DÉTOUR
Timothy Zahn & Mickael A. Stackpole
2 ap. BY
Détour est une nouvelle en quatre parties issues de la collaboration entre deux des plus grands auteurs de l’Univers Étendu, Mike A. Stackpole et Timothy Zahn.
Détour a été publiée dans les douzième et treizième numéros du Star Wars Adventure Journal en Février et Mai 1997. Elle se déroule deux ans après la bataille de Yavin, et nous propose un casting de rêve : Corran Horn, Hal Horn (dont c’est la première apparition), le Grand Amiral Thrawn, Zekka Thyne, Fliry Vorru ou encore Kirtan Loor.
Les contrebandiers Haber Trell et Maranne Darmic ainsi que leur vaisseau sont arrêtés, suspectés de transporter des armes pour la Rébellion, et sont menacés d’être dénoncés à l’Empire s’ils n’aident pas un chasseur de primes en armure, le célèbre Jodo Kast. Mais tout ceci n’est qu’une partie du plan du Grand Amiral Thrawn qui implique les deux membres de la Corsec Hal et Corran Horn, qui travaillent sous couverture pour éliminer le Seigneur de Guerre Zekka Thyne. Mais un seul faux pas peut tous les tuer…
Titre original : Side Trip
PARTIE 1
La lisière indistincte de la planète était seulement en train de disparaître sous la verrière d’observation de la salle de contrôle du Hopskip, et Haber Trell était en train d’essayer de tirer davantage de puissance des moteurs contraignants du vaisseau, lorsque son partenaire revint finalement de sa tournée d’inspection de la poupe.
— T’en as mis du temps, commenta Trell tandis qu’elle se laissait tomber dans le siège du copilote à côté de lui. Des ennuis ?
— Pas plus que d’habitude, lui dit Maranne Darmic, glissant une main sous la boucle argentée qui attachait ses cheveux blonds foncés en arrière avant de se gratter énergiquement la tête. Les courroies du chargement ont tenu malgré ton fameux décollage. Par contre, je ne crois pas qu’on se soit encore débarrassé des mites qui grouillent dans la soute.
— Oublie la vermine, grogna Trell. (La dernière fois qu’ils avaient eu un chargement instable de classe vingt, il s’était sombrement promis de laisser Maranne s’occuper du décollage. Histoire de voir avec quelle douceur elle l’exécutait.) Et nos passagers ?
Maranne eut un reniflement de dédain.
— Je croyais que tu ne voulais pas entendre parler de la vermine.
— Fais attention, gamine, rétorqua Trell. Ils ont payé le prix fort pour qu’on passe ces blasters en contrebande jusqu’à Derra IV.
— Et de toute évidence, ils se méfient de nous comme de la peste, contra Maranne. Sinon, ils ne les surveilleraient pas comme ça.
Trell haussa les épaules.
— Je ne vais pas leur reprocher d’être prudent. Depuis cette grande défaite, où quel que soit ce qui s’est passé dans le système Yavin, l’Empire s’est mis à cracher du feu dans quinze directions différentes. J’ai entendu dire que certains des systèmes indépendants qui transportent du matériel rebelle ont décidé qu’il était plus sûr de prendre l’argent, d’abandonner la cargaison, et de s’évaporer dans l’espace pour un endroit meilleur.
— Ouais, eh bien je n’aime pas travailler pour des gens désespérés, dit Maranne, changeant le point central de ses démangeaisons pour un endroit situé plus bas dans son cou. Ils me rendent nerveux.
— S’ils n’étaient pas désespérés, ils ne nous paieraient pas aussi grassement, remarqua Trell légitimement. Ne t’inquiète pas, c’est la dernière fois qu’on a à traiter avec eux.
— J’ai déjà entendu ça auparavant, dit Maranne, reniflant à nouveau. (L’alarme de proximité se mit à retentir et Maranne se pencha en avant afin de lire les relevés.) C’est sûr qu’avec cet argent, tu pourras t’offrir les améliorations que tu veux ; mais ensuite, il faudra faire améliorer ces capteurs, et…
Elle s’interrompit brusquement.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Trell.
— Destroyer Stellaire, dit-elle d’un ton grave, activant le système d’armement sur son panneau de commande ainsi que les amplificateurs de puissance. En approche rapide derrière nous.
— Génial, grogna Trell en jetant un œil au navordinateur. (S’ils parvenaient à s’échapper en vitesse lumière… Non, le vaisseau était encore trop près de la planète.) Quel est leur vecteur d’approche ?
— Droit sur nous, répondit Maranne. Je suppose que c’est trop tard pour larguer la cargaison et prendre un air innocent.
— Vaisseau cargo Hopskip, ici le capitaine Niriz de Destroyer Impérial Admonitor, dit une voix bourrue de l’autre côté de la fréquence. J’aimerais vous parler à bord de mon vaisseau, si cela ne vous dérange pas.
Son dernier mot fut ponctué par un léger tremblement parcourant le plancher sous leurs pieds tandis qu’un rayon tracteur les accrochait.
— Ouais, je crois bien qu’il est trop tard, dit Trell en poussant un soupir. Espérons qu’ils sont simplement partis à la pêche.
Il ouvrit la fréquence com.
— Ici Haber Trell à bord du Hopskip, dit-il. Ce serait un honneur de nous entretenir avec vous, capitaine.
— Eh bien, dit le capitaine Niriz, sa voix résonnant à travers le grand vide du hangar tandis qu’il étudiait du regard les quatre individus qui se tenait face à lui. Voilà qui est intéressant. Nos archives parlent du Hopskip comme d’un vaisseau opéré par deux membres d’équipe, et non quatre. (Son regard se fixa sur Riij Winward.) Une nouvelle recrue ?
— Notre ancien vaisseau a dû quitter Tramanos dans la précipitation, lui dit Riij, luttant pour garder un ton décontracté. (La fausse identité que la Rébellion lui avait fournie était en béton, mais si les impériaux décidaient de creuser son passé, ils tomberaient sans le moindre doute sur sa récente connexion avec la police de Mos Eisley sur Tatooine. Voilà bien une connexion qu’il ne valait mieux pas qu’ils découvrent.) On avait besoin de se rendre sur Shibric, continua-t-il, et comme le capitaine Trell allait dans la même direction, il a gentiment offert de nous y emmener.
— Pour un prix exorbitant, j’imagine, dit Niriz, son regard se déplaçant sur le grand Tunroth qui se tenait à la droite de Riij. Il est rare de croiser un Tunroth dans cette région de la galaxie. Vous êtes un chasseur qualifié, je présume ?
— Shturlan, grogna Rathe Palror d’une voix presque subsonique.
— C’est un chasseur de classe vingt, traduisit Riij, essayant d’attirer l’attention de Niriz de nouveau sur lui. Si les impériaux étaient amenés à tomber dessus, les brillants états de service de Palror au sein des Fusiliers de Churhee éclipseraient rapidement ceux de Riij.
— Excellent, dit Niriz. Les talents d’un chasseur pourraient s’avérer utile lors de la mission.
À la gauche de Riij, Trell se racla la gorge.
— Mission ? demanda-t-il avec circonspection.
— C’est exact. (Niriz fit un geste et un lieutenant se tenant à côté de lui fit un pas en avant pour lui tendre un datapad.) Je veux que vous transportiez un chargement sur Corellia pour moi.
— Excusez-moi ? demanda Trell prudemment tandis qu’il s’emparait du datapad. Vous voulez que moi, je… ?
— Pour cette mission, j’ai besoin d’un cargo civil, dit Niriz. (Sa voix était bourrue, mais Riij pouvait entendre une nuance de dégoût.) Je n’en ai pas. Vous en avez un. Je n’ai pas non plus le temps de chercher quelqu’un d’autre. Vous êtes là. Vous ferez l’affaire.
Riij hissa son cou pour regarder par-dessus l’épaule de Trell et voir le datapad, ses trépidations antérieures quant à leurs identités laissant place à une excitation réservée. Voir un capitaine de Destroyer Stellaire demander une aide quelconque – surtout à un pilote de cargo civil débraillé – était une scène exceptionnelle. Cela prouvait à quel point ils étaient désespérés ; et tout ce qui dérangeait autant un officier impérial senior constituait obligatoirement quelque chose qu’un bon rebelle se devait de renseigner.
— Qu’en pensez-vous ? demanda-t-il d’un air empressé.
Trell secoua la tête.
— Je ne sais pas, répondit-il. Nous avons un planning à respecter.
Riij fit défiler une liste de mots hautement vulgaires dans son esprit, s’assurant que son visage ne trahisse pas sa frustration. Trell, malheureusement, n’était pas un rebelle, bon ou mauvais, et il n’avait clairement aucune envie de tremper dans les affaires impériales.
— Ça ne prendrait pas tellement de temps, reprit-il avec circonspection. Et tout bon citoyen à un devoir à remplir. Alors, c’est non, dit-il fermement en tendant le datapad au lieutenant. Je suis désolé, capitaine, mais nous n’avons pas le temps. Nous devons livrer un chargement à Shibric…
— Vous transportez six cent caisses de saucisses Pashkin, l’interrompit Niriz froidement. Vous savez, je présume, que le gouverneur a récemment décrété que tout export de denrées alimentaires requiert une licence impériale.
La mâchoire de Trell tomba de deux millimètres.
— C’est impossible, dit-il. Je veux dire… les inspecteurs ne nous ont rien dit de tout ça.
— De quand date ce décret ? demanda Maranne d’un air soupçonneux.
Niriz lui adressa un petit sourire.
— D’il y a approximativement dix minutes.
Riij sentit son estomac se resserrer. Du désespoir, en effet.
— À vue de nez, je dirais qu’on s’est fait avoir, dit-il à Trell à voix basse.
Le regard de Niriz se posa sur Riij avant de retourner sur Trell.
— Cependant, je suis enclin à déroger à cette règle pour cette fois, reprit-il. Si vous êtes disposés, en retour, à livrer vos saucisses avec un peu de retard.
— Ou ne pas les livrer du tout, je suppose ? rétorqua Trell.
Niriz haussa les épaules.
— Quelque chose comme ça.
Trell regarda Maranne, qui lui adressa aussi un haussement d’épaules.
— Il faut deux jours pour rejoindre Corellia, dit-elle. Ajoutez à ça le temps de livraison, et on arrive à trois jours, grand maximum. Ce sera une course-contre-la-montre, mais notre planning peut probablement le supporter.
— De toute façon, on n’a pas tellement le choix. (Trell regarda Niriz.) Dans ce cas, on serait ravis de vous aider, capitaine. De quelle cargaison s’agit-il et quand doit-on partir ?
— La cargaison comprend deux cent caisses, dit Niriz. C’est tout ce que vous devez savoir. En ce qui concerne le départ, vous pourrez vous en aller dès que nous aurons déchargé vos caisses de saucisses et que nous aurons installé le nouveau chargement à bord.
À côté de Riij, Palror gronda à nouveau, et Riij dût lutter pour conserver un visage impassible. Si un soldat impérial empreint à la lassitude décidait de farfouiller sous les trois couches supérieures de saucisses contenues dans chaque boîte…
— Ne vous inquiétez pas, nous les garderons au frais, promit Niriz. Elles ne subiront aucune dégradation.
— Je n’en doute pas, dit Trell. Où doit-on acheminer votre cargaison ?
— Votre guide vous donnera toutes les informations dont vous avez besoin, dit Niriz en pointant du doigt un endroit situé derrière eux.
Riij se tourna pour voir et eut le souffle coupé. Émergeant de la poupe du Hopskip en marchant dans leur direction, son armure mandalorienne tachée brillant sous les lampes du plafond…
Trell jura dans sa barbe et dit :
— Boba Fett.
— Ce n’est pas Fett, le corrigea Niriz. Disons simplement que c’est un de ses admirateurs.
— Un ancien admirateur, précisa la silhouette en armure d’une voix sombre et étouffée. Je m’appelle Jodo Kast. Et je suis bien meilleur que Fett.
— C’est déjà un début, dit Niriz. J’ai toujours pensé qu’un soldat impérial émérite pouvait maîtriser trois chasseurs de primes sans verser une seule goutte de sueur.
— Faut pas pousser, Niriz, dit Kast sur le ton de l’avertissement. Pour le moment, vous avez plus besoin de moi que moi de vous.
— J’ai moins besoin de vous que vous ne le pensez, rétorqua Niriz. D’autant plus que vous avez aussi besoin du pardon impérial pour ce chantier que vous avez provoqué sur Borkyne…
— Messieurs, je vous en prie, intervint Trell. Je suis un homme d’affaires avec un planning à respecter. Quelles que soient vos différends, je suis sûr que vous pouvez les mettre de côté jusqu’à ce qu’on ait fini le travail.
Niriz arborait toujours un regard noir, mais il lui adressa un hochement de tête réticent.
— Vous avez raison. Très bien. Vous et votre équipage irez vous reposer dans la salle de préparation, là-bas, jusqu’à ce que la cargaison ait été transférée. Quant à vous… (Il leva un doigt en direction de Kast.) J’aimerais vous voir dans le bureau de l’aire de contrôle. Il reste certaines choses que j’aimerais clarifier pour vous.
Kast lui adressa un hochement de tête grave.
— Bien sûr. Après vous.
Niriz entra dans le bureau de l’aire de contrôle, suivi de près par l’homme à l’armure. La porte se referma et Niriz put enfin se débarrasser de sa raideur anormale.
— J’ai bien peur de ne pas être très bon à ce jeu, monsieur, dit-il sur le ton de l’excuse. J’espère avoir été à la hauteur.
— Vous avez été parfait, capitaine, lui répondit l’autre d’un ton rassurant, saisissant son casque pour s’en défaire. Entre cette armure et votre performance, ils sont désormais totalement convaincus que je suis Jodo Kast.
— J’espère bien, monsieur, dit Niriz, l’estomac serré à cause des yeux rougeoyants de son supérieur. Amiral… Je sais que je me répète, mais je pense que vous ne devriez faire ça. Du moins, pas personnellement.
— Je prends votre inquiétude en note, dit le Grand Amiral Thrawn, passant une main gantée dans ses cheveux bleu-noir. Et je l’apprécie également. Mais il s’agit de quelque chose que je ne peux déléguer à personne d’autre.
Niriz secoua la tête.
— J’aimerais pouvoir dire que je comprends.
— Vous finirez par comprendre, lui dit Thrawn sur le ton de la promesse. En supposant que le plan se déroule comme prévu, vous aurez droit à toute l’histoire à mon retour.
Niriz esquissa un sourire, repensant à toutes les campagnes que lui et le Grand Amiral avaient vécues dans les Régions Inconnues.
— Est-ce déjà arrivé que vos plans ne se déroulent pas comme vous l’aviez prévu ? demanda-t-il sèchement.
Thrawn esquissa un petit sourire en réponse.
— Tout le temps, capitaine, répondit-il. Heureusement, je suis généralement à même d’improviser une approche alternative.
— Assurément, monsieur. (Niriz poussa un soupir.) J’aimerais quand même que vous reconsidériez la chose. On pourrait laisser l’un de mes soldats enfiler l’amure mandalorienne, et vous pourriez le diriger par comlink d’un endroit près de là.
Thrawn secoua la tête.
— Trop lent et trop compliqué. De plus, la forteresse de Thyne disposera certainement d’un système de surveillance à spectre complet. Ils relèveraient n’importe quelle transmission avant de la pirater ou de la brouiller.
Niriz prit une profonde inspiration.
— Certainement, monsieur.
Thrawn esquissa un nouveau sourire.
— Ne vous inquiétez pas, capitaine, tout ira bien. N’oubliez pas, il y a une garnison impériale non loin de là. Je peux toujours les contacter si le besoin s’en fait sentir.
Il enfila de nouveau son casque et sécurisa les attaches.
— Je ferais mieux d’aller superviser le transfert de la cargaison. On ne voudrait pas que les précieuses saucisses de ce Trell soient endommagées. Je serai de retour dans quelques jours.
— Très bien, monsieur, dit Niriz. Bonne chance, amiral.
On l’appelait la Place du Vaisseau au Trésor, et elle avait la réputation d’être la plateforme commerciale la plus exotique et la plus éclectique de l’Empire. Des douzaines de kiosques et de boutiques de toutes tailles et de toutes modes parcouraient toute sa longueur, et des centaines d’autres étaient regroupées à la lisière, tissant un réseau qui s’étendait à l’intérieur et à l’extérieur de Coronet City. Humains et aliens étaient assis à des comptoirs en plein air ou se tenaient près des portes, colportant leurs marchandises aux milliers d’individus qui se bousculaient à travers les rues étroites.
Un endroit plein de vie et excitant, mais également intimidant pour Trell. Le marchant en lui était intrigué par la gamme de produits disponibles, ainsi que par la variété de clients potentiels à qui un commerçant pouvait vendre ces biens. Mais en même temps, la part en lui qui l’avait poussé à adopter l’isolement de l’espace en premier lieu faisait qu’il se sentait mal à l’aise au beau milieu de telles foules.
Maranne, qui marchait à ses côtés, ne semblait pas être sujette à la moindre gêne. Pas plus que les deux agents rebelles qui lui emboîtaient le pas. Quant à Kast, qui marchait en tête, il doutait qu’aucun d’entre eux pouvait savoir ce qu’il ressentait. Ils ne devaient même pas s’en soucier.
— Où va-t-on exactement ? demanda Maranne, effectuant une longue enjambée pour se rapprocher de Kast.
— Par-là, dit Kast en se frayant un chemin à travers la foule pour rejoindre le côté de la rue.
Les autres le suivirent, et un instant plus tard, tous les cinq se retrouvèrent dans allée étroite située entre deux kiosques aux volets fermés.
— Ici ? demanda Trell.
— Le kiosque que vous recherchez se trouve cinq kiosques plus loin sur votre gauche, leur dit Kast. La Boutique Curio ; le propriétaire s’appelle Sajsh. Vous… (Il pointa un doigt ganté vers Trell.)… vous lui direz que vous avez un chargement pour Borbor Crisk et vous leur demanderez les instructions de livraison.
— Et pour nous autres ? demanda Riij.
— Vous sortirez les premiers, dit Kast. Restez hors de la conversation, mais ouvrez vos yeux et vos oreilles.
Trell jeta un regard au flot de passants, un frisson parcourant sa nuque. Quelque chose clochait, mais c’était trop tard pour reculer.
— Maranne, assure-toi d’être là où tu peux me couvrir, lui dit-il.
— Il n’y aura aucun échange de tir, lui dit Kast sur le ton de l’assurance.
— Ravi de l’entendre, dit Maranne. Ça ne vous dérange pas si je le couvre quand même ?
Kast sembla adresser un regard perçant à Maranne à travers la visière de son casque.
— Comme vous voulez, dit-il. Vous tous, c’est parti.
Sans mot dire, les autres se fondirent dans la foule, Kast fermant la marche. Trell compta jusqu’à cinquante, le temps qu’ils trouvent tous leur position, puis suivit la marche.
La Boutique Curio n’était pas difficile à trouver : un petit kiosque dilapidé à ciel ouvert avec une arrière-boutique enclavée qui avait maladroitement été ajoutée il y a suffisamment longtemps pour avoir l’air aussi pourrie que le kiosque lui-même. Une créature reptilienne issue d’une espèce inconnue était appuyée sur le comptoir, observant la foule de piétons passer devant son établissement. Prenant une profonde inspiration, Trell s’approcha de lui.
Le lézard leva les yeux tandis que Trell s’approchait, montrant un visage à l’expression insondable.
— Bien le bonjour, mon bon monsieur, dit-il dans un Basique satisfaisant. Je suis Sajsh, propriétaire de cet humble établissement. Puis-je vous aider ?
— J’espère bien, dit Trell. J’ai une cargaison pour une personne répondant au nom de Borbor Crisk. On m’a dit que vous pourriez me délivrer les consignes de livraison.
Une langue à trois points surgit brièvement de sa bouche écailleuse.
— On vous a mal informé, dit-il. Je ne connais personne de ce nom.
— Oh, dit Trell, déconcerté, vous êtes sûr ?
La langue surgit à nouveau avant de disparaître.
