.—LÉLIE, ANDRÈS, MASCARILLE.

MASCARILLE, à part.

Eh bien, ne voilà pas mon enragé de maître!
Il nous va faire encor quelque nouveau bissêtre[144].

LÉLIE.

Sous ce grotesque habit qui l'auroit reconnu?
Approche, Mascarille, et sois le bienvenu.

MASCARILLE.

Moi souis ein chant t'honneur, moi non point Maquerille;
Chai point fendre chamais le fame ni le fille.

LÉLIE.

Le plaisant baragouin! il est bon, sur ma foi!

MASCARILLE.

Allez fous pourmener, sans toi rire te moi.

LÉLIE.

Va, va, lève le masque, et reconnois ton maître.

MASCARILLE.

Partié! tiable, mon foi chamais toi chei connoître.

LÉLIE.

Tout est accommodé, ne te déguise point.

MASCARILLE.

Si toi point t'en aller, che paille ein coup te poing.

LÉLIE.

Ton jargon allemand est superflu, te dis-je;
Car nous sommes d'accord, et sa bonté m'oblige.
J'ai tout ce que mes vœux lui pouvoient demander,
Et tu n'as pas sujet de rien appréhender.

MASCARILLE.

Si vous êtes d'accord par un bonheur extrême,
Je me dessuisse[145] donc et redeviens moi-même.

ANDRÈS.

Ce valet vous servoit avec beaucoup de feu.
Mais je reviens à vous, demeurez quelque peu.

SCÈNE VIII.—LÉLIE, MASCARILLE.

LÉLIE.

Eh bien, que diras-tu?

MASCARILLE.

Que j'ai l'âme ravie
De voir d'un beau succès notre peine suivie.

LÉLIE.

Tu feignois à[146] sortir de ton déguisement,
Et ne pouvois me croire en cet événement.

MASCARILLE.

Comme je vous connois, j'étois dans l'épouvante,
Et trouve l'aventure aussi fort surprenante.

LÉLIE.

Mais confesse qu'enfin c'est avoir fait beaucoup.
Au moins j'ai réparé mes fautes à ce coup,
Et j'aurai cet honneur d'avoir fini l'ouvrage.

MASCARILLE.

Soit; vous aurez été bien plus heureux que sage.

SCÈNE IX.—CÉLIE, ANDRÈS, LÉLIE, MASCARILLE.

ANDRÈS.

N'est-ce pas là l'objet dont vous m'avez parlé?

LÉLIE.

Ah! quel bonheur au mien pourroit être égalé?

ANDRÈS.

Il est vrai, d'un bienfait je vous suis redevable.
Si je ne l'avouois je serois condamnable:
Mais enfin ce bienfait auroit trop de rigueur,
S'il falloit le payer aux dépens de mon cœur.
Jugez, dans le transport où sa beauté me jette
Si je dois à ce prix vous acquitter ma dette;
Vous êtes généreux, vous ne le voudriez pas:
Adieu. Pour quelques jours retournons sur nos pas.

SCÈNE X.—LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE, après avoir chanté.

Je ris, et toutefois je n'en ai guère envie;
Vous voilà bien d'accord, il vous donne Célie;
Hem! vous m'entendez bien.

LÉLIE.

C'est trop; je ne veux plus
Te demander pour moi de secours superflus.
Je suis un chien, un traître, un bourreau détestable,
Indigne d'aucun soin, de rien faire incapable!
Va, cesse tes efforts pour un malencontreux,
Qui ne sauroit souffrir que l'on le rende heureux.
Après tant de malheurs, après mon imprudence,
Le trépas me doit seul prêter son assistance.

SCÈNE XI.—MASCARILLE.

Voilà le vrai moyen d'achever son destin;
Il ne lui manque plus que de mourir enfin,
Pour le couronnement de toutes ses sottises.
Mais en vain son dépit pour ses fautes commises
Lui fait licencier mes soins et mon appui,
Je veux, quoi qu'il en soit, le servir malgré lui,
Et dessus son lutin obtenir la victoire.
Plus l'obstacle est puissant, plus on reçoit de gloire;
Et les difficultés dont on est combattu
Sont les dames d'atours qui parent la vertu.

SCÈNE XII.—CÉLIE, MASCARILLE.

CÉLIE, à Mascarille, qui lui a parlé bas.

Molière, tome premier / Oeuvres complètes de J.-B. Poquelin Molière
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