— Vous doutez de ma parole ? cracha l’alien. Ou simplement de ma mémoire ? Ou encore de mon intelligence ?
— Non, non, dit Trell dans la précipitation. Pas du tout. C’est juste que… mes sources semblaient être si sûres que cet endroit était le bon.
Sajsh ouvrit grand la bouche.
— Peut-être s’est-il tout juste légèrement trompé. Peut-être faisait-il référence à mon voisin. (Il pointa son doigt vers la droite, en direction d’un kiosque tout aussi dilapidé qui était actuellement fermé.) Le propriétaire sera de retour à sept heures. Vous pourrez alors revenir et lui poser la question.
— Je le ferai, répondit Trell sur le ton de la promesse. Merci.
Le lézard fit calquer ses dents deux fois. Avec un signe de tête, Trell se retourna et replongea dans le torrent de piétons, le visage rougi par la gêne et l’agacement.
— Alors ? demanda Maranne en s’avançant furtivement vers lui.
— Kast m’a indiqué le mauvais kiosque, grogna Trell en regardant aux alentours. (Mais le chasseur de primes avait disparu.) Où sont les autres ?
— On est juste là, dit Riij, émergeant de la foule derrière lui. Kast nous a dit de remonter la rue pour le rejoindre.
— Bien, dit Trell d’un ton acerbe. J’ai quelques trucs à dire à notre estimé chasseur de primes. Allons-y.
Sajsh et l’homme inconnu terminèrent leur conversation, et le dernier retourna dans la masse de flâneurs et de commerçants. À deux kiosques de là, Corran Horn reposa le melon qu’il avait commencé à examiner et s’introduisit discrètement dans le flot de passants derrière lui.
L’étranger ne semblait pas vouloir se perdre dans la foule ; et cela ne risquait pas d’arriver étant donnée la compagnie d’individus qu’il rejoignit : une femme à l’allure sévère et au demeurant compétent, un jeune homme à peu près du même âge que Corran, et un alien à la peau jaune doté de plusieurs petites cornes au niveau du menton. Pendant un moment, les quatre compagnons discutèrent ; ensuite, l’homme de contact en tête, ils repartirent le long de la rue.
Du coin de l’œil, Corran repéra une silhouette qui s’avançait à ses côtés.
— Un problème ?
— Je l’ignore, papa, dit Corran. Tu vois ce groupe de quatre personnes là-bas ? L’homme à la veste pleine d’outils, la femme blonde, le col à piques blanc, et l’alien à la peau jaune ?
— Oui, répondit Hal Horn en acquiesçant. D’ailleurs, l’alien, c’est un Tunroth. Plutôt rare de les voir en-dehors de leur système d’origine. De nos jours, la plupart de ceux que tu rencontres travaillent sur des safaris de haut risque, ou avec des mercenaires, ou des chasseurs de primes.
— Intéressant, dit Corran. Probablement significatif. Veste Marron vient juste d’entrer dans le kiosque de Sajsh pour tenter de livrer un colis pour Borbor Crisk.
— Tiens donc, dit Hal d’un air pensif. Est-ce que Crisk et Zekka Thyne auraient mis de côté leurs différends pendant que j’avais le dos tourné ?
— Si c’est le cas, j’avais moi aussi le dos tourné, lui dit Corran. Soit Veste Marron et ses potes sont incroyablement stupides, soit il se trame quelque chose de louche.
— De toute façon, je doute que Thyne passe à côté de l’affaire, dit Hal. Est-ce que Veste Marron aurait, par chance, mentionné l’endroit où on peut les contacter ?
— Non, mais Sajsh s’en occupe, dit Corran. Il lui a dit d’aller voir le propriétaire du kiosque d’à côté, mais il lui a suggéré de revenir vers sept heures.
— Comme ça il aura droit à une charmante petite conversation avec les gros durs du Soleil Noir, dit Hal en tendant son cou afin de balayer la foule du regard. Eh bien, ça devient de plus en plus intéressant. Regarde un peu avec qui nos chers innocents se sont acoquinés. Corran se leva sur la pointe des pieds. Veste Marron et ses amis étaient là, et avec eux…
— Oh je rêve, dit-il, est-ce que c’est Boba Fett ?
— Non, je ne crois pas, dit Hal. Probablement Jodo Kast, mais j’aurais besoin de voir son armure de plus près pour m’en assurer.
— Eh bien qui que ce soit, on a mis le doigt sur quelque chose de gros. (Corran pointa son doigt au loin.) Les armures mandaloriennes ne sont pas données.
— Encore faut-il en trouver une, ajouta le père de Corran. Ça devient de plus en plus louche à chaque minute. Je suppose que tu as déjà des idées ?
— Juste une, dit Corran. (Le groupe se mettait de nouveau en mouvement, et Corran et son père entreprirent de les suivre.) Thyne n’est pas assez stupide pour les tuer d’emblée, en tout cas pas avant qu’il ait découvert qui ils sont et quelle est la nature de leur relation avec Crisk. Ça veut dire qu’ils vont probablement devoir les ramener à la forteresse.
— Et tu penses pouvoir te faire inviter dans la foulée ?
— Je sais que c’est risqué…
— “Risqué” n’est pas exactement le terme que j’avais à l’esprit, l’interrompit Hal. Entrer dans la forteresse n’est que le premier pas, tu le sais. Tu crois que tu peux simplement t’avancer jusqu’à Thyne, lui passer les menottes au nom des forces de Sécurité Corelliennes, et gentiment l’escorter à l’extérieur ?
— Tu sais, techniquement, on dispose d’une autorité suffisante pour le faire, lui rappela Corran.
— Partout ailleurs que dans sa forteresse, rétorqua Hal. Est-ce que tu as la moindre idée du nombre d’agent de la CorSec qui ont tout bonnement disparu après s’être attaqué aux meilleurs lieutenants du Soleil Noir ?
Corran esquissa une grimace.
— Je sais, dit-il. Mais ça n’arrivera pas cette fois. Et si entrer dans la forteresse n’est que la première étape, ça reste la première étape.
Le père de Corran secoua la tête.
— “Risqué” est un euphémisme. Pour commencer, on ne sait même pas à quel jeu Veste Marron et son ami mandalorien sont en train de jouer.
— Alors il est temps de le découvrir, dit Corran. Restons groupés et voyons si l’on peut trouver une occasion de se présenter.
Ils avaient parcouru deux pâtés de maison – bien que Trell ignorait encore où Kast les conduisait – lorsqu’ils entendirent un hurlement.
— C’était quoi, ça ? demanda Riij en regardant aux alentours.
— Là, grogna Palror, pointant son épais doigt central à sa gauche. Une dispute commence.
Trell tendit le cou. Il y avait un café en plein air dans cette direction, avec un long bar situé à l’arrière et peut-être vingt petites tables éparpillées sur l’aire à ciel ouvert située en face du comptoir, sous une large voûte de feuilles entrelacées dans une décoration de style Karvrish. Un homme mince portant le tablier d’un propriétaire se tenait au milieu de l’aire de repas, et une demi-douzaine d’hommes robustes à l’allure agressive, et qui portaient des patchs de mercenaire à l’épaule, étaient en train de l’encercler. Les sièges d’une table voisine gisaient au sol, indiquant que les clients étaient partis à la hâte pour éviter les problèmes.
— Je crois que la dispute est réglée, dit-il. Elle s’est transformée en problème.
— Allez, dit Riij en se tournant dans la direction en question. Allons voir ça.
— Laissez tomber, dit Kast d’un ton autoritaire. Ça ne nous concerne pas.
Mais Riij et Palror s’étaient déjà frayé un chemin à travers la foule.
— Bon sang, grogna Trell.
Stupides rebelles idéalistes.
— Viens, Maranne, dit-il enfin.
Le temps que lui et Maranne traversent le flot de piétons, une rangée de spectateurs avait déjà commencé à se former devant le tapcaf. Riij et Palror allaient déjà à la rencontre des mercenaires, qui avaient ouvert leur cercle autour du propriétaire du tapcaf afin d’accueillir la nouvelle distraction.
Et là Trell put voir quelque chose qu’il n’avait pas pu voir auparavant. Se tenant près du propriétaire, s’agrippant fermement à sa ceinture, saisie de terreur, il y avait une petite fille. Probablement sa fille. Certainement âgée de sept ans.
Trell cracha un juron entre ses dents. Il fallait atteindre un sacré degré de bassesse pour menacer un enfant. Mais ça ne voulait pas dire qu’il allait suivre Riij et foncer dans le tas comme un Chevalier Jedi fou sur un tauntaun.
— Prend le flanc gauche, murmura-t-il à Maranne. Je prends le flanc droit.
— Bien reçu, répondit-elle à voix basse.
Posant sa main sur la crosse de son blaster avec désinvolture, Trell se mit à dériver vers le flanc droit de la foule de spectateurs.
Et avec une rapidité qui le prit par surprise, le combat éclata.
Pas à coups de blasters, ce qu’il avait craint le plus, mais à coups de poings et de pieds. Deux mercenaires se jetèrent sur Riij et Palror. Les chances étant pour eux à trois contre un, les mercenaires avaient dû se dire que les armes n’étaient pas nécessaires.
Ils eurent une sacrée surprise. De toute évidence, Riij avait suivi un entraînement au combat à main nue, et Palror était bien plus rapide que Trell ne l’aurait deviné en voyant sa carrure. La contre-attaque de Riij fit tituber les deux mercenaires en arrière ; celle de Palror projeta un mercenaire sur une table dans un bruit effroyable, la faisant tournoyer en éparpillant plusieurs chaises sur le sol.
Quelqu’un cracha un juron. Le mercenaire au tapis se releva péniblement et rejoignit ses camarades, reformant leur cercle en une ligne de combat rudimentaire mains néanmoins mortelle en face leurs adversaires. Le propriétaire avait profité de la diversion pour précipiter sa fille derrière le bar ; la tenant à l’écart du mieux qu’il pouvait, il se retourna pour regarder.
Pendant un long moment, les combattants restèrent immobiles, se faisant face. Trell continuait de marcher furtivement vers sa position de soutien, les yeux rivés sur les mercenaires, la main posée sur son blaster. S’ils étaient sur le point de dégainer, Riij et Palror étaient déjà morts. En revanche, si un sentiment de pure fierté leur dictait de corriger l’insolence de leurs adversaires à main nue, les deux rebelles avaient encore une chance.
La foule curieuse se demandait évidemment laquelle des deux hypothèses était la bonne. Trell pouvait ressentir leur tension, leur excitation, leur soif de sang…
À ce moment, du coin l’œil, il repéra du mouvement à sa gauche. Les mercenaires le perçurent également, tournant leur regard haineux de cette direction…
Leurs expressions changèrent très légèrement. Se renfrognant, Trell risqua un regard lui aussi.
Jodo Kast avait fait un pas en dehors de la foule de spectateurs.
Pendant un moment, le chasseur de primes se contenta de rester là, fixant silencieusement la scène du regard. Puis, s’approchant de l’une des tables les plus proches, il tira une chaise et s’assit. Croisant les jambes sous la table avec désinvolture, il croisa les bras contre son torse et pencha légèrement la tête sur le côté.
— Eh bien ? demanda-t-il doucement.
Et ce seul mot scella la décision de tout le monde. Même le mercenaire avec la plus petite once de fierté professionnelle n’utiliserait jamais son arme contre un ennemi dépassé en nombre et qui, de plus, n’avait pas dégainé ses propres armes. Pas sous le regard d’un chasseur de primes comme Jodo Kast.
Hurlant des cris de ralliement obscurs, voire probablement obscènes, les mercenaires bondirent en même temps.
Lors de leur premier échange, Riij et Palror avaient bénéficié de l’effet de surprise. Cette fois-ci, plus question de surprise. Ils firent certainement de leur mieux – et bien plus que Trell ne l’aurait attendu étant donné les chances. Moins de quatre-vingt-dix secondes après que les mercenaires eurent poussé leurs cris de ralliement, Riij et Palror se retrouvèrent au sol, à côté de deux mercenaires. Les quatre restants, dont certains paraissaient vaciller légèrement, étaient regroupés autour d’eux. L’un d’eux parcourut les alentours du regard et pointa un doigt en direction du propriétaire qui se cachait derrière le bar.
— Eux d’abord, grogna-t-il, la respiration lourde. Vous ensuite.
— Non, dit Kast.
Le mercenaire se tourna pour lui faire face, manquant de perdre son équilibre durant la rotation car un genou endommagé menaçait de céder sous son poids.
— Non quoi ? demanda-t-il.
— J’ai dit non, lui dit Kast. (Ses mains étaient alors posées sur ses genoux, cachés sous la table, mais ses jambes étaient toujours croisées nonchalamment. Vous vous êtes suffisamment amusé. Il me les faut vivants.
— Ah ouais ? grogna l’un des mercenaires. T’as une prime à collecter sur leurs têtes, peut-être ?
— Vous vous êtes suffisamment amusé, répéta Kast, sauf que cette fois, sa voix avait un son de métal glacial. Laissez-les et partez. Tout de suite.
— Ah, tu crois ça ? cracha le mercenaire. Et qui va nous empêcher de…
Et soudain, en plein milieu de la phrase, il abaissa sa main en direction de son blaster et l’arracha de son holster.
C’était une vieille combine, et une qui avait probablement offert au mercenaire un avantage suffisant dans de nombreuses confrontations. Malheureusement pour lui, c’était un tour que Trell ne connaissait que trop bien, et avant même que la main du mercenaire n’ait atteint la crosse de l’arme, Trell avait déjà dégainé son propre blaster. De l’autre côté du cercle de spectateurs, il vit Maranne faire de même.
Le mercenaire avait de bons réflexes. Il se figea durant une fraction de seconde, son arme pas tout à fait libérée de son holster, fixant du regard les quatre blasters qui étaient soudainement pointés sur lui depuis le cercle de gens qui entouraient le tapcaf.
Trell eut un clignement d’œil nerveux lorsqu’il réalisa.
Quatre blasters ?
Quatre. Deux personnes situées non loin de Maranne ; un homme corpulent d’âge moyen pointait également son arme sur les mercenaires… et du coin de l’œil, Trell pouvait voir le quatrième blaster émerger de la foule, tenu avec une fermeté égale.
Le mercenaire cracha.
— Alors c’est comme ça que vous voulez la jouer, hein ?
— On ne joue pas, dit Kast d’un ton glacial. Comme je l’ai déjà dit : laissez-les et partez. Sinon…
Trell ne vit pas le soubresaut qu’il attendait. Mais Kast, lui, le vit. Alors même que le mercenaire commençait à ôter entièrement son blaster de son holster, une décharge de blaster à l’éclat lumineux quasi-aveuglant surgit de la table du chasseur de primes, et le mercenaire poussa un grognement de rage tandis que son holster et le canon de son arme partaient en fumée.
— … Je vous jure que vous allez le regretter, termina Kast sur un ton calme. C’est votre dernière chance.
Le mercenaire fit un geste de la main. Les autres aidèrent leurs compagnons blessés à se relever – l’un d’eux était groggy mais commençait doucement à refaire surface, l’autre était incapable de se lever tout seul – et le groupe se fraya un chemin à travers la foule de curieux avant de rejoindre le flot de passants.
Kast attendit qu’ils soient hors de vue. Puis, faisant reculer, il se leva, ayant déjà rangé son blaster dans l’un de ses holsters secrets.
— Le spectacle est terminé, annonça-t-il, adressant un regard aux passants trop curieux. Installez-vous et commandez à boire, ou dégagez la piste.
Le propriétaire était déjà aux côtés de Riij et de Palror, aidant ce dernier à se redresser, lorsque Trell et Maranne les rejoignirent.
— Tu vas bien ? demanda Maranne en tendant la main vers Palror.
Le Tunroth lui fit signe de la retirer.
— Je ne suis pas blessé, répondit-il en se relevant et en étirant son épaule pour s’assurer qu’il n’avait rien de démis. J’étais neutralisé pendant un moment.
— Tu as de la chance que ça n’ait été que temporaire, lui rappela Trell. Vous auriez dû écouter Kast et vous mêler de vos propres affaires.
— Ouais, dit Riij, se tenant le ventre tandis que le propriétaire l’aidait à se relever. Merci, Kast. Même si ça ne m’aurait pas déranger que vous interveniez plus tôt. Comme par exemple, avant qu’ils se mettent à nous tomber dessus.
— Six mercenaires n’auraient jamais reculé face à trois blasters, lui répondit Kast. J’avais besoin que vous en neutralisiez quelques-uns d’abord. (Il se tourna à moitié.) En revanche, si j’avais su qu’il y allait avoir cinq blasters et non trois, j’aurai pu intervenir plus tôt.
Trell se tourna pour voir. Les deux hommes qui avaient brandi leurs armes se tenaient là et observaient.
— Merci, dit-il. Je n’aurais jamais cru pouvoir compter sur l’aide de qui que ce soit dans un endroit pareil.
— Pas de problème, répondit le plus vieux des deux. Les Mercenaires Brommstaad ont toujours eu tendance à se considérer au-dessus de tout comportement civilisé. Et je n’aime pas qu’on menace des enfants.
— De plus, ajouta le plus jeune, on commençait à avoir soif.
— Je vous sers un verre ? demanda le propriétaire avec enthousiasme. Bien sûr ; les verres sont offerts par la maison. Et le repas, également, si vous avez faim. Je peux vous offrir ma spécialité.
— On prendra la longue table au fond, dit Kast. Loin des regards indiscrets.
— Absolument, monsieur, tout de suite, dit le propriétaire.
Leur adressant une rapide révérence, il marcha à la hâte en direction de la table que Kast avait indiquée.
— Au fait, je m’appelle Hal, dit le vieil homme. Et voici mon partenaire Corran.
Trell leur adressa un signe de tête à chacun.
— Ravi de vous rencontrer. Je m’appelle Trell ; voici Maranne, Riij, Palror, et…
— Appelez-moi Kast, l’interrompit le mandalorien. Fils ou neveu ?
Hal cligna des yeux.
— Pardon ?
— Corran, c’est votre fils ou votre neveu ? demanda Kast d’une voix plus claire. Il y a une ressemblance frappante dans vos regards.
— Les gens nous font souvent la remarque, dit Corran d’une voix plus forte. En fait, c’est juste une coïncidence. Pour autant que je sache, il n’y a aucun lien de parenté.
Kast hocha lentement la tête.
— Ah.
— La table semble être prête, dit Hal. Si on allait s’installer ?
— Oh, bien sûr, dit Hal, sirotant une gorgée de son deuxième verre. Tous les gens du coin ont déjà entendu parler de Borbor Crisk. Un criminel à la petite semaine ; il ne sort pas du système Corellien. Évidemment, si vous êtes à la recherche de criminels inter-systèmes qui en imposent davantage, on en a aussi.
— Ce genre de choses ne nous intéresse pas, clarifia Trell. Criminel ou pas. On est juste là pour livrer un chargement à ce Crisk, après quoi on se tire.
— Oui, vous l’avez déjà dit, répondit Corran, mesurant l’autre du regard en essayant de le sonder.
Il était difficile de croire que ces gens étaient bien les garçons de courses qu’ils semblaient être, surtout après l’incident avec les mercenaires. Mais tout ça faisait partie d’un plan plus intelligent et plus profond, il se devait de le percer à jour.
Du moins, pas depuis l’extérieur. Il était temps qu’il fasse son discours pour faire avancer les choses.
— Le truc, c’est que, reprit-il en parcourant la table du regard. En fait, il y a deux trucs. Premièrement : si l’on considère la personnalité de Crisk, votre chargement est probablement illégal et sûrement précieux. Ce qui veut dire que vous ne devez pas seulement vous inquiéter des forces de la Sécurité Corellienne, mais également des autres criminels qui pourraient avoir l’envie de s’en emparer. Et deuxièmement… (Il marqua une pause pour trahir son hésitation.)… si Hal et moi on est venu sur Corellia en premier lieu, c’est parce qu’on espère trouver une place dans l’organisation de Crisk.
— Vous plaisantez, dit Riij. Pour quoi faire ?
— N’importe quoi, répondit Hal. Notre dernier boulot a tourné au vinaigre, et on a besoin de compenser nos pertes.
— C’est pour ça qu’on vous a suivi, dit Corran en essayant d’adopter le manque d’assurance et la gêne adéquates. J’ai entendu Trell parler de Crisk, et j’ai pensé… enfin…
— On a pensé que, peut-être, on pourrait venir avec vous au rendez-vous de ce soir, dit Hal en se jetant à l’eau.
Trell et Maranne échangèrent un regard.
— Eh bien…
— On n’est pas sûrs que ce soit bien lui que l’on va voir ce soir, intervint Riij. Si ça se trouve, le propriétaire du kiosque que Sajsh nous a indiqué n’en sait pas plus sur Crisk que lui.
— Bien vu, rétorqua Trell en adressant un regard curieux à Kast. Cette indication ne nous mènera peut-être nulle part.
— Eh bien, dans ce cas, vous allez avoir besoin d’aide pour le trouver, dit Hal avec un enthousiasme apparemment sincère. Corran et moi sommes du coin. On a toutes sortes de contacts répartis dans toute la zone. On va vous aider à le trouver.
— On ne prendra que l’un d’entre vous, dit Kast.
Corran regarda le chasseur de primes, clignant des yeux sous l’étonnement. C’était la première fois qu’il prenait la parole depuis qu’ils s’étaient installés à la table.
— Ah… Bien, dit-il. Un seul ?
— Lui seul, dit Kast en faisant un signe de tête en direction de Hal. Trell et le Tunroth iront avec lui. Je resterai derrière pour assurer l’arrière-garde.
— Et pour Riij et moi ? demanda Maranne.
— Vous deux retournerez au vaisseau avec Corran, lui répondit Kast. Vous vous chargerez de transférer le chargement sur le landspeeder en vue de la livraison.
Trell et Maranne échangèrent un nouveau regard, et Corran put voir qu’aucun n’était particulièrement ravi de la manière dont le mandalorien dirigeait les choses. Il était également clair, cependant, qu’aucun des deux n’était prêt à discuter sur ce point avec le chasseur de primes.
— Très bien, dit Trell en esquissant une grimace. C’est d’accord. Qu’est-ce qui se passe si le propriétaire de l’autre kiosque ne sait pas non plus où se trouve Crisk ?
— Ça ne posera pas de problème, dit Kast. Faites-moi confiance.
— Un personnage intéressant, ce Jodo Kast, dit Hal tandis que lui, Trell, et le Tunroth retournait en direction du kiosque de Sajsh.
— Ça fait longtemps que vous travaillez avec lui ?
— C’est la première fois, lui répondit Trell en regardant nerveusement aux alentours. (À cette heure-ci, il y avait bien moins de commerçants qu’en pleine journée, et malgré son dégoût naturel pour les foules, il se sentait toujours péniblement exposé.) En fait, je dirais plutôt qu’on travaille pour lui. Palror, est-ce que tu peux voir où Kast se trouve ?
— Non, ne vous retournez pas, dit Hal promptement. On est peut-être suivis, et il ne vaut mieux pas qu’ils sachent qu’on a une arrière-garde.
Trell lui adressa un regard de travers. Il y avait quelque chose dans sa voix qui ne faisait pas penser à un vagabond en manque de veine. Un ton autoritaire, que seule une personne habituée à donner des ordres utilisait…
Palror grogna.
— Problème, dit-il.
Trell tendit le cou. Il pouvait voir le kiosque de Sajsh droit devant. Un panneau indiquait qu’il était fermé pour la nuit.
Le kiosque juste à côté, celui vers lequel il se dirigeait, était également fermé.
— Génial, grogna-t-il en s’arrêtant. Toujours personne.
— Non, ne vous arrêtez pas, dit une douce voix derrière lui.
Trell sentit son cœur se serrer.
— Quoi ?
— Vous avez entendu, dit une autre voix, celle-ci provenant de derrière Hal. Continuez de marcher.
Luttant pour garder son sang-froid, Trell se remit en route.
— Vous êtes avec Borbor Crisk ?
Il y eut un ébrouement.
— Pas tout à fait, dit la première voix avec une complaisance évidente. Restez tranquilles, et n’essayez pas de jouer les héros. On préférerait vous livrer en bon état.
Trell déglutit.
— Où va-t-on ?
— Pour le moment, derrière le kiosque de Sajsh, dit l’autre voix. Après ça… vous verrez.
— Je n’en doute pas, dit Trell à voix basse, le cœur battant la chamade.
Pourtant, il y avait une chose que les kidnappeurs ignoraient. Jodo Kast, l’un des meilleurs chasseurs de primes de la galaxie, était quelque part derrière eux. D’une seconde à l’autre, il surgirait de nulle part, faisant cracher ses blasters avec une précision au micron. D’une seconde à l’autre, ils entendraient le rugissement des blasters.
D’une seconde à l’autre…
Il attendait encore cette seconde tandis que les kidnappeurs les conduisaient tous les trois à bord d’un camion-speeder, refermaient les portes, et s’éloignaient dans l’obscurité de la nuit grandissante.
PARTIE 2
Le mauvais pressentiment de Corran s’intensifia lorsqu’il aperçut pour la première fois le Hopskip. On aurait dit que quelqu’un s’était emparé d’un cargo léger Corellien YT-1300, qu’il avait fendu le disque en une ligne centrale qui allait de la proue à la poupe, qu’il avait superposé les deux moitiés, et qu’il les avait fixé avec les premiers bouts de ferraille qui lui tombaient sous la main. Corran avait déjà vu des vaisseaux plus moches que ça, mais aucun d’eux n’était censé être opérationnel.
Il attendit que Riij ferme la porte du hangar pour faire un commentaire.
— Je suppose que la contrebande ne rapporte plus autant qu’avant.
Maranne lui adressa un regard sévère.
— Nous sommes de simples marchands, pas des contrebandiers.
Corran leva les mains pour montrer qu’il n’était pas hostile.
— Appelez-ça comme vous voulez. Avec les restrictions et autres réglementations impériales, ce qui commence comme une simple livraison de marchandise peut vite finir en course de contrebande.
De la surprise parcourut les yeux bleu foncé de Maranne, puis elle se retourna et se gratta la nuque.
— Je vais chercher le landspeeder.
La surprise qu’elle avait ressentie en entendant le commentaire de Corran rendait sa déclaration trop hâtive, et Corran avait cru percevoir un soupçon de peur sa voix.
C’est plus que ce qu’il n’y paraît.
À la seconde où il avait vu le vaisseau, Corran avait cessé de croire que ces gens étaient des contrebandiers chevronnés venus pour livrer des équipements à Borbor Crisk. Les choses dont Crisk avait besoin pour livrer sa petite guerre à Zekka Thyne et au Soleil Noir dans le but d’asseoir sa suprématie sur le réseau criminel de Corellia ne correspondaient pas au genre de choses que l’on confiait à un équipage comme celui du Hopskip.
En fait, pour que Crisk arrive à évincer Thyne, il lui faudrait un Destroyer Stellaire ; ce que ce vaisseau n’est pas ; ainsi qu’une légion de soldats impériaux, et ça m’étonnerait qu’il y en ait une dans ce vaisseau.
Corran vit Maranne disparaître à travers un sas qui menait à l’intérieur du cargo, et c’est alors qu’il reporta son attention sur Riij.
— Travailler avec elle ne peut être si difficile que ça. La douceur dans ses yeux la trahit. Vous la connaissez depuis longtemps ?
L’homme mince secoua la tête, puis passa sa main dans ses cheveux blancs courts et taillés en pointes.
— Seulement depuis que j’ai embarqué pour ce voyage. Si j’effectue quelques tâches, je touche un peu d’argent avant d’arriver à bon port. (Riij esquissa un sourire réservé.) Ça fait longtemps que vous travaillez avec votre partenaire ?
— Oui, mais de manière irrégulière.
Corran haussa les épaules. Le questionnement hâtif de Riij à propos du passé de Corran témoignait de la tendance que les gens avaient à vouloir parler d’eux-mêmes.
C’est une technique que tu apprends à exploiter quand tu te mets tirer des informations des suspects. Soit Riij a reçu un entraînement particulier, soit il est très discret, soit les deux.
— Je le connais depuis un bon bout de temps, mais on n’a commencé à travailler ensemble que très récemment. Vous savez, ensemble dans les moments difficiles ? Comme vous et le Tunroth.
— Vous connaissez les Tunroths ?
— Hal et moi sommes peut-être des gens du coin, mais ça ne veut pas dire qu’on n’a pas voyagé. (Corran fit un pas en arrière tandis que Maranne abaissait la rampe de chargement à l’arrière du Hopskip.) Il a contracté une dette de vie envers vous ou quelque chose comme ça ?
— La dette de vie est un truc de Wookiee. (Riij fronça les sourcils, puis monta le long de la rampe jusqu’à la soute du cargo.) Rathe et moi, on voyage simplement sur le même vaisseau. Rien de plus.
— Pigé.
Corran répertoria les informations que Riij lui avait fournies en conservant un visage souriant. Corran savait que les dettes de vie étaient une tradition Wookiee, mais il ne les connaissait que par l’intermédiaire des mandats d’arrêt et des comités impériaux. Il avait entendu parler de Han Solo et du Wookiee qui travaillait avec lui.
La plupart des gens ignorent l’existence des Wookiees ou, au mieux, savent que les impériaux les réduisent en esclavage. Ceux qui en savent plus sur les Wookiees sont généralement des sympathisants rebelles.
Il suivit Riij le long de la rampe et se mit à étudier l’intérieur de la soute pour trouver des indices qui lui indiqueraient ce que l’équipage du Hopskip faisait à Coronet City. En tant que membre des Forces de Sécurité Corelliennes, Corran avait accès à la plupart des informations qui circulaient sur la Rébellion et ses liens avec Corellia.
Du moins, j’y ai accès quand cette stupide liaison des Renseignements Impériaux n’est pas là.
Bien qu’il fût vrai que deux des plus grands héros de l’Alliance étaient originaires de Corellia, l’emprise que l’Empereur avait sur Corellia et le placement de troupes sur la planète avait forcé les rebelles à rester discrets. Corran sentait la présence d’une cellule rebelle, et il aurait été ravi de les faire entrer en douce, mais il ne les imaginait pas assez téméraires ou assez désespérés pour tenter d’entrer en contact avec Crisk.
Corran passa près du nez cabossé du vieux landspeeder. À l’image du vaisseau, il semblait avoir été assemblé à partir de pièces complètement différentes les unes des autres. Il ne disposait que de deux places, comme un speeder de luxe, mais un cadre en métal était greffé à l’arrière. À l’exception de quelques endroits où la structure métallique grise était dénudée à cause des chocs et des entailles, un manteau brun et régulier d’apprêt recouvrait entièrement le véhicule.
Pas très rapide, pas très résistant, mais c’est mieux que de porter ce truc sur mon dos.
La multitude de caisses que Maranne et Riij étaient en train de sortir du filet d’attache attira immédiatement son attention. Elles étaient de la même taille et relativement quelconques, mais c’était justement ce qui piquait la curiosité de Corran. Chacune d’entre elles était conçue à partir de duraplastique vert qui était légèrement plus foncé que ses yeux ; cependant, aucune d’entre elles n’arborait les stries et les éraflures que l’on voyait habituellement sur les caisses en duraplastique. Aucune n’avait de plaque holographique, de marque d’usure ou de toute autre trace d’utilisation, et pourtant elles avaient toutes été reliées par des câbles en duraplastique et fixées par un joint holographique.
Alors qu’il soulevait une caisse située au sommet du tas que Maranne avait formé, il ne sentit aucun mouvement dans les caisses, et réalisa qu’il n’avait aucun besoin de localiser le point d’équilibre de celle qu’il tenait. Il secoua la tête.
— Où est-ce que vous avez trouvé ces caisses anti-masse ?
Maranne et Riij cessèrent leur activité tandis que Corran reposait sa caisse sur le cadre en métal du landspeeder. La femme fronça les sourcils.
— C’est quoi une caisse anti-masse ?
— Si vous ne savez pas ce qu’est une caisse anti-masse, alors vous n’êtes peut-être pas des contrebandiers. (Corran tapota du doigt le sommet de sa caisse.) Elle a l’air ordinaire, mais elle dispose d’une matrice circulaire à répulseurs de faible capacité et d’une alimentation interne dissimulée dans le revêtement. Ça neutralise le poids du contenu. Ces caisses auraient beau contenir des détonateurs thermiques ou de l’air, on ne le saurait jamais. Les contrebandiers les ont développées pour tromper les services des douanes, mais aujourd’hui la plupart des droïdes douaniers sont capables de déjouer la ruse avec un simple scan effectué au bon endroit.
Maranne posa sa caisse à côté de celle de Corran.
— Une histoire intéressante. On dirait que vous avez fait plus de contrebande que nous.
— Possible, ou peut-être que j’en sais tout simplement plus sur la contrebande que vous. (Corran lui adressa un sourire sournois.) Par exemple, je sais que personne n’effectue une livraison de contrebande sans savoir de quoi il s’agit. Qu’est-ce qu’il y a dans ces boîtes ?
La femme secoua la tête, sa queue de cheval châtain vacillant de droite à gauche.
— Je ne sais pas. Je ne veux pas le savoir.
— Je trouve ça difficile à croire. (Corran lui jeta un regard noir.) Je ne sais pas à quel jeu vous vous livrez ici, mais ces boîtes anti-masse n’abuseront pas les droïdes de la CorSec. S’il s’agit d’équipement destiné aux rebelles, ils le trouveront et vous serez dans de beaux draps.
Riij déposa sa caisse sur le cadre en métal.
— Si on était des rebelles, qu’on savait ce qu’il y a dans ces caisses, et qu’elles étaient destinées aux rebelles, on s’inquiéterait bien plus de l’Empire que de leurs pantins sur Corellia.
— Vous croyez que les hommes et les femmes de la CorSec sont des pantins impériaux ? (Corran balaya son commentaire d’un geste de la main.) La CorSec se préoccupe de l’intégrité du système Corellien, rien de plus. S’ils se mettent à tolérer la présence des rebelles, la présence impériale augmente fatalement, et personne ne veut de ça.
Les yeux de Riij se mirent à briller dangereusement.
— Pour faire court, vous êtes en train de nous dire que le personnel de la CorSec est prêt à réprimer les ennemis d’un régime malfaisant juste pour éviter d’avoir Vador sur le dos. Si j’étais un rebelle, je crois que j’aurais énormément de difficultés à distinguer la CorSec des impériaux.
Corran se força de ne pas réagir et ramassa une autre caisse afin de ne pas adresser une réponse sèche à Riij. On avait souvent entendu les arguments du contrebandier – haut et fort – sur Corellia. Corran, dont le père et le grand-père avaient tous deux fait partie de la CorSec avant lui, avait longtemps cru que la CorSec pouvait œuvrer pour le plus grand bien en maintenant les impériaux hors des problèmes de sécurité du système Corellien. Si Corellia pouvait prendre soin d’elle-même et s’élever au rang de la neutralité dans cette guerre civile, tous les citoyens de Corellia en bénéficieraient.
Bien que cette position fût parfaitement sensée et tout à fait défendable, elle obligeait également à arpenter une pente glissante. Les directeurs de la CorSec avaient d’ores et déjà forcé les divisions locales à accepter que les officiers de Liaison des Renseignements Impériaux surveille et coordonne les opérations avec les Garnisons Impériales. Kirtan Loor, l’officier de liaison que sa division était forcée de se coltiner, s’était montré profondément arrogant et peu efficace. Lui et Corran ne s’entendaient pas du tout.
Corran souleva une autre caisse.
— Je pense que la CorSec éprouve beaucoup de difficultés à séparer les rebelles des honnêtes criminels comme moi. Ce n’est pas mon cas, parce que mon point de vue est le bon. Les rebelles ne sont pas du tout d’honnêtes criminels.
Maranne esquissa un sourire.
— D’honnêtes criminels ?
— Ouais, honnêtes. Je sais qu’en faisant ce que je fais, je viole les lois, mais je le fais parce que c’est mon truc. Je prends des risques. Je me fais un peu d’argent, ou on m’envoie sur Kessel. C’est aussi simple que ça. (Corran posa sa caisse sur la première qu’il avait déposée.) Tout ce que font les rebelles, je pourrais le faire, mais ils disent qu’ils en ont le droit parce que la loi est injuste et que l’Empire est injuste. Ils ne cherchent que des excuses pour leurs actions afin de se sentir nobles alors qu’ils ne sont pas meilleurs que moi.
— Un point de vue intéressant, dit une voix désincarnée.
Corran pivota sur lui-même. Jodo Kast se tenait dans l’embrasure du sabord, masquant en grande partie le quai de chargement. Corran baissa la tête pour tenter de voir ce qui se trouvait derrière le chasseur de primes, mais en vain.
— Où est Hal ?
— Je pense maintenant être en mesure dire qu’il est très près de la forteresse de Zekka Thyne.
— Quoi ? (Le cri du surprise de Riij résonna à travers la soute du vaisseau. Vous deviez les protéger. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Kast entra dans la soute et s’appuya d’un air nonchalant contre la paroi interne du cargo.
— Les hommes de Thyne attendaient déjà Trell et les deux autres. Ils étaient sept, en comptant les mercenaires Brommstaad. J’ai attendu jusqu’à ce qu’il se dirige à l’Est, et je suis revenu ici.
Corran frappa du poing le sommet d’une caisse anti-masse.
— C’est à l’Est que se trouve le palais de Thyne.
Kast acquiesça.
— D’où mon hypothèse concernant leur destination.
— Et vous n’avez rien fait pour les arrêter ? demanda Corran en pointant un doigt dans la direction de Kast. Vous, qui êtes un chasseur de primes redoutable vêtu d’une armure mandalorienne et capable de désarmer un homme d’un seul coup de blaster tout en restant assis, vous n’avez rien fait pour les arrêter ?
— Ils étaient sept et j’étais seul. Je vous ai déjà expliqué comment ça marche. J’aurais peut-être pu les avoir, mais ils auraient tué vos amis.
Riij secoua la tête.
— Rathe aurait pu en mettre plusieurs au tapis.
Maranne acquiesça et dit :
— Trell aurait pu se débrouiller avec au moins l’un d’eux.
— Et Hal aurait pu en descendre un ou deux…
— Un ou deux n’aurait pas suffi.
— … Ou plus, si on lui avait laissé une chance. (Corran regarda tour à tour Riij, Maranne, et le chasseur de primes.) Êtes-vous vraiment naïfs au point d’ignorer ce qui va leur arriver ? Thyne va les interroger sur leur relation avec Crisk et, s’ils en savent aussi peu que vous, il va devoir employer des moyens plus drastiques pour obtenir des réponses qu’il juge satisfaisantes. Ça ne m’emballe pas de savoir qu’il va s’acharner sur Hal comme ça.
Kast haussa les épaules.
— Vous pouvez toujours vous trouver un autre partenaire.
— Si vous imaginez que je vais abandonner Hal, je vais devoir ouvrir votre armure en deux et vous montrer ce que j’en pense.
Kast releva la tête tout en s’éloignant de la paroi, soulignant en silence à quel point il était plus grand que Corran.
— Ce n’est pas le genre de réaction que j’attendrais de la part de deux criminels partenaires. C’est vraiment disproportionné. Vous agissez comme s’il y avait un lien plus fort entre vous.
Corran adressa à Kast son regard le plus glacial. En effet, il ressemblait un peu à son père ; les mêmes yeux, le même visage ; mais à part ça, il était le produit d’un compromis entre sa mère et son père. Sa mère était petite et avait les yeux les plus bleus que Corran avait jamais vus. Ses yeux verts étaient un partage entre les yeux bleus de sa mère et les yeux noisettes de son père, tout comme ses cheveux bruns étaient un partage entre les cheveux blonds de sa mère et les cheveux jadis noirs de son père. Même sa taille formait un pont entre celle de sa mère et celle de son père.
— Je n’en aurais rien à faire si Hal était mon clone ; c’est mon partenaire, ce qui veut dire que je suis responsable de lui. (Corran pointa son pouce contre son torse.) Et il se trouve que je sais ce que ce genre de responsabilité signifie, Kast ; et elle signifie que je ne vais pas laisser Hal à la merci de Thyne.
Kast croisa les bras sur son plastron.
— Vous oseriez affronter à vous seul un des seigneurs du crime du Soleil Noir ?
Maranne se mit à pâlir.
— Thyne fait partie du Soleil Noir ?
— Choisi par le Prince Xizor lui-même, d’après les rumeurs. (Corran s’accouda sur l’une des caisses vertes.) C’est un fou furieux malfaisant, mais il a une motivation solide. Ce chargement est peut-être destiné à Crisk, mais on pourrait tout autant l’offrir à Thyne en échange de nos amis.
— Je ne crois pas. (Kast sortit une datacarte d’une poche de sa ceinture et la tendit à Maranne.) Cette carte contient l’heure et l’endroit d’un nouveau rendez-vous avec Crisk. Apportez la cargaison là-bas, ensuite revenez ici et soyez prêts à décoller.
Maranne saisit la carte.
— On ne va nulle-part sans Haber.
— Je sais. (Kast lui adressa un bref hochement de tête.) J’ai bien l’intention de me rendre à la forteresse de Thyne et de libérer vos amis.
Corran se mit à rire.
— Vous reculez devant sept gros durs, mais vous allez libérer à vous seul nos amis de la forteresse de Thyne ? Vous devriez revoir vos calculs, Kast.
— Les probabilités sont minces, mais je suis confiant.
— Ouais, eh bien, ici, on est sur Corellia, et les corelliens n’ont que faire des probabilités. Pour croire à votre succès, il faudrait que je vienne avec vous.
— Je travaille seul.
— Ha ! (Corran fit un signe de la tête en direction de Riij et de Maranne.) Vous travaillez avec eux, vous pouvez travailler avec moi. (Corran agita le poing.) Faites-nous gagner du temps et dites simplement oui.
Kast hésita et le silence s’abattit dans la soute. Le mercenaire étudia Corran, et bien que ce dernier ne pût pas voir les yeux de Kast, il pouvait sentir le regard sévère de l’homme le scruter de haut en bas. Corran se força à regarder fixement la visière noire du casque mandalorien, l’invitant à une confrontation tout en se tenant prêt à réagir au moindre mouvement.
Les bras du chasseur de primes se délièrent lentement.
— Je vais aller nous chercher un landspeeder.
— Parfait.
Corran réalisa alors qu’il avait, sans s’en rendre compte, retenu son souffle.
Hal va être furieux quand il apprendra ce que j’ai fait. Tenir tête à un chasseur de primes comme Kast. Il fallait le faire, mais il aurait pu mieux se débrouiller. Je ne fuirais jamais un combat contre un homme comme celui-là, mais il n’y a aucune gloire non plus à tirer lorsqu’on choisit son combat.
L’obscurité engloutit la silhouette de Kast, et Corran se retourna vers les deux autres.
— Tout ça vous dépasse, n’est-ce pas ?
Riij haussa les épaules.
— Je ne sais pas trop ce qui se passe, mais ça ne m’enchante pas de savoir que Rathe est prisonnier d’un seigneur du crime du Soleil Noir.
— Vous savez, Borbor Crisk n’est pas mieux dans son genre. On est piégés dans l’arène entre deux chiens de combat Cyborréens. Ces gars-là ne s’entendent pas tellement avec qui que ce soit, comme vous avez pu le voir.
Maranne brandit la datacarte.
— Qu’est-ce que vous allez faire ? On est censé rencontrer Crisk pour effectuer la livraison.
— La première chose à faire, c’est de découvrir ce que contiennent ces caisses. (Corran observa les joints sur les caisses qu’ils avaient déjà chargées sur le cadre en métal du landspeeder.) Parfait, en voilà une qui est usée. Voyez si vous pouvez en trouver une autre.
Riij se mit à étudier les nouvelles caisses tandis que Corran fouillait sa poche à la recherche d’une clé hydraulique.
— Ça devrait faire l’affaire.
Maranne le rejoignit et se renfrogna.
— Qu’est-ce que vous voulez dire par “usée” ?
— Pas la caisse, le joint marqué qui sert à relier les bandes de duraplastique. (Corran indiqua la plaque ronde qui raccordait les bandes entrecroisées.) Vous voyez comme l’hologramme intégré ici n’est pas correctement aligné. Observez-le depuis cet angle. La couronne sur les soleils ne correspond pas.
— J’en ai trouvé une autre, dit Riij.
— Bien, amenez-la par ici. (Corran enfonça la pointe de sa clé hydraulique sous le rebord du joint.) Lorsqu’ils sont mal assemblés on peut les ouvrir en exerçant une légère pression et en faisant une boucle.
Il tira vers le haut et fit pivoter son poignet.
Le verrou céda, détachant les bandes qui protégeaient la caisse.
— Ramassez les morceaux pour qu’on puisse refermer ce truc une fois qu’on aura jeté un œil à l’intérieur.
Maranne s’accroupit pour ramasser les deux morceaux du cadenas tandis que Corran s’attaquait au second. Le verrou céda sans difficulté, puis Corran rangea sa clé et se servit d’un accessoire à lame plate pour forcer l’ouverture de la caisse.
— Par la barbe de l’Empereur !
Avant même de l’avoir ouverte complètement, Corran sentit une odeur aigre d’épices. La caisse contenait sept briques d’un kilo, chacune enveloppée dans du cello-plastique épais. Elles avaient été plongées dans un revêtement cireux dans un souci de protection, mais le travail avait été bâclé. L’un des paquets s’était déchiré et déversait des épices de basse qualité à l’intérieur de la caisse.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
Corran leva les yeux vers Maranne.
— Vous plaisantez ?
— Je vous l’ai déjà dit, je suis commerçante, pas contrebandière.
— Ce sont des épices. Ce sont des stimu-paillettes de très mauvaise qualité. La véritable poudre de stimu-paillettes est cristalline et fibreuse. Ça n’a rien à voir avec cette poudre. Ingérez ce truc et vous vous sentirez extrêmement heureux, du moins jusqu’à ce que l’effet disparaisse et que le besoin se fasse ressentir de manière violente. Ce n’est pas beau à voir.
Riij fit une moue dédaigneuse.
— C’est du vécu tout ça ?
— Des ouï-dire. Et j’ai déjà vu un gars essayer de vendre un poumon pour pouvoir en acheter.
— Il voulait vendre un de ses poumons ? dit Maranne en sentant un frisson parcourir son échine.
Corran haussa les épaules.
— Non, ce n’était pas le sien. Il appartenait à quelqu’un d’autre qui n’avait rien demandé. Encore une fois, pas beau à voir.
Riij força l’ouverture de la seconde caisse anti-masse.
— Nom d’un Sith !
Il mit sa main à l’intérieur et en sortit un pique en cristal aussi épais que son pouce et aussi long que sa main. Une lueur violette emplissait la pierre, ses extrémités étant plutôt claires, son cœur plutôt foncé. Tandis que Riij exposait la pierre à la lumière ambiante, la lueur contenue à l’intérieur vira au jaune-orange et se mit à projeter de petits éclairs rouges. En réponse, tous se turent.
Corran fixa la pierre du regard puis secoua la tête.
— Ce ne serait pas une gemme Feu de Durind ?
— Je crois bien que si. (Le larynx de Riij rebondit de haut en bas tandis qu’il déglutissait.) Pour les vingt-cinq ans de mariage de mes parents, mon père avait acheté un anneau en Feu de Durind pour ma mère. Ce n’est qu’à l’occasion de leur trentième anniversaire de mariage qu’il a fini de la payer, et encore, c’était une petite pierre.
— Peu de pierres de ce genre arrivent à quitter Tatooine, encore moins des spécimens non travaillés comme celui-là. (Maranne le prit des mains de Riij et le soupesa.) Avec ça on aurait assez d’argent pour s’acheter un vaisseau flambant neuf.
Riij se tourna.
— Voyons voir ce qu’il y a dans les autres caisses.
— Non, arrêtez. (Corran fit un signe de la main.) On n’a pas assez de temps pour toutes les inspecter. Remettez-la pierre à sa place. On va refermer les caisses et les charger sur le landspeeder.
Maranne reposa à contrecœur la pierre dans sa caisse.
— Qu’est-ce que vous avez en tête ?
— Écoutez, il va nous falloir une garantie si on veut espérer pouvoir quitter Corellia en un seul morceau. On peut refermer ces caisses et personne ne saura qu’elles ont été ouvertes avant la livraison. Vous allez apporter ces deux caisses à Crisk et vous allez lui dire que vous en avez, quoi, cent quatre-vingt-dix-huit prêtes à être livrées. Il ne tentera rien tant qu’il n’aura pas été livré.
Riij se renfrogna.
— Il peut aussi venir ici et nous les prendre par la force.
— Ouais, mais les caisses ne resteront pas ici. On charge le reste sur le speeder et on les emmène jusqu’à un complexe de stockage. (Corran fronça les sourcils, comme s’il luttait pour réfléchir à quelque chose.) C’est bon, j’en connais un. Il y a l’Entrepôt de Stockage Dewback sur la route principale au centre de Coronet City. Vous pouvez y louer un espace de rangement et y décharger les autres caisses. Vous vous présentez au rendez-vous et vous dites à Crisk que vous lui donnerez les coordonnées des autres caisses une fois que vos amis seront en sécurité. Kast et moi-même partiront en avance pour aller voir Thyne, et si on n’est pas de retour à temps, vous vous servez de Crisk pour organiser un sauvetage.
Maranne secoua lentement la tête.
— Je n’aime pas trop ça.
— Écoutez, ces caisses contiennent une vraie fortune. Si Crisk ne veut pas vous aider, arrangez une rencontre avec Thyne et demandez une rançon.
— Comment fait-on pour entrer en contact avec Thyne ?
Corran esquissa un sourire.
— Vous l’avez déjà fait lors de votre première halte sur la Place du Vaisseau au Trésor, vous vous souvenez ?
— Exact.
— D’accord, finissons-en. (Corran referma la première caisse puis la seconde.) Je sais que ça ne vous plaît pas, Maranne, mais vous l’avez dit vous-mêmes, vous êtes une commerçante. Si les choses tournent mal, vous allez devoir négocier notre libération et, en ce qui me concerne, j’espère que vous allez conclure un sacré bon marché.
Le colonel Maximilian Veers posa les yeux sur la chaise qu’on lui offrait, mais s’abstint de s’asseoir.
— Merci de votre amabilité, agent Loor, mais je ne compte pas m’éterniser. Vous avez lu le message que je vous ai envoyé.
L’homme, grand et mince, prit place sur une chaise – un mouvement qui manqua de le faire tomber par terre. Loor se rattrapa de justesse et écarta la mèche de cheveux noirs qui était tombé devant son visage. Veers était persuadé que l’homme coiffait ses cheveux de cette manière afin de mettre en lumière sa ressemblance avec feu le Grand Moff Tarkin.
J’ai servi sous Tarkin. Quiconque penserait que ce Loor ressemble à Tarkin devrait se rendre compte que la comparaison ne va pas plus loin que la peau.
— Quelque chose ne va pas avec votre chaise, agent Loor ?
L’officier de liaison émit un grognement.
— J’ai des saboteurs qui prennent un malin plaisir à me contrarier, et ajuster la chaise est leur dernière forme d’expression.
Il tendit la main et enfonça un bouton sur le datapad de son bureau.
— Et oui, colonel Veers, j’ai étudié le message que vous m’avez envoyé, comme vous me l’avez demandé. Je ne peux faire aucun commentaire quant à son exactitude sauf qu’il est vrai que Zekka Thyne tient une petite forteresse à l’Est de Coronet City.
— Je le sais, Loor.
La tête de Loor se redressa.
— Vous le savez ? Je n’étais pas au courant que vous étudiiez le quartier général de Thyne. Colonel Veers. J’ignorais que les Forces Armées Impériales avaient des raisons de considérer les installations du Soleil Noir comme des cibles potentielles.
Les narines de Veers se dilatèrent. La seule chose qu’il détestait plus qu’avoir affaire à des agents de renseignements arrogants, c’était bien de fermer les yeux sur les activités du Soleil Noir. Il supposait que la tolérance de l’Empereur à l’égard du célèbre cartel criminel cachait une raison plus profonde, mais Veers pensait que la tolérance était un préjudice à l’Empire. Laisser n’importe quel hors-la-loi se balader librement revenait à saper l’autorité suprême. Si les gens pouvaient voir le Soleil Noir comme une entité plus malveillante que la Rébellion, alors ils pourraient plus facilement justifier de rejoindre l’Alliance Rebelle.
— Il est de mon devoir, agent Loor, d’envisager n’importe quelle forteresse tenue par des individus armés comme une cible potentielle. Dans ce cas, j’ai été informé que Thyne a rendez-vous avec des éléments d’une cellule rebelle.
— Oui, mais je me méfie de votre source. De qui s’agit-il ?
— Vous avez vu le code de vérification. Il est valide. (Veers fronça les sourcils.) Il n’y a aucune raison de remettre en question l’information. Elle est exacte et je prévois d’agir en accord.
— Vous ne savez donc pas qui est votre source ?
— Je n’ai pas besoin de le savoir.
Esquissant un sourire hautain, Loor s’installa plus confortablement sur sa chaise. Veers aurait voulu que cette dernière bascule et que l’officier s’étale par terre.
— Si vous croyez en la fiabilité de cette information, pourquoi venir me voir ?
Veers retint une envie de donner une claque à Loor.
— Je suis venu vous voir, Agent Loor, parce que vous êtes l’officier de liaison impérial et que vous travaillez en liaison avec les Forces de Sécurité Corelliens dans ce secteur administratif. Je veux savoir si l’un de leurs agents opère à proximité de Thyne.
— Comptez-vous faire de leur extraction un prétexte pour attaquer, où étiez-vous inquiet à l’idée que j’émette une protestation quant aux dommages collatéraux ?
Veers plissa les yeux.
— Il n’y a pas de raison pour que des gens biens meurent.
Loor haussa les épaules nonchalamment.
— S’ils meurent, ils meurent en héros. Si vous me livrez Zekka Thyne, vous serez un héros, vous aussi.
— Je pense être capable de devenir un héros à ma manière, agent Loor.
Veers tourna les talons et quitta le bureau.
Avec des impériaux comme vous, Loor, je me demande souvent si la Rébellion n’a pas déjà réussi à renverser l’Empire. Si on laisse les gens comme vous prendre les choses en mains, est-ce que l’Empire peut vraiment survivre ?
Corran jeta un coup d’œil au landspeeder SoroSuub X-34 que Kast était en train de piloter et poussa un soupir.
— Acheté ou emprunté ?
Le chasseur de primes leva les yeux vers lui et répondit :
— Quelle importance ?
— Si je devais me faire arrêter pour avoir voyagé dans un landspeeder volé, j’aimerais mieux que ce soit dans un véhicule de sport flambant neuf.
— Vous pouvez toujours y aller à pied, Corran.
— Bien vu. (Posant une main sur le pare-brise, Corran bondit à l’intérieur du landspeeder et atterrit sur le siège passager.) Mettez la gomme !
Kast vit pivoter le volant du landspeeder, détourna la puissance vers la bobine des répulseurs et se mit en route.
— Comment s’est passé le chargement ?
— Le chargement ? Plutôt bien. (Corran jeta un œil à l’arrière.) Ils devraient être prêts pour la livraison.
— Parfait.
Corran perçut l’emphase et l’inflexion dans la voix du chasseur de primes, mais d’une certaine manière, il était persuadé que Kast n’était pas tout à fait sincère dans sa réponse. Corran n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Par le passé, il avait presque fait preuve d’un sixième sens à l’égard des durs à cuire comme Kast, mais il semblait incapable de cerner le mercenaire en armure.
Le fait que mon père ait été capturé par un homme qui le réduira en pièces m’empêche de me concentrer.
Kast prit la direction du centre-ville. Au beau milieu des lumières vives et du vacarme de Coronet City et de la Place du Vaisseau au Trésor, Corran se mit à se sentir oppressé. En tant que membre de la CorSec, il voyait les Quais Crasseux – le terme qu’utilisait la CorSec pour désigner la Place du Vaisseau au Trésor – comme un endroit dangereux. Même si les abords du secteur n’étaient pas si mauvais – et que des tas d’individus respectueux s’adonnaient à des transgressions mineures dans quelques-uns des endroits les plus tape-à-l’œil du coin – il y avait là des endroits où même Dark Vador n’aimerait pas mettre les pieds. La plupart de ces établissements étaient sous le contrôle du Soleil Noir.
Le grand-père de Corran s’était plaint des changements de la classe criminelle depuis l’avènement de l’Empire. Rostek Horn faisait déjà partie de la CorSec à l’époque du Moff Fliry Vorru, quand bafouer la loi était un art. À cette époque, les criminels ne faisaient la guerre qu’à d’autres criminels, avait-on dit à Corran. L’enlèvement d’Hal et de Trell n’aurait alors jamais été toléré ; les civils devraient s’impliquer bien plus que ça dans les activités criminelles avant d’être considérés comme des proies légitimes.
Puis le Prince Xizor et son organisation du Soleil Noir étaient passés à l’action. Xizor avait livré Vorru à l’Empereur, éliminant son seul rival tout en gagnant les faveurs de l’Empereur. Xizor avait transformé Corellia en terrain d’entraînement pour certains de ses lieutenants. Le plus récent et le plus brutal d’entre eux se nommait Zekka Thyne.
Corran aperçut l’entrepôt Dewback depuis sa position dans le landspeeder en mouvement. Tandis qu’il se retournait pour regarder dans la direction qu’ils empruntaient, il découvrit le regard de Kast posé sur lui.
— Quelque chose ne va pas ? On dirait que vous avez remarqué quelque chose d’intéressant là-bas.
— Ouais, en effet.
Réfléchis, Corran. Trouve quelque chose de crédible.
Il reprit :
— Les œuvres d’art urbaines sur les murs.
— Les œuvres d’art ? Vous trouvez que défigurer des bâtiments c’est de l’art ?
Corran haussa les épaules.
— Ce n’est pas du Venthan Chassu mais de mon point de vue, c’est bien mieux que le blanc écaillé des Destroyers Stellaires.
Kast étudia Corran du regard pendant une seconde ou deux.
— Comment se fait-il que quelqu’un comme vous connaisse l’œuvre de Venthan Chassu ?
— Je pourrais vous mentir et vous dire que ma mère avait l’habitude de m’emmener au musée, mais vous ne tomberiez pas dans le panneau. (Corran se força à regarder droit devant tandis qu’il abandonnait la vérité et se mettait à confectionner un mensonge à partir d’une histoire folle qu’un voleur avait tenté de lui faire avaler un jour.) Je connaissais un gars qui avait un client qui était prêt à acheter n’importe quel objet d’art en provenance de Corellia. Il disait qu’il avait déjà dérobé et revendu une poignée de peintures, quelques sculptures, et deux dioramas holographiques. Le client semblait impressionné, mais il voulait plus. Il dépensait ses crédits comme s’ils étaient de faits d’atomes d’hydrogène solides, alors ce gars a dit qu’il prévoyait de cambrioler le Musée d’Art de Coronet City. Il voulait que je fasse partie de l’équipe, alors j’ai examiné l’endroit.
Kast hocha lentement la tête.
— Qui était ce client ?
— Je l’ignore. Mon contact a parlé à un courtier, puis la CorSec s’est mise à ses trousses et il s’est retrouvé dans une navette pour Akrit’tar. Il est mort là-bas.
— Alors qu’est-ce que vous avez pensé du travail de Chassu ?
Corran se renfrogna.
Pourquoi un chasseur de primes s’intéresserait-il à l’art et à l’opinion que moi, j’en avais.
— C’était intéressant. Les études du nu Sélonien étaient mes préférées – mais pas parce qu’il s’agissait de nus. Les Séloniens sont recouverts de fourrure, alors est-ce qu’on peut vraiment dire qu’ils sont nus ? Et si je voulais acheter des nus Séloniens… (Corran leva ses mains pour les poser sur la tranche du pare-brise.)… Je pourrais en trouver des tas sur la Place du Vaisseau au Trésor.
— Pour quelle raison vous les avez aimés ?
— Chassu a réussi à capter les deux éléments essentiels de l’espèce Sélonienne : leurs formes sensuelles et sculptées et l’importance qu’ils accordent à l’intimité – parce que leurs visages étaient toujours sombres. (Corran haussa les épaules.) Certaines de ses autres œuvres étaient pas mal.
— Qu’est-ce que vous avez pensé du Palpatine Triomphant ?
— Le trône fait d’os m’a fait faire des cauchemars. (Corran eut un frisson, sachant que ses cauchemars n’avaient pas été causés par les crânes et les os brisés, mais par l’expression de joie meurtrière qu’arborait l’Empereur.) Il fait office de pièce maîtresse, mais j’aurais bien aimé le voir revenir aux études Séloniennes.
— Une grande perte. (Le casque de Kast tourna dans sa direction.) Il semblerait que l’habit ne fasse pas le moine.
— Ah oui ?
— Certainement. Les nus Séloniens de Chassu n’ont pas été exposés au musée d’art depuis dix ans.
Corran masqua sa surprise avec un sourire.
— Pas exactement. Le Jour du Nouvel An, il y a deux ans, on les a exposés à l’occasion d’une réception privée destinée aux clients du musée. Quatre heures, dix mille crédits par tête. (Corran tapota l’épaule de Kast.) Vous auriez adoré, mais il aurait d’abord fallu refaire la peinture de cette armure.
— Et vous y étiez.
— J’y étais.
Tout comme Hal. Ma mère avait fait du bénévolat auprès du musée pendant si longtemps que lorsqu’il fallut engager des agents de sécurité supplémentaires pour la réception, l’administration a fait appel à nous.
Il reprit :
— Je vous préviendrai la prochaine fois qu’ils organisent une autre de ses petites sauteries, si vous voulez.
— Ce serait aimable à vous. Je verrai si je peux obtenir une invitation.
Corran rit.
— Si vous pouvez faire ça, peut-être que vous pouvez nous obtenir une invitation dans la forteresse privée de Zekka Thyne. Comment est-ce que vous prévoyez de nous faire entrer dans son domaine ?
La voix de Kast provoqua un écho à l’intérieur de son casque.
— Je pensais faire appel à son sens de la justice.
— Autant partir à la recherche de la flotte Katana. (Corran secoua la tête.) Zekka Thyne est une brute, mi-homme mi-alien, à la peau rosâtre tachée de bleu. Ses yeux sont d’un rouge sang mais ses pupilles, aux contours dorés, sont d’un noir diamant. Il a un regard perçant, des dents encore plus perçantes, et un sens démesuré de la rétribution. J’ai entendu dire qu’il a abattu un transporteur d’épices parce que le pilote a dit à Thyne qu’elle avait emprunté des crédits sur la marge des bénéfices mais qu’elle s’était déjà acquitté de l’emprunt plus les intérêts.
— Qu’est-ce qui lui serait arrivé si elle ne l’avait pas dit à Thyne ?
— La même chose, en plus lent. C’est un véritable artiste de la vibrolame. (Corran fronça les sourcils.) Ce que Plaque perd en cervelle, il le compense en une cruauté sans merci.
La tête de Kast se redressa d’un centimètre ou deux.
— Vous me demandez de le tuer ?
Corran hésita pendant une seconde.
— Non, je n’irai pas jusque-là. J’étais en train de réfléchir. J’ai pensé que, peut-être, si je le faisais, je pourrais considérer la somme que vous recevriez comme une sorte de déduction charitable de mes impôts. Si je devais en payer un jour, bien sûr.
— Je ne serais pas contre l’idée de voir Thyne se faire assassiner, mais ce genre de chose ne rentre pas dans les impératifs de ma mission. (Kast jeta un coup d’œil à Corran.) Cependant, je pense pouvoir m’arranger pour qu’il nous voie. L’approche diplomatique me semble être la meilleure.
— Je suis d’accord. Je préfère la diplomatie. (Corran tapota le blaster qui était rangé dans son holster sous son bras gauche.) Mais je suis également prêt à adopter une posture un peu moins diplomatique.
— Ce qui veut dire ?
— Ce qui veut dire que si je vais en bas, vous allez en haut.
Kast acquiesça d’un air solennel.
— Ce sera notre plan B.
Le chasseur de primes pilota avec aisance à travers les canyons assombris situés à la lisière de Coronet City. Le domaine de Thyne avait jadis appartenu à un magnat du transport qui fut arrêté et envoyé sur Kessel pour contrebande d’épices. Thyne avait acquis la propriété lors d’une mise aux enchères, après quoi les rumeurs se mirent à circuler à travers le milieu criminel corellien comme quoi Thyne avait fourni la preuve qui avait servi à condamner le magnat. Étant donné que Thyne ne s’était jamais montré aussi malin, Corran avait toujours soupçonné que le Prince Xizor avait lui-même planifié et exécuté ce subterfuge.
Alors qu’ils atteignaient le sommet de la dernière falaise et plongeaient dans l’immense vallée au cœur de laquelle le domaine avait été construit, Corran pointa un doigt en direction du bâtiment principal.
— Ça ne paye pas de mine, mais ces falaises qui montent et qui descendent constituent des épaulements formidables et permettent de canaliser les forces ennemies dans des zones truffée de mines. On dit que les sommets des tours sont équipés de blasters lourds à emplacement fixe capables de vaporiser n’importe quel soldat sur le sol. À ce qu’il paraît, Thyne aurait également à disposition des issues de secours qui lui permettraient de disparaître au cas où les choses tourneraient mal pour lui – ce qui est peu probable. Des murs à double épaisseur, des fenêtres en transparacier blindé, des détecteurs électroniques complets et quarante à cinquante hommes armés font de cette forteresse une carapace quasi impénétrable. J’ai entendu dire que la CorSec dispose d’un mandat pour fouiller cet endroit, mais sans la garnison impériale pour les épauler, personne n’est assez stupide pour s’en servir.
— Vous ne plaisantiez pas pour les capteurs. (Kast dirigea le landspeeder vers deux hommes qui surgissant d’une entrée secondaire, les plaçant dans le faisceau lumineux de leurs phares, puis tourna à gauche et laissa le speeder se poser au sol.) Je vais leur parler. Tenez-vous prêt au cas où ça tournerait au vinaigre.
— Quel est le signal ? (Corran regarda le chasseur de primes quitter le siège du conducteur et répertoria mentalement les armes qui étaient fixées en évidence sur son armure.) Question bête. S’ils tombent, j’arriverai en courant.
Il regarda Kast s’approcher des deux hommes. Le chasseur de primes tendit les mains de chaque côté, mais pas en l’air car un tel signe pourrait être pris comme un signe de reddition.
Il veut leur faire comprendre qu’il ne compte pas les tuer, mais qu’il en est quand même capable si on le provoque.
Les trois hommes se rencontrèrent et Corran put entendre le bourdonnement des voix sans pour autant distinguer le moindre mot. L’un des hommes de Thyne parla dans un comlink, puis Kast leva la main gauche et agita ses doigts nonchalamment, faisant signe à Corran de le rejoindre.
Corran quitta le landspeeder et s’approcha des trois hommes, écartant les mains de la même manière que Kast l’avait fait. L’un des gardes alla à sa rencontre, clairement disposé à dégainer son blaster, mais Corran lui adressa un froncement de sourcils.
Quoi, tu me crois suffisamment stupide pour prendre d’assaut la forteresse à moi tout seul ?
Le garde hésita, puis mit ses mains dans les poches.
L’autre mercenaire du Soleil Noir pointa Corran du doigt.
— Vas-y, prend-lui son blaster.
— Vous le croyez suffisamment stupide pour prendre d’assaut la forteresse à lui tout seul ? (Le premier mercenaire secoua la tête.) Emmenons-les voir le patron. Vaut mieux pas le faire attendre.
— Exact. Suivez-nous.
Leurs guides les conduisirent jusqu’à l’entrée principale et les firent entrer dans une antichambre que Corran trouva presque aussi somptueuse que celle du Musée d’Art de Coronet City. Du granit rose et du marbre noir étaient incrustés dans le sol et formaient une figure géographique complexe et chaotique. Un escalier en colimaçon fait en pierres conduisait aux deuxième et troisième étages et attirait le regard vers le haut, là où se trouvait une représentation holographique du ciel étoilé. De petites alcôves dans les murs abritaient des statues et d’énormes panneaux muraux couleur or offraient un espace suffisant pour exposer un vaste étalage de peintures et de chefs d’œuvres holographiques originaux.
C’est incroyable de se rendre compte à quel point quelque chose de si beau peut soudain devenir quelque chose de si… vulgaire.
C’était comme si Thyne avait une définition de l’art enveloppée par les concepts de nudité, d’excès, et d’un arrangement de couleurs qui se reposait presque totalement sur le rose, le violet, et une nuance éclatante de vert qui avait le don d’être agaçante. Certaines statues – le peu d’entre elles qui avait pu trouver refuge au Musée d’Arts Plastiques – avaient été corrigées de manière criarde par une application de cet arrangement de couleurs, et un excès de peinture avait débordé le long des murs. Les peintures montraient à Corran un étalage de modèles qu’il pensait être plus approprié à des manuels xénophobes et les holographes semblaient être l’équivalent visuel d’un cri strident.
— Combien étiez-vous prêt à me payer pour le tuer ? demanda Kast à voix basse.
— Pas assez.
Ils suivirent leurs guides à travers l’antichambre, puis à travers un ensemble de doubles portes qui menaient au bureau de Thyne. Là, le choc des œuvres d’art était renforcé par un nouvel élément : une guerre entre le style et le mobilier. Le bureau de Thyne avait été taillé dans le bois marron foncé d’un arbre vweliu et constituait en lui-même un chef d’œuvre. Tout autour se trouvaient d’autres chaises et tables, compacts, en duraplast et en fibroplast – le genre de choses que l’on pouvait laisser au beau milieu d’un vallon car la météo ne leur causerait aucune dégradation. Quelques tables en acier tachées, sur lesquelles se trouvaient des feuilles en transparacier, complétaient le décor et une profusion de lampes, dont aucune ne se ressemblait, servait à éclairer le tout.
Corran aperçut Hal et perçut un hochement de tête brave de se part en dépit des deux colonnes de sang qui s’écoulaient de ses narines. Haber Trell semblait être en plus mauvais état ; il avait un œil enflé et une vibrolame inerte était plantée dans sa chaise entre ses cuisses. La chair jaune du Tunroth était devenue grisâtre à certains endroits, et un sang bleuâtre s’écoulait de l’une de ses narines, mais à part ça Rathe semblait alerte.
Zekka Thyne esquissa un sourire à Kast, et Corran trouva son expression rien de moins qu’obscène.
— Ah, Jodo Kast, nous nous rencontrons enfin. Normalement, je ne fais pas appel à quelqu’un que je n’ai pas rencontré au préalable, mais votre réputation vous précède. J’ai décidé que ça en valait la dépense. (Le regard écarlate de Thyne devint plus perçant.) Ne me décevez pas.
— Je n’ai en aucunement l’intention. (Dans un geste rapide et précis, Kast dégaina un blaster de sa main droite et colla le canon de l’arme contre la tempe gauche de Corran.) Haber Trell et le Tunroth sont des assassins. Borbor Crisk les a engagés pour vous éliminer. Leurs partenaires sont en ce moment même en train de s’arranger avec Crisk pour qu’il remplisse deux cent caisses anti-masse en échange de votre tête.
— C’est faux ! gronda rageusement Haber Trell. Il ment !
Thyne le fit taire en lui donnant une claque du dos de la main.
— Alors qui sont ces deux là ?
Kast émit ce qui semblait presque être un rire.
— Ces deux-là sont du coin. Ils les ont engagés pour les aider à entrer et pour faire office de camouflage. Avec eux dans leur sillage, qui penserait qu’il s’agit d’assassins de classe galactique ?
Corran voulut lever une main pour masser sa tête mais Kast conserva son arme pointé fermement contre son crâne. Corran n’était pas certain de savoir ce qui faisait le plus mal : sa tête ou sa fierté. Il avait été berné par Kast.
Il m’a bien eu, comme tous les autres d’ailleurs. J’aurai mieux fait d’être à la place de mon père car il ne se serait jamais laissé berner, lui.
Corran lança un regard de travers à Kast puis adressa un hochement de tête à Thyne.
— Vous savez, on ne peut pas se fier à la parole d’un chasseur de primes.
— C’est vrai, mais je suis plus disposé à le croire lui plutôt qu’un assassin du coin.
Kast s’approcha et soulagea Corran de son blaster, puis baissa lui-même son arme.
— Mon histoire est très simple à vérifier. Vous devriez déployer vos hommes au Havre du Mynock. C’était la cantina dans laquelle les partenaires de Trell doivent rencontrer Crisk pour finaliser la transaction. Leur rencontre est prévue dans l’heure. Vous trouverez les caisses anti-masse à l’entrepôt Dewback près du spatioport. Vous pouvez envoyer d’autres hommes là-bas et attendre que Crisk et ses hommes se montrent pour remplir les caisses.
Corran se frotta la tempe.
— Vous l’avez compris que c’était ça que j’ai repéré durant le trajet ? Vous êtes bon.
— C’est pour ça que les gens font appel à mes services. (Kast tourna son regard vers Thyne.) Je suppose que vous n’avez pas de cellule de détention par ici ?
— La cave à vin est inoccupée. Vous pouvez les enchaîner dans les alcôves.
— Bien. Pendant ce temps-là, vous devriez préparer une embuscade pour Crisk. (Kast agita son blaster pour faire signe à Corran de se diriger vers la porte.) Dès que vos hommes feront leur rapport, vous saurez à qui vous fier.
— En effet. (Thyne crachait ses mots.) Et ceux qui me mentent paieront le prix fort pour avoir osé me tromper.
Partie 3
Propulsé en avant par un coup de carabine blaster dans les reins, Corran Horn s’écroula dans sa cellule. Il reprit le contrôle de lui-même suffisamment rapidement pour éviter de rentrer dans son père et pour se retourner rapidement, mais Jodo Kast refermait déjà la grille en fer forgé. Ce qui enferma les deux Horn dans une petite cave poussiéreuse qui avait jadis servi de domicile à une fine collection de vins provenant des quatre coins de l’Empire.
C’est du moins l’impression que j’en ai en voyant tous ces morceaux de verre brisé au sol.
Corran fixa Kast avec le regard le plus méchant qu’il put faire.
— Ce n’est pas fini entre nous, Kast.
Le chasseur de primes fixa Corran placidement, mais le trio d’hommes de main de Zekka Thyne chargé d’amener l’autre homme et le Tunroth dans une seconde cave rirent bien fort. Leur leader, le costaud aux cheveux rouges, celui qui avait poussé Corran, se moqua de l’officier des Forces de Sécurité Corelliennes.
— Tu n’en auras pas le temps, mon gars. Le boss ne va pas s’occuper d’un cas comme toi. C’est moi qui vais prendre soin de ta personne.
— Oh ? (Corran lui sourit férocement.) Je n’avais pas réalisé que Thyne faisait des faveurs à ceux qui l’aidaient. Vous serez le bienvenu n’importe quand.
— Il n’en aura pas l’opportunité. (La voix de Kast se fit froide et lente.) J’ai supporté vos babillages, vos vantardises et vos menaces, Corran, et je ne suis pas du genre à laisser quelqu’un éliminer mes propres ennuis de ma vie. (Le mercenaire en armure pointa un doigt en direction de l’homme aux cheveux rouges.) Touche-le, et je considèrerai ça comme une atteinte à l’honneur que je vous ferai payer.
Cheveux rouges pâlit.
— Oui, monsieur.
Un autre sous-fifre du Soleil Noir de Thyne ferma l’autre porte et la sécurisa.
— Ils sont fermés. Tu veux menacer l’un d’entre eux, Nidder ?
Cheveux rouges fronça les sourcils.
— Va te faire voir, Somms. Tu crois être drôle, à toujours raconter des blagues alors que tu ne fais que monter la garde devant ces clowns.
Les sourcils blonds de Somms s’arquèrent au-dessus de son nez.
— Ils sont en sécurité là-dedans, ils n’ont pas besoin de gardes.
Kast secoua la tête.
— Non, pas là-dedans, bien entendu, mais hors de la pièce, sur le premier palier. De là, tu peux entendre les bruits qui proviennent d’ici ou de la pièce principale et y répondre.
Nidder envoyant sa carabine blaster dans les mains de Somms.
— Tu l’as entendu !
Corran sourit.
— Exactement ce que j’avais prédit, Kast. Vous voulez quelqu’un en poste entre vous et moi.
Kast attrapa la barre de fer qui maintenait la grille et la secoua avec force, rien qu’une fois. Le métal résonna fortement et Corran, effrayé, fit involontairement un pas en arrière. Nidder, Somms et le troisième membre du Soleil Noir se mirent à rire, mais leur hilarité n’empêcha pas Corran d’entendre la réponse de Kast à sa remarque.
— Je n’ai pas peur de vous, Corran. J’attends avec impatience que vous sortiez d’ici parce qu’avec Thyne envoyant ses hommes de main pour tendre une embuscade à Maranne et Riij, je crois bien être la seule chose qui se tient entre vous et votre liberté. Vous pouvez être bon – vous pouvez même être meilleur que ce que je pense de vous – mais je reste encore meilleur.
La tempe gauche de Corran lui faisait mal à l’endroit où Kast avait appuyé son blaster.
— Continuez de penser ça, Kast, et ne soyez pas surpris le jour où je vous prouverai que vous avez tort.
— Venez me voir Kast, quand votre vanité se reposera.
Kast se tourna et conduisit les autres hommes hors de la pièce. Une vieille porte en bois se ferma derrière eux et la serrure cliqueta.
Corran fixa l’endroit par où ils étaient partis, puis tourna sur ses talons et jura.
— Par la barbe des Sith : Ce fils de rancor s’est joué de moi. (Il se tourna vers son père.) Désolé papa. J’ai vraiment fait du sale boulot.
Les yeux noisette du doyen des Horn se rétrécirent.
— Comment peux-tu croire que notre situation soit ta faute ?
— J’aurais dû savoir que quelque chose ne tournait pas rond. (Corran enfouit son visage dans ses mains.) Leur vaisseau, le Hopskip, est une poubelle ambulante que Crisk n’utiliserait même pas pour transporter des cadavres, sans parler de marchandises de valeur. Les autres ne savaient même pas de quoi était fait leur chargement, qui s’est avéré être plein de caisses anti-masse.
Hal fronça les sourcils.
— Les caisses anti-masse ne sont pas vraiment le dernier cri pour les contrebandiers ces jours-ci. C’est presque comme s’ils souhaitaient être attrapés.
— Oui, tout à fait. (Corran s’allongea contre un casier à vins en fibroplastique construit dans le mur de la cave.) Kast a dit à Thyne que les caisses étaient vides, mais j’en ai trouvé deux avec un joint abîmé et je les ai ouvertes. L’une des boîtes contenait de l’épice – de très mauvaise qualité, mais de l’épice néanmoins – et l’autre contenait une gemme de Feu de Durind brute. Et même si nous imaginons qu’il n’y a qu’une seule boîte contenant des gemmes, et que les cent quatre-vingt-dix-neuf autres contiennent de l’épice, Crisk peut utiliser les gemmes pour acheter une armée et utiliser l’épice pour inonder le marché et éliminer tous les profits du Soleil Noir.
Hal Horn renversa un autre casier à vins en bois et s’assit.
— Attends, tu es en train de me dire qu’on a des gens qui ne sont pas des contrebandiers, qui transportent deux cents caisses anti-masse et qu’ils n’ont aucune idée de leur contenu. Tu as trouvé des gemmes et de l’épice dans deux d’entre elles et la cargaison est destinée à Crisk. Crisk lui-même ne peut réunir ce genre de chargement, donc il a un allié. Qui ?
Corran fronça les sourcils.
— Les gemmes proviennent de Tatooine. Il n’y a pas là-bas un certain Hutt qui fait dans la contrebande d’épice ?
— Jappa ou Jadda ou quelque chose comme ça, oui. Ça ne nous avance pas à grand-chose.
Hal ouvrit la bouche, puis secoua la tête. Il s’éloigna de son fils et se tourna vers l’autre cellule.
— Haber Trell, depuis quand connaissez-vous Jodo Kast ?
Le pilote du Hopskip se releva et agrippa les barreaux de sa prison.
— Je ne le connais pas. Il est avec nous pour cette affaire.
— Oui. (Hal s’allongea contre le mur et rit doucement.) C’est ça.
Corran secoua la tête.
— Tu dis que c’est Kast qui est derrière le chargement pour Crisk ? Mais ça n’a pas de sens puisqu’il a dit aux gars de Thyne où trouver les caisses contenant l’épice et les gemmes.
— Non, Corran. Kast n’est pas le cerveau, il fait partie de ce qui doit être introduit sur Corellia.
La mâchoire de Corran se décrocha.
— Ça n’a aucun sens.
— Ah bon ? (Hal regarda Corran d’un air désabusé, l’un de ceux qui, dans le passé, aurait signifié à Corran que son père pensait qu’il se ramollissait.) Que fais-tu de la dernière remarque de Kast ?
Corran y réfléchit.
— Il se moquait de moi.
— D’accord, mais que t’a-t-il dit en se moquant de toi ?
Corran lâcha un soupir qu’il ressentit jusqu’aux orteils.
— Il a dit qu’il était le seul à se tenir entre nous et notre liberté – que les gars de Thyne étaient tous partis. Il m’a dit de venir le trouver lorsque je serai libre.
Corran se frappa la nuque avec la paume de sa main.
— J’aurais dû le voir.
— Tu l’as vu.
— Ouais, mais tu as dû me le signaler. (Corran secoua la tête et donna un coup dans un tesson de bouteille.) Il y a vraiment des fois où mon cerveau ne fonctionne pas.
— Non Corran, ton cerveau fonctionne très bien. (Hal garda un ton égal, mais pointa un doigt vers son fils.) Tu dois simplement te concentrer sur ce que tu penses. Tu es en colère car Kast s’est joué de toi, et je pense que tu avais un peu peur concernant ce que je faisais.
— Exact pour les deux.
— C’est compréhensible, mon fils, et j’apprécie que tu te soucies de moi, mais tu ne dois pas laisser tes émotions et des pensées extérieures de perturber.
— Je le sais, papa, j’essaie réellement. (Il sourit à son père.) J’essaie de suivre ton exemple, mais tu es meilleur que je ne le suis.
— J’ai quelques années de plus, Corran.
— Il ne s’agit pas simplement de quelques années, Papa, fit Corran. Je n’aurais jamais pu interpréter le message de Kast comme tu l’as fait.
Les yeux du doyen des Horn étincelèrent.
— Je dois bien admettre, Corran, que j’ai triché cette fois-ci.
— Quoi ?
Hal pointa du doigt un endroit derrière eux.
— Là-haut, sur les barreaux que Kast a remués, regarde ce qu’est cette petite chose.
Corran se tourna et observa avec attention les barreaux. Là où Kast avais mis sa main, Corran vit un petit cylindre noir de la taille de la paume d’une main en longueur et du diamètre d’un canon de blaster. Il le libéra du barreau, laissant un résidu adhésif sur le métal, et sentit un petit bouton sous son pouce, près de l’extrémité du cylindre.
— Sois prudent, Corran.
Le jeune homme acquiesça et appuya sur le bouton. Presque invisible dans la pénombre, une fine épée monomoléculaire émergea du cylindre.
— Je sais ce que c’est, et je me rappelle de ce qui est arrivé à Lefty Dindo.
Corran utilisa la lame pour couper le verrou. Il rétracta la fragile lame et ouvrit la porte.
— Nous libérer de cette cellule est un peu plus facile que Lefty essayant d’utiliser l’une de ces lames pour se libérer de ses engagements.
Hal Horn fit une pause dans le couloir entre les deux cellules.
— Tu devrais couper quelques-uns de ces barreaux pour qu’ils nous servent d’armes. Somms n’est peut-être pas le plus brillant des membres du Soleil Noir, mais je pense qu’il ne va pas nous laisser sortir comme ça.
— D’accord.
Faisant ressortir la lame, Corran coupa une paire de barreaux de cinquante centimètres de long dans le bas de la grille et en tendit une à son père.
Hal s’en servit pour se frapper la paume de sa main.
— Cela fera l’affaire. Maintenant, comment allons-nous leurrer Somms ?
Corran jeta un coup d’œil à la porte de sortie.
— Tu penses que Somms fait partie de ceux qui vont sonner l’alarme immédiatement ou de ceux qui attendent pour rapporter une victoire ?
— Après que Nidder lui ait donné le boulot ? Il agira, et fera son rapport après.
— C’est ce que je pense aussi. Le palier était à une dizaine de marches au-dessus et nous sommes assez loin du bureau pour ne pas attirer l’attention si nous faisons du bruit, je pense. (Corran sourit.) Je m’occupe du plus difficile si tu veux te contenter de hurler.
— Hurler me va très bien. (Hal Horn sourit également.) Sois prudent.
— Ouais.
Corran se dirigea vers la porte en bois et y enfonça la lame d’environ un demi-centimètre, puis coupa avec précaution. Il traça un cercle au centre de celle-ci. Une fois le cercle achevé, il coupa des lignes qui en partaient, comme un enfant aurait dessiné des rayons de soleil. Finalement, il tailla des petits demi-cercles autour des charnières et de la serrure.
Il rentra la lame et la tendit à son père en échange d’une des barres en fer.
— Ok, c’est maintenant ou jamais.
— Attendez !
Corran se retourna vers Haber Trell.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Ne nous laissez pas là-dedans. Si vous vous échappez, nous voulons venir également.
— Je ne pense pas, Trell. (Corran plissa les yeux.) Même si vous êtes deux fois meilleur combattant que contrebandier, vous n’allez que nous gêner.
Hal acquiesça, mais leur tendit néanmoins la lame moléculaire.
— Corran a raison, vous ne souhaitez pas venir avec nous. Nous allons de l’avant et nous occupons de Thyne. Donnez-nous quelques minutes, puis avancez. Volez l’un des airspeeders de Thyne et fuyez. Retournez à votre vaisseau et quittez le système.
Trell acquiesça.
— Merci.
Corran fronça les sourcils en direction de son père, puis pointa Trell du doigt.
— Et, écoutez, ne remettez pas cette cargaison sur votre vaisseau. Vous n’aimeriez pas être pris en train de transporter de l’épice.
Trell trembla, et Corran prit ça comme un accord assez éloquent.
— Prêt, papa ?
— Tout à fait.
Corran sourit et fonça vers la porte. Il sauta et la heurta lourdement avec son dos. La porte explosa, envoyant des fragments tout autour, éparpillant des morceaux de bois dans l’étroit couloir qui partait de la prison improvisée. Corran s’écrasa au beau milieu des débris, glapissant involontairement au lieu de se laisser tomber doucement vers l’avant comme il l’avait prévu. Rien de cassé, mais les débris vont laisser des bosses.
La voix d’Hal fit écho par-dessus les craquements de la porte.
— Éloignez ce Tunroth de moi !
Les yeux presque fermés, Corran vit Somms dévaler les escaliers qui descendaient du palier. L’homme resta dos au mur de pierre en approchant de la cellule, puis il brandit sa carabine blaster et se rua à l’intérieur. Pour se faire, il se prépara à pivoter sur son pied droit, vérifia l’embrasure, et entra.
Au moment où le pied gauche de Somms entra lorsqu’il pivota, Corran l’attrapa dans sa main gauche. Laissant l’impulsion de Somms le mettre en position assise, Corran donna un grand coup dans le bassin de l’homme grâce à sa matraque en fer. Somms commença à crier, davantage de surprise que de douleur, lorsque Hal apparut à la porte et l’assomma d’un coup de poing sur la tête. Somms s’écroula au sol et ne bougea plus.
Corran fronça les sourcils en direction de son père.
— Pourquoi m’avoir demandé de couper un barreau si c’est pour ne pas l’utiliser ?
— Pas besoin.
Hal extirpa la carabine blaster de sous Somms, mit le sélecteur sur paralysie et tira un coup dans sa direction. L’homme de Soleil Noir tressaillit une fois, puis resta calmement étendu.
— J’espère qu’il ressentira encore le coup que tu lui as donné lorsqu’il se réveillera.
— On peut espérer.
Corran le retourna et défit sa ceinture. L’enfilant lui-même, Corran retira le blaster et vérifia le bloc d’alimentation. Il leva les yeux vers son père.
— Tu vas laisser le réglage sur paralysie ?
— Je n’ai pas remarqué que les tirs mortels allaient plus vite que les tirs paralysants.
— Vrai, mais il y a beaucoup plus de formulaires à remplir lorsqu’ils reviennent à eux.
— Ne plaisante jamais avec ça, Corran. (Son père lui adressa un regard réprobateur qui rendit Corran à peu près aussi grand qu’une pièce de dejarik.) Règle-le sur paralysie, et tu ne te risqueras pas de tuer accidentellement un ami.
— Oui, papa.
Corran régla l’arme et se releva. Il indiqua la porte à son père.
— C’est l’heure d’aller s’occuper de Thyne. L’âge vient avant la beauté.
— Et les cerveaux avant l’imprudence. (Hal salua brièvement Haber Trell et Rathe) Bonne chance à vous, mais gardez la tête baissée et sortez vite. Si Thyne ne réagit pas bien à notre refus d’hospitalité, il ne fera pas bon être au milieu des tirs de blaster.
Arl Nidder suivait les longues enjambées de Jodo Kast du mieux qu’il pouvait. Le chasseur de primes l’impressionnait, mais l’armure l’impressionnait davantage. Si j’avais une pièce de cette armure, je serais un gros dur. Je pourrais mettre de nombreuses années-lumière entre moi et le reste des gars du Bromstaad. Peut-être que je serais embauché pour travailler pour un quelconque Moff, peut-être même pour le Prince Xizor.
Ses réflexions s’arrêtèrent soudainement lorsqu’ils pénétrèrent à nouveau dans le bureau de Thyne. Nidder aimait ce bureau, qui semblait comme un musée pour lui. Il n’avait jamais mis les pieds dans un vrai musée, mais il savait qu’il existait des lieux où des vieilles choses de valeur étaient collectionnées. Il prit comme une marque de respect le fait que Thyne lui permette de rester suffisamment prêt pour protéger les précieuses possessions du seigneur du crime.
Bien qu’entouré de magnificences, Thyne n’avait pas l’air heureux. L’holoprojecteur construit sur son bureau montrait une vue de la forteresse de Thyne ainsi que la vallée environnante par transparence. Autour de la zone se trouvaient de petites icônes orange que Nidder avait déjà vus lors de simulations de sécurité, mais seulement lors des pires scénarios qu’ils testaient pour effrayer les nouvelles recrues. La mâchoire de Nidder s’abaissa.
— Ce sont réellement des stormtroopers ?
Thyne acquiesça, puis alluma un comlink.
— Tout le personnel aux postes de combat. Ce n’est pas un exercice. Nous avons un déploiement hostile au nord et à l’est. Déplacez-vous, je veux toutes les défenses opérationnelles dans trente secondes.
Nidder et Deif se dirigèrent vers les portes partiellement ouvertes de la pièce, mais Thyne les arrêta dans un grondement.
— Pas vous deux. Non que je ne vous fasse pas confiance, Kast.
Kast leva les mains.
— Mais vous ne me faites pas confiance. Je m’en souviendrai la prochaine fois que nous négocierons un prix pour mes services.
Le grand chasseur de primes tira une chaise de telle sorte de pouvoir voir Thyne à droite et les portes à gauche, mais il le fit dans un mouvement si désinvolte que cela prit à Nidder un petit moment pour reconnaître ce qu’il était en train de faire. Kast fixa directement Nidder, puis croisa calmement sa jambe droite sur la gauche.
Nidder remua d’inconfort, et eut la distincte impression que la seule façon d’obtenir une pièce de cette armure était d’être assez chanceux pour se trouver aux alentours lorsque quelqu’un tuerait Kast et ainsi la lui enlever. Bien sûr, la pensée ne fut pas exprimée tout à fait de cette façon dans le cerveau de Nidder. Il savait juste qu’il voulait un morceau d’armure, pas forcément celle-ci, mais une qui y ressemble.
Son sentiment passager d’infériorité s’évanouit lorsqu’il réalisa que Kast n’était pas aussi intelligent qu’il pensait l’être. Si le mercenaire avait tourné sa chaise dans l’autre sens, il aurait pu toujours avoir le bureau et les portes dans son champ de vision, mais il aurait pu également admirer les peintures de nu sur le mur. D’où il était, Nidder pouvait pleinement les admirer – bien qu’il eut de la peine à expliquer pourquoi l’artiste avait inclus des instruments de jardinage dans l’œuvre – et sourit pour signifier à Kast ce qu’il loupait.
L’hologramme changea et afficha un plan de la maison, le couloir à l’extérieur de la pièce clignotant d’une lumière jaune. Thyne siffla furieusement.
— Il y a quelqu’un dans le hall. Les Impériaux ont déjà infiltré le bâtiment.
Il indiqua la porte à Nidder et Deif.
Kast se mit à parler d’une voix forte.
— Bien sûr, négocier certaines choses de façon diplomatique fonctionne mieux. (Le chasseur de primes indiqua deux endroits le long du mur, où les deux mercenaires du Bromstaad pourraient couvrir l’entrée avec un tir croisé meurtrier.) Mais parfois, on est obligé de ne pas être diplomatique.
Nidder s’émerveilla de la façon dont la voix de Kast couvrait le son de son approche vers la porte. Il s’arrêta exactement là où Kast le souhaitait et sortit son pistolaser. Il le régla sur tuer et attendit, faisant un clin d’œil et un signe de tête à Kast. Lorsque le signe de tête lui fut retourné, Nidder se mit à imaginer que Kast pourrait le prendre comme apprenti, ou même comme partenaire. Il a vu comment j’étais bon. Il sait ce qui va l’attendre si nous travaillons ensemble.
L’explosion de la partie inférieure d’une des portes interrompit la rêverie de Nidder. À travers la fumée et les vapeurs de débris brûlants vint le plus petit des prisonniers qu’ils avaient laissé en bas. Arrivant accroupi suite au saut périlleux qui l’avait propulsé près de la porte, l’homme aux cheveux bruns sortit un blaster et tira deux fois. Le premier tir échoua, mais le second frappa Deif à la poitrine, l’entourant d’énergie azure.
Nidder aligna son blaster avec le petit homme. Il ne me voit pas. Il ne sait pas que je suis là. Grosse erreur. Nidder commença à serrer la détente lorsqu’il se sentit partir en arrière. Il sentit ses épaules heurter le mur, puis sa tête rebondir contre celui-ci. À travers l’explosion d’étoiles qui s’en suivit, il vit un second tir jaillir d’un blaster bâti dans la cuisse de l’armure Mandalorienne.
Dans la nanoseconde qu’il fallut au rayon écarlate pour traverser sa poitrine, Nidder réalisa que Kast l’avait placé précisément à cet endroit car le chasseur de primes souhaitait le tuer. Nidder ne ressentit pas l’outrage d’avoir été si facilement trompé et tué, et il n’accorda pas non plus une once de crédit à Kast pour l’avoir éliminé aussi froidement.
Non, pour Arl Nidder, mourant en glissant sur le sol, il n’y eut qu’une seule pensée. Si seulement j’avais eu un morceau de cette armure.
Corran vit les rayons rouges passer à sa gauche et plongea dans la direction opposée alors que sa cible tombait au sol. Au fond de la pièce, Corran vit Thyne courir vers un panneau mural qui glissa pour révéler un conduit sombre. Il commença à poursuivre le seigneur du crime en fuite, mais rangea son blaster lorsque la tête et les épaules de Kast éclipsèrent Thyne. Il s’enfuit.
Corran se retourna vers la porte.
— Rien à signaler.
Hal entra, jeta un coup d’œil au corps de Nidder, puis à Kast.
— J’ai une autre tournée pour vous remercier.
Le chasseur de primes décroisa ses jambes et se leva.
— Saleté de parasites.
Corran pointa du doigt l’ouverture sombre du mur.
— Thyne est parti par là.
Hal s’approcha avec précaution.
— Ça semble ok.
Corran s’appropria la carabine blaster de l’homme sur lequel il avait tiré et la régla sur paralysie.
— Allons le trouver. (Il se tourna vers Kast.) Venez, nous pourrions avoir besoin de votre aide. Il y a une prime sur Thyne. Nous allons le capturer, mais vous pourrez toucher la prime. (Corran observa la pièce, ses décorations trop voyantes et ses œuvres d’art horribles.) Ça pourrait même être suffisant pour acheter de vraies œuvres d’art et rafraîchir les souvenirs de cette pièce.
— Vous me tentez beaucoup, soupira Kast. Néanmoins, quelqu’un aux goûts artistiques si inférieur ne devrait pas être difficile à attraper. Je vous aurais bien accompagné, mais je suis un simple chasseur de primes et j’ai encore un travail à accomplir.
Même s’il n’avait rien lu sur Kast, Corran savait qu’il mentait. Il leva un sourcil.
— Je ne crois pas que vous soyez un simple chasseur de primes.
— Et je ne crois pas non plus que vous et votre père soyez de simples voyous à la recherche d’un emploi dans la pègre.
Kast croisa ses jambes sous le bureau et appuya sur un bouton sur l’unité de contrôle du dispositif holographique. Une vue de la zone environnante s’afficha et Corran vit de petites icônes orange se déplacer en groupes sur le terrain.
— Ce sont des stormtroopers Impériaux. Ils vont vous rendre les choses difficiles si vous ne partez pas. Vous ne voulez pas être attrapés là ?
— Vous non plus.
— Ce ne sera pas le cas, confirma le chasseur de primes.
Corran acquiesça.
— À une prochaine fois, alors.
— Peut-être.
La finalité dans la voix de Kast indiqua à Corran qu’il n’y aurait pas de prochaine fois, et quelque part en lui, il n’éprouva rien d’autre que du soulagement à cette perspective.
Corran rejoignit son père à l’entrée du passage par lequel Thyne s’était échappé. L’étroit couloir avait été creusé parmi les pierres d’origine, et descendait en pente douce. Tous les quinze mètres environ, il se rétrécissait, obligeant les Horn à avancer prudemment. L’étroitesse des passages signifiait que tout tir de blaster serait rapproché et extrêmement mortel.
Corran saisit sa carabine blaster dans les deux mains et la serra contre son flanc droit. Elle avait été légèrement modifiée après sa sortie d’usine, un rayon laser rougeoyant étant attaché au barillet, et davantage de travail avait été réalisée pour le faire ressembler à ce qui était désigné, en langage courant, comme un hotshot. La protection de la détente avait été ôtée, la laissant libre, permettant de tirer même si la détente se retrouvait prise dans les vêtements ou d’autres affaires. Utiliser un hotshot était censé indiquer qu’une personne était coriace, mais il suffisait de voir le résultat d’un seul hotshot non assuré dans une ceinture pour convaincre la plupart des individus qu’il s’agissait d’une folle modification.
Bien sûr, personne ne va enfouir une carabine dans son pantalon. Corran sourit doucement, puis fit un signe de tête à son père qui lui indiquait d’avancer. Restant près du sol, Corran s’approcha du coin du couloir, puis tomba au sol lorsqu’un tir de blaster transperça l’air au-dessus de lui. Il tira deux fois en retour, mais ses deux tirs bleus ne touchèrent rien d’autre que de la pierre.
— Le couloir s’élargit vers une grotte naturelle. Nous sommes probablement à la frontière de la propriété.
— Ok, ralentissons. Éteins la lumière.
Corran éteignit le laser et ferma les yeux. Il compta jusqu’à dix pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité et les rouvrit. Des formes de vie bioluminescentes – du lichen et d’autres choses qui s’en nourrissaient – émettaient une lueur violacée qui permettait à Corran de distinguer des formes. Certaines étaient régulières et s’avérèrent être des boîtes en duraplastique de tailles diverses, alors que les plus grandes et les plus menaçantes n’étaient curieusement que des formations bossues de pierre. Il semblait y avoir de légères modifications physiques dans cette grotte : le sol restait inégal et les boîtes occupaient divers endroits où l’espace le permettait. Corran présuma que le précédent propriétaire avait gardé la grotte dans son état naturel et que Thyne y avait stocké des cargaisons précieuses ou vitales, dans ce lieu dans lequel il avait entièrement confiance.
Corran rampa vers l’avant, restant près du sol. Il atteignit la première boîte et la faible lueur lui désigna le blason Impérial indiquant qu’elle était pleine de carabines. Il l’aurait bien ouverte, mais la senteur d’épice était si forte dans la zone qu’il sut immédiatement ce qu’elle contenait réellement. Soit Thyne ne fait que stocker de l’épice ici, soit le Soleil Noir a une quelconque connexion avec l’Empire qui l’autorise à faire de la contrebande au vu de tous. Je devrai en parler à Loor.
Corran émit un sifflement court et strident, puis entendit son père combler l’espace qui les séparait. Pour un vieil homme, et aussi corpulent qu’il était, Hal se déplaçait plutôt silencieusement. J’ai senti sa présence avant même de repérer cette légère trace de semelle sur la pierre. Oh, Thyne, tu ne sais pas à qui tu as à faire.
Un autre sifflement fit avancer Corran. Il se déplaça lentement et avec précaution, allant d’un rocher sombre à un autre. Il fit de son mieux pour éviter ceux qui brillaient car il ne voulait pas qu’on repère sa silhouette. Il fit attention à faire le moins de bruit possible, et sourit lorsqu’il se retrouva derrière un gros rocher noir.
Corran se retourna vers son père et se préparait à siffler lorsqu’il entendit un bruit de métal contre la roche. Il observa dans la direction du bruit et tira une fois avec sa carabine blaster. Le rayon azur passa à côté de Thyne lorsque celui-ci descendit en sautant d’un large dolmen. Le talon droit de Thyne cueillit ensuite Corran dans l’épaule et l’envoya tourner au sol. Sa carabine blaster rebondit au loin, tirant au hasard deux rayons. Il sentit le bras gauche de Thyne se serrer autour de son cou, avant d’être remis sur ses pieds lorsque l’alien se releva, se servant de Corran comme bouclier.
Le canon d’un pistolaser se fit sentir sous la mâchoire de Corran. Un bâtonnet lumineux s’alluma, éclairant le côté droit du visage de Corran. Les muscles du bras autour de son cou se bombèrent, ralentissant sa respiration et anéantissant tout espoir de lutter.
Thyne grogna fortement, sa voix faisant écho à travers toute la caverne.
— Votre partenaire est mort si vous ne vous montrez pas dans les cinq secondes.
Ces cinq secondes semblèrent une éternité à Corran, et il les remplit de “si seulement”. Si seulement j’avais mis le pistolaser à ma ceinture lorsque j’ai sorti ma carabine. Si seulement j’avais la lame moléculaire. Si seulement j’avais été plus silencieux… Ces auto-reproches embrumaient son esprit et nourrissait le désespoir qui l’envahissait.
Puis son père se releva et le bâtonnet lumineux sur sa carabine prit vie. Ainsi illuminé, Hal Horn se tenait à une vingtaine de mètres, la carabine prête à faire feu dans sa main droite. Il se montra à Thyne, de sorte qu’il ait quelqu’un d’autre sur qui tirer en plus de Coran. Celui-ci n’avait pas vu une telle gravité sur le visage de son père depuis les funérailles de sa mère. Les yeux d’Hal semblaient vides de colère et de peur, mais pleinement résolus.
— C’est mon devoir de vous informer, Zekka Thyne, que je suis l’Inspecteur Hal Horn des Forces Corelliennes de Sécurité, et que vous êtes en état d’arrestation. Je vous arrête pour violation des lois sur la contrebande. Laissez partir votre otage et cessez de rendre les choses plus difficiles pour vous.
Thyne ricana doucement.
— Non, ce n’est pas la façon dont cela va se passer. Vous allez ôter votre doigt de la détente et abaisser votre blaster.
— Je ne peux pas faire ça.
— Vous allez le faire. (Thyne resserra son emprise sur le cou de Corran.) Ma vue est suffisamment bonne dans cette obscurité pour savoir si votre doigt fait mine de se diriger vers la détente. Et mes réflexes sont assez bons pour pouvoir tirer trois fois dans la tête de votre partenaire avant même que vous ayez fini le mouvement. Vous pourriez m’avoir, mais votre partenaire serait mort. Faites-le, maintenant !
Hal fronça les sourcils.
— D’accord. Ne faites rien d’inconsidéré.
— Non, Hal ! Tire-lui dessus…
Thyne enfonça davantage le canon de l’arme dans la mâchoire de Corran.
— Vous avez été suffisamment stupide pour rejoindre la CorSec. Ne le soyez pas davantage en mourant pour elle.
Hal leva sa main gauche.
— Ok, je fais ce que vous dites. Je retire mon doigt de la détente.
Corran essaya de secouer la tête pour dire à son père de ne pas obéir. Il doit savoir qu’à la seconde où il va poser l’arme, Thyne me tuera et le tuera ensuite. Je vais sûrement mourir, mais il n’y a aucune raison que lui aussi meurt.
L’index droit d’Hal Horn s’ôta lentement de la détente de la carabine blaster. Ce faisant, le rétro éclairage de l’arme s’éteignit. Son doigt se redressa et Corran s’imagina déjà en un tas d’os. C’est terminé. Nous allons rester ici à l’état de squelette, à moisir pour l’éternité.
Puis l’éclair bleu jaillit du canon de la carabine. L’air craqua et les cheveux de Corran se dressèrent sur sa tête alors que le tir le frôlait et heurtait Thyne. Les résidus bleuâtres de tir firent frissonner Corran, suffisamment pour qu’il tombe sur ses mains et ses genoux. Derrière lui, le corps de Thyne s’affala sur le sol dans un bruit sourd, accompagné par le cliquetis du pistolaser qui roula dans les ténèbres.
Hal s’agenouilla près de son fils, puis tira une autre fois dans le corps de Thyne.
— Tu vas bien, mon fils ?
Corran se remit sur ses talons.
— Ça ira. (Il se massa le côté de son cou avec sa main droite.) Il m’a fait un autre bleu, ça équilibre celui que Kast m’a fait. Avoir des bleus sur ma tête et mon cou est une expérience que j’aurais bien voulu éviter.
— Il vaut mieux que les tirs fassent mouche, comme notre ami l’a découvert.
Corran observa Thyne à la lueur de la carabine d’Hal. La zone autour de l’œil droit de Thyne commençait à gonfler, indiquant l’endroit où le tir l’avait touché.
— Comment as-tu ?
Hal sourit.
— Le petit diamant doré dans son œil était une cible parfaite. Je me suis simplement concentré dessus – mis de côté mes inquiétudes te concernant – et j’ai tiré.
Il fronça des sourcils à son père.
— Non, pas ça. Tu avais ton doigt éloigné de la détente et l’arme a quand même fait feu. Comment as-tu fait ça ? Les vapeurs d’épices t’ont donné une sorte de pouvoir télékinésique ?
— Moi, déplacer quelque chose grâce au pouvoir de mon esprit ? (Hal secoua la tête et brandit la carabine.) Ceci est un hotshot. Au moment où j’ai retiré mon index de la détente, j’ai pu relever mon majeur et y appuyer dessus. Rien de spécial ou inhabituel, juste de la ruse.
Malgré le sourire qui peignait le visage de son père, ainsi que la froide logique de sa réponse, Corran ne pouvait pas se débarrasser du sentiment que son père ne lui disait pas l’entière vérité. Il ne veut sûrement pas savoir à quel point son tir était chanceux, mais il a eu au moins l’audace de le faire et je n’aurais pas voulu être à sa place pour toutes les épices de la galaxie.
Hal donna à Corran le pistolaser de Thyne, puis remit le contrebandier sur ses pieds et le passa par-dessus sur son épaule.
— Je sens un courant d’air venant d’au-dessus. Nous y sommes presque.
Corran reprit sa propre carabine blaster et la tint dans sa main gauche tandis qu’il tenait le pistolaser dans la main droite, son bâtonnet lumineux éclairant leur chemin.
— Je vois quelque chose devant. Les étoiles et Selonia sont là.
Les deux agents de la CorSec sortirent de la grotte plutôt facilement. Son entrée avait été bloquée par un ensemble de barreaux en fer et une porte similaires à ce qui se trouvait dans la prison de laquelle ils s’étaient échappés un peu plus tôt. Corran ouvrit la serrure et ouvrit la route vers une petite clairière herbeuse.
Hal étendit Thyne au sol et prit à nouveau sa carabine blaster en main.
— Vérifie s’il a un comlink. Nous pouvons appeler un transporteur pour venir nous chercher.
Corran s’agenouilla au-dessus du corps et commença à fouiller lorsqu’une voix vaguement mécanique cingla un ordre.
— Baissez vos armes, les mains en l’air.
Les huit stormtroopers émergèrent tels des fantômes des arbres qui entouraient la clairière. Leur armure d’un blanc osseux se reflétait dans le clair de lune, faisant d’eux des cibles très faciles. Le fait que chacun d’entre eux brandisse une carabine blaster fit lever rapidement les mains à Corran. Je pense qu’aucun d’entre eux n’a son arme réglée sur paralysie.
Hal abaissa lentement sa carabine au sol.
— Je suis l’Inspecteur Hal Horn et voici mon partenaire, Corran Horn. Nous sommes de la Corsec. Nous venons juste d’appréhender Zekka Thyne.
Le chef des stormtroopers s’approcha d’Hal.
— On dirait que vous êtes en train d’aider Thyne à s’échapper et que vous mentez.
Corran fronça les sourcils.
— Quelle stupide conclusion. Je ne sais pas pourquoi vous portez ce gros casque sur votre tête, parce que ce qu’il y a dessous n’est vraiment pas de grande valeur.
Le stormtrooper balaya son arme sous le nez de Corran.
— Debout, petite racaille.
Corran jeta un coup d’œil à son père.
— Je pense que nous sommes leurs prisonniers.
Le stormtrooper secoua la tête.
— Qui a dit quelque chose concernant des prisonniers.
La voix d’Hal se fit basse et calme, mais pleine d’intensité et de pouvoir.
— Je pense que j’attendrais un ordre spécifique d’un de vos supérieurs avant de nous tirer dessus. Opérer différemment pourrait sérieusement endommager votre carrière, ou même votre vie.
Le stormtrooper se retourna vers Hal, et Corran pensa un instant qu’il aurait à sauter sur l’homme pour l’empêcher de tirer sur Hal. Corran craindrait pour lui, aussi, car il avait vu d’innombrables cadavres morts pour avoir fait des remarques dans le seul but de provoquer. Ce qui le retint en arrière fut la façon dont les mouvements de l’homme se ralentirent lorsqu’il fixa Hal. Le stormtrooper ne réagissait pas au ton ou au défi des mots, mais il réfléchissait vraiment à leur sens.
Les inquiétudes ne cesseront-elles jamais ?
Un comlink cliqua à l’intérieur du casque de l’homme et les murmures d’une conversation emplirent la nuit. Corran sourit et haussa les épaules à son père. Hal s’étira en arrière et s’autorisa un début de sourire.
Le stormtrooper leur adressa à nouveau la parole.
— Cela prendra une minute ou deux, attendez.
Hal acquiesça, puis indiqua l’entrée de la grotte.
— Vous devriez envoyer votre escouade sécuriser cette grotte. Elle mène à l’intérieur du bureau de Thyne. Vos hommes peuvent entrer et détruire les tours par-dessous, car si les combats commencent, vos hommes vont mourir en prenant ce lieu.
Le stormtrooper réfléchit un instant, puis envoya la moitié de son escouade à l’avant. Le trio restant s’organisa pour surveiller le périmètre tandis que leur chef maintenait son blaster pointé sur Hal et Corran. L’air de la nuit s’était considérablement rafraîchi et Corran ressentit pleinement le fait qu’il avait transpiré auparavant.
— Ça vous dérange si je baisse les bras ? J’ai froid.
Le stormtrooper secoua la tête.
— Vous pouvez devenir encore plus froid.
— Belle nuit, n’est-ce pas ?
Corran fit un sourire carnassier à l’homme et leva les bras encore plus haut.
Un soldat vêtu de l’uniforme violacé de l’Armée Impérial émergea des broussailles, flanqué de deux stormtroopers supplémentaires. Les huit petites barres de fer agrafées sur sa poitrine indiquaient qu’il était Colonel. Son regard sombre passa du père au fils, puis s’attarda sur le corps étendu de Thyne.
— Zekka Thyne. Vous pouvez baisser vos mains. Je m’occupe de lui. Vous devez être les agents de la Corsec.
Hal acquiesça.
— Hal Horn. Et voici mon fils, Corran. J’ai une disquette d’indentification dans ma chaussure. Elle contient également le mandat qu’a la CorSec pour fouiller ce lieu et arrêter Thyne. Je peux l’attraper, si vous voulez, pour vérifier que je ne mens pas.
— Je suis le Colonel Veers et je crois que vous êtes bien ce que vous dites. Mes sources indiquaient que vous deviez sortir quelque part par-là, et suggéraient même que vous pourriez être poursuivis. (Il se tourna vers le stormtrooper qui avait menacé de les tuer.) Apparemment, les raisons que j’ai eues d’envoyer cette escouade par ici n’ont pas été totalement comprises.
Hal haussa les épaules.
— Personne n’a été blessé, donc pas de problèmes.
Corran pointa Thyne du doigt.
— Nous avons fait sortir les plus méchants d’entre eux de là-dedans. Il ne doit pas rester grand monde et, à l’heure actuelle, ils devraient tous être des gars de Thyne.
Hal acquiesça.
— Vous pouvez considérer la zone comme libre de faire feu.
— Je m’en rappellerai s’ils nous donnent une raison de rentrer, sourit Veers. Vous n’avez pas remarqué des signes d’agents Rebelles ou de ressources pour la Rébellion à tout hasard ?
— Non, mais en tant qu’Inspecteur de la Corsec, je crois qu’il est dans mon intérêt d’être discret lorsque je suis sur un mandat et que j’appréhende des suspects. (Hal observa les deux collines de part et d’autre de la vallée.) Je pourrais vérifier avec mon officier de liaison, mais appeler Crescent City d’ici est impossible, donc on doit se débrouiller seuls.
Veers secoua la tête.
— Quel dommage.
— En effet. (Han agita une main en direction de la grotte.) Colonel, si vous et votre escouade voulez bien m’accompagner, j’en serais très reconnaissant.
— Nous avons toujours aimé travailler avec les officiers locaux. (Veers fit un signe de tête à Hal et indiqua l’entrée sombre à ses stormtroopers.) Vous l’avez entendu. N’attendez pas qu’ils tirent les premiers, nous pouvons y aller.
Les stormtroopers s’avancèrent dans un concert de cliquetis d’armures. Veers tendit un comlink à Hal.
— Votre code de transit est “cerveau”. À la fin de notre périmètre, dites juste à l’un de nos landspeeders de venir sortir votre prisonnier d’ici.
— Merci. (Se retournant vers la grotte, Hal indiqua une rafale de rayons laser verts en provenance de l’une des tours du manoir.) Il semblerait que votre guerre ait commencée.
— Alors nous allons entrer rapidement et la terminer.
Veers les salua brièvement et courut vers ses hommes. Corran regarda l’officier Impérial.
— Je pensais que les Impériaux aimaient bien commander de l’arrière.
— Pas tous, semble-t-il. (Han attrapa les mains de Thyne et mit l’homme sur le dos.) Tiens-le par les chevilles, tu veux ?
— Bien sûr. (Corran attrapa les chevilles de Thyne et avança derrière son père.) Alors, c’est la fin du Soleil Noir sur Corellia ?
— J’en doute. Deux agents de la CorSec, une poignée de contrebandiers et un chasseur de primes qui n’en est pas un ne suffiront pas à éliminer le Soleil Noir. Même si le Colonel et ses hommes sécurisent ce lieu, le Prince Xizor a encore suffisamment de pouvoir et de ressources pour le restaurer tel qu’il était auparavant, et tu dois savoir qu’il y a de très nombreux individus désireux de prendre la place de Thyne.
Corran trembla.
— Ouais, j’ai bien peur que tu aies raison. C’est déprimant.
— Déprimant ? (Hal se tourna et regarda son fils.) Ce n’est pas déprimant. Tant qu’il y aura des Horn pour attraper des criminels, le Prince Xizor peut envoyer qui il veut dans notre direction.
— Et tu ne trouves pas cette hypothèse déprimante ? (Corran fronça les sourcils.) Si ça ne l’est pas, alors qu’est-ce que c’est ?
— Je pense que c’est évident, mon fils. (Le rire caverneux d’Hal passa par-dessus le bruit des échanges de tirs de blaster.) C’est la sécurité de l’emploi. Ce n’est peut-être pas un travail facile, et c’est un peu dangereux de temps à autres, mais c’est du travail qui maintient le mal éloigné, et il n’y a rien de mieux sur quoi dévouer sa vie.
Corran acquiesça et se rappela la conversation qu’il avait eue avec Riij WinWard.
— Et que ferons-nous lorsque le seul mal qui restera dans la Galaxie sera l’Empire ?
— C’est une bonne question, Corran, une très bonne question. (La fatigue sembla poindre dans la voix de son père.) C’est une question à laquelle chacun doit apporter sa propre réponse. J’espère simplement que, lorsque viendra l’heure pour moi d’y répondre, j’aurai la sagesse de choisir la bonne réponse et aurai la force d’agir en conséquence.
— Moi aussi.
— Ce sera le cas, Corran, cela ne fait aucun doute. (Hal lui fit un signe de tête et un clin d’œil.) Lorsque le temps viendra, tu verras la lumière, et ceux qui naviguent dans les ténèbres et qui s’opposeront à toi regretteront cette décision durant le peu de temps qu’il leur restera à vivre.
Partie 4
Les airspeeders de Zekka Thyne étaient stockés dans la zone inférieure du toit de la forteresse, à l’intérieur d’une structure ressemblant à un bunker, composée d’une seule entrée fortifiée et d’une simple sortie identique à celle des hangars. Deux gardes étaient en faction, mais leur attention était tournée ailleurs, vers les échanges distants de tirs de blaster en provenance des bois qui entouraient la forteresse, et aucun d’eux ne remarqua la masse ombreuse de Rathe Palror se mouvoir silencieusement derrière eux. Un double mouvement trompeusement calme de la part du Tunroth, et les deux gardes perdirent momentanément l’aptitude de remarquer quoi que ce soit.
— Je vais t’obliger à m’apprendre ce truc, commenta Trell en se baissant pour jeter un œil à travers la visière d’un airspeeder convenable.
Le véhicule semblait assez ordinaire, mais dans la faible lueur du hangar, il put voir qu’un panneau de contrôle d’armes additionnelles avait été monté sous le tableau de bord principal du siège passager. Parfait.
— Nous prenons celui-ci. Tu as toujours ce stylet moléculaire ?
— Le voilà, grommela le Tunroth, s’interrompant dans la récupération des armes des gardes pour retirer le petit cylindre de sa ceinture. Ne devrions-nous pas plutôt emprunter l’un des véhicules blindés ? ajouta-t-il en pointant les cornes de son menton vers l’un des trois KAAC-Freerunners garés près de la sortie.
Il lança le stylet à Trell.
— Ils sont un peu trop voyants pour de la conduite en ville, lui fit Trell en l’attrapant. (Il étendit la lame invisible, et se mit à couper avec précaution les alentours de la serrure de l’airspeeder.) Celui-ci dispose d’une puissance de feu cachée – ce qui signifie qu’il doit avoir un blindage caché également.
Le temps que Palror le rejoigne, il avait ouvert la porte et s’était assis dans le siège du pilote.
— Ouais, celui-là fera l’affaire, fit-il en tirant le tableau de contrôle des armes pour le regarder de plus près. Vous les chasseurs, êtes-vous aussi bons avec du matériel moins traditionnel comme des canons laser légers ou des grenades à concussion ?
— Un shturlan peut travailler avec n’importe quelles armes, fit Palror, déposant son propre blaster sur le siège arrière et jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule de Trell.
— Bien – tu es embauché, fit Trell en s’attachant. Je vais conduire.
Trell n’était pas sûr de ce qui se déroulait dans les bois entourant la forteresse de Thyne. Mais quoi que ce soit, cela semblait aller en empirant. La forêt s’animait sous les éclats des tirs de blasters dans la pénombre des sous-bois où la lumière du jour ne pénétrait qu’à grand peine.
— Je suis sûr qu’ils sont beaucoup trop occupés là-bas pour nous prêter une quelconque attention, murmura-t-il en faisant sortir l’airspeeder du bunker. Corran et Hal vont être très occupés pour sortir de là.
— Mais moins de danger qu’il aurait pu y avoir, fit Palror. Tu ne te rappelles pas ? Thyne a dispersé la plupart de ses gens à divers endroits.
— Ouais, je m’en souviens. Un groupe pour récupérer notre cargaison, l’autre pour s’occuper de Maranne et Riij.
— Mais sur les conseils de Jodo Kast, lui rappela Palror. Si Kast est réellement là pour s’opposer à Thyne, alors il ne lui permettra pas d’arriver jusqu’à nos compagnons.
— Je n’y crois pas, grogna Trell. Même si Corran et Hal avaient raison à ce propos, cela ne signifie pas qu’il se soucie de nous. Et nous n’avons aucune preuve qu’ils aient eu raison. Personnellement, je dis qu’il y a une petite chance que Thyne et Kast aient monté toute l’affaire ensemble pour attirer un duo d’agents de la CorSec et les conduire dans un piège. Auquel cas ils sont probablement déjà morts.
— Si c’est le cas, nous n’allons pas tarder à les rejoindre, indiqua Palror. Qui sommes-nous pour que Kast nous laisse nous échapper ?
— Ouais, bon, nous ne nous sommes pas encore échappés, lui rappela amèrement Trell, observant le bord du terrain d’atterrissage avec appréhension.
Mais la procrastination ne leur ferait rien gagner de plus, si ce n’est augmenter les chances que quelqu’un dans la forteresse s’aperçoive de leur absence et sonne l’alarme.
De plus – grâce à Kast – Maranne et Riij se dirigeaient droit dans un piège au Havre du Mynock. Ils étaient d’ailleurs peut-être déjà en plein dedans. Il ne s’inquiétait pas trop à propos de Riij – ce gars était un agent rebelle et n’était pas sous sa responsabilité. Mais Maranne était sa partenaire, et il serait triste de l’abandonner aux voyous de Thyne.
— Nous perdons du temps, grommela Palror à ses côtés. Je ne laisserai pas Riij en danger.
— Moi non plus, fit Trell, verrouillant les répulseurs et augmentant l’alimentation du moteur.
Il n’allait pas laisser Maranne, et Palror n’abandonnerait pas Riij ; et alors que le toit de la forteresse s’éloignait en dessous d’eux, il réalisa que Kast avait fait les groupes en ayant précisément ces loyautés à l’esprit.
Dans quel but, il ne le savait toujours pas. Et n’était pas sûr de vouloir le savoir.
Trente secondes plus tard, il réfléchissait encore à la question lorsque deux bombardiers TIE se mirent en formation derrière lui.
Ils étaient assis au Havre du Mynock depuis près d’une demi-heure ; et d’après Riij Winward, c’était encore un lapin.
— Ils ne viendront pas, fit-il doucement à la femme assise de l’autre côté de la table. Peu importe qui nous étions censés rencontrer ici, ils ne viendront pas.
— Je pense que tu as raison, grogna Maranne Darmic en retour en se grattant vigoureusement la base de son coup. Encore un bon point pour le grand et merveilleux Jodo Kast.
— Le merveilleux incompétent, tu veux dire, fit Riij, observant avec dégoût la fleur jebwa jaune et rouge au centre de leur table.
La datacarte de Kast avait désigné la fleur comme leur marqueur d’identification, mais jusqu’à présent, aucune des personnes présentes dans la cantina ne leur avait adressé un second regard. Et vue la clientèle, la plupart de leurs premiers regards avaient été suffisamment humiliants.
— Ouais, confirma Maranne. Du coup, je m’inquiète de ses chances de faire sortir Trell, Palror et les autres du palais de Zekka Thyne.
— Je me demande même s’il veut réellement les faire sortir, contra sombrement Riij.
Maranne le fixa durement.
— Tu penses que toute cette histoire n’est qu’un coup monté ?
— Ça y ressemble de plus en plus, fit Riij, fronçant les sourcils en observant les alentours. Regarde l’enchaînement des évènements. D’abord, il envoie Trell vers le mauvais entrepôt à la Place du Vaisseau au Trésor, ce qui indique apparemment à Thyne et ses gars que l’on recherche Borbor Crisk. Puis il renvoie Trell, Palror et Hal en arrière et les laisse se faire capturer. Finalement, il s’y rend lui-même avec Corran et nous envoie sur cette fausse piste. Quelqu’un occupant la position de Kast ne peut pas être aussi incompétent et avoir survécu aussi longtemps.
— Tu penses que c’est quelqu’un d’autre qui imite Kast ? suggéra Maranne. Tu sais, nous n’avons jamais vu que son armure.
— C’est possible, fit Riij. Mais rappelle-toi où tout ce bazar a commencé : à bord d’un Destroyer Stellaire Impérial.
— Avec nous dans l’obligation de suivre les caprices d’un capitaine Impérial, jura doucement Maranne. Tu as raison. C’est fou comme un groupe de personnes peut être stupide parfois.
— Nous sommes en course pour quelques récompenses, très bien, fit Riij. La seule question est de savoir à quel jeu les Impériaux sont en train de jouer.
— Je vote pour le fait qu’ils essaient de semer le trouble entre Thyne et Crisk, fit Maranne. Peut-être cherchent-ils une excuse pour frapper durement les deux partis.
— En utilisant l’épice et les gemmes comme appâts, ajouta Riij. Néanmoins, peu importe ce que fait Kast, il y a une chose qu’il ne sait pas.
Maranne sourit fermement.
— Que le chargement ne se trouve plus à bord du Hopskip.
— Tout à fait. (Riij laissa quelques crédits sur la table et se leva.) Viens, sortons d’ici. Les gars de Crisk ne vont pas se montrer.
— Quel est notre prochain mouvement ? demanda Maranne en se levant à son tour et en venant se placer à côté de lui.
— Le plan B de Kast, je suppose, fit Riij en se tournant vers la porte et en commençant à se frayer un chemin à travers les clients. Nous amenons nos échantillons à la forteresse de Thyne et voyons si nous ne pouvons pas négocier la libération de Trell et Palror.
Maranne se rapprocha de lui.
— Tu vas suivre le plan de Kast ? demanda-t-elle sans y croire. Tu deviens fou ?
— Non, simplement désespéré, concéda Riij d’un air triste. Hormis nous deux dévastant les lieux, je ne vois pas d’autre solution.
— Et qu’en est-il de tes… (Maranne jeta un rapide coup d’œil autour d’elle et baissa la voix.) Qu’en est-il de tes amis ?
Riij grimaça. Ses amis : l’Alliance Rebelle. Une requête plutôt raisonnable, supposa-t-il, particulièrement car la seule raison pour laquelle lui et Palror s’étaient retrouvés à bord du Hopskip au début était pour superviser un chargement de blasters que Trell et Maranne avaient accepté de transférer aux Rebelles sur Derra IV.
Malheureusement…
— Ils ne peuvent pas nous aider, lui dit-il à regret. Même si les leaders étaient d’accord, cela prendrait trop longtemps pour rassembler suffisamment de monde pour prendre d’assaut la forteresse de Thyne, la Sécurité Corellienne et la garnison Impériale locale.
— Tu es sûr qu’ils ne veulent tout simplement pas que le Prince Xizor et le Soleil Noir se retrouvent contre eux ? demanda méchamment Maranne.
— Tu dois choisir tes combats avec précaution, Maranne, soupira Riij. Personnellement, je pense que nous avons déjà plus mordu que ce que nous pouvons avaler.
— Je suppose que tu as raison, murmura Maranne. Très bien. Essayons le plan B.
Ils venaient d’atteindre la porte, après s’être frayé un chemin au milieu d’un groupe de Duros, et sortirent dans l’air étouffant de la nuit. Le landspeeder délabré du Hopskip était garé dans un petit enclos sur la gauche.
— Excusez-moi ? appela une voix hésitante.
Riij se retourna, sa main se dirigeant automatiquement vers la crosse de son blaster. Un homme costaud était sorti de la cantina quelques pas derrière eux, leur fleur jebwa dans sa main.
— Oui ?
— Vous avez oublié votre fleur, fit l’homme en la lançant dans les airs devant lui.
Automatiquement, Riij se pencha pour l’attraper.
Et un blaster apparut soudain dans les mains de l’homme.
— Beaucoup trop facile, fit l’homme. Selty ?
— Je suis là, fit une voix provenant de derrière Riij.
Ils entendirent quelques pas approcher, et Riij sentit qu’on retirait son blaster de son holster. Un instant plus tard, Maranne fut à son tour désarmée.
— Je les ai.
— Continuez d’avancer, fit le premier homme en indiquant à Riij et Maranne la direction qu’ils allaient emprunter. Allons jeter un œil à votre landspeeder.
Le parking était sombre et désert. Mais il n’allait pas le rester longtemps. Tandis que Riij indiquait le chemin vers le landspeeder, il pouvait voir des ombres se mouvoir dans toutes les directions. Ceux qui étaient après eux avaient apparemment décidé de mettre toutes les chances de leur côté.
— Dites-nous lequel est le vôtre, fit l’homme costaud.
— Dites-nous de quel côté vous êtes, contra Riij.
Les yeux de l’autre étincelèrent.
— Ne jouez pas à ça, vermine, prévint-il durement. Vous êtes suffisamment dans le pétrin comme ça.
— Sûrement du côté de Zekka Thyne, fit piteusement Maranne.
— Sûrement, acquiesça Riij, son cœur cognant un peu plus fort. (Le plan B était donc officiellement en marche.) C’est le marron, là-bas.
Deux des bandits en approche se dirigèrent vers le landspeeder, le reste formant un cercle autour des prisonniers et de leurs deux escortes.
Un cercle à double sens, remarqua Riij avec intérêt, avec autant de membres regardant vers l’extérieur que vers l’intérieur. Ils attendaient des ennuis, peut-être ?
Les bandits avaient maintenant ouvert le compartiment de stockage et ils sortirent les deux caisses anti-masse avec des grognements de satisfaction.
— Je les ai, Grobber, fit l’un d’eux. Deux caisses anti-masse, exactement comme il l’avait dit.
— Prêtes à être remplies, hein ? fit l’homme costaud en jetant un regard noir à Riij. Je suppose que Kast ne racontait pas d’âneries, après tout.
Riij observa Maranne, qui lui rendit le même regard.
Ils avaient raison ; Kast jouait définitivement un double ou triple jeu totalement fou.
— Kast vous en a informé ? demanda-t-il.
— Bien sûr que oui, répondit Grobber. Donc celles-là sont en guise de premier paiement ?
Riij secoua la tête.
— Désolé, mais je ne peux pas vous dire. Nous avons été engagés pour livrer les caisses, c’est tout.
— Bien sûr, grogna Grobber. Délivrer les caisses, et c’est tout. Et si Crisk s’était amusé à les remplir pendant que vous aviez le dos tourné – eh bien, ça ne vous regarde pas, c’est ça ? Promk, bon sang, qu’est-ce que tu fous ?
— De quoi ça a l’air ? rétorqua l’un des hommes près du landspeeder. (Il avait déplacé l’une des caisses et avait entrepris de détruire le sceau à l’aide d’un couteau.) Deux gars intelligents, deux boîtes vides ; je me suis dit qu’on pourrait les retourner à Crisk avec leurs têtes à l’intérieur.
Riij fut soudain conscient du col de son vêtement qui se resserrait autour de sa gorge.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, fit-il en essayent de garder sa voix la plus neutre possible. Vous ne savez pas où se trouve le reste des caisses.
— Nous ne le savons pas, hein, siffla Grobber. (Il sortit un comlink et l’alluma.) Skinkner ? Hey, Skinkner, réponds.
— Doucement, Grobber, doucement, répondit une voix déformée. Qu’est-ce que tu veux ?
— Tu es bien à l’entrepôt Dewback ?
— Bien sûr qu’on y est. Si tu espérais rapporter à Thyne notre désertion, c’est pas de chance.
— Je n’y aurais même pas pensé, fit Grobber en jetant un regard mauvais à Riij. Alors, vous pensez toujours qu’on ne sait pas où se trouve le reste des caisses ?
Riij sentit son estomac se resserrer. Autant pour le plan B. Autant également pour le moyen de pression qu’ils auraient pu avoir face à Thyne et ses gars. Toutes les chances de secourir Palror et Trell étaient désormais entre ses mains et celles de Maranne.
En supposant qu’ils soient capables de se sortir de leur propre pétrin. Lentement, gardant des mouvements simples, Riij observa le cercle de bandits, essayant de mettre au point un plan raisonnable.
— Par tous les saints !
Riij tourna sa tête. Debout à côté du landspeeder, Promk avait finalement ouvert la caisse anti-masse… et même dans la faible lueur, Riij pouvait distinguer l’air étonné sur son visage.
— Grobber… tu devrais… qu’est-ce que ?
— Tu es devenu maboul ? demanda Grobber en se précipitant vers lui. (Il avança de deux pas, et son visage changea soudain.) Qu’est-ce que… ? haleta-t-il, sautant presque sur le reste de la distance qui le séparait de Promk.
Riij respira doucement l’air de la nuit, et capta une légère odeur d’épice.
— Vous disiez quelque chose à propos de caisses vides ? demanda-t-il.
Grobber l’ignora.
— Ouvre l’autre, ordonna-t-il, retirant un couteau de sa poche et le plongeant délicatement dans l’épice. Selty, viens par là. Les autres, attendez-vous à des ennuis.
Selty rejoignit son patron tandis que Promk apportait l’autre caisse et se mettait au travail. Durant un instant, les deux bandits discutèrent à voix basse au-dessus de la caisse d’épice. Ils furent interrompus par le bruit du duraplastique que l’on détruit, et ils rejoignirent Promk près de la seconde caisse. Quelqu’un siffla d’étonnement.
— Grobber, est-ce que ce sont… ?
— Des gemmes Feu de Durind, fit Grobber en dardant ses yeux sur le visage de Riij. Mettons les choses au clair, mon gars, et faisons-le vite et bien. À quoi est-ce que vous jouez ?
— Je vous l’ai dit tout à l’heure : nous ne jouons pas, lui répondit Riij. Nous avons été engagés pour délivrer la cargaison, et c’est tout. S’il y a un quelconque jeu en marche, c’est un autre qui le dirige.
— Kast, gronda l’un des bandits.
— Soit Kast, soit Crisk, gronda Grobber en retour, avant de ressortir son comlink. Skinkner ? Réveille-toi, Skinkner.
— Qu’est-ce que tu veux ? demanda l’autre voix. Bon sang, Grobber…
— Tais-toi et écoute, s’exclama Grobber. Tu as regardé dans l’une de ces caisses ?
— Bien sûr que non. Thyne nous a juste dit de les surveiller jusqu’à ce que les gars de Crisk viennent les remplir avec…
— Sombre idiot, elles sont déjà pleines, cingla Grobber. Ce qui signifie que le contrat a déjà expiré.
La voix à l’autre bout du comlink jura.
— Kast.
— C’est ce que je pense, fit Grobber. Commence à rassembler tes gars, je vais appeler Contrôle. (Il tourna un bouton du comlink.) Contrôle ? C’est Grobber. Contrôle ?
— Grobber ! aboya une nouvelle voix, haletant à moitié. On essaye de te joindre depuis une demi-heure. Bon sang, où est-ce que t’es ?
— Au Havre du Mynock, fit Grobber. Écoute…
— Non, toi tu écoutes, l’interrompit l’autre. Nous sommes attaqués, ici, la vache – tu dois revenir vite fait.
— Attends, attends, fit Grobber. Quelle attaque ? Qui vous attaque ?
— Qu’est-ce que tu crois ? Ces salauds d’Impériaux, qui d’autre ?
Grobber regarda furtivement Selty.
— Les Impériaux ?
— Ça a démarré comme une quelconque opération anti-Rebelles, fit Contrôle. C’est du moins ce qu’ils nous ont dit. Puis quelqu’un leur a tiré dessus, et puis les voilà, en train de se frayer un chemin à travers le mur est.
— Bon sang ! Où est Thyne ?
— Je ne sais pas, on n’arrive pas à le trouver.
— Il a dû s’enfuir, murmura Selty.
— Ou bien s’enfermer dans un bunker privé, fit Grobber. Très bien, Contrôle, on arrive. Skinkner ?
— On remballe tout également, confirma la voix de Skinkner. Tu veux qu’on fasse quelque chose de ces autres caisses anti-masse ?
— Au diable les caisses, grogna Contrôle. Nous avons besoin de vous ici.
— Non, emballe-les et amène les avec toi, fit Grobber.
— Grobber…
— Elles valent une fortune, grommela Grobber. Thyne aura nos têtes si on les laisse derrière. Allez, que représente une poignée d’Impériaux ?
Le bruit sourd d’une explosion lointaine se fit entendre par le comlink.
— Ceci répond à ta question, fit Contrôle. Ramène-toi là.
Et dans un sifflement sourd, le comlink mourut.
— Ils brouillent les communications ! s’exclama Grobber, raccrochant l’objet à sa ceinture. Selty, tu prends Promk et Bullkey, et tu amènes ces deux et leur landspeeder à la forteresse. Les autres, dans vos airspeeders ? On se dépêche !
Les autres se dispersèrent.
— N’y pensez même pas, prévint doucement Grobber en tournant son regard vers Riij et Maranne. Nous sommes très loin d’en avoir terminé avec vous deux.
Disant cela, il bondit sur son engin et disparut dans les ombres à la suite des autres, de la même façon qu’ils étaient apparus.
— Venez par-là, fit Selty, faisant un geste en direction de Riij et Maranne. (Quelque part au loin, un insecte siffla, un son étrange au milieu de ce paysage urbain.) Bullkey ?
— C’est bon, je les ai, fit une voix profonde derrière Riij, sa confiance accrue grâce au blaster qu’il tenait. Allez, venez.
Riij commença à s’avancer ; ce faisant, Maranne se dirigea silencieusement vers lui et l’effleura avec son coude.
— Tiens-toi prêt, murmura-t-elle, à peine assez fort pour qu’il l’entende.
Près du landspeeder, suivant les ordres de Selty, Promk avait pris la caisse contenant les gemmes Feu de Durind et la ramenait à l’entrepôt. L’étrange insecte siffla à nouveau ; et soudain, inexplicablement, le fond de la boîte s’ouvrit, répandant les gemmes au sol.
— Promk ! glapit Selty, consterné. Sombre idiot !
Il plongea en avant, attrapant la caisse que Promk essayait de renverser. Pendant un moment, ils luttèrent avec celle-ci, les prisonniers temporairement oubliés.
Et de derrière Riij provint un petit gloussement et un bruit assourdi.
À côté de lui, il sentit Maranne se préparer à charger.
— Pas encore, la prévint-il en continuant d’allonger sa foulée.
Préoccupés par les gemmes éparpillées, Selty et Promk n’avaient pas remarqué ce qui se passait. Encore quatre pas… trois… s’ils restaient près de la caisse encore quelques secondes… un…
— Maintenant, murmura-t-il.
Il plongea vers l’avant, posa sa main gauche sur le capot du landspeeder et sauta par-dessus le véhicule pour projeter ses deux pieds dans la poitrine de Promk